Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Ce malheureux Prince entreprit inutilement de fléchir Tibere; il fut fur le champ chargé de chaînes avec sa robe de pourpre, & mis avec quantité d'autres prifonniers qui étoient là devant le Palais. Accablé de douleur, il fe jetta au pied d'un arbre, sur lequel un hibou vint fe pofer. Un Allemand qui le vit, s'approcha de lui, & lui dit que cet oiseau étoit un préfage d'un changement prochain de fa mauvaise fortune en une meilleure; mais qu'il prît garde, que quand il verroit une autre fois le même oifeau, il n'auroit plus que cinq jours à vivre. Agrippa fe mocqua de cette prédiction mais elle fut pourtant fuivie de l'effet, comme la fuite le fera voir.

:

[blocks in formation]

La chaleur extrême, jointe à l'accablement où fe trouvoit Agrippa, lui caufa une extrême foif. Il demanda à boire à un efclave de Caïus, nommé Thaumafte, qui portoit un vafe plein d'eau. Cet efclave lui en donna avec la même civilité, que s'il eût encore été dans fa premiere fortune. Agrippa sensible à cette honnêteté, lui promit que s'il fe trouvoit jamais en état de lui faire du bien, il fe fouviendroit de ce fervice. Il le fut, & obtint depuis la liberté de Thaumafte, & le fit même fon Intendant, & le laiffa en cette qualité à fes enfans. Antonia touchée du malheur imprévû d'Agrippa obtint de Macron, que le Centenier qui devoit être enchaîné avec lui, pour ne le quitter jamais, comme c'étoit alors la coûtume des Romains, & les foldats qui le devoient garder, le traitaffent avec honnêteté, & lui permiffent de

CHAP XI.

Impofteur qui fé

ins.

pouvoient adoucir la rigueur. Agrippa fut gardé AN DU M. dans le dans le camp des gardes Prétoriennes, auprès de 4040. de J. C.40. de l'E. Rome; & il y demeura pendant fix mois, jusqu'à re vulg. 37: la mort de Tibere, arrivée au mois de Mars de l'année fuivante, trente-feptiéme de l'Ere vulgaire. Vers ce tems-là, un impofteur (a) ayant gaduit les Samari- gné l'estime & la confiance des Samaritains, perfuada au petit peuple de le fuivre fur la monta gue de Garizim, qui paffoit en ce pays-là pour un lieu faint; leur promettant de leur découvrir des vafes facrez & précieux, que Moyfe, difoitil, y avoit cachez. Sur cette créance, ils prirent les armes, & en attendant ceux qui devoient venir de tous côtez, pour monter ensemble fur la montagne, ils fe mirent à affiéger le bourg de Thyrataba. Mais Pilate les prévint. Il s'avança avec de l'infanterie & de la cavalerie, se saisit de la montagne de Garizim, attaqua ceux qui faifoient le fiége de Thyrataba, les mit en fuite, en prit plufieurs, & fit trancher la tête aux principaux,

Pilate eft rengoyé en Italic. Sa mort.

Alors les premiers des Samaritains étant allez trouver Vitellius Gouverneur de Syrie, accuferent Pilate de les avoir attaquez, & mis à mort plufieurs des leurs fans raifon; & lui dirent que ceux qui s'étoient affemblez près de Thyrataba, ne l'avoient fait que pour réfifter à fes violences. Sur ces plaintes Vitellius envoya Marcellus fon ami prendre soin des affaires de la Judée, & manda à Pilate de s'aller juftifier devant l'Empereur.

(a) Jofeph. Antiq. l. 18.6. 5.

Pilate

Pilate n'ofant dé fobeïr à ces ordres, quitta la JuAN DU M. dée, après y avoir demeuré dix ans, & s'en alla 4040. de J. en diligence à Rome, où il n'arriva néanmoins C.40.de l'Equ'après la mort de Tibere. On ne fçait point le re vulg. 37. détail de ce qui y fut dit, & fait contre lui: mais on croit que fous l'empire de Caïus, il fut relegué à Vienne en Dauphiné, (a) pour le restede fes jours; & que transporté de désespoir, il fut lui-même fon bourreau, & s'ôta la vie avec fon épée : (b) Dieu ayant ainsi puni dès ce monde l'injuftice de ce Juge, qui contre fa propre confcience, avoit livré Jefus-Chrift à la volonté de fes ennemis.

Herode Antipas, oncle d'Agrippa, qui avoit, comme on l'a vû, répudié la fille d'Aretas, Roi d'Arabie, pour époufer Hérodias, s'attira de la part de ce Prince une guerre fâcheuse, qui éclata fur la fin du regne de Tibere. (c) Ces deux Princes étant en difpute fur les limites du territoire de Gamala, leurs Generaux donnerent la bataille, & l'armée d'Herode fut entiérement défaite. Plufieurs Juifs attribuerent cette disgrace à la juftice de Dieu, qui vengeoit par-là la mort injufte de faint Jean-Baptifte. Hérode manda à Tibere ce qui lui étoit arrivé; & Tibere prit fes interêts avec tant de chaleur, qu'il commanda à Vitellius Gouverneur de Syrie, de déclarer la guerre à Arétas à Arétas, & de le lui envoyer mort ou vif. Vitellius fe préparoit à executer ces ordres, lorfque l'Empereur mourut. On affûroit

(a) Ado Atat. 6. c. 40. Bibl. 17. Orof. l. 7. c. 5. PP.t. 7. P. 338.

(b) Euseb. hift. Eccl. lib. 2. c.

(c) Jofeph. Antiq. l. 18. 6. 7.

Mort de l'Em pereur Tibere.

AN DU M.

qu'Arétas avoit dit que certainement les Romains ne viendroient point jufqu'à Petra; & que ou 4040. de J. C.40. de l'E lui, ou Tibere, ou Vitellius mourroient aupare vulg. 37. ravant.

La nouvelle de la mort de Tibere étant arrivée à Rome, (a) Marfyas, affranchi d'Agrippa vint le trouver en prifon, pour la lui apprendre. Il le trouva qui alloit au bain, & lui dit en Hebreu: Le lion eft mort. Agrippa l'entendit bien, & ne put diffimuler fa joye. Le Centenier qui le conduifoit, s'en apperçut, & le pria de lui en dire le fujet. Le Prince en fit d'abord difficulté: mais comme ils étoient amis, il le lui déclara bientôt. Cet Officier en fut très-aife; & en même tems il ôta les chaînes à Agrippa, & lui fit prépa rer un festin. Durant qu'ils étoient à table, on vint dire que Tibere n'étoit pas mort, & qu'il feroit à Rome dans peu de jours. Le Centenier en fut étrangement furpris; car il y alloit de sa vie d'avoir mangé avec un prifonnier. Il chasse Agrippa de la table, lui fait remettre ses chaînes, le fait garder plus étroitement que jamais, & le menace de lui faire payer de fa tête, la mauvaise nouvelle qu'il lui avoit dite. La nuit fe paffa dans les allarmes & les inquiétudes que l'on peut s'imaginer. Mais le lendemain on dit tout publiquement, que Tibere étoit mort. On reçut une Lettre de Caïus, par laquelle il en donnoit avis au Senat; & une autre au Préfet de Rome, par laquelle il lui mandoit de transferer Agrippa de

(a) Jofeph. Antiq. l. 18. c. 8.

fa prison, dans la maifon où il demeuroit auparavant. Il y demeura quelque tems avec des gardes, quoiqu'avec une grande liberté ; & bien-tôt il l'eut toute entiere.

Caïus arriva à Rome avec le corps de Tibere; & il auroit le jour même délivré Agrippa, s'il l'eût pû avec bienséance. Mais peu de jours après, Caïus l'ayant fait venir, lui fit changer d'habit, lui mit le diadême fur la tête, & le déclara Roi de la Tetrarchie qu'avoit eue Philippe fon oncle. (a) Il y ajoûta encore la Tetrarchie de Lyfanias; & au lieu de la chaîne de fer qu'il avoit portée, il lui en donna une d'or. Le Senat lui décerna par honneur les ornemens de la Preture. En ce même tems Caïus envoya Marcelle en Judée, pour y gouverner ce qui n'étoit pas compris dans le Royaume d'Agrippa, & dans celui d'Herode Antipas.

Vitellius Gouverneur de Syrie, pour executer l'ordre qu'il avoit reçû de Tibere, de faire la guerre à Aretas Roi d'Arabie, prit deux Legions Romaines, & d'autres troupes qui lui furent envoyées par les Rois alliez & amis du Peuple Romain, & s'avança jusqu'à Ptolemaïde, dans le deffein d'aller attaquer Aretas dans Petra, où il s'étoit retiré. Mais comme il vouloit faire paffer fon armée à travers la Judée, les principaux des Juifs vinrent lui remontrer, que leurs Loix ne permettoient point de porter dans leur pays des images & des idoles, telles que les Romains en

(a) Fofeph. Antiq. l. 18. c. 8. & Dio lib. 59. p. 645.

[blocks in formation]
« AnteriorContinuar »