Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Période à trois membres.

[ocr errors]

<< S'il y a une occafion au monde où l'ame » pleine d'elle-même foit en danger d'oublier » fon Dieu, c'eft dans les poftes éclatans où un homme, par la fageffe de fa conduite » la grandeur de fon courage, par la force de » fon bras, & par le nombre de fes foldats » devient comme le Dieu des autres hommes; » & rempli de gloire en lui-même, remplit le > reste du monde d'amour, d'admiration ou de frayeur.

MASCARON.

[blocks in formation]

«Si le héros dont je fais l'éloge n'avoit fu » que combattre & que vaincre, fans que fa » valeur & que fa prudence fuffent animées d'un » efprit de foi & de charité, contant de le, » mettre au rang des Scipions & des Fabius, je laifferois à la vanité le foin de louer la vanité, » & je ne parlerois de fa gloire que pour déplorer » fon malheur, »

[ocr errors]

??

«

FLECHIE R.

Période à cinq membres,

1

<< Avoir parcouru, l'un & l'autre hémisphere, » traverfé les continens & les mers, furmonté

[ocr errors]

» les fommets fourcilleux de ces montagnes »embrasées, où des glaces éternelles bravent » également & les feux fouterrains, & les ardeurs du midi; s'être livré à la pente précipitée de fes cataractes écumantes, dont les eaux fufpendues femblent moins rouler fur la » terre que defcendre des nues; avoir pénétré » dans ces vaftes déferts, dans ces folitudes » immenfes, où l'on trouve à peine quelque veflige de l'homme, où la nature, accoutu»mée au plus profond filence, dut être évonnée de s'entendre interroger pour la premjere » fois; avoir plus fait en un mot, par le feul motif de la gloire des lettres, que l'on ne » fit jamais par la foif de l'or: voilà ce que » connoît de vous l'Europe, & ce que dira la » poltérité (1). »

32.

De l'enfemble du Style..

L'ensemble du ftyle confifte dans un enchaîne ment naturel des idées de maniere qu'elles femblent naître les unes des autres, & que les mots conftruits & raffémblés fans effort, marquent fenfiblement la gradation des penfées.

(1) Réponse de M. de Buffon au Difcours de M. de ta Candamine, le jour de fa reception à l'Académie Fran çaise.

[ocr errors]
[ocr errors]

Avant de chercher. l'ordre dans lequel on présentera ses penfées, il faut, fuivant le con-. feil de M, de Buffon, fe faire un autre plan plus général où ne doivent entrer que les premieres vues & les principales idées, pour l'avoir devant les yeux dans la chaleur de la compofition, C'est en fe rappelant fans ceffe ce plan, que l'on parvient à déterminer les juftes intervalles qui féparent les idées principales, & que l'on trouve fans peine les idées acceffoires & moyennes qui fervent à remplir ces vides.

On a beau employer les plus brillantes couleurs & mettre des traits de génie dans le détail, fi l'ensemble choque ou ne fe fait pas fentir, l'ouvrage ne peut être conftruit. C'eft par cette raison, dit M. de Buffon, que ceux qui écrivent comme ils parlent, quoiqu'ils parlent très-bien, écrivent mal; que ceux qui s'abandonnent au premier feu de leur imagi nation, prennent un ton qu'ils ne peuvent foutenir; que ceux qui craignent de perdre des pensées ifolées, & qui écrivent en differens temps des morceaux détachés, ne les réunient jamais fans des transitions farcées ; qu'en un mot, il y a tant d'ouvrages fais de pieces de rapport, & fi peu qui foient fondus d'un feul jer.

Qu'on ne s'y trompe pas : il y a plus d'efprit favoir bien lier & bien rapprocher les idées,

A

qu'à fous-entendre les propofitions intermédiaires. L'un marque un efprit jufte & net, l'autre n'eft rien, ou peu de chofe ; & s'il y a du mérite dans ces fuppreffions, il est moins du côté de l'écrivain que de celui du lecteur, qui fait comprendre ce qu'on ne lui dit pas.

Loin de confeiller ce ton énigmatique fi recherché des Auteurs médiocres qui veulent pa roitre profonds, l'Abbé de Cordillac rapporte tout l'art d'écrire à la plus grande liaison des idées; principe fécond dont on ne peut nier l'utilité. C'est le rapport mutuel des penfées qui fait leur grandeur; & il ne peut y avoir de flyle fublime fans méthode.

De la clarté du Style.

La clarté eft la qualité dn ftyle, par laquelle un difcours donne, à ceux qui le lifent ou l'entendent, la vraie connoiffance de ce que l'Auteur. vouloit leur faire penfer.

Le défaut de méthode, l'envie de mettre par→ tout des traits faillans, fouvent même la crainte d'être prolixe, nuifent à la clarté, & empêchent de faifir la pensée précife d'un Auteur. Pour s'affurer donc que l'on s'eft exprimé fans obfcurité, on doit fe mettre en quelque forte. à la place de fes lecteurs.

Les termes techniques, femés avec trop de

profufion dans un ouvrage,

font une faute contre la grande regle de la clarté du ftyle. Quand on compofe pour le Public, n'importe fur quelle matiere, on doit, autant qu'il eft poffible, adopter un langage familier au commun des lecteurs. Voyez comme M. de Buffon a écrit l'hiftoire de la Nature. En fait de fciences, il n'y a gueres que les Mathématiques qui foient autorifées à prendre une forme inintelligible, pour tous ceux qui ne font pas initiés dans leurs myfteres; mais la profufion des termes techniques eft fur-tout un défaut inexcufable lorfqu'on affecte de les employer fans néceffité, & dans les écrits étrangers aux arts.

Il y a des cas où trop de clarté nuiroit au mérite d'une pensée. Il est un agrément attaché à ce qui exerce l'efprit fans le fatiguer; & la fineffe d'une penfée confifte principalement à ne pas l'exprimer entiérement, mais à la laiffer aifément appercevoir. Dans l'éloge du Cardinal Dubois, Fontenelle dit, en parlant de l'éducation du Régent, que le Prélat avoit tous les jours travaillé à fe rendre inutile: c'eft à l'obfcurité de l'expreffion que cette idée doit prefque toute fa fineffe. Cette efpece d'obfcurité, qui enveloppe les penfées fines, a l'avantage de diminuer la fadeur de la louange, & d'ôter au blâme ce qu'il auroit de trop dur; mais c'eft fur-tout dans la plaifanterie, & dans ce qui touche aux

« AnteriorContinuar »