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que Flaccus lui-même fut arrêté par ordre de l'Empereur.

Pendant cette folemnité, il y eut plusieurs autres Juifs qui furent pris, & mis en croix. Le peuple d'Alexandrie s'affembloit tous les matins au théatre; & le premier fpectacle qu'on leur donnoit, étoit des Juifs qu'on déchiroit de coups, qu'on mettoit fur le chevalet, qu'on étendoit avec des poulies, qu'on tourmentoit avec le fer & le feu, & que l'on conduifoit enfin à la croix, en les faifant paffer au travers de la place des jeux, pour les mener au fupplice. Cela duroit jufqu'à neuf à dix heures. Après quoi venoient les danfeurs, les farceurs, & les autres divertiffemens accoûtumez dans ces rencontres. Si l'on rencontroit une femme Juive dans les ruës, ou dans le marché, on l'arrêtoit, & on l'exposoit à la vûë de tout le monde avec une honte infupportable. Souvent le peuple demandoit qu'on apportât de la chair de pourceau, pour leur en faire manger. Celles qui avoient la foibleffe d'en prendre, étoient auffi-tôt relâchées ; & celles qui le refufoient, étoient exposées à toute forte d'indignitez & de tourmens.

Flaccus feignit enfuite d'avoir appris que toutes les maifons des Juifs étoient remplies d'armes. Il y envoya un Capitaine entiérement à lui, nommé Caftus, avec les foldats les plus déterminez: mais ils n'y trouverent rien qui méritât attention. Voilà la peinture que Philon nous fait de la persécution que Flaccus fit fouffrir aux Juifs dans Alexandrie; persécution dont il avoit été témoin, & à laquelle apparemment il avoit eu part. Ces maux durerent

environ deux mois, & ne finirent que vers la Fête des Tabernacles, (a) qui fe célébroit le quinziéme AN DU M. du mois Tizri, qui répond à nos mois de Septem- C. 41. de l'E4041. de J.

bre & d'Octobre.

re vulg. 38.

CHAP. III. Agrippa va pren

dre poffeffion de

Agrippa étant forti d'Alexandrie fort mécontent & du Gouverneur, & des habitans, alla prendre poffeffion de fes Etats, qui étoient la Trachonite & l'Iturée, que Philippe son oncle avoit poffedées fes avec le titre de Tétrarque. Son arrivée furprit tout le monde. On l'avoit vû miserable, accablé de dettes, méprifé, & il revenoit puiffant, avec la qualité de Roi, & fort avant dans la faveur de l'Empereur. Il employa fes premiers foins à procurer aux Juifs d'Egypte le prompt fecours dont ils avoient befoin, contre les vexations de Flaccus, & contre les violences des Alexandrins. Il envoya d'abord à Caïus la copie de l'Acte, que les Juifs avoient mis en main à Flaccus, par lequel ils témoignoient leur parfaite soumiffion à l'Empereur, & que Flaccus n'avoit pas jugé à propos de lui envoyer. Il est à préfumer qu'Agrippa ne manqua pas auffi de l'informer de ce qui s'étoit paffé à Alexandrie à son occasion, & de la maniere dont les Juifs y avoient été traitez.

42.

Etats.

de l'Ere

L'Empereur envoya auffi-tôt un Centenier nom- AN DU M. mé Baffus, avec les foldats qu'il commandoit, pour 4042. de J. C. arrêter Flaccus. Le Centenier arriva en peu de jours vulgaire 39. à Alexandrie: mais il attendit la nuit, pour abor- Flaccus eft arder, & n'entra pas dans la ville, qu'il ne fçût pre- l'Empereur. mierement où étoit le Commandeur des troupes

rêté de la part de

AN DU M. 4042. de J. C.42. de l'E re vulg. 39.

du pays, pour lui communiquer sa commission, & pour lui demander main forte en cas de befoin. Baffus fcut d'un foldat qu'il rencontra, que le Commandant foupoit avec Flaccus chez un nommé Stéphanion. Bassus y envoya un des fiens déguisé en valet, qui lui rapporta que Flaccus y étoit feulement avec douze ou quinze domeftiques, fans faire faire aucune garde. Baffus s'avança avec ses gens, en laiffa une partie pour garder les portes & les avenuës, & lui avec le refte, monta en la fale où étoit Flaccus. Il se défioit fi peu de fon malheur, qu'il portoit alors une fanté. Baffus parut le premier. Flaccus l'ayant apperçû, commença d'abord à se lever mais fe voyant environné de foldats, il comprit que fa résistance seroit inutile. Il fut donc arrêté, & emmené par Bassus, fans que perfonne osât branler.

:

Quand on vint dire aux Juifs que Flaccus étoit arrêté, ils crurent d'abord que c'étoit un piege qu'on vouloit leur tendre, pour en prendre occafion de leur faire de nouveaux maux: mais ils fe raffurerent, lorfqu'ils apprirent certainement que leur ennemi n'étoit plus en état de leur nuire. Ils rendirent graces à Dieu, qui avoit eu pitié de leur malheur; ils pafferent la nuit en prieres & en actions de graces, & le lendemain ils allerent fur le bord de la mer, n'ayant point alors d'Oratoires où ils puffent s'affembler, pour en remercier Dieu.

Flaccus fut embarqué vers le commencement de l'hyver, pour être conduit en Italie. La navigation fut longue & fâcheufe. Enfin étant arrivé à Rome, il fut accufé par Ifidore & Lampon, qui étoient

ceux

AN DU M.

ceux qui lui avoient principalement inspiré la haine des Juifs, & le deffein de les perfécuter. L'Em4042. de J. pereur Caïus informé de fes injustices, & irrité de C.42. de l'Ela mauvaise conduite, étoit fon plus grand adver- re vulg. 39. faire. Il le condamna à perdre tous les biens, & à l'exil. Ses meubles, qui étoient très-précieux & très-magnifiques, furent confifquez au profit de l'Empereur. Le lieu de fon exil avoit d'abord été marqué dans l'Ile de Gyares, la plus déferte de tout l'Archipel : mais il obtint par la faveur de Lépidus, qui avoit alors beaucoup de crédit auprès de Caïus, qu'il feroit envoyé dans l'Ifle d'Andros. Il y fut mené apparemment l'année fuivante, & montré publiquement à tous les habitans, afin qu'ils empêchaffent qu'il ne fortît de l'Ifle. Quelques mois après il y acheta une petite terre, où il demeura feul. Mais il n'y vécut pas long-tems, Caïus l'ayant fait mettre à mort avec tous les autres exilez, l'an de l'Ere vulgaire. Quand on vint pour le tuer, Flaccus voulut fe mettre en défense, & s'enfuir; mais il fut mis en pieces, & fon corps jetté auffi-tôt dans une fofle. Telle fut la fin de Flaccus.

39.

CHAP. IV.
Herode le Té-

me. Caïus le rele
gue
à Lyon.

Hérode Antipas, qui avoit, comme on l'a vû ci-devant, traité avec mépris Agrippa, fon neveu & fon beau-frere, du tems de fa mauvaise fortune, trarque va à Rofut un de ceux à qui fon retour & son élévation cauferent plus de dépit & de douleur. Il n'avoit que le titre de Tétrarque, pendant qu'Agrippa avoit celui de Roi. Hérodiade époufe d'Hérode, & fœur d'Agrippa, ne put voir fans une extrême jaloufie, le bonheur de fon frere, (a) Elle tour(a) Jofeph. Aniq, l. 18. c. 8. 9.

ré vulg. 39.

par

menta tellement Hérode par fes importunitez, & AN DU M. de J. 4042. tous les motifs qui pouvoient réveiller fon amC.42. de l'Ebition, qu'elle le porta enfin comme malgré lui, à aller à Rome, pour tâcher d'obtenir de l'Empereur le titre de Roi. Il fe difpofa à faire ce voyage avec toute la magnificence qu'il put ; & Hérodiade, qui crut que fa préfence pourroit contribuer à lui mériter la confidération de l'Empereur, voulut bien s'expofer aux fatigues & aux périls de la navigation, pour faire ce voyage.

Agrippa ayant aifément deviné le motif du voyage d'Hérode, réfolut de traverfer fes deffeins. Il envoya un de ses affranchis, nommé Fortunat, à Rome, avec de grands prefens pour l'Empereur, & des Lettres, où il accufoit fon oncle d'avoir eu des intelligences avec Séjan contre Tibére, & d'en entretenir encore avec Artabane Roi des Parthes, contre l'Empire. Pour preuve de cela, il afsûroit qu'on trouveroit dans les arcenaux d'Hérode de quoi armer foixante & dix mille hommes.

Hérode étant arrivé à Pouzoles, alla d'abord à Bayes, où étoit Caïus ; & pendant qu'il étoit encore avec l'Empereur, & qu'il le voyoit pour la premiere fois, Fortunat arriva, & préfenta à Caïus des Lettres d'Agrippa. Caïus les ouvrit aufft-tôt ; & les ayant lûës, il demanda à Hérode s'il étoit vrai qu'il eût une fi grande quantité d'armeș. Et Hérode n'ayant pû le nier, Caïus le priva de fa Tétrarchie, & l'envoya en exil pour toute fa vie à Lyon. Et l'Empereur ayant fçû qu'Hérodiade fa femme, étoit fœur d'Agrippa, il voulut lui pardonner, à caufe de fon frere, & lui faire rendre

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