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change, rempliffent ladite fignature d'un ordre, fous le nom d'une perfonne qui leur fera affidée, portant valeur reçue de celui qui n'avoit mis fa fignature en blanc que pour la remplir d'une quittance par fon Commis ou Facteur lorsqu'il en recevroit le payement de l'accepteur, & fous le nom de cette perfonne duquel ils ont rempli le nom, ils demandent le payement du contenu en cette lettre à celui qui auroit mis fa fignature en blanc, pour fervir de quittance feulement; ce qui produit une infinité de procès. Et pour réprimer un fi dangereux abus, cela a donné lieu à l'Article XXI du Titre V de l'Ordonnance de 1673, qui porte, que les lettres ou billets de change feront réputées acquittées après cinq ans de cessation de demande & poursuite, à compter du lendemain de l'échéance du proteft, ou de la derniere pourfuite.

En feptiéme lieu, les lettres & billets de change qui sont endossés des fignatures en blanc, produifent encore plufieurs abus & inconvéniens, en ce que files lettres de change, qui fe remettent de Place en Place par les Négocians, Banquiers, & Gens d'affaires, les uns aux autres par la Pofte; fi les paquets dans lesquels font enfermées lefdites lettres de change, viennent à fe perdre, ou que les Commis de la Pofte qui les portent par la Ville, pour les donner à ceux aufquels ils appartiennent, décachetent les paquets pour prendre les lettres de change qu'ils y trouvent, comme il eft arrivé fouvent, dont il y a plufieurs exemples; comme auffi fi un Facteur ou Commis perd des lettres & billets de change, & que quelques perfonnes de mauvaise foi les trouvent, les fignatures étant en blanc au dos defdites lettres & billets de change, ceux entre les mains defquels ils tombent, qui font de mauvaise foi, & qui en veulent profiter pliffent les blancs au-deffus defdites fignatures d'ordres, portant valeur reçue en deniers comptans; ce qui produit encore beaucoup de pertes & une infinité de procès parmi les Négocians, Banquiers, Gens d'affaires, & autres perfonnes de toute forte de qualité.

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En huitiéme lieu, il y a un abus très-confidérable qui ruine les Banquiers & Négocians, que produifent les fignatures en blanc au dos des lettres & billets de change, en ce que comme il eft défendu de tout temps aux Courtiers & Agens de Banque, & particuliérement par l'Article premier du Titre II. de l'Ordonnance de 1673, de faire le Change ou de tenir Banque pour leur compre particulier, fous leur nom, ou fous des noms interpofés, directement ou indirectement, à peine de privation de leur Charge, & de 1500 livres d'amende ; & que l'Article II du même Titre leur défend de figner des lettres de change par aval, mais feulement de certifier que la fignature des lettres de change eft véritable, lefdits Courtiers & Agens de Banque fe fervent du moyen des lettres & billets de change, dont les fignatures font en blanc au dos d'icelles, pour faire impunément le Commerce de la Banque & du Change, & le Courtage tout ensemble, qui va à la ruine des Marchands, Négocians & Banquiers, comme il vient d'être dit, pour les raisons qui font marquées dans le Chapitre VIII. du Livre II. de la feconde Edition d'un Livre intitulée : Le Parfait Négociant, qui font d'une grande confi

dération.

En neuvième & dernier lieu, le mauvais ufage des fignatures en blanc au dos des lettres & billets de change, fait naître tous les jours un grand nombre de differends, pour fçavoir qui doit fouffrir la perte du contenu aufdites lettres & billets de change, en cas d'infuffifance, par les faillites & banqueroutes qui arri

vent journellement, par la multiplicité des recours de garantie entre ceux qui ont mis leurs fignatures en blanc au dos d'icelles, ou aux porteurs (ce qui fait préfentement le différend des Parties) même aux tireurs, qui n'ont le plus fouvent point reçu la valeur des lettres qu'ils ont fournies, ou fait payables à ceux qui ont mis les premieres fignatures en blanc; lefquels différends renverfent & boulleverfent toute l'économie du Commerce, & ruinent & confomment les Parties en frais.

La Cour voit l'importance qu'il y a de réprimer tous les abus, & d'empêcher tous les inconvéniens qui viennent d'être repréfentés, que les Articles IX, XXIII, XXV & XXVI. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, foient ponctuellement exécutés, & que lesdits Négocians n'ont pas donné, comme ils devoient, leur avis fur l'ufage defdits Articles, puifque l'ufage des fignatures en blanc au dos des lettres & billets de change n'est pratiqué que par ceux qui veulent faire le Commerce de la Banque & du Change avec fineffe, & commettre les ufures & les autres abus dont il vient d'être parlé, puifqu'ils font défendus par l'Ordonnance, Réglemens & Arrêts de la Cour ci-devant allegués.

Le Suppliant croit la plupart defdits cinq Négocians trop honnêtes gens, pour qu'ils vouluffent pratiquer tous les abus dont il vient d'être parlé, mais il ne peut s'empêcher de dire qu'ils peuvent avoir eu trois motifs qui les ayent portés à donner leur avis de la maniere qu'ils l'ont fait par leur rapport. L'un eft l'interêt particulier de tous les cinq. L'autre, l'interêt particulier d'Etienne Rouffelin, l'un d'iceux. Et le troifiéme, de favorifer lefdits Soullet & veuve Arrondeau, contre le Suppliant.

Pour bien faire entendre quel peut être l'interêt particulier defdits cinq Négocians, que les fignatures en blanc au dos des lettres de change foient en ufage dans le Commerce; la Cour obfervera, s'il lui plaît, qu'encore que les Négocians & Banquiers, qui font honnêtes gens & de probité, fçachent bien que les fignatures en blanc au dos des lettres & billets de change, ne foient pas d'un bon ufage, & qu'elles n'ont été introduites dans le Commerce que pour donner lieu aux ufures, & qu'elles peuvent produire les abus & les inconvéniens ci-devant marqués Néanmoins ceux qui ont une grande expérience dans les affaires du Commerce, de la Banque & du Change, y trouvent de l'avantage en ce qu'ayant entre les mains des lettres & billets de change, dont il n'y a au dos que de fimples fignatures en blanc, ils les font négocier autant qu'ils peuvent par les Courtiers de Change, ou ils les négocient eux-mêmes fur lefdites lignatures en blanc fans y mettre leur fignature, afin d'éviter le recours de garantie qu'il pourroit y avoir contr'eux, fi lefdites lettres & billets de change revenoient à proteft, & fi elles n'étoient point payées par l'infuffifance qui pourroit arriver par ceux qui les doivent.

Cela fuppofé, comme il est véritable, les cinq Négocians qui ont donné cet avis, & qui font un grand commerce de lettres & billets de change, ont donné leurdit avis par rapport à leur interêt particulier, parce qu'il leur eft avantageux pour les raifons qui viennent d'être dites, de perpetuer l'ufage des fignatures en blanc au dos des lettres & billets de change.

Il femblera peut-être à ceux qui ne font pas profeffion du Commerce de la Banque & du Change, que ces prudens Négocians & Banquiers ne font pas un grand mal d'en ufer de la forte, dans la négociation qu'ils font de leurs lettres & billets

de change, par le moyen des fignatures en blanc au dos d'icelles. Néanmoins cela ne laiffe pas d'être contre les bonnes mœurs, parce que pour vingt ou trente Négocians & Banquiers qui feront habiles, & qui auront une grande expérience dans les affaires de ce commerce, il y en aura deux mille autres de Gens d'affaires moins habiles & moins expérimentés, qui ne fçavent pas ces fortes de fineffes & de fubtilités, qui prennent ces fortes de lettres & billets de change de ces fins & prudens Négocians & Banquiers, dont les fignatures font en blanc au dos d'iceux, fans prendre la précaution de leur faire remplir au-deffus des fignatures, des ordres en bonne & due forme, & leur faire mettre le leur enfuite, pour leur être garans en cas de banqueroute ou d'infuffifance. Ainfi les habiles & les plus fins profitent de la fimplicité & du peu d'expérience des autres; parce que fi lefdites lettres & billets de change reviennent à proteft, & s'ils ne font payés à leur échéance, ceux qui en font porteurs voulant retourner en recours de garantie fur ceux qui les leur ont donnés, ils leur répondent qu'ils les ont feulement pris d'eux fur les fignatures en blanc des dénommés au dos defdites lettres & billets de change, & non fur la leur qui ne s'y trouve pas, & par conféquent qu'ils n'en font pas garans. Et c'eft ce qui produit encore une infinité de procès.

Le second motif de cet avis peut venir de l'interêt particulier d'Etienne Rousselin, l'un des cinq Négocians, lequel a pris conjointement avec les quatre autre la qualité de Marchand ou Négociant, quoiqu'il ne foit qu'un fimple Courtier de Change, parce que les fignatures en blanc au dos des lettres & billets de change lui facilitent le moyen de faire le commerce de la Banque & du Change, à caufe que cela lui eft défendu auffi-bien qu'à tous ceux de fa profeffion, par les Ordonnances, & particuliérement par l'Article premier du Titre II. de celle de 1673, lequel Rouffelin, pour l'avoir fait, a été condamné par Sentence du Châtelet, rendue fur le réquifitoire & fur les conclufions du Subftitut de M. le Procureur Général en l'ancien Châtelet, en une amende de deux cens livres, avec défenfes de plus récidiver fur plus grande peine. De forte qu'il a cru, fe voyant appuyé des fuffrages des quatre autres Négocians, que la Cour ayant égard à leur avis par l'Arrêt qui interviendroit fur la décision du fait particulier du procès d'entre les Parties, cela donneroit atteinte au fufdit Article, & qu'ainfi il pourroit exercer le commerce des lettres & billets de change & le Courtage tout ensemble en liberté, & fans aucune crainte d'être plus à l'avenir condamné en l'amende ainfi qu'il l'a déja été par ladite Sentence du Châ

telet.

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Voilà les motifs d'interêts en général defdits Négocians, & en particulier à l'égard dudit Rouffelin, qui ont donné lieu à l'avis qu'ils ont donné de la maniere qu'il eft mentionné dans leur rapport fur l'ufage des Articles IX, XXIII, XXV & XXVI. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, & particuliérement fur lefdits Articles XXIII & XXV qui concernent les fignatures en blanc au dos des lettres de change.

Mais ce que la Cour eft fuppliée d'obferver, est la contrariété qui fe rencontre entre l'avis donné par lefdits cinq Négocians & ce Courtier de Change, fur l'usage defdits Articles XXIII. & XXV. & celui donné parfix autres Négocians dans l'affaire de Gillot, Laillier & Chicoisneaux, ci-devant allegué fur l'ufage des mêmes Articles.

En effet, il paroît dans le vû de l'Arrêt du 21 Mars 1681 que lesdits fix Négocians

Négocians ont été unanimement d'avis que lefdits Articles XXIII. & XXV. font en ufage en ce qui concerne les fignatures en blanc, c'eft-à-dire, que fuivant l'Article XXIII. les fignatures en blanc au dos des lettres de change ne font que de fimples endoffemens & non des ordres : ainfi que fuivant l'Article XXV. elles appartiennent à celui qui les a endoffées. En forte qu'elles peuvent être faifies par les créanciers, & compenfées par fes redevables. Et au contraire, l'avis defdits cinq Négocians fur lefdits Articles XXIII. & XXV. eft que quand il fe trouve plufieurs fignatures en blanc au dos d'une lettre ou billet de change, il eft de l'ufage que les premieres font réputées des ordres, & que la derniere fert de quittance; ainsi qu'elles appartiennent au porteur, lequel en doit recevoir la valeur ou le montant de celui qui l'a acceptée.

Pour juftifier du contenu en la préfente Requête & faire voir à la Cour que quand il y a plufieurs fignatures au dos d'une lettre de change, celles qui fe trouvent après la premiere fignature, au-deffus de laquelle l'ordre eft rempli, ne font que de fimples avals ou cautionnemens, & non des ordres, ainfi que lefdits Négocians ont dit par l'avis qu'ils ont donné fur l'Article XXIII. du Titre V. de la fufdite Ordonnance, & que la derniere fignature ne fert que d'endoffement, & par conféquent que la fignature en blanc de René Livet n'étant point au jour du proteft remplie d'aucun ordre au profit dudit Soullet, & la fignature en blanc de Soullet n'étant point non plus remplie d'aucun ordre au profit de Chaumoret, à la Requête duquel a été fait le proteft; ladite fignature en blanc de René Livet ne peut paffer que pour un endoffement, & non d'ordre, fuivant l'Article XXIII. & la fignature en blanc de Soullet que pour un fimple aval. Ainfi que la lettre de change en question appartient à Livet, fuivant l'Article XXV. De forte que la compenfation demandée par le Suppliant de ladite lettre de change, ne lui peut être réfufée.

Le Suppliant produit l'Article XXIII. dudit Titre V. de l'Ordonnance de 1673, qui porte que ceux qui auront mis leur aval fur des lettres de change, ou autres Actes de pareille qualité, concernant le Commerce feront tenus folidairement avec les tireurs, prometteurs, endoffeurs, & accepteurs, encore qu'il n'en foit pas fait mention dans l'aval. Le fufdit Article cotté par A.

Pour plus amplement juftifier du contenu en la préfente Requête, & faire voir à la Cour Premiérement, que les Articles XXIII. & XXV. du Titre V. de l'Ordonnance, font exécutés en ce qui concerne les fignatures en blanc au dos des lettres de change, & par conféquent que n'y ayant que de fimples fignatures en blanc de René Livet, au dos des trois lettres de change, dont lefdits Soullet, veuve Arrondeau & Alvarés font porteurs, ne font que de fimples endoffemens, & non des ordres, ainfi qu'ont dit lefdits Négocians être l'usage, par l'avis qu'ils ont donné fur lefdits deux Articles. Secondement, que l'ufage des fignatures en blanc a été défendu de tout tems comme pernicieux, frauduleux, préjudiciable au Public, & contraire à la bonne foi qui doit être gardée dans le Commerce. Troifiémement, qu'il y a un avis donné par fix autres Marchands, qui ont dit que les Articles XXIII. & XXV. concernant les fignatures en blanc, font en ufage dans le Commerce. Qu'ainfi le nombre de fix. l'emporté au-defus de cinq. Quatrièmement enfin, que la queftion a été jugée par Arrêt de la Cour, que les fignatures en blanc au dos des lettres de change ne font que fimples endoffemens, & non des ordres, & qu'elles appartiennent

Tome 11.

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à ceux qui ont mis leur fignature en blanc, & non aux porteurs d'icelles lettres. Qu'ainfi elles peuvent être faifies par leurs créanciers, & compensées par leurs redevables à cet effet.

Le Suppliant produit fept pieces.

La premiere & la feconde font deux emplois de deux Arrêts de la Cour, rendus les Chambres affemblées, des 7 Juin 1611 & 26 Mars 1624, rapportés par Thoubeau, Prévôt ou Grand-Juge Conful de Bourges, dans fon Livre des Inftituts du Droit Confulaire, imprimé en la préfente année 1662, au Titre VII. Chapitre premier du Livre 2, page 634, par lefquels Arrêts la Cour a défendu l'usage des billets en blanc. La troifiéme du 16 Mai 1650, est un autre Arrêt de la Cour, rendu à la Requête & fur les Conclufions de Monfieur le Procureur Général, & fur l'avis des Juge & Confuls, & autres anciens Négocians de cette Ville de Paris, rapporté par du Frefne en fon Journal des Audiences, Livre 6 Chapitre 7 page 584, par lequel la Cour ayant égard à ladite Requête & Conclufions dudit Sieur Procureur Général, a fait inhibition & défenses à tous Marchands, Négocians, & autres perfonnes de quelque qualité & condition qu'ils foient, de fe fervir à l'avenir au fait de leur commerce, ni en quelque autre traité ou affaire que ce foit, de promeffes ou billets, qui ne foient remplis du nom du créancier, & des caufes pour lefquelles lefdites promeffes ou billets auront été faits & paffes, & fi c'eft pour argent prêté, ou pour lettres de change ou marchandifes fournies, ou à fournir, à peine de nullité defdites promeffes ou billets; & en outre il eft ordonné que ledit Arrêt feroit lû & publié aux Audiences du Châtelet, & des Juge & Confuls de Paris, & affiché aux Carrefours de cette Ville & Fauxbourgs de Paris, &, par tout ailleurs où befoin

feroit.

La quatriéme est l'Article XXIII. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, qui: porte que les fignatures au dos des lettres de change ne ferviront que d'endoffemens & non d'ordre, s'il n'eft daté, & ne contient le nom de celui qui a payé la valeur en argent, marchandifes, ou autrement.

La cinquiéme eft l'Article XXV. du Titre V. de ladite Ordonnance, qui porte, qu'en cas que l'endoffement ne foit pas dans les formes ci-deffus, les lettres feront réputées appartenir à celui qui les aura endoffées, & pourront étre faifies par fes créanciers & compenfées par fes redevables.

La fixiéme, du 21 Mars 1681, eft l'Arrêt de la Cour rendu entre Simon Etienne Gillot, appellant d'une Sentence rendue par les Juge & Confuls de Tours, le 21 Juillet 1679, d'une part; & Robert Laillier, Chriftophe & René Chicoifneaux, d'autre part. Dans le vû duquel Arrêt il paroît que fix Marchands Négocians ayant été nommés d'office par la Cour, pour donner leur avis de là maniere en laquelle fe fait la négociation des lettres de change depuis l'Ordonnan-ce de 1673, au fujet des ordres & endoffemens qui fe mettent fur lefdites lettres & fur l'exécution des Articles XXIII, XXIV & XXV. de ladite Ordonnance, s'il y a un ufage contraire à iceux, & s'il eft utile au Public, lefdits fix Négo cians par leur avis difent, que lefdits Articles XXIII. & XXV. de ladite Ŏrdonnance, étoient en ufage en ce qui concerne les fignatures en blanc feulement. Mais que lefdits billets ou lettres de change qui étoient remplis d'ordres avec valeur reçûe, quoique fans datte, avoient toujours été réputés appartenir à celui du nom duquel l'ordre s'en trouvoit rempli, & que le XXIV Article s'étoit de

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