Imágenes de páginas
PDF
EPUB

celle que ledit Jean Carcavy lui avoit auffi écrite touchant la commiffion qu'il lu avoit donnée de procurer de Trinquier le payement du Mandement en queftion, en vertu de la procuration de François Godefroy.

2. Si ce n'eft qu'une fimple lettre miffive en exécution de la commiffion donnée à Antoine Carcavy par Jean Carcavy fon frere, fi François Godefroy étoit bien fondé en l'action par lui intentée pardevant les Juge & Confuls de Paris le 4 Janvier 1642, à l'encontre d'Antoine Carcavy de Toulouse, qui n'avoit jamais eu de correfpondance avec lui pour raifon dudit Mandement, mais feulement avec Jean. Carcavy de Paris fon frere, ainfi qu'il a été dit ci-dessus.

3. Si cette lettre n'eft point une lettre mifliye, mais une lettre de Change; fi défunt François Godefroy étoit tenu de la faire protefter fur Jean Carcavy de Paris. dans les dix jours prefcrits par l'ufage après celui de l'échéance de chacune des deux. fommes mentionnées en ladite lettre, & fi faute de l'avoir fait elle demeuroit pour le compte de Godefroy à fes rifques, périls & fortunes, fans aucun recours de garantie à l'encontre d'Antoine Carcavy de Touloufe.

4. Enfin, fi défunt François Godefroy n'étant pas bien fondé en l'un & en l'autre cas, & par conféquent le fieur Godefroy Boifanval fon frere & héritier, le fieur Vidault qui exerce les droits de Jean Carcavy qui étoit fils & héritier d'Antoine Carcavy de Touloufe, eft bien fondé en l'appel par lui interjetté de la Sentence des Juge & Confuls de Paris dudit jour 10 Janvier 1642, & s'il doit avoir mainlevée des faifies réelles qui ont été faites en vertu de cette Sentence des biens dudit défunt Antoine Carcavy, & en conféquence Boifanval condamné en tous les dépens, dommages & interêts dudit fieur Vidault.

Le fouffigne qui a pris lecture & examiné le Mémoire ci-deffus, ensemble les pieces énoncées contenant les prétentions & conteftations des Parties, estime & eft d'avis,

y

Sur la premiere Queftion.

Que la lettre en queftion n'eft point une lettre de Change, mais feulement une fimple lettre miflive: & pour faire voir qu'elle ne peut être qualifiée lettre de Change, il eft néceffaire de fçavoir deux chofes ; l'une, quelle eft la nature du Change; & l'autre, quelle eft la forme dont une lettre de change doit être conçue : à l'égard de la premiere, le Change n'eft autre chofe qu'une permutation d'efpece P'une pour l'autre, ou une vendition d'argent dans un lieu pour le recevoir en l'autre par celui qui l'a acheté; ainfi fi la nature du Change eft une vendition d'argent en un lieu pour le recevoir en l'autre par celui qui l'a acheté, comme il vient d'être dit, l'on ne peut pas dire qu'Antoine Carcavy de Touloufe ait vendu à Godefroy les fommes de deniers mentionnées en la lettre en queftion, à prendre & recevoir fur une plus grande fomme que lui devoit Jean Carcavy de Paris fon frere; parce que qui fuppofe une vente d'une chofe, il faut à même-tems fuppofer le payement de la chofe vendue: or il eft certain que Jacquet, Commis de Godefroy, n'a payé aucune chofe à Antoine Carcavy de Toulouse, lorfqu'il lui remit la lettre miffive de Jean Carcavy de Paris entre les mains.

On pourroit objecter à cela qu'Antoine Carcavy ayant reçû de Bonnet fon Commis lefdites fommes, après les avoir reçûes de Trinquier fur le Mandement en question, en vertu de la procuration de Godefroy, étoit payé par avance des deniers appartenans à Godefroy de la vente qu'il a faite par fa lettre dudit jour 24

Septembre 1641. On répond à cela qu'Antoine Carcavy avoit payé lefdites deux fommes à Jean Carcavy de Paris qui l'avoit chargé de cette commiffion dès le mois de Juillet & d'Août auparavant, & non ledit Godefroy, comme il fe voit dans le compte fait & arrêté entr'eux le 23 Décembre 1641, mentionné dans le Mémoire ci-dessus; ainsi il n'avoit plus rien entre fes mains, & auffi parce que le payement des fommes reçues par ledit Antoine Carcavy, en vertu defdits Mandement & Procuration devoit être fait à Jean Carcavy fon Commettant, & non à Godefroy pour les raifons qui feront dites ci-après.

Par tout ce qui vient d'être dit l'on voit qu'on ne peut pas qualifier la lettre en queftion de lettre de change, mais feulement une lettre miffive écrite par Antoine Carcavy à Jean Carcavy fon Commettant, pour lui rendre compte de fa commiffion, & lui dire ce qu'il avoit à payer audit fieur Godefroy; mais pour bien réfoudre la queftion & fçavoir fi la fettre en queftion eft une lettre de change, il faut voir fi elle en a la forme pour la qualifier telle; car fi elle n'eft pas conçue dans la forme prefcrite par l'ufage qui s'eft pratiqué de tout tems entre les Cambiftes & fuivant les Ordonnances & Réglemens, on ne peut pas dire qu'elle foit lettre de change, & pour cela il eft néceffaire qu'on fçache de quelle maniere les lettres de change doivent être conçues, & c'est ce que l'on verra par le formule fuivant.

[ocr errors]

FORMULE DE LETTRE DE CHANGE.

A Touloufe ce 24 Septembre 1642.

Onfieur, au 24 Octobre prochain vous payerez (ou il vous plaira payer) par cette lettre de Change à Monfieur Godefroy Tréforier, ou à fon ordre, la fomme de 25318 livres 7 fols 4 deniers, valeur reçue du fieur Jacquet en deniers comptans, que pafferez à compte, comme par avis de votre ferviteur,

A Monfieur Carcavy, Banquier à Paris.

ANTOINE CARCAVY.

Accepté à Paris ce 9 Odobre 1641.

JEAN CARCAVY.

Il n'y a pas de doute que fi la lettre en queftion étoit conçue en la forme & maniere que celle ci-deffus, qu'elle feroit une véritable lettre de change, & que la Sentence du 10 Janvier 1642, auroit été bien & dûement obtenue par Godefroy à l'encontre d'Antoine Carcavy, fuppofé qu'il l'eût fait protefter dans les dix jours de faveur après celui de l'échéance: mais elle n'en a pas feulement l'ombre, car comme l'on voit, une lettre de Change eft fommaire & conçue en peu de paroles & en peu de lignes, fuivant l'ufage des Cambiftes, & de l'Article premier du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, l'adreffe de celui fur qui elle est tirée se met en marge, & l'acceptation fe met au bas d'icelle par ces mots, accepté ; & au contraire la lettre en queftion eft prolixe & contient environ trentesing lignes; les difpofitions d'icelle lettre n'ont rien de femblable à celle d'une

lettre de change; car Antoine Carcavy commence fa lettre par dire à Jean Carcavy fon frere, que Jacquet Commis de Godefroy, lui a rendu fa lettre, qu'il lui a offert fervice, il continue à dire que Bonnet fon Commis a offert à Jacquet les papiers concernant le Mandement fur Trinquier, qu'il a reçu 28560 livres 9 fols, fur laquelle fomme il s'eft trouvé 3242 livres 9 fols 6 den. de tarre fur la monnoye, partant qu'il refte de bon & net 25317 livres 19 fols 8 den. un peu plus bas il dit, laquelle fomme vous aurez à payer audit fieur Godefroy au 24 du mois d'Octobre prochain; enfuite il dit, que Bonnet a encore reçu fur ledit Mandement 7984 livres, qui font avec 79 livres qu'il s'eft remboursé pour frais qu'il avoit faits 8063 livres, laquelle fomme aurez (dit-il) à payer audit Godefroy au 20 Décembre; & enfin il dit que Jean Carcavy en doit prendre la décharge néceffaire; enfuite il finit cette lettre, & l'ayant ployée, il met au dos d'icelle la fufcription comme l'on fait à toutes les lettres miffives qu'un Commiffionnaire a accoutumé d'écrire à fon Commettant. Quand Godefroy a préfenté ladite lettre à Jean Carcavy de Paris, il fait fa promeffe des fommes ci-deffus mentionnées au bas d'icelle qu'il promet payer dans les tems y portés : or toutes ces difpofitions n'ont rien qui reffemble à une lettre de change, car par le formule de la lettre ci-deffus l'on voit que le tireur dit, vous payerez (ou bien) il vous plaira payer; par la lettre en queftion, Antoine Carcavy dit vous aurez à payer: ces deux termes font bien differens l'un de l'autre, car ces mots vous payerez, font les termes dont on ufe ordinairement en la confection des lettres de change, pour marquer que celui fur qui la lettre de change eft tirée la doit accepter & payer, parce qu'il eft débiteur du tireur, ou qu'il a entre fes mains des deniers à lui appartenans; & ces mots il vous plaira payer marquent que celui fur qui la lettre eft tirée n'est point débiteur du tireur, & qu'il n'a entre fes mains aucuns deniers à lui appartenans, & que le tireur envoyera provifion à l'échéance pour l'acquitter ; que fi bien il l'accepte & la paye, ce n'eft que pour faire honneur à la lettre du tireur fur lequel il fe prévaudra de pareille fomme qu'il tirera fur lui. Au contraire ces mots, vous aurez à payer, font voir que c'eft un Commiffionnaire ou Mandataire qui parle, quand il n'a effectué que partie de la commiffion du Commettant, qui lui avoit remis des pieces pour recevoir pour le compte d'une autte perfonne fon ami auquel il en rend compte, lorfqu'il lui renvoie les pieces pour fe faire payer, comme il jugera à propos du furplus, & cela marque ce qu'il aura payer à fon ami de ce qu'il a reçu par fon moyen de la perfonne qui étoit fon

[ocr errors]

débiteur.

Et c'est ce qui fe rencontre dans la lettre en question; car Jean Carcavy s'étoit chargé du Mandement & de la Procuration de Godefroy, ainfi qu'il paroît par fon récépiffé du 24 Mars 1641, qu'il auroit enfuite envoyé à Touloufe à Antoine Carcavy fon frere & correfpondant, pour en procurer le payement de Trinquier; ainsi Antoine Carcavy ne reconnoît uniquement en cette négociation que Jean Carcavy fon frere, auquel il fait feulement un office d'ami & de Mandataire, il remet ès mains de Bonnet fon Commis ladite Procuration & Mandement, qui reçoit de Trinquier lefdites deux fommes ci-deffus mentionnées fur le Mandement de 109000 livres qui font enfuite remifes audit Jean Carcavy de Paris, ou payées pour: lui fuivant fes ordres.

Godefroy qui ne reconnoiffoit en cette négociation que Jean Carcavy (ainfi qu'il fe voit par fon récépiffé du 24 Mars 1641, qu'il lui donna lorfqu'il lui mic

ès mains le Mandement & fa Procuration) lui demande une lettre miffive adreffante à Antoine Carcavy fon frere, pour retirer feulement le Mandement & ladite Procuration, le 2 Septembre 1641. Godefroy donne fon récépiffé de cette lettre miffive à Jean Carcavy, à côté de fon récépiffé dudit jour 24 Mars précédent : Jacquet Commis de Godefroy, porteur de la lettre de Jean Carcavy, retire d'Antoine Carcavy, ou de Bonnet fon Commis, la Procuration & ledit Mandement, qui en même-tems fait réponse à la lettre à lui écrite par Jean Carcavy fon frere, par laquelle il lui rend compte & raison (& non à Godefroy) de la commiffion dont il l'avoit auparavant chargé : lui mande que Bonnet fon Commis n'a reçu que 25317 livres 19 fols 8 deniers d'une part, & 7984 livres d'autre qu'il lui avoit remife, qu'il auroit à payer ces deux fommes à Godefroy ; de forre que ces termes dont fe fert Jean Carcavy dans fa lettre miffive, vous aurez à payer, avec toutes les autres difpofitions & circonftances ci-deffus déduites, qui fe rencontrent en la lettre écrite par Antoine Carcavy à Jean Carcavy fon frere le 24 Septembre 1641, marquent évidemment qu'elle eft une fimple lettre miffive , par laquelle il lui rend compte de fa commiffion en qualité de Commiffionnaire & de Mandataire, afin que Godefroy pût fe faire payer de Jean Carcavy, auquel il avoit donné fa Procuration & Mandement defdites deux fommes ci-deffus mentionnées, qui lui avoient été remises par ledit Jean Carcavy, & que Bonnet fon Commis avoit reçu de Trinquier ; & par conféquent ce n'eft point une lettre de Change, mais feulement une fimple lettre miflive.

Sur la feconde Queftion.

Après tout ce qui vient d'être dit, & que la lettre en queftion n'étoit qu'une fimple lettre miffive & non une lettre de change, il ne fera pas difficile de répondre à la feconde queftion, & faire voir que défunt Godefroy a été mal fondé en l'action qu'il a intentée en la Jurifdiction Confulaire de Paris le 4 Janvier 1642, à l'encontre d'Antoine Carcavy, pour deux raifons.

que

La premiere, parce que Godefroy n'a reconnu uniquement en fa négociation Jean Carcavy de Paris, & non Antoine Carcavy de Touloufe; cela eft justifié par deux pieces inconteftables : La premiere eft le récépiffé que Jean Carcavy a donné à Godefroy le 24 Mars 1641, au bas de la copie du Mandement de 109000 livres de Monfieur de la Baziniere, Tréforier de l'Epargne, à recevoir de Trinquier & de fa Procuration; par lequel récépiffé il paroit que Jean Carcavy a reçu de Godefroy l'original du Mandement de l'Epargne, & fa Procuration le nom en blanc, pour envoyer à fon frere à Toulouse, à l'effet d'en recevoir & pourfuivre le payement, lui promettant lui faire payer en ladite Ville de Toulouse où il lui plaira, la fomme de 109000 livres y mentionnée, ou ce qui feroit reçu fur icelle à mesure qu'on recevroit, ou lui rendre ledit Mandement & ladite Procuration. La feconde piece eft le récépiffé qu'a donné Godefroy à Jean Carcavy le 2 Septembre 1641, en marge de celui qu'il lui avoit donné le 24 Mars précédent, par lequel il paroît qu'il a reçu de tui une lettre adreffante à Antoine Carcavy de Toulouse, pour retirer le Mandement mentionné ci-contre, (c'està-dire du récépiffé) & le remettre ès mains du porteur de la lettre qui étoit Jacquet Commis de Godefroy. Or il eft conftant que fuivant les difpofitions de ces deux récépiffés, Godefroy n'a reconnu en fa négociation que Jean Carcavy

de Paris, la bonne foi duquel il a fuivie & non celle d'Antoine Carcavy de Toulouse; & cela paroît particuliérement par le fecond récépiffé de Godefroy, car il a reconnu en prenant la lettre miffive de Jean Carcavy, qu'il n'auroit affaire qu'à lui & non à Antoine Carcavy de Touloufe, puifqu'il avoit befoin d'un ordre de Jean Carcavy pour retirer le Mandement & la Procuration d'Antoine Carcavy, & il a reconnu qu'il devoit recevoir de Jean Carcavy feulement les fommes reçues par Antoine Carcavy, en vertu dudit Mandement & Procuration, & non dudit Antoine : Et puifque l'ordre mentionné dans la lettre de Jean Carcavy ne porte fimplement qu'un ordre à Antoine fon frere de remettre ès mains du porteur de fa lettre ledit Mandement & Procuration, & non de lui payer ce qu'il avoit reçu fur icelui en vertu des deux pieces: or fi Godefroy ne reconnoît pour fon débiteur que Jean Carcavy & non Antoine fon frere, pour les raifons qui viennent d'être dites; par conféquent il ne pouvoit intenter fon action. que contre Jean Carcavy, la foi duquel il avoit fuivie, & qui avoit fon argent entre les mains, ainfi qu'il a fait en la Jurifdiction Confulaire de Paris le 8 Novembre 1641, en laquelle il auroit obtenu Sentence contre lui le 13 dudit mois, & non contre Antoine Carcavy de Toulouse, qu'il n'a point reconnu dans fa négociation, ainfi il n'a point fuivi fa bonne foi,

En effet, Antoine Carcavy avoit confommé fa commiffion avec Jean Carcavy fon frere, lorfqu'il a donné fa lettre miffive à Godefroy le 24 Septembre 1641, pour faire retirer de lui le Mandement & fa Procuration; c'est ce qui paroît par le compte qui a été arrêté entre les deux freres Carcavy le 23 Décembre 1641, car il s'y voit qu'Antoine Carcavy avoit reçu les 9 Juillet & 28 Août auparavant fur ledit Mandement lefdites deux fommes en queftion, & qu'il avoit payé pour ledit Jean Carcavy le même jour 9 Juillet 23265 livres 15 fols d'une part, & 32100 livres d'autre, le dernier du mois d'Août; & c'eft la raifon pour laquelle Jean Carcavy donnoit feulement ordre à Antoine Carcavy fon frere par fa lettre miffive du 24 Septembre 1641, de rendre & remettre ès mains du porteur d'icelle, qui étoit Jacquet, Commis de Godefroy, lefdits Mandement & Procuration, & non de payer les deux fommes en question, & par conféquent point d'action contre Antoine Carcavy.

La feconde raifon pour laquelle Godefroy étoit mal fondé en fon action contre Antoine Carcavy, eft que jamais il ne s'eft vû parmi les Banquiers & Négocians, même parmi les perfonnes d'autres conditions, qu'un Commiffionnaire & Mandataire ait rendu compte de fa commiflion & de fa geftion à un autre qu'à fon Commettant, & qu'il fût refponfable envers une autre perfonne des fommes de deniers que fon Commettant lui a mandé de recevoir de quelqu'un en vertu des promeffes, obligations, mandemens, procurations, & autres actes qui ont été mis ès mains du Commettant par fon ami: en effet,fi un Commiffionnaire & Mandataire étoit obligé de rendre compte, & qu'il fût refponfable envers une perfonne qui charge fon Commettant de quelques pieces qu'il lui auroit envoyées pour en procurer le payement, il n'y auroit point de fureté parmi les hommes; perfonne ne voudroit fervir fes amis; ce feroit ôter cette correfpondance mutuelle qui eft établie de Dieu entre tous les hommes pour s'entr'aider les uns les autres dans leurs affaires, & ce feroit un moyen pour ôter l'union & la charité qui doit être entre

eux.

Il ne fert de rien à Godefroy de dire qu'Antoine Carcavy ou Bonnet fon Com

« AnteriorContinuar »