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Inferiptions & Belles-Lettres. J'ai lû avec foin la Préface, dont j'ai déja eu l'honneur de vous entretenir dans la cinquiéme Lettre, fur la fimple Lecture que l'Auteur en avoit faite dans une affemblée Académique. Depuis l'impreffion j'ai reconnu que ma mémoire m'a affez bien fervi alors pour n'être pas obligé de m'étendre aujourd'hui fur cette même Préface. Je perfifte toûjours à foûtenir que cette belle gloire, dont la Grece fut redevable à des ftatuës ou à des couronnes de laurier, ne fleurira jamais en France par ce moyen. Si vous me demandez fur quoi j'appuie cette prédiction, je vous répondrai que la différence des mœurs & des tems eft mon garant. D'ailleurs fi cet ufage devoit avoir lieu, ce feroit pour les beaux efprits & les Sçavans; cependant ceux qui fe font propofé d'encourager les talens, n'ont jamais employé cette noble œconomie; on a fondé des prix d'or ou d'argent à Toulouse, à Caen, à Paris, à Marseille & à Pau, & on n'a pas cru qu'une couronne de laurier fût capable d'exciter l'émulation de nos Poëtes & de nos Orateurs. Tant de Sçavans pâliroient-ils fur les Livres Latins, Grecs, Hébreux & Arabes, fi pour récompen

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fe de leurs veilles laborieufes, ils ne pouvoient efperer qu'un fi fterile honneur? Mais voici un exemple décifif contre l'idée du renouvellement de l'aconomie politique de la Gréce: Quand M. Colbert, qui avoit des vûës fi juftes fur toutes chofes, voulut reveiller le zele un peu affoupi de Meffieurs de l'Académie Françoife, ne regla-t'il pas qu'il y auroit pour chaque féance quarante jettons à partager entre les Acadé miciens préfens? Je fçai que M. l'Abbé d'Olivet dit à ce fujet, pag. 20. de fon Hiftoire de l'Académie, in-12. que l'affiduité purement gratuite jufqu'alors, ne s'étoit jamais ralentie. Mais je croi devoir plûtôt m'en rapporter à l'Abbé Tallemant l'aîné, qui avoit vû naîtreles jettons & qui s'explique ainfi dans une Lettre fur les démêlés de l'Académie avec Furetiére, imprimée dans le Mercure de May 1688 J'avouerai ici que depuis que M. Colbert a fait donner des jettons, on a été un peu plus exact à venir à l'heure qu'on n'étoit, pag. 217. Je ne fçai en vérité pourquoi M. l'Abbé d'Olivet, qui a copié fidelement ce qui eft dit dans cette Lettre contre Furetiere, voir pallier un fait fi fimple & fi naturel. Il me femble qu'il pouvoit être auffi

cru

de

ingenu & auffi vrai que fon Confrere, fans rien diminuer de la gloire de fon Académie.

Quoi qu'il en foit, ces établiffemens anciens & modernes font voir, que les couronnes de laurier ou de lierre ne font plus de faifon, & qu'il eft impoffible de faire revivre ce généreux défintereffement, dont il eft pourtant toujours féant à un Ecrivain de faire l'éloge: mais venons à Paufanias.

Cet ancien Auteur n'avoit pas encore été traduit en François : les infatigables érudits en faifoient feuls leurs délices. Ainfi ceux qui veulent étudier à peu de frais la docte Antiquité, ou plûtôt ceux qui veulent paroître fçavans, fans fçavoir ni le Grec, ni le Latin, doivent mil. le remercimens à l'Académicien, pour avoir traduit en notre Langue un Livre plein de faits historiques, de Mythologie, de science Geographique & Chronologique, & où il eft parlé de tant de Héros & de tant de Statues. M. l'Abbé Gedoyn a connu fans doute tout le mérite de l'Auteur Grec : cependant à l'exception de ce qui regarde la guerre Meffeniaque, & celle des Gaulois, on eft affez médiocrement intereffe au refte; & il faut avouer qu'il n'y a guéres que

des Sçavans de profeffion, pour qui c'est d'ailleurs un jeu de lire Paufanias en Grec, à qui cette Traduction pourroit faire un certain plaifir: en quoi je ne prétens nullement rabaiffer le travail du laborieux Traducteur. Ce que je puis même vous affûrer, c'eft qu'on peut toujours le confulter utilement. Il falloit autant de capacité qu'en a M. l'Abbé Gedoyn, pour traduire fi clairement un Auteur dont le ftyle eft ferré & obfcur. En lifant la Traduction, vous reconnoîtrez cette correction, cette pureté & cette netteté de yle,qui plaifent dans fon Quintilien:& fi vous vous piquiez de fçavoir le Grec, vous remarqueriez peutêtre qu'il poffede parfaitement cette Langue.

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Rien ne prouve mieux fon bon goût, que les remarques qu'il a faites fur fon original. L'érudition y eft ménagée; rien de fuperflu & d'ennuyeux. Au lieu de s'approprier les découvertes d'autrui comme ont fait certains petitsCommentateurs modernes, il cite honorablement ceux qui les ont faites. Si par hazard Paufanias fût tombé entre les mains de quelque Scoliafte, dont le talent eft de compiler fans goût tout ce qu'il lit, au lieu de deux volumes in-4°. nous

aurions eu fans doute cinq ou fix volumes remplis de toutes les variantes & de tous les lieux communs de Mythologie, d'Hiftoire, de Geographie, de Chronologie, des longues citations Gréques & Latines, des Médailles, &c. Enfin Paufanias auroit nagé dans un fatras énorme d'Antiquités. Graces au bon goût du Traducteur, on ne trouve que Paufanias dans fa Traduction.

Si l'on ne connoiffoit la politeffe ingenieufe de M. l'Abbé Gedoyn, on jugeroit par quelques traits de fonEpître dédicatoire, à fes dignes Confreres de l'Académie des Infcriptions & Belles - Lettres, qu'il a eu quelque regret d'avoir fi judicieusement & fi fobrement employé l'érudition : car voici comme il leur parle » L'un, fçavant Antiquaire, » qui n'ignore rien de ce qui regarde les » monumens publics, les Infcriptions & les Médailles, trouvera que j'ai traité fuperficiellement cette partie; l'autre, profond dans la Chronologie, dans I'Hiftoire, dans la Géographie, tant ancienne que moderne, ne verra dans ces Remarques rien qui foit digne de » lui; un autre qui a fait une étude particuliere de la Mythologie,m'accufera » de beaucoup d'omiffions; un autre, qui poffede à fond les Langues Orien

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