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rations de l'art militaire. Il ne s'agit point ici d'une vaine oftentation de paroles, ou d'un ftyle fimplement exact. Un Général n'eft pas toujours borné à rendre compte des événemens au Souverain ou au Miniftre. Il a tous les jours occafion de les inftruire de fes vues, de fes deffeins. Les plans concertés dans le cabinet du Prince, peuvent être à tout moment dérangés par des événemens ou des obftacles imprévus. Il faut alors propofer de nouveaux arrangemens à la Cour, les faire adopter, & par conféquent les appuyer de raifons fortes & perfuafives, fur-tout en cas de partage d'opinions. Tantôt il faut fe concilier avec d'autres Généraux, & être avec eux dans une correfpondance continuelle, ménager des alliés. négocier avec des puiffances neutres, & donner

à

propos & avec le ton convenable des ordres par écrit à des Officiers généraux. Ceux-ci fe trouvent proportionnellement chargés de femblables détails, & ainfi en rétrogradant jufqu'au dernier fubalterne chargé de la défense. d'un pofte, de la conduite d'un détachement, &c. On fent que toutes ces opérations demandent un jugement net, une élocution précise, un tact sûr pour faifir le vrai, mais encore davantage de la perfuafion pour le faire goûter aux autres ou prévaloir en cette matiere, les moindres attentions font effentielles, & les plus légeres négli

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B

gences ou des vues mal propofées, font souvent funeftes à toute une armée & à l'Etat.

De l'Eloquence du Barreau

L'éloquence du barreau embraffe toutes les queftions de droit & de fait qui peuvent être difcutées devant les tribunaux de juftice. Chez les anciens elle étoit cultivée par la jeune.nobleffe, & généralement par tous ceux qui avoient de l'ambition, parce qu'elle conduifoit aux premieres dignités de l'Etat. Parmi nous l'éloquence du barreau n'eft cultivée que par les juges & les avocats, & elle fe réduit aux plaidoyers, aux mémoires imprimés, aux confultations, aux rapports de procès, aux mercuriales & aux requifitoires. Ces trois derniers genres de compofition regardent perfonnellement les magiftrats; les autres font le partage des avocats.

Les plaidoyers font ou en demandant ou en défendant. Dans la demande, après un court exorde, il s'agit d'établir la question de droit, fi l'affaire eft de cette nature; ou de contefter le fait, fi c'eft fur un fait que roule la contestation, ou que la décifion du procès dépende d'un fait. Suit la divifion des moyens, s'il y en a plufieurs, leur expofition, t enfin les conclufions auxquelles s'en tient le demandeur. Dans la défense, même

méthode de procéder, mais dans un fens contraire: on contefte le droit; on nie, ou l'on infirme le fait; on allegue des moyens pour l'avan tage de fa caufe, & l'on conclut contradictoirement aux prétentions de la partie adverse. Il eft inutile d'obferver que dans l'un & l'autre cas il faut tirer fes preuves du fond même du fujet; ne point s'écarter de l'état de la queftion; ne rien dire d'étranger à fa caufe, & ne point fe permettre la plaifanterie & la fatyre. Mais quel genre d'éloquence doit dominer dans les plaidoyers? Celui qu'exigera la bienféance; c'eft-à-dire, qu'il eft des matieres qui par ellesmêmes ne demanderont que de la netteté, de l'ordre & de la fimplicité; d'autres, grandes, intéreffantes, exigeront de la véhémence & des mouvemens, mais pour lors rien d'orné ni de fleuri; d'autres comporteront ces mêmes fleurs & ces graces qui feroient déplacées ailleurs; enfin la même caufe fera quelquefois fufceptible de fimplicité, d'ornemens & de paffions, parce qu'il y faudra inftruire, toucher & plaire.

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La réplique, qui eft comme une fuite de plaidoierie, demande auffi beaucoup de jufteffe dans. les raifonnemens, du feu dans les réponses, & quelquefois de l'élégance & de l'enjouement. On peut donc conclure que le plaidoyer admet tous les genres d'éloquence, mais que l'art confiste. à les placer avec décence: Caput artis decere.

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Quand l'éloquence du barreau a commencé à fe perfectionner parmi nous, on a regardé comme des modeles les plaidoyers de Patru & de le Maître; mais ces ouvrages commencent à vieillir pour l'expreffion, & à plusieurs égards les plaidoyers d'Errard, Gillet, Cochin, Mannori, &c. font préférables.

On doit mettre au rang des plaidoyers les difcours des Avocats généraux ou des Gens du Roi, lorfqu'ils donnent leurs conclufions, leur but étant de recueillir les raifons de l'une & l'autre partie, de les comparer, de les balancer, & de fe déterminer en faveur des plus convaincantes. Dans l'examen & la comparaifon des moyens, ils doivent garder une exacte impartialité ne fe permettre aucune paffion, ne fe propofer d'en exciter aucune, à moins qu'il ne s'agiffe d'une injuftice criante ou d'un crime atroce hors de-là leur miniftere leur interdit l'art d'incliner les juges par des motifs étrangers à la caufe. Une méthode lumineufe, une fimplicité noble font ce qui convient à cette efpece d'éloquence.

Les Confultations manufcrites & les Mémoires imprimés font comme les fondemens des plaidoyers. Les confultations contiennent en raccourci & comme en germe les principaux moyens qui feront développés dans une caufe, & par conféquent elles ne fauroient être rédigées d'une

maniere trop claire, trop précife, trop dégagée de toute équivoque & de toute ambiguité. C'est donc au genre fimple qu'il faut rapporter cette partig de l'éloquence du barreau.

Les Mémoires qu'on a coutume de diftribuer pour inftruire les juges & intéreffer le pupour blic, fur-tout dans les affaires importantes & les causes célebres, tiennent en quelque forte le milieu entre les confultations & les plaidoyers. Les moyens y font propofés avec plus d'étendue que dans une confultation, un peu moins développés que dans un plaidoyer; cependant un mémoire demande peut-être encore plus d'art qu'un plaidoyer, parce que n'étant point foutenu de l'éloquence extérieure de l'Avocat, & deftiné lui-même à foutenir une lecture faite de

fang-froid, il veut être plus limé, plus infinuant qu'un difcours fait pour être prononcé de vive voix. Là, les négligences font tolérées ; on les attribue à la véhémence de l'action : ici, tout doit être exact, mesurẻ, châtié, jufqu'au ftyle dont le mérite a plus d'empire qu'on ne pense fur le commun des lecteurs. Il paroit donc évident qu'un mémoire fur une matiere intéreffante doit réunir les trois genres d'éloquence. Les mémoires de M. Elie de Beaumont, & de M. Loifeau de Mauleon, pour la malheureuse famille des Calas; celui de M. Servan, Avocat général du Parlement de Grenoble, en faveur

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