Imágenes de páginas
PDF
EPUB

§. IX.

Pour connoître ce que Dieu veut en chaque action.

Que les gens du monde faffent tout ce qu'ils voudront, il ne leur fera jamais permis de mener une vie de fantaisie. Tout le monde eft obligé de fe conduire par la raison, & nulle action n'eft exemte de peché quand elle a la concupifcence pour principe, & non l'amour de Dieu & fa Rom. 15. foi. Jefus Chrift n'a point cherché dans le monde à fatisfaire fa volonté. Il ne peut donc être permis à perfonne de faire une action dans le feul motif de fe fatisfaire. Qu'on foit ou dans le monde ou dans un Monaftere, on eft obligé de confulter Dieu feul fur toutes les actions, & de n'avoir en vie que de fuivre les volontés.

3.

La vie chrétienne eft donc aifée ou difficile, à proportion qu'il eft aife ou diffi cile de connoître ce que Dieu demande de nous en chaque rencontre. Ainfi pour connoître l'avantage de la vie des Monafteres fur celle du monde, il fuffit de confiderer que la vie des Monafteres eft une vie où Dieu manifefte fa volonté d'une maniere claire & intelligible qui ne laisse aucune incertitude. Il parle, par exemple, par la cloche qui nous appele à tous les exercices Religieux, & qui doit être regardée comme une voix de Dieu, puifqu'elle nous fait entendre que Dieu nous commande d'aller à l'office, au refectoire, & aux autres obfervances de la vie Reli

gieufe. Il parle par la regle & par les Contitutions; car tout ce qu'elles nous prefcrivent, nous eft une marque de la volonté de Dieu fur nous. Il parle par nos Superieurs dont nous devons refpecter les ordres, comme nous étant donnés de Dieu par leur miniftere.

Mais il s'en faut bien qu'il n'en foit de même des gens du monde. Les fignes qui leur marquent la volonté de Dieu, font obfcurs, incertains, & peu intelligibles. Le bruit des creatures étouffe la voix de Dieu.

On n'entend fouvent que celle des paffions. Et la vie qu'on mene dans le monde, n'eft communément qu'une fuite d'actions faites par paffion & par fantaisie.

S. X.

Pour fe guerir de fes maladies fpirituelles. L'efpace de la vie que Dieu donne à chacun dans le monde, & qui fait le tems de fon pelerinage, & de ces jours de falut qui ne le recouvrent jamais quand on les a laiffé écouler inutilement, doit être em ployé à nous guerir de la maladie de la concupifcence, dont nous fommes tous infetés, c'eft-a-dire, de l'amour des plaifirs fenfuels, de la curiofité, & de l'orgueil, Voilà ce qui doit être l'occupation principale, &, pour le dire ainfi, la vocation de tous les hommes.

Ainfi le monde n'eft qu'un grand hôpital rempli de ces malades, & chacun doit avoir en vûe d'y choisir un lieu, un em

ploi, & une vocation qui foit favorable, pour guerir de cette maladie. C'est ce qui doit regler le choix des vocations; c'eft ce qu'on y doit chercher ; c'est ce qui doit faire préferer les unes aux autres.

Or il y a cette difference remarquable entre la vie du monde & la vie Religieufe e, que dans le monde la concupifcence qui fait notre maladie y eft continuellement excitée, nourrie, irritée, fortifiée par les objets, par les difcours, par les mauvais exemples, par les mauvaises coutumes qui y font établies & qui frappent nos fens; ce qui forme une feconde concupifcence auffi difficile à vaincre que la premiere au lieu que toute la vie Religieufe étant deftinée à affoiblir la concapifcence, à bannir les mauvais difcours & les mauvais exemples, & à fournir des fecours à l'ame dans ce combat, il est beaucoup plus facile de la furmonter. On a deux ennemis à vaincre dans le monde; le dehors & le dedans : on n'en a qu'un dans les Monafteres, qui eft l'ennemi interieur, & l'on eft puiffamment affifté contre cet ennemi par la regle du dehors.

§. XI.

Pour pratiquer la penitence neceffaire pour racheter les pechés.

Il faut deux chofes, felon faint Auguftin, pour vivre d'une maniere chrétienne: éviter abfolument les pechés mortels

Aug. qu'un veritable Chrétien ne commet point, dit un grand Saint : & racheter les pechés

veniels & ordinaires par des bonnes œuvres & par une penitence continuelle.

Or il eft clair qu'il eft infiniment plus difficile d'éviter dans le monde les pechés mortels que dans la Religion, & qu'à l'égard des pechés veniels, il eft beaucoup plus facile dans une Religion d'en empêcher la multiplication, que dans le monde. Car cette penitence continuelle, qui en eft le remede, eft ordonnée dans les Religions on s'en fait une neceffité: on ne s'en peut difpenfer. Il n'y a qu'à confentir de bon cœur à la regle qui nous preferit ce remede : & au-contraire bienfoin qu'on y foit porté dans le monde, on n'y voit rien qui ne nous en éloigne, & qui ne nous en-rende la pratique difficile.

[ocr errors]

6. XII.

Pour la Priere.

On a prouvé ci-deffus, que la priere eft un devoir general & indifpenfable, qui ne regarde pas moins les gens du monde que les perfonnés Religieufes; puifqu'ils n'ont pas moins befoin de la grace pour vaincre les tentations & operer leur falut, & qu'ils ne la peuvent obtenir que par la priere. On doit donc juger de la difficulté de fe fauver dans les divers emplois de la vie, par la difficulté qu'il y a d'y prier, & parfa il eft aife de comprendre combien la vie Religieufe y peut être favorable, puifque tout nous rappele à la priere; que la priere fait la principale partie de l'occupation des perfonnes Religieufes; qu'on

[ocr errors]

tâche d'y éviter tous les empêchemens de la priere, en y vuidant l'efprit des chofes du monde, pour l'y remplir des verités de Dieu. Et l'on peut concevoir au-contraire les difficultés qu'il y a de fe fauver dans le monde, par la violence qu'il s'y faut faire pour y mener une vie recueillie, & pour y conferver l'attention à Dieu parmi le tracas & le tumulte des affaires feculieres qui ne donnent aucun repos à l'ame, & la pouffent continuellement au-dehors.

§. XIII.

Qu'il eft plus facile de fe priver des creatures, que de fe moderes dans leur ufage.

La conclufion qu'on doit tirer de ces verités eft, que ce qu'on appele les vœux de Religion, & tous les autres qu'on peut faire pour s'obliger à renoncer abfolument à la jouiffance de certains plaifirs & à la poffeffion de certaines creatures, ne font que des facilités que le Saint-Elprit a infpirées aux Chrétiens pour observer plus ailement les obligations communes. Ils font obligés à n'aimer aucune creature pour elle-même. Or la voie la plus courte & la plus facile pour ne les pas aimer, eft de s'en priver abfolument, & d'y renoncer pour toujours. Il eft difficile de ne pas aimer un objet dont on jouit avec plaifir, Le plaifir cole, pour ainfi parler, & attache l'ame aux biens fenfibles; & il eft bien difficile qu'on ne paffe de cette attache jufqu'à l'amour. Ainfi la vie des perfonhes qui renoncent abfolument au monde

« AnteriorContinuar »