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puifqu'il a mis en ladite Société auffi bien que Paul, la fomme de 15000 livres pour fon fond capital, & par conféquent il doit profiter auffi-bien que lui des profits de la Société.

Déliberé à Paris le 10 Janvier 1681.

Obfervations fur l'Acte de Société, où l'on voit que cette forte de ftipulation a été inventée par des ufuriers, pour colorer les gros interêts qu'ils tirent de leur argent, & le cas auquel des affociés peuvent justement ftipuler des interêts par l'Acte de Société.

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Il faut remarquer que ces fortes d'Actes de Société, où l'un des affociés fe charfeul de toutes les pertes qui arriveront pendant le cours d'icelle, & qui doit payer à l'autre une certaine fomme par chacun an, encore qu'il y eût de la perte & point de profit, ont été inventés par des ufuriers, pour colorer les gros interêts qu'ils tirent des fommes de deniers qu'ils mettent entre les mains des Marchands & Négocians, penfant par ce pernicieux moyen être exempts des Loix civiles, qui défendent l'ufure. Car à l'égard des Loix divines, ils s'en foucient fort peu. L'on peut bien ftipuler des interêts dans les fociétés, mais non pas de la maniere que l'entendent ces fortes d'ufuriers. C'eft pourquoi il eft néceffaire l'instruction des jeunes gens qui ne fçavent pas ces fortes d'affaires, de leur faire. voir quel eft le cas où les affociés peuvent justement ftipuler des interêts dans un Acte de Société, fans commettre aucune ufure; comme auffi que les Sociétés Léonines, de même que celle de laquelle il a été parlé ci-deffus, font ufuraires & par conféquent contraires aux bonnes mœurs & au bien public; auffi font-elles défendues par les Loix Civiles & par le Droit Canon.

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Le cas auquel des affociés peuvent juftement ftipuler des interêts par l'Acte de Société, eft par exemple : deux Négocians contractent ensemble une fociété collective fous les noms de Pierre & de Paul, pour faire un commerce de marchandises fabriquées en France, ou dans les Pays étrangers pendant le tems de fix années, dont le fond capital eft de 30000 livres. Les affociés en doivent fournir chacun 15000 livres, pour participer aux profits & pertes qui arriveront à leur Société, chacun par moitié; mais parce que ce fond capital de 30000 livres n'eft pas fuffifant pour faire ledit commerce, & qu'il fera néceffaire à la Société d'emprunter de l'argent pour la manutention & augmentation d'icelui, Paul eft un homme riche & accommodé, qui peut fournir à la Société ce qu'elle aura befoin d'argent, fans qu'il foit befoin d'en emprunter fur la Place; on met une claufe dans l'Acte de Société, par laquelle il eft ftipulé que Paul fera tenu outre fon fond capital de fournir à la Société jufqu'à la fomme de 40000 livres, en cas qu'elle ait befoin d'argent, dont lui en fera dreffé compte courant fur les livres de la Société, avec l'intereft à cinq pour cent par chacun an, qui eft fur le pied du denier vingt fuivant l'Ordonnance. Or il eft certain que cette ftipulation d'interêts eft permife dans un Acte de Société, & il n'y a aucune ufure en cela pour les raifons fui

vantes.

La premiere, parce que Paul prête fon argent à la Société comme une perfonne étrangere qui lui prêteroit; ainfi il devient Créancier de la Société comme cette perfonne étrangere; en telle forte que fi la Société venoit à faire faillite, Paul

recevroit fon rembourfement de cette fomme de 40000 livres, avec les interêts qui lui en feroient lors dûs, à raifon de cinq pour cent par chacun an, au fol la livre, avec les autres Créanciers de ladite Société.

La feconde, parce que les 40000 livres que Paul met dans la Société, outre fon fond capital, eft un preft de commerce qui ne viole point les regles de la charité & de la juftice, parce que Paul vend l'ufage de fon argent à la Société pendant fix ans qu'elle doit durer, ne pouvant le retirer pendant ledit tems, & lequel étant employée en achat de marchandises il eft utile, à la Société par les profits qu'elle fait fur la vente defdites marchandifes, & par conféquent il y a de la juftice que Paul foit payé des interêts de cette fomme par lui prêtée à la Société, outre fon fond capital, de même que s'il le prêtoit à une perfonne étrangere qui lui auroit prêté par principe de commerce pareille fomme par fon billet. Or il eft certain que la pratique des billets eft permife entre les Marchands & Négocians par les Ordon

nances de nos Rois, comme l'on va faire voir.

Philippe IV. par fon Ordonnance de l'année 1331, condamne les ufures qui ont été condamnées par les divines Ecritures, par les faints Peres & par les Rois fes prédeceffeurs, & défend à tous fes Sujets toutes fortes d'ufures dans l'étendue de fon Royaume; mais il ne défend point la pratique des billets entre les Marchands, Négocians & Banquiers (la Banque étant un commerce d'argent) cette Ordonnance porte: Nous n'empêchons point que chaque Créancier ne puiffe exiger au delà du principal qui lui eft dû, un interêt légitime du preft de Commerce, ou de quelqu'autre Contrat permis, dont on peut tirer des intrets juftes & légitimes: NON tollimus quominus impunè creditor quilibet, intereffe legitimum fortem fibi debitam poffet ex mutuo, vel alio contractu quocumque licito ex quo interesse rationabiliter licitè peti poffit.

Philippe de Valois, par Edit de l'an de 1342, permet le Change aux Mar, chands fréquentans les Foires de Brie & de Champagne, à quinze pour cent par an, Pource qu'aufdites Foires ( dit-il ) de neceffité fe font prêt, grande quantité de créances de Foire en Foire, pour la délivrance d'icelles Foires qui font fix en l'an. Jaçoit que nous défendons toutes manieres d'ufure défendue de Dieu & la fainte Eglife,de nos Prédeceffeurs Roi de France: Nous défendons par spécial en faveur defdites Foires de Marchands fréquentans icelles, fur peine de corps & de biens à encourir pour icelle fois, que nuls Marchands ne prêtent point à plus haut de quinze livres pour cent, c'eft à fçavoir pour chaque Foire cinquante fols.

Louis XI. par fes Edits des années 1462 & 1467 permet le Change aux Marchands fréquentans les Foires de Lyon, & veut que l'on puiffe contraindre à payer le Change & arriere-Change, c'eft-à-dire les interêts, comme l'on contraint à payer le principal.

Henri II. par fon Edit de l'an 1555 portant création & établissement des Prieur & Confuls de la Ville de Rouen, permet aux Marchands & Négocians de ladite Ville de prendre & bailler argent à Change & dépofite, c'est-à-dire, à

interêts.

Henri IV. par Arrêt du Confeil de l'année 1595 donné fur l'érection des Offices de Courtiers de Change & de Banque, permet aux Marchands trafiquans en Change, Banque & vente en gros de Marchandises étrangeres, de prendre & bailler argent en dépôt pour tel tems qu'ils aviferont, & que leurs affaires le requereront, fuivant l'ordre & coutumé qui s'exerce à Lyon, Venife, Anvers, &

autres bonnes Villes, où lefdits Changes ont cours; à la charge que l'interêt & profit dudit dépôt ne pourra exceder le prix permis par l'Ordonnance.

Louis XIV. par fon Ordonnance du mois de Mars 1673 Titre VI. Des interêts du Change, Article I. défend bien aux Négocians & Marchands de comprendre l'interêt avec le principal dans les lettres ou billets de change, ou aucun autre Acte; mais il ne leur défend point de prendre l'interêt de leur fomme principale: bien loin de cela, le Roi défend de comprendre l'interêt avec le principal. Cela marque évidemment que fon intention n'eft pas de défendre aux Marchands & Négocians de prendre des interêts de leur principal; au contraire, c'eft leur permettre, pourvû qu'ils ne le comprennent pas avec le principal.

L'intention de Sa Majefté fe fait encore connoître par le II. Article du même Titre VI. que les Marchands & Négocians puiffent prendre des interêts de leurs sommes principales, puifque ledit Article porte, que les Marchands & Négocians ne pourront prendre l'intérêt de l'interét fous quelque prétexte que ce foit. Ainfi cette difpofition marque qu'ils peuvent prendre l'interêt de leurs fommes principales, mais non pas l'interêt de l'interêt parce que c'est une ufure qui eft contre les regles de la charité & de la juftice, contraires aux Loix & au bien public.

Non-feulement nos Rois ont permis la pratique des billets entre les Marchands & Négocians, & de prendre & donner de l'argent à interêt par principe de commerce, ainsi qu'on a vû ci-dessus, mais encore le Pape Pie V. Charles-Quint Empereur, & Philippe II. Roi d'Espagne, l'ont auffi permis à leurs Sujets. En effet, Pie V. par fa Bulle du 25 Novembre 1659 permet à toutes perfonnes de mettre leur argent au Change de Boulogne, c'est-à-dire, à interêt.

L'Empereur Charles-Quint par fon Ordonnance de l'an 1541 a auffi autorifé la pratique des billets dans les Pays-Bas entre Marchands & Négocians, voici ce que porte cette Ordonnance : Pource qu'aucuns Marchands hantans & fréquentans nofdies Pays-Bas, poftpofans leur honneur & falut pour nourrir leur avarice, de faire feulement marchandise d'argent, & le donnant à gain & fort exceffif, fans faire diftinction entre l'interét qui eft permis aux bons Marchands, felon le gain qu'ils pourroient legitimement faire, & l'ufure défendue à tous Chrétiens, & au très-grand préjudice de la chofe publique ; de forte qu'ainfi pourroit avec fucceffion de tems tout le fait de marchandife fe convertir en ufure, qui cauferoit perdition des ames, & énorme préjudice à la chofe publique, fignament ès Pays de par deçà: Nous en ce, voulans pourvoir tant pour le falut defdites ames & confervation de notre Foy Chrétienne, que pour éviter lefdits inconvéniens; avons ordonné & ftatué, & par ces Préfentes ftatuons & ordonnons, que nuls Marchands hantans & fréquentans nofdits Pays, ne pourront donner argent à fruit ou gain, plus haut qu'à raifon du denier douze pour cent pour un an, & en des fols felon le gain que vraisemblement ils pourront faire en employant ledit argent en marchandifes, en déclarant tous Contrats & Obligations par lesquels on prendroit plus grand gain que dit eft, ufuraires & comme nuls & de nulle valeur; & fi défendons à tous nos Sujets de quelque condition ou état qu'ils foient, non fe mêlant du fait de marchandife, & non ayant Société à gain & perte avec Marchands, de bailler leur argent aufdits Marchands pour avoir gain certain chacun an, à peine de confifcation dudit argent, & par-deffus d'être réputés ufuriers publics, & comme tels punis & corrigés.

Suivant la Bulle de Pie V. les Edits de nos Rois, & celui de l'Empereur CharlesQuint, les Marchands & Négocians peuvent par principe de Commerce fe prêter les uns aux autres leur argent, & en prendre les interêts; à plus forte raifon les affociés peuvent-ils ftipuler des interêts pour ceux qu'ils porteront en la Société outre le fond capital, fans qu'il y ait aucune ufure.

Mais il n'en eft pas de même des Sociétés Léonines, où l'un des affociés participe feulement au gain & non à la perte ; car ces fortes de Sociétés ne fe font (comme il a déja été dit ci-devant dans le Parere) que par des perfonnes qui veulent couvrir leur ufure, & tirer par ce moyen un profit inique, qui eft contre les régles de la charité, de la juftice, & du bien public. C'eft la raifon pour laquelle elles font défendues par le Droit Civil & par le Droit Canon. En effet, Sixte V. qui fut créé Pape l'an 1585, dans fa Bulle qui commence par ce mot Deteftabilis, qu'il fit publier le 25 Octobre 1586, défend les Contrats de Société, par lefquels l'on affure le principal, & où on détermine le profit qu'on en doit tirer en ces termes : Nous condamnons & nous défendons à l'avenir, dit-il, tant en général qu'en particulier, tous les Traités, Accords, & Contrats de Société, par lesquels on convient de rendre toujours à fon affocié le principal qu'on a reçû, foit en argent, beftiaux, ou en d'autres chofes, quelque perte ou dommage qu'il arrive, ou par lefquels l'on s'oblige de lui payer une certaine fomme toutes les années ou tous les mois, pendant le tems de la Société. Nous ordonons que ces Traités, Accords, & Contrats, foient tenus doref navant pour ufuraires & illicites, & qu'il ne foit plus permis de convenir de recevoir un certain profit de l'argent, des beftiaux, ou des autres chofes que l'on mettra en fociété. Nous défendons très-expreffément d'obliger fon affocié par promeffe ou par quelqu'autre traité que ce foit, à rendre toujours le principal, quand même il feroit perdu, Joit que le profit dont on conviendroit foit terminé, ou qu'il foit indéterminé, & de faire encore des Contrats de Société fous de femblables conditions qui font ufuraires.

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Cette décifion de Sixte V. eft conforme à la Loi Pro Scio au Digefte, Paragraphe Arifto qui porte: Arifto refert Caffium refpondiffe focietatem talem coiri non poffe, ut alter lucrum tantum, alter damnum fentiret, &c. Hanc focietatem Leoninam folitam appellare, & nos confentimus talem facietatem nullam effe ut alter lucrum fentiret, alter verò nullum lucrum, fed damnum fentiret ; iniquiffimum enim genus fo cietatis, ex qua quis damnum, non eitam lucrum expetit : c'est-à-dire, Arifton rapporte que Caffius avoit répondu que l'on ne pouvoit faire une fociété, de telle forte que T'un eût feulement le profit fans participer à la perte, & que l'autre portat la perte toute entiere; & que l'on avoit accoûtumé d'appeller une fociété de cette forte, Société Léonine: & nous confentons qu'une fociété qui donne le profit à l'un & leze l'autre, & lui fait fouffrir toute la perte, foit réputée nulle & de nul effet, Le genre de cette fociété là étant très-injufte, qui fait que l'un des affociés demeure toujours dans la crainte de la perte, & ne goûte jamais l'espoir du gain.

La décifion de Sixte V. eft encore conforme à l'Edit de l'Empereur CharlesQuint, de l'an 1541 ci-devant allegué, dont voici la difpofition: Et fi défendons à tous nos Sujets de quelque condition & état qu'ils foient, non fe mêlant du fait de marchandife, & non ayant fociété à gain & perte avec Marchands, de bailler leur argent aufdits Marchands à gain certain chacun an, à peine de confifcation dudit argent, & par-deffus d'être réputés ufuriers publics, & comme tels punis &

corrigés,

Le

Le Pape Pie V. par fa Bulle, la Loi pro Socio, & l'Empereur Charles-Quint par fon Edit ci-deffus allegué, condamnent ces fortes de Contrats de Société, parce qu'ils font accompagnés de deux conditions qui les rendent mauvaifes. La premiere, en ce que l'on y affure pour l'un des Affociés le fond capital qu'il a fourni à la Société, encore qu'il arrivât de la perte d'icelui pendant le cours de la Société. La feconde, eft, que l'on y détermine le profit que cet Affocié doit tirer de fon fond capital, quand même la Société n'en feroit aucun pendant le cours d'icelle.

Ainfi la raifon de la condamnation de ces fortes de Contrats de Société vient de ce que ces deux conditions en changent la nature, & font que ce qui eft un véritable Contrat de Société, devient un Contrat injufte & ufuraire, qui va contre les regles de la charité & de la justice.

PARERE XXII.

Si une femme de Marchand ayant fans autorisation de fon mari accepté une Lettre de Change tirée fur elle par fon mari pour valeur reçûe en marchandife, & après fon décès ayant renoncé à la communauté de biens, peut être obligée en fon propre & privé nom de payer la fomme portée par cette Lettre de Change?

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

L-E FAIT.

François, Marchand de la Ville de Tours, étant à la foire de Fontenay en Poltou, a tiré une lettre de change de 1500 livres fur Barbe fa femme, payable dans trois mois à Jacques, valeur reçue en marchandife: A côté eft écrit: A Madame Barbe, femme du fieur François, Marchand à Tours, laquelle lettre auroit été acceptée par Barbe, purement & fimplement.

François eft venu à déceder avant que la lettre fût échûe, & Barbe fa veuve a renoncé à la communauté.

A l'échéance de la lettre, Jacques fait fommer Barbe de lui payer la fomme de 1500 livres mentionnée en ladite lettre: elle fait réponse qu'elle a renoncé à la communauté qu'elle avoit avec ledit défunt François fon mari, & par conféquent qu'elle n'eft point tenue des dettes de la communauté, & qu'ainfi Jacques doit fe pourvoir fur les biens de fondit mari, fi bon lui femble,

Jacques foutient que François ayant tiré la lettre en queftion fur Barbe fa femme, en fon propre & privé nom, ainfi qu'il réfulte de l'adreffe, qui eft à côté d'icelle, & que Barbe l'ayant acceptée purement & fimplement, s'eft consti tuée débitrice envers lui; qu'il eft inutile à Barbe d'alleguer la renonciation qu'elle a faite à la communauté de biens qu'elle avoit avec ledit défunt François, fon mari, parce que s'étant obligée perfonnellement envers Jacques, au moyen de fon acceptation, elle doit lui payer les 1500 livres mentionnées en la lettre en question, fauf fon recours fur les biens de la fucceffion de fondit défunt

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