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raires qu'il faut retenir, d'impatiens qu'il faut accoutumer à la conftance. »

Nous rapporterons encore la définition de la Cour par Lafontaine, & celle de l'hiftoire par Rouffeau le Poëte:

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» Triftes, gais, prêts à tout, à tout indifférens,

» Sont ce qu'il plaît au Prince, ou, s'ils ne peuvent l'être,

» Tâchent au moins de le paroître :

» Peuple Caméléop, peuple firge du maître. »

LAFONTAINE,

Définition de l'Hiftoire.

« C'est un théâtre, un spectacle nouveau, » Ou tous les morts, fortant de leur tombeau. >> Viennent encor fur une fcene illuftre

» Se préfenter à nous dans leur vrai luftre,
» Et du Public dépouillé d'intérêt,

» Humbles acteurs, attendre leur arrêt.
» Là, retraçant leurs foibleffes paffées,
>> Leurs actions, leurs difcours, leurs penfces,
» A chaque état ils reviennent dicter

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» Ce qu'il faut fuir, ce qu'il faut imiter
» Ce que chacun, fuivant ce qu'il peut être,
» Doit pratiquer, voir, entendre, connoître;
» Et leur exemple, en diverfes façons,

Donnant à tous les plus nobles leçons,

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»Rois, Magiftrats, Légiflateurs fuprêmes, Princes, guerriers, fimples citoyens mêmes, "Dans ce fincere & fidele miroir

» Peuvent apprendre & lire leur devoir. »

ROUSEE A U le Poëte.

On voit par ces exemples, qu'en général la poéfie & l'éloquence décrivent plus qu'elles ne définiffent.

De l'Enumération des parties.

L'énumération confifteraffembler & à former un tout frappant de plufieurs objets épars, dont l'imagination s'occuperoit à peine, fi elle ne les voyoit réunis dans un feul tableau. Elle confifte auffi à divifer un tout en fes parties, & elle eft d'un grand ufage dans l'expofition du fujet & dans la récapitulation. Fénelon fait une belle énumération des monftres qui environnent le trône du dieu des enfers.

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« Aux pieds de ce trône étoit la mort pâle » & dévorante, avec fa faulx tranchante qu'elle aiguifoit fans ceffe. Autour d'elle voloient les » noirs foucis, les cruelles défiances, les ven"geances toutes dégouttantes de fang & couvertes » de plaies; les haines injuftes, l'avarice qui fe »ronge elle-même, le défefpoir qui fe déchire de fes propres mains, l'ambition forcenée qui

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» renverse tout, la trahison qui veut se repaître » de fang, & qui ne peut jouir des maux qu'elle

fait; l'envie qui verfe fon venin mortel autour » d'elle, & qui fe tourne en rage dans l'impuiffance où elle eft de nuire; l'impiété qui fe » creufe elle-même un abime fans fond, où » elle fe précipite fans efpérance; les spectres hideux, les fantômes qui repréfentent les » morts pour épouvanter les vivans; les fonges affreux, les infomnies auffi cruelles que les » triftes fonges. Toutes ces images funèbres environnoient le fier Pluton, & rempliffoient le palais où il habite. »

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On peut comparer à ce paffage de Fénelon les beaux vers de Voltaire que nous allons rapporter.

« Là gît la fombre envie à l'œil timide & louche,
» Verfant fur des lauriers les poisons de fa bouche :

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Le jour bleffe fes yeux dans l'ombre étincelans;

» Trifte amante des morts, elle hait les vivans.

» Elle apperçoit Henri, fe détourne & foupire.
» Auprès d'elle eft l'orgueil qui fe plaît & s'admire;
» La foiblesse, au teint pâle, aux regards abattus,

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Tyran qui cede au crime & détruit les vertus ;.

» L'ambition fanglante, inquiete, égarée,

»De trônes, de tombeaux, d'efclaves entourée ; » La tendre hypocrifie, aux yeux pleins de douceur, » Le ciel eft dans fes yeux, l'enfer eft dans fon cœur ; » Le faux zele étalant fes barbares maximes,

» Et l'intérêt enfin, pere de tous les crimes. »

De la Similitude & de la Difference.

par

La fimilitude confifte à rendre une chofe fenfible la convenance qu'elle a avec une autre. Les rhéteurs la diftinguent de la comparaison, en lui donnant une fignification plus étendue. Boffuet, dans l'oraifon funebre de la Reine d'Angleterre, fait cette fimilitude admirable.

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« Comme une colonne, dont la maffe folide paroît le plus ferme appui d'un temple ruineux, lorfque ce grand édifice qu'elle foutenoit fond >>fur elle fans l'abattre; ainfi la Reine fe montre » le ferme foutien de l'Etat, lorfqu'après en avoir long tems porté le faix, elle n'eft pas même » courbée fous fa chûte. »

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La difference ou diffimilitude n'eft autre chofe qu'une certaine contrariété qui fe rencontre entre deux objets comparés, foit que l'on compare enfemble deux objets a&tuellement différens, foit que l'on compare l'état préfent d'un feul objet avec fon état paffé.

Satan parle ainfi à Belzebuth dans le Paradis perdu de Milton:

«Es-tu ce Chérubin qui protégeoit les autres à l'ombre de fes ailes? Es tu cet Ange dont » l'éclat éblouiffoit les cieux? Mais, que tu lui »ressembles peu ! N'agueres une ligue mutuelle, » une union de penfées & de deffeins, la même

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efpérance & les mêmes périls, t'ont joint avec » moi dans une entreprife glorieufe. Hélas! le » malheur nous unit aujourd'hui ! Tu vois dans quel abîme & de quelle hauteur nous fommes » tombés. La foudre a rompu nos légions: cruelles armes, dont la force nous étoit in» connue!

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Dans la tragédie de la mort de Céfar, Brutus déplore ainfi la décadence de la liberté Romaine:

» Quelle baffeffe, ô Ciel! & quelle ignominie! » Voilà donc les foutiens de ma triste parrie! » Voilà vos fucceffeurs, Horace, Decius,

» Et toi, vengeur des loix, toi, mon fang, toi, Brutus : Quels reftes, juftes dieux, de la grandeur Romaine! » Chacun baise en tremblant la main qui nous enchaîne : » Céfar nous a ravi jufques à nos vertus

» Et je cherche ici Rome & ne la trouve plus ! »

Des Circonftances.

Les circonftances font d'un grand usage dans l'art oratoire; elles expofent le véritable état des chofes : ce font-elles qui diftinguent, qui caractérifent, qui rendent méprifables ou héroïques, vertueuses ou criminelles les actions des hommes,

Dans la premiere tragédie de Crebillon, Idoménée, pour excufer l'indifcrétion de fon vœu, fait une vive peinture des dangers qui le lui avoient

arraché:

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