Imágenes de páginas
PDF
EPUB

leur tête pour lui faire compliment; et que, s'étant présenté devant elle avec un air de malpropreté, il lui fit un sermon pathétique sur les jugements de Dieu et sur le mépris du monde. Christine, rentrée depuis peu dans le sein de l'Église, mais toujours femme et princesse, souffrit impatiemment qu'au lieu de lui donner des louanges, l'orateur se jetàt sur une matière si lugubre. Quand il se fut retiré : « Ce n'est point là, ditelle, ce Boissat que je connois; c'est un prêcheur qui emprunte son nom. » Après quoi, de tout le temps qu'elle fut à Vienne, elle ne voulut pas le revoir.

Outre les deux ouvrages françois qu'il a publiés sous son nom, et qui sont des monuments de sa piété, l'auteur de sa Vie nous apprend que deux autres ouvrages, l'Histoire négrépontique et les Fables d'Ésope' avec des notes, imprimés sous le nom de Jean Baudoin, sont certainement de M. de Boissat, qui, ne les trouvant pas assez graves pour lui, les fit adopter par Baudoin, son ami et son compatriote 2.

A l'égard de ses compositions latines, tant prose que

nues de la Reine : « Sacros majorum ritus Christina regina receperat Principis nobilissimæ Boessatius pietatem laudavit, latina gallicaque lingua scriptis poematiis. Post vero abdicatum regnum, quum illa in Belgium venisset, novo poematio ut in Galliam immigraret invitavit lecto carmine, mirifice delectata est. » P. 89-90.

1 << Æsopi fabulas, forte non gravi nec difficili laborans morbo, sed tamen corpore ægro, gallico sermone quindecim intra dies expressit: Quod credibile vix videri queat, luculenta quoque in eas et utilia commentatus.» (Chorier, p. 40.) - Nous admirons beaucoup moins que Chorier ce tour de force, d'ailleurs peu surprenant.

"Si peu flatteur que soit ce récit pour Baudoin, celui de Chorier l'est moins encore; après avoir cité les deux ouvrages de

vers, ne croiroit-on pas, sur la foi de Chorier', qu'elles n'ont pas été imprimées? Et cependant elles l'ont été. J'en ai tenu depuis peu l'exemplaire qui appartenoit à Chorier lui-même, et qui se garde dans la bibliothèque du grand collège de Lyon, d'où l'on m'a fait la grâce de me l'envoyer. C'est un assez gros in-folio, sans frontispice, sans préface, et où il manque par-ci par-là quelques feuillets, à la place desquels on a mis du papier blanc. Je soupçonne que c'étoit originairement le propre exemplaire de l'auteur, et que n'ayant pas voulu s'en priver tout à fait, du moins il prit le parti de le mutiler, afin que ses ouvrages ne lui survécussent pas en leur entier; car on m'a dit que peu de temps avant sa mort, l'édition prête à paroître, il la supprima par délicatesse de conscience, de peur qu'elle ne lui attirât des louanges; puis donc que cet exemplaire pourroit bien être l'unique reste du sacrifice, j'en vais détailler exactement le contenu 2.

Boissat, dont il est ici parlé, il ajoute : « Utrumque Balduinus, suppresso auctoris nomine, suo inscripto, in vulgus opus emisit. Factum quidem nec probavit Boessatius, nec etiam, pro sua in amicos indulgentia, moleste habuit. Lucri illi ingentis instar erat, quod ex ea re Balduinus quæstus faciebat. Commoda amicorum suis ultro rationibus anteponebat. » (Page 41.)

1 Non-seulement Chorier, dans la Vie de Boissat, ne dit nulle part que ces ouvrages soient imprimés, mais il dit formellement le contraire, dans son État politique de la province de Dauphiné, tome 1, page 126. (o.)

2 Nous apprenons, par une communication obligeante de M. Péricaud aîné, de Lyon, que le précieux volume dont parle ici l'abbé d'Olivet, « existe encore; mais il est aujourd'hui dans la bibliothèque de l'Académie, et provient du legs que lui a fait Pierre Adamoli. »>

On y trouve d'abord sept relations en prose, qui sont autant d'ouvrages séparés, et dont voici les titres :

I. Pusinensis obsidio. II. Navigatio Melitensis. III. Ligustica expeditio. IV. Anglorum ad Rheam exscensio, et Rupella obsessa. V. Rupella capta. VI. Silva-Ducensis expugnatio. VII. Lotharingia capta. Ce sont les relations des guerres où M. de Boissat s'étoit trouvé en personne la dernière est divisée en six livres.

Voilà pour la prose. On trouve ensuite ses poésies, qui toutes ensemble montent bien, je crois, à quinze ou seize mille vers.

I. Martellus. Poëme épique sur la défaite des Sarrasins par Charles Martel, en six livres, dont le plan et les arguments se voient dans les poésies latines de N. Chorier1.

II. Hermonomi, sive Institutionum Imperialium libri IV. C'est une paraphrase en vers latins des Institutes de Justinien.

III. Sylvarum liber primus, heroica poëmatia continens: secundus, elogia quibusdam imaginibus ad vivum expressis apponenda.

IV. Elegiarum libri tres : primus sacras continens : secundus, funereas: tertius, communes.

V. Hebræarum Heroïdum Epistolæ.

VI. Sacræ Metamorphoses.

Chorier avait engagé Boissat à entreprendre ce poëme : « Meo vero hortatu heroicum est poema aggressus, quod sex libris feliciter ac mirabiliter absolvit. » (Page 65.)

VII. Nobilium plantarum Metamorphoses.
VIII. Epigrammatum liber singularis.
IX. Tumulorum liber singularis.

X. Sacri argumenti Disticha, quibus veteris Testamenti figuræ ad novi mysteria reducuntur.

Un excellent juge, à qui j'ai montré divers morceaux de ces poésies, y a trouvé plus de facilité que d'élégance, plus de fécondité que de choix.

Au reste, ce fut Gaspar Lascaris, vice-légat d'Avignon, qui fit M. de Boissat comte palatin'. Il descendoit de ces fameux Lascaris qui, dans le quinzième siècle, après la prise de Constantinople, se réfugièrent en Italie, où ils contribuèrent infiniment à la renaissance des lettres. Il avoit hérité de leur inclination pour les savants. Chapelain, sans l'avoir sollicité, reçut pareillement de lui un brevet de comte palatin, mais dont il eut la modestie de ne jamais faire usage 2.

1 Ce fut le pape, par l'intermédiaire de son vice-légat: « Eques et palatinus comes, jubente, de more, Summo Pontifice, à Gaspare Lascari, Avenionensi legato, creatus renunciatusque est : qui honos etiam ad filios pertineret. » — - (Chorier, p. 93.)

2 Boissat, au contraire, se montra très-fier de son titre : « Is doctrinæ studiorumque maximus, ut arbitrabatur, fructus erat et completissima merces... Primum Delphinatus historiæ volumen typis imprimendum dederam...; elegiam latinis conscriptam versibus..., inscripto Equitis et Palatini comitis nomine, ad me misit... Elegiæ igitur suæ primum dari locum vehementer cupiebat, quod scilicet honori, quem recentem adeptus esset, is honor deberetur.» (Chorier, p. 94.)

III

FRANCOIS LE MÉTEL DE BOIS-ROBERT,

Abbé de Châtillon-sur-Seine, Conseiller d'État, l'un des premiers Académiciens,

mort en 1662.

Tout ce qui peut se dire aujourd'hui d'un homme mort depuis plus de soixante ans, jamais ne vaudra le témoignage d'un de ses contemporains. Puis-je donc mieux faire que de transcrire ici ce qui se trouve dans les Origines de Caen, dont l'illustre auteur avoit fort connu l'abbé de Bois-Robert? J'y ajouterai seulement quelques notes à la manière des commentateurs.

<«< François Le Métel de Bois-Robert naquit à Caen, << dans la paroisse de Notre-Dame-de-Froiderue, fils << d'un procureur de la cour des Aides de Rouen'. Il y «<eu à Caen d'anciennes familles de son nom qui pour<< roient faire croire qu'il en étoit sorti. L'agrément 2 de

1 Bois-Robert obtint pour lui des lettres de noblesse; on lit dans un remerciment qu'il adressa au chancelier Seguier :

[ocr errors][merged small][merged small]

2 Il avoit souverainement le don de cette naiserie affectée, qui est familière à Caen, et que Patris se vantoit d'avoir enseignée à

« AnteriorContinuar »