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rurs & à l'honnêteté , que l'expreffion ne doit dire que ce qu'il faut pour donner le plaifir de deviner.

Hors les cas où la clarté peut être quelquefois facrifiée à la fineffe, il eft auffi effentiel à un Ecrivain d'être clair que d'être vrai, fur tout dans les defcriptions, & lorfque l'on rend compte dans un mémoire du dérail épineux de quelque affaire. C'eft alors qu'il faut tâcher d'atteindre le point de perfection que propofe Quintilien, nonfeulement de fe faire entendre, mais de faire en forte qu'on ne puiffe pas n'être point entendu.

La multitude des expreffions abftraites, défaut affez commun aujourd'hui, même parmi des Ecrivains de mérite, offufque le fens d'un difcours, autant qu'elle en deflèche la diction.

On doit bannir avec foin les parentheses trop longues & trop fréquentes, ou même fupprimer tout à-fait, s'il eft poffible, ces phrases intermédiaires. Si la pensée que l'on veut mettre en parenthefe eft inutile, il faut n'en point faire ufage. Eft-elle néceffaire, on peut la joindre à la fuite de la période, ou en faire une nouvelle phrafe, fans qu'on foit obligé d'interrompre la chaîne des pensées, au préjudice de la clarté, & contre le gré des lecteurs qu'on écarte par-là du fujet principal. Malgré ces inconvéniens des longues parentheses, elles font très-fréquentes dans les Auteurs latins, & Cicéron femble même

les affecter quelquefois. Notre langue, dont le génie eft la clarté, eft beaucoup plus difficile fur ce point que la langue latine; & rien ne prouve mieux que la lecture de quelques-uns de nos anciens Auteurs qui n'étoient pas, fur cet article, auffi fcrupuleux que nous.

le

Quand on dit que la clarté eft le caractere de notre langue, il faut ajouter avec d'Alembert, qu'il n'y a point de langue qui demande, de la part de ceux qui en font ufage, plus de précautions minutieufes pour être entendus. Rien de plus commun en françois que les fens louches & ies conftructions ambiguës; mais il eft fouvent facile de les éviter. Claudius, accufé d'adultere, trouva moyen d'en convaincre ses juges, pour fe faire abfoudre le premier. Dites : trouva moyen convaincre fes juges du méme crime, & la phrafe n'aura plus d'ambiguité.

Ce que l'on conçoit bien, s'énonce clairement.

BOILE A U.

de

Voilà la grande regle qu'il ne faut jamais perdre

de vue..

De la pureté du Style.

Deux chofes contribuent à la pureté du fyle, la correction grammaticale, & la propriété des trmes, qui eft une autre effece de correction, mais d'un ordre fupérieur.

en vers

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1o. La correction confifte à éviter les barbarifmes & les folécifmies. Il n'eft permis, même de manquer aux regles de la grammaire , que lorsqu'il y a plus à gagner qu'à perdre; ce qui eft extrêmement rare. Diftinguons avec Voltaire un barbarifme de mots & un barbarifme de phrafes. Egalifer pour égaler, au parfait pour parfaitement, malgré que pour quoique, mal fatisfait pour mécontent, voilà des barbarifmes de mots. Je crois de bien faire, je vous aime tout ce qu'on peut aimer, faire un ami, faire une maladie, voilà des barbarifmes de phrases. Les langues, dit M. de Buffon, font affez

riches pour qui fait écrire ; cependant elles peuvent s'enrichir tous les jours fous la plume d'un homme de génie. Les citations fouvent exceflives de nos orateurs facrés, n'ont pas été pour nous fans quelqu'avantage. C'est par-là que certains tours orientaux, qui vous viennent des livres faints, ont acquis peu à peu de l'empire fur notre langue timide. C'eft donc l'abus des mots nouveaux qu'il faut profcrire, & non généralement toutes les expreffions nouvelles. L'abus confifte à fubftituer à un mot d'ufage un autre terme qui n'a que le mérite de la nouveauté; ce n'eft pas enrichir la langue, c'eft la gâter.

2o. La propriété des termes confifte à rendre une pensée par l'expreffion qui lui eft propre; c'eft le caractere diftin&tif des grands Ecrivains. Un

terme peu propre ne le rend qu'à demi; un terme impropre le défigure.

La propriété des termes dépend fur-tout de la connoiffance exacte de toutes les idées qui peu vent entrer dans la fignification de chaque mot. Tous ceux que l'on prend pour fynonymes, & qui le font en effet à certains égards, ont une idée principale qui leur eft cominune avec d'au tres mots, & des idées acceffoires qui les diftinguent. Pour connoître les différentes fignifications des mots, on doit lire les Synonymes François de l'Abbé Girard & de M. l'Abbé Roubaud

Il ne faut pas confondre la pureté du ftyle avec le purifme. Leibnitz obferve qu'il y a une pureté apparente qui tend à énerver le difcours, & illa compare à un ouvrage de fculpture que l'artifle affoiblit en voulant toujours le corriger. Timide & fuperftitieux, le purifme ne connoît point ces conftructions hardies, ces expreffions de feu qui, fans être nouvelles, doivent leur force à la maniere dont l'Auteur les applique. Jamais un purifte n'eût ofé dire: Verfez des pleurs & des prieres fur ce tombeau. Me me, adfum qui feci, in me convertite ferrum. Quoique les conf tructions foient réglées par le génie des langues, elles fe prêtent non-feulement au génie, mais au befoin des Auteurs. Quiconque fent ou penfe fortement, faura maîtriser fa langue, la fléchir,'

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la foumettre à fon caractere & lui donner en quelque forte, le ton & la maniere de fon efprit. La langue de Lafontaine n'est point celle de Lamoche. Un Ecrivain médiocre ne faura parler que françois. Les puriftes, dit un Auteur célebre, écrivent & parlent proprement & ennuyeusement; mais quoique le génie ait une grammaire inconnue à la foule des Ecrivains, il ne doit pas méprifer les regles générales; il ne faut les plier que pour les étendre ou pour leur donner plus de force.

Sur-tout qu'en vos écri:s la langue révérée

Dans vos plus grands excès vous foit toujours facrée,

De la propriété du Style.

La propriété du ftyle n'eft pas moins néceffaire pour bien écrire, que la propriété des termes. Elle confifte à être précisément au niveau du fujet; c'eft-à-dire, ni au-dessus ni audeffous, foit par les idées, foit par les expreffions.

Dans une langue morte, dit M. Ceruti, les expreffions font à peu près égales; aucune du moins n'a une prééminence fenfible pour nous. Les termes nobles, les termes roturiers font confondus en partie fous le voile de l'antiquité. Il n'en eft pas de même d'une langue vivante; une fubor

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