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S'éleve un vieux palais refpecté par les tems: » La nature en pofa les premiers fondemens; »Et l'art ornant depuis fa fimple architecture,

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» Par fes travaux hardis furpaffa la nature.

» Là, tous les chanips voisins, peuplés de myrthes verts, » N'ont jamais reffenti l'outrage des hivers :

» Par-tout on voit mûrir, par-tout on voit éclore, » Et les fruits de Pomone & les préfens de Flore; » Et la terre n'attend, pour donner les moiffons, >> Ni les vœux des humains, ni l'ordre des faifons. » L'homme y femble goûter dans une paix profonde, >> Tout ce que la nature, aux premiers jours du monde, » De fa main bienfaisante accordoit aux humains; » Un éternel repos, des jours purs & fereins, >> Les douceurs, les plaifirs que promet l'abondance, » Les biens de l'âge d'or, hors la feule innocence. » On entend pour tout bruit des concerts enchanteurs, »Dont la molle harmonie infpire les langueurs;

» Les voix de mille amans, les chants de leurs maîtreffes,

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Qui célebrent leur honte & vantent leurs foibleffes.

>> Chaque jour on les voit, le front paré de fleurs,

» De leur aimable maître implorer les faveurs,
» Et dans l'art dangereux de plaire & de féduire,
» Dans fon temple à l'envi s'empreffer de s'inftruire.
La flatteufe efpérance, au front toujours ferein
» Al'autel de l'amour les conduit par la main :
Près du temple facré, les Graces demi-nues
» Accordent à leurs voix leurs danses ingénues,
» La molle oifiveté, fur un lit de gazons,
Satisfaite & tranquille écoute leurs chansons :
» On voit à ses côtés le myftere en filence,
Le fourire enchanteur, les foins, la complaifance,
» Les plaisirs amoureux & les tendres defirs,
» Plus doux, plus féduifans encor que les plaifirs.

» DE ce temple fameux, telle eft l'aimable entrée i » Mais lorsqu'en s'avançant fous la voûte facrée, » On porte au fanctuaire un pas audacieux,

» Quel fpectacle funefte épouvante les yeux?

» Ce n'eft plus des plaisirs la troupe aimable & tendre § » Leurs concerts amoureux ne s'y font plus entendre. » Les plaintes, les dégoûts, l'imprudence, la peur, » Font de ce beau féjour un féjour plein d'horreur. » La fombre jaloufie, au teint pâle & livide,

Suit d'un pied chancelant le foupçon qui la guide: >> La haine & le courroux, répandant leur venin, "Marchent devant fes pas un poignard à la main ; » La malice les voit; & d'un fouris perfide » Applaudit en paffant à leur troupe homicide. > Le repentir les fuit, déteftant leurs fureurs, » Et baifle en foupirant fes yeux baignés de pleurs. »

Si l'Orateur doit fe fixer à un Genre d'Eloquence.

L'orateur parfait, felon Cicéron, n'est pas celui qui réuffit éminemment dans quelqu'un des trois genres d'éloquence; mais celui qui les embraffe tous trois, & qui fait donner à chaque fujet la nuance & le degré de fimplicité, de force & d'agrément qui lui convient. C'est peut-être manquer tous les genres d'éloquence, que de s'attacher à un feul par prédilection, & de vouloir qu'il regne exclufivement dans tout un difcours Il feroit infenfé, dit Quintilien, de déterminer le genre d'éloquence que l'orateur doit fuivre préférablement. Il n'en eft aucun qui n'ait fon ufage

dans un fujet d'une certaine étendue. L'habileté de l'orateur confifte à les employer à propos, à les varier & à les tempérer l'un par l'autre afin d'éviter, tant dans le ftyle que dans le fond des chofes, cette uniformité qui fatigue l'auditeur, énerve le difcours, & met obftacle à la perfuafion.

Des différentes efpeces d'Eloquence.

La multiplicité des fujets fur lefquels l'orateur peut exercer fes talens, le nombre & la diverfité des circonftances où la perfuafion a lieu, conftituent les différentes efpeces d'éloquence. Les hommes chargés des parties du gouvernement & d'en mouvoir les refforts, dans quelque conftitution d'Etat que ce foit, obligés de délibérer & de parler fur des matieres importantes, ou avec leurs concitoyens, ou avec les étrangers, ont des avis à ouvrir, des fentimens à proposer & à faire prévaloir, des représentations à faire, des dépêches à expédier, des conférences à foutenir, enfin des mémoires, des conventions, des traités à dreffer : l'éloquence qui s'étend à toutes ces parties, s'appelle éloquence politique.

On peut appeler éloquence militaire celle qui eft néceffaire à tout Prince, Chef de guerre, Officier général & particulier, chargé du commandement, par conféquent d'exciter ou de fou

tenir la valeur des troupes, & de rendre compte à fes fupérieurs de fa conduite & de celle des

âlitres.

L'éloquence qui fe borne à la difcuffion des caufes civiles ou criminelles entre les particuliers, pourfuivre le crime, à défendre l'innocence, à démafquer l'injuftice & la mauvaise foi, eft connue fous le titre d'éloquence du Barreau.

La religion a auffi fon éloquence propre, qui confifte à éclairer les hommes, en leur expliquant les dogmes de leur croyance; & à les rendre meilleurs, en les détournant du vice, & en les portant à la vertu. L'eloquence de la chaire eft confacrée à remplir ces deux objets.

Enfin il eft une éloquence d'ufage dans les compagnies favantes, pour les difcours qu'on y prononce, ou les mémoires qu'on y lit fur les matieres qui font l'objet des travaux de ces Corps. célebres, & c'eft l'éloquence académique. Nos réflexions fur chacune de ces efpeces d'éloquence fe borneront à en examiner le caractere & à juftifier par des exemples les principes que nous

avancerons.

De l'Eloquence politique.

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Nous n'examinerons pas quelle part l'éloquence peut avoir dans les Etats defpotiques: on fait que cette forte de gouvernement introduit ou fomente

la barbarie; qu'il étouffe le génie, & que les. talens rifquent trop de s'y produire. Nous nous bornérons à juger quelle forte d'éloquence convient mieux aux républiques & aux monarchies. Dans tout Etat où les affaires fe décident à la pluralité des fuffrages, & dans lequel les réfolutions dépendent de la multitude ou du moins d'un certain nombre de perfonnes qu'on ne peut raifonnablement fuppofer toutes animées d'un même efprit, il n'eft pas probable que la fimple expofition d'un fujet entraîne tous les particuliers dans un même fentiment : ce que vous envisagez comme utile à la patrie, un autre, par prévention, 1, par paffion, par intérêt, le regarde comme dangereux, au moins comme inutile. Quelque force que puiffe avoir la vérité, quand elle eft présentée fans fard, il ne fuffit cependant pas, dans des circonstances auffi inévitables, de l'expofer fimplement pour faire impreffion fur les efprits; il faut encore de la véhémence pour furmonter les obftacles, de la dextérité pour diffi per les préventions, un art d'émouvoir & de gagner la multitude une force de perfuafion pour déterminer les fuffrages des principaux membres de l'Etat, qui donnent, pour ainsi dire, le mouvement à tous les autres. Dans ces occafions, le genre fimple fert à inftruire l'af femblée le genre tempéré peut être d'usage pour

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