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eft de retourner fur le tireur & fur tous ceux qui ont paffé des ordres au dos d'une lettre de change enfuite les uns fur les autres. Or le tems fatal des dix jours qui font acquis à celui au profit duquel a été paffé le dernier ordre ( qu'on appelle de faveur) étant paffé, il eft non recevable, & n'a plus d'action en recours de garantie tant contre les tireurs que lesdits donneurs d'ordre, fuivant l'Article XV. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673. En forte que la lettre demeure pour fon compte à fes rifques, perils & fortunes; fi ce n'eft en cas de négociation par l'accepteur, qu'au jour que le proteft a dû être fait, il n'étoit point débiteur du tireur, & qu'il ne lui avoit point été envoyé de provifion pour la payer. En ce cas, fuivant l'Article XVI. le tireur & lefdits donneurs d'ordre font tenus de prouver le contraire, finon ils doivent garantir ladite lettre. Ainfi comme il vient d'être dit, il feroit inutile de faire un proteft après que le tems fatal des dix jours, dans lequel il doit être fait, eft paffé, puifqu'il ne pourroit produire aucun effet. C'eft aufli pour cette raifon que le porteur d'une lettre de change qui eft la perfonne au profit duquel a été paffé le dernier ordre, n'a plus d'autre diligence à faire, fi bon lui femble, que contre l'accepteur, qui reste son feul & unique débiteur, pour avoir manqué à faire fes diligences dans les dix jours, parce qu'il doit s'imputer fa négligence. Mais il faut obferver qu'il faut qu'il faffe les diligences & pourfuites contre l'accepteur, qui eft le débiteur de la lettre, dans les cinq années accomplies du lendemain de l'échéance ou du proteft, ou de la derniere pourfuite, finon elle eft réputée acquittée après lefdites cinq années de ceffation de pourfuites, conformément à l'Article XII. du Titre V. de l'Ordonnance ci-deffus alleguée. Ainfi par tout ce qui vient d'être dit, celui auquel a été donné une lettre de change en payement pour la recevoir de l'accepteur après le tems fatal des dix jours de faveur, n'a point de tems limité qui lui puiffe être fatal pour faire fes pourfuites & diligences für ledit accepteur, que le tems de cinq ans, conformément à la fufdite Ordonnance; parce que tout le tems étant fini, il doit feulement fe regler comme il fe pratique en matiere de promeffes, obliga tions & tranfports, où le ceffionnaire n'a point de tems limité qui lui foit fatal après la fignification du tranfport pour faire fes pourfuites & diligences contre ce lui fur lequel le tranfport a été fait, pour avoir payement du contenu en icelui qui lui puiffe produire une fin de non-recevoir, étant certain qu'il n'y auroit qu'un feul cas où le tems feroit fatal aux ceffionnaires, qui eft s'il avoit paffé trente ans fans faire fes demandes, pourfuites & diligences contre celui fur lequel le tranfport a été fait; parce qu'il y auroit une prefcription qui lui feroit fatal, après laquelle il ne pourroit plus revenir contre le cédant.

L'on peut appliquer tout ce qui vient d'être dit à la queftion dont il s'agit. Il paroît dans le Mémoire ci-deffus,

Premiérement, que le 24 Décembre dernier, Georges a donné au Commis de Henry une lettre de change de 2000 livres, à prendre & recevoir de François l'accepteur, fur fa fignature en blanc, pour la remplir d'une quittance, lorfqu'il la recevroit, pour parfaire le payement d'une fomme de 12000 livres qu'il devoit à Henry pour le contenu en une autre lettre de change, de laquelle il étoit porteur, à prendre fur ledit Georges, & que ladite lettre de change étoit échûe dès le 28 Novembre précédent, fans que Georges l'ait fait protefter fur François le 8 Décembre que finiffoient les dix jours de faveur qui lui étoient acquis pour faire fon proteit; partant ladite lettre demeuroit à fes rifques, périls, & fortunes,

fans

fans aucun retour fur celui qui l'avoit tiré à fon profit, conformément à l'Article XV. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673. Et par conféquent fi la lettre n'étoit plus négociable dans le Public, le contenu en icelle ne pouvoit être reçu de François l'accepteur que fur l'endoffement de Georges, portant quittance, ou bien fur fa fignature en blanc, pour la remplir d'un reçu par le Commis de Henri lorfqu'il recevroit les 2000 livres contenues en ladite lettre.

Secondement, il paroît dans ledit Mémoire que le Commis de Henri a laissé écouler le tems depuis le 24 Décembre 1681, jufques aus dudit mois de Janvier 1682, qui font douze jours, fans avoir reçu de François ladite lettre de change, pour ne l'avoir pû rencontrer chez lui, & qu'il avoit appris le matin dudit jour Janvier qu'il s'étoit retiré & avoit fait banqueroute. De forte que Georges prétend qu'ayant négocié ladite lettre à Henri ledit jour 24 Décembre, il étoit tenu de la faire protefter fur François dans les dix jours, à commencer le lendemain dudit jour 24 Décembre que finiffoit le 3 du préfent mois de Janvier. Qu'ainfi Henri ne revenant fur lui que le 5 il venoit à tard de deux jours, parce qu'il devoit l'avoir fait protefter ledit jour 3 Janvier, & que par conféquent ladite lettre devoit demeurer pour fon compte à fes rifques, périls & fortunes. Or il eft certain, comme il a été déja dit, que Henri n'étoit tenu ni obligé de faire faire aucun proteft fur François dans les dix jours portés par l'Ordonnance, parce que la lettre n'étoit point négociée à Henri en la maniere accoutumée. Car Georges l'avoit feulement donnée à recevoir au Commis de Henri, fous fa signature en blanc, fervant d'endoffement & non d'ordre, pour parfaire le payement d'une fomme de 12000 livres qu'il lui devoit. Ainfi Henri n'étoit tenu de faire aucune diligence contre François pour en avoir payement, & il fuffifoit du feul refus verbal de François pour retourner fur Georges lui en demander le payement. Henri n'avoit point de proteft à faire, parce que les dix jours acquis pour faire ledit protest étoient finis dès le 8 Décembre, auquel jour Georges, à qui elle appartient, l'a dû faire protefter; ce que n'ayant point fait, elle lui demeure pour fon compte à ses risques, périls & fortunes, fans aucun recours de garantie contre le tireur, comme il a été déja dit. Et il n'a plus que François pour fon feul & unique débiteur. Ainfi toutes les diligences à quoi Georges auroit pû obliger Henri, fe réduifoient à faire une fimple fommation à François de payer; mais il n'y avoit aucun tems limité pour faire cette fommation, qui put être fatal à Henri, qu'après celui de cinq ans porté par l'Ordonnance, comme il a été dit cidevant. De forte qu'il n'y a aucune difficulté en la demande de Henri, & que Georges doit reprendre la lettre de change, & lui payer les 2000' livres portées par icelle, pour parfaire le payement des 12000 livres contenues en l'autre lettre de change que ledit Henri avoit à prendre fur lui, & qui a été endoffée d'un reçu ou quittance par fon Commis, au-deffus de fa fignature en blanc qu'il avoit mife au dos de ladite lettre.

Délibéré à Paris le 20 Janvier 1682;

OBSERVATION S.

C'eft un ufage établi de tout tems dans le Commerce parmi les Marchands, Négocians & Banquiers, de fe donner les uns aux autres des lettres de change & des

Tome II.

I i

billers en payement pour les recevoir fur leurs fignatures en blanc, qui ne fervent que d'endoffement & non d'ordre : & cela fe fait ainfi volontairement entr'eux pour faciliter les payemens qu'ils fe font les uns aux autres, & particuliérement dans le tems où l'argent eft rate dans le Commerce; & c'eft ce qui le maintient & qui empêche les faillites & banqueroutes, qui feroient plus fréquentes & en plus grand nombre fans cette facilité. En effet, un Banquier aura à payer à un Négociant une lettre de change de 40000 livres, il n'aura en caiffe que 30000 livres, & pour plus de 50000 livres de lettres de change acceptées ou billets dont quelques-uns font déja échûs; pour faire le payement de cette fomme de 40000 livres, le Banquier donnera à ce Négociant les 30000 livres qu'il a en caiffe, & 10000 livres en une ou plufieurs lettres de change qui font échûes qu'il donnera à recevoir fur ceux qui lui doivent fous fa fignature en blanc qu'il met au dos defdites lettres de change ou billets, pour la remplir d'un reçu lors que le Négociant en recevra le contenu. Et comme ce Négociant ne prend lefdites feutres ou billets de ce Banquier, que pour lui faire plaifir, & pour lui faciliter le payement de cette fomme de 40000 livres, s'il n'eft payé des lettres ou billets dans deux ou trois jours, il les rapporte au Banquier, qui les reprend & lui donne en argent les 10000 livres à quoi ils fe montent; parce qu'il ne feroit pas justė que le Négociant qui a pris lefdites lettres ou billets pour faire plaifir au Banquier, s'engageât à faire des pourfuites pour avoir le payement contre, ceux qui les doivent.

"

C'est une chofe digne de remarque que pendant les années 1647, 1648 & 1649, l'argent étoit fi rare dans le Commerce, que pour faire un payement on ne donnoit que le quart en argent comptant, & les trois quarts en billets ou lettres de change, fur les fignatures en blanc, fervant d'endoffement & non d'ordre. Ainfi les Marchands, Négocians & Banquiers s'étoient fait un ufage parmi eux de fe payer les uns aux autres en cette maniere. Mais les faillites de Lervy, de la Chapelle, de Lebix, & de Mefbrun, fameux Agens de Banque qui faifoient le Commerce de la Banque & du Change, étant arrivées en ce tems-là, il fe trouva pour plus de vingt millions de livres de leurs billets entre les mains de prefque tous les Marchands, Négocians & Banquiers de Paris, qui avoient à recevoir des lettres de change ou billets, voulant être entiérement payés en argent comptant, fans vouloir en prendre d'autres en payement. Ce qui apporta un tel défordre dans les affaires du Commerce, que cela fit faire une infinité de faillites & banqueroutes nonfeulement à Paris, mais encore dans toutes les principales Villes de Commerce du Royaume; & l'argent fe trouva fi rare, que cela fit que les efpeces augmenterent de prix à tel point, que les Louis d'or & Piftoles d'Efpagne qui ne valoient que dix livres, augmenterent de prix jufques à douze livres, & les Écus blancs valant trois livres, jufques à trois livres douze fols.

Mais Sa Majefté mit fin à ce défordre par des Arrêts de fon Confeil, qui les diminuerent & réduifirent à leur premiere valeur, c'est-à-dire les Ecus blancs à trois livres. Car à l'égard des Louis d'or & Pistoles d'Espagne, ils furent feulement réduits à onze livres. Mais cette diminution ne fe fit que peu à peu, de trois mois en trois mois, afin que la perte en fût plus fupportable au Public. Cela apporta un tel changement aux affaires du Commerce par une infinité d'or & d'argent monnoyé qui fortit des bourfes de ceux qui en amaffoient, & qui en firent des prêts aux Marchands, Négocians & Banquiers, pour éviter les pertes qu'il y auroit eu à fai

re, à mesure que lefdites efpeces diminueroienr de prix fuivant les Arrêts du Confeil, qu'au lieu que dans la difette qu'il y avoit avant cette abondance d'argent, lefdits Marchands, Négocians, & Banquiers qui fe faifant des payemens les uns aux autres, ne donnoient que le quart en argent, & les trois quarts en lettres où billets de change à recevoir fur ceux qui leur devoient, ils payoient & acquittoient leurs dettes en argent comptant. Cette abondance d'argent dans le Commerce caufée par cette diminution de prix des efpeces, le remit & le fit fleurir à un tel point pendant quelques années, qu'il fe fit parmi les Marchands & Négocians des fortunes confidérables.

Tout ce qui vient d'être dit fait voir deux chofes. L'une que lorsqu'il y a abondance d'argent dans le Commerce, les Marchands, Négocians, & Banquiers payent facilement les dettes qu'ils ont contractées par des acceptations de lettres de change en argent comptant, fans donner à ceux qui en font porteurs partie en argent, & partie en lettres & billets de change. Et l'autre, que lorfqu'il y a difette d'argent dans le Commerce, ils font obligés pour fe maintenir les uns les autres dans le crédit, de fe donner l'un à l'autre en payement leurs lettres & billets échûs, partie en argent, & partie en d'autres lettres & billets de change qu'ils donnent à recevoir fur leurs fignatures en blanc. Ainfi il eft néceffaire aux Marchands, Négocians, & Banquiers dans les tems fâcheux, où l'argent eft rare, de fe foulager & de s'entr'aider les uns les autres, c'eft-à-dire, que ceux à qui il eft dû des lettres échûes, prennent en payement de ceux qui les doivent, partie en argent, & partie en lettres & billets qui font auffi échûs, pour les envoyer recevoir fur leurs endoffemens en blanc, & par ce moyen ils fe maintiennent les uns les autres dans leurs affaires.

Mais pour éviter les inconvéniens & les conteftations qui pourroient arriver, de même que ceux qui font arrivés enrre Georges & Henry, comme l'on a vû dans ce Parere, il faut toujours obferver les maximes fuivantes. Premiérement, de nejamais prendre en payement une lettre de change, dont le tems des dix jours de faveur acquis pour faire le proteft eft paffé, parce que cela marque la foibleffe de l'accepteur, & que s'il n'a pas payé & acquitté la lettre dans les dix jours d'après l'échéance d'icelle, il ne la payera pas fi-tôt. Secondement, lorfqu'on donnera des lettres, dont le tems fera échu, de faire mettre par celui qui mettra fa fignature en blanc au dos de la lettre à côté d'icelle ces mots, pour fervir d'endoffement. Troifiémement enfin, de faire payer la lettre dans les dix jours de faveur acquis pour faire le proteft, fi le tems n'étoit pas encore échû, ou de la rendre à celui qui l'aura donnée, pour éviter d'autres inconvéniens qui font arrivés fur ce fujet.

PARERE XXX VII..

1. Si l'Accepteur peut contefter la validité du proteft, & prétendre être déchargé du payement de la Lettre de Change par les défectuofités du proteft, & quel eft le véritable usage?

II. Si de plufieurs fignatures en blanc au dos d'une lettre ou billet de change, la premiere: eft réputée ordre, & la derniere peut fervir de quittance; ou fi la premiere ne peut fervir que de quittance, & les autres d'avals, c'eft-à-dire, de cautionnement, & quel en eft le véritable ufage?

III. Si les Créanciers de celui qui a mis fa fignature en blanc au dos d'une Lettre de Change, peuvent faire faifir fon contenu entre les mains de l'Accepteur au préjudice du Porteur, qui dit en avoir donné la valeur à celui qui a mis fa fignature en blanc ;: & le véritable ufage?

IV. Si les Négocians, à qui la Cour demande leur avis fur certain ufage, peuvent pren dre connoiffance de l'Inftance, & donner leur décifion fur le fait particulier du procès ; ou s'ils doivent fe renfermer à ce qui leur eft ordonné par l'Arrêt de la Cour? V. Que de tout tems & par tous les Réglemens & Arrêts de la Cour, rendus depuis près de 80 ans, l'ufage des billets, le nom en blanc, les fignatures en blanc au dos des lettres & billets, & les billets payables au Porteur fans déclaration de ceux qui ont donné la valeur, ont été défendus?

Arrêt de la Cour du Parlement de Paris, du premier Septembre 1681, rendu en la GrandChambre au Rapport de Monfieur Genoud, fur le procès qui a donné lieu à ces queflions.

A. VERT IS SEM E N T..

Y Ayant Inftance pendante au Parlement de Paris, entre Jean de Sonning, Confeiller-Sécretaire du Roi, & Receveur Général des Finances de Paris, Appeklant de plufieurs Sentences contre lui rendues par les Juge & Confuls de ladite Ville de Paris, par lefquelles il auroit été condamné à payer le contenu en plufieurs lettres de change par lui acceptées, d'une part: Et Jeanne-Marguerite Belot, veuve de M. Charles Arrondeau, Tréforier.de France à Soiffons; Nicolas Soullet, Confeiller & Sécretaire du Roi, & le nommé Alvarés, porteur defdites lettres de changes, Intimés, d'autre. La Cour avant faire droit, par Arrêt du 5 Août 1681, ordonna entr'autres chofes, que cinq Négocians de Paris, dont les Parties conviendroient pardevant Monfieur Genoud, Confeiller Rapporteur de l'In-ftance, feroient quis par ledit Confeiller fur l'ufage des Articles IX, XXIII,, XXV & XXVI. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, à l'effet de quoi l'Instance feroit mife. entre leurs mains, pour leurs avis vûs & rapportés, être or

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