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damment de la perfonne. Il eft néanmoins utile d'obferver que la vertu folide & réelle fraye merveilleufement le chemin à la perfuafion : trois qualités dans l'orateur produifent fur-tout cet effet; la prudence, la probité, la bienveillance. Les mœurs dans l'orateur confiftent donc à faire paroître des inclinations bonnes & louables qui lui rendent favorables fes auditeurs.

L'art prefcrit à l'orateur de connoître les mœurs de ceux à qui il parle, afin de proportionner fon difcours à leur intelligence, à leurs fentimens, de remuer les paffions qui leur font familieres; car on ne parle point à la Cour comme à la ville, à la ville comme à la campagne, ni à des militaires comme à des magiftrats, à une troupe de jeunes gens comme à une affemblée d'hommes faits. Il est donc néceffaire, pour perfuader, d'approfondir les différens caracteres des auditeurs, qui varient fuivant les paffions, les âges & les conditions.

Il feroit inutile d'entrer dans de plus longst détails fur les mœurs & les paffions: cette ma tiere appartient à la morale.

Des Argumens.

On entend en rhétorique par argumens, les raifons probables contenues dans chaque fujet, pour en montrer la vérité ou la vraifemblance.

Les argumens que la rhétorique emploie le plus communément pour développer les preuves, font de deux efpeces; des enthymemes ou des exem→ ples. L'enthymeme eft plus propre à convaincre, & l'exemple à toucher l'un parle à l'efprit, l'autre femble aller plus directement au cœur. : L'enthyméme est un argument composé de deux propofitions foit fimples, foit complexes, dont l'une eft déduite de l'autre. La propofition déduite fe nomme conféquent, celle d'où l'on déduit, l'autre s'appelle antécédent ; & la connexion ou liaison qui fe trouve entre ces pro. pofitions, fe nomme conféquence. Par exemple, Alexandre étoit homme, donc il étoit mortel. Cet argument n'eft qu'un fyllogifme tronqué, qui deviendroit parfait, en y joignant cette proposition générale : tout homme eft mortel.

L'exemple eft un argument, où d'une chose particuliere on en conclut une autre particuliere, comme lorfqu'on dit : « Marius, après s'être

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emparé de Rome, enveloppa, dans une prof»cription fanglante, les partifans de Sylla. Les » amis de Marius devoient donc appréhender » que Sylla n'usât de repréfailles, fi jamais il » venoit à se rendre maître de Rome. »

Les orateurs emploient indifféremment l'enthymeme ou l'exemple; mais il y a des cas où il faut procéder dans ces fortes d'argumens, connu à l'inconnu, du plus connu au moins

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connu. La méthode la plus ordinaire de conftruire des preuves, c'est de descendre du géneral au particulier, & de remonter à des notions. évidentes qu'on nomme principes. Ces principes pofés, on en fait l'application à la chofe qu'on veut prouver.

Parmi les preuves, il s'en trouve de fortes & de convaincantes; d'autres font foibles & légeres. On doit étendre les premieres, & il faut raffembler les autres : leur nombre tiendra lieu de forces.

Rien n'eft plus dangereux que de finir par des preuves minces & foibles, après avoir commencé par des raifons convaincantes. L'orateur ne doit donc pas prodiguer d'abord fes avantages: il faut qu'il les ménage, qu'il les réferve pour le tems où il s'agit d'entraîner l'auditeur déja ébranlé par les premieres preuves: femblable à un Général qui forme fon corps de réserve de ses meilleures troupes, pour enfoncer & mettre en déroute l'ennemi qu'il a affoibli ou fatigué avec le refte de l'armée.

Il y a encore deux défauts confidérables à éviter en maniant la preuve : le premier eft de prouver les chofes claires, & que perfonne ne contefte. Il fuffit de les énoncer ou de les fuppofer, fans les furcharger de raifons inutiles; le fecond eft de s'arrêter trop long-tems fur une preuve, & d'affecter de l'épuifer. Non-feulement

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on s'cxpose à des redites & on fatigue l'auditeur, mais il semble encore qu'on, se défie de fa cause, par la précaution exceffive qu'on a de prouver.

«Tout ce qu'on dit de trop eft fade & rebutant: L'efprit raffafié le rejette à l'inftant.

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BOILEAU.

Des lieux oratoires.

On entend par lieux oratoires certains chefs généraux auxquels on peut rapporter les preuves que l'on emploie dans diverfes matieres d'éloquence. Ce font comme autant de fources où l'on puife des argumens propres à toutes fortes de fujets. Il en eft des lieux oratoires comme des figures de rhétorique. Il feroit abfurde de penfer que les grands orateurs qui les emploient fréquemment, les aient placés de deffein prémédité dans leurs ouvrages: c'eft le fond même de leur fujet qui les leur a fait naître. Les préceptes de la rhétorique fervent à les faire difcerner, & apprennent à juger de leur mérite.

Les rhéteurs divifent les lieux oratoires en extérieurs & intérieurs. Les premiers ne font autre chofe que les preuves naturelles, telles que les loix, les témoins, &c. dont nous avons parlé. Les feconds répondent aux preuves artificielles, parce qu'il dépend de l'art de l'orateur de les

trouver dans fon fujet, & d'en faire, pour ainfi dire, éclorre des argumens.

Les principaux lieux oratoires (car nous nous garderons bien de les détailler tous), font la définition, l'énumération des parties, la fimilitude, la difference ou la diffimilitude, les circonftances, les caufes, &c.

De la Définition.

La définition, confidérée comme leu oratoire confifte à développer, d'unè maniere étendue & ornée, la nature d'une chofe, foit en apportant fon genre & fa différence, foit en déduifant fa caufe & fes effets. Flechier définit ainfi une armée :

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Qu'est-ce - ce qu'une armée ? C'eft un corps » animé d'une infinité de paffions différentes, qu'un homme habile fait mouvoir pour la dé» fenfe de la patrie: c'eft une troupe d'hommes » armés qui fuivent aveuglément les ordres d'un >> chef dont ils ne favent pas les intentions; c'eft >> une multitude d'ames pour la plupart viles & » mercenaires, qui, fans fonger à leur propre réputation, travaillent à celle des Rois & des conquérans; c'eft un affemblage confus de » libertins qu'il faut affujettir à l'obéiflance, de » lâches qu'il faut mener au combat, de týmés

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