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Il n'y a pas même d'apparence qu'au 18 Mars 1681, que le billet de Chardin a été mis ês mains de Barchault par Durand, lefdites lettres ayent été protestées; & pour le montrer, il faut obferver il faut obferver que les lettres de change que Barchault dit par fon récepiffé lui avoir été fournies par Durand, étoient payables à Lyon en payement des Rois 1681. Or le payement des Rois a commencé le premier Mars audit an, & fuivant le Réglement de 1667, fait pour la Ville de Lyon, les lettres de change fe doivent accepter depuis le premier jufqu'au 6e jour dudit mois inclufivement; après lequel tems de fix jours, & icelui paffé, les porteurs des lettres les peuvent faire protefter faute d'acceptation pendant tout le refte du mois, & depuis le premier jour du mois fuivant, jufques & y compris le troifiéme dudit mois inclu fivement, ils les font protefter faute de payement. Cela préfuppofé, voici vraifemblablement comme la chofe fe fera paffée.

Durand avoit fourni à Barchault fes propres lettres, ou de quelques autres Banquiers ou Négocians, lefquelles lettres Barchault avoit envoyées à Lyon à fon Correfpondant, pour en procurer le payement de ceux fur qui elles étoient. tirées dans le payement des Rois: lorfque le Correfpondant de Barchault a préfenté les lettres à celui fur qui elles étoient tirées pour les faire accepter, il aura répondu qu'il attendoit provifion de Durand ou des tireurs defdites lettres par l'ordinaire lors prochain, & qu'en ce tems-là il diroit s'il accepteroit lefditeslettres ou non ; & comme les Banquiers & Négocians gardent des mefures les uns envers les autres, quand il s'agit de faire protefter des lettres, le Correfpondant de Barchault qui ne rifquoit rien, parce qu'il avoit tout le mois de Mars pour faire protester ses lettres, aura attendu jufqu'au 13 ou 14 dudit mois ; & comme il aura vû qu'on remettoit encore pour accepter fes lettres, il aura mandé à Barchault d'avifer les tireurs de faire tenir provifion à Lyon à ceux fur qui ils les avoient tirées, finon qu'elles ne feront point acceptées ni payées à la fin du mois, qui eft l'usage de Lyon. Barchault qui aura peut-être reçu la lettre de fon Corref pondant de Lyon le 18 Mars, voyant le tems avancé, & craignant que Durand: ne fût pas en état de faire acquitter fes lettres à Lyon, (comme l'évènement l'a montré) aura été fur le champ chez Durand lui en faire fes plaintes; & comme Durand lui aura dit que celui ou les autres perfonnes de qui il avoit les lettres ne pouvoient faire tenir de provifion à Lyon, il aura exigé de lui les 8 billets mentionnés dans fon récepiffé dudit jour 18 Mars 1681, dont celui de Chardin fait partie.

Ainfi

par tout ce qui vient d'être dit, il n'y a aucune apparence que lefdites lettres ayent été proteftées avant le 18 jour de Mars. Si elles ont été protestées, ce n'a été que depuis ledit jour 18 Mars. Ce fait eft juftifié par la réponse qu'a faite Barchault fur le troifiéme article des faits de fon premier interrogatoire du 10 Mars 1682 ; car on lui demande s'il n'eft pas vrai que n'ayant pû être payé defdites lettres de change, il s'en eft plaint à Durand, & s'il lui a témoigné qu'il n'étoit pas en pouvoir de lui rembourfer lefdites lettres, il as répondu qu'oui. Quand on lui demande par le quatrième article defdits faits, s'il n'eft pas vrai i que lesdites lettres n'ont point été protestées, il dit y avoir répondu fans vouloir parler catégoriquement fuivant l'Ordonnance. Et quand il eft interrogé fur le troifiéme article de fon interrogatoire du 19 Mars, pour quelle fomme il lui eft revenu de lettres à proteft, il répond que cela eft étranger de la caufe.. Sur le quatrième article il eft interrogé, s'il a fait dénoncer les protests à Durand,

& s'il veut les repréfenter? il répond encore, que cela eft étranger de la caufe. Enfin quelques interpellations qui lui ayent été faites par le Commiffaire Gallerand, de répondre catégoriquement aufdits faits, il n'a jamais voulu répondre autre chose finon que cela étoit étranger de la caufe. De forte que tout cela fait voir évidemment qu'il n'y avoit aucuns protefts faits au 18 Mars 1681, jour auquel il a exigé de Durand le billet de Chardin.

La feconde raifon pour laquelle Durand n'a pû donner à Barchault le billet de Chardin, à compte de ce qu'il prétendoit lui être dû pour lefdites lettres de change, (fuppofé même que lefdites lettres de change euffent été proteftées, & que les protests euffent été dénoncés à Durand.) C'eft que ledit jour 18 Mars 1681, Durant étoit déja en banqueroute, puifqu'il fe feroit abfenté le lendemain 19 que le 20 il y a eu appofition de fcellé en fa maifon. De forte que la banqueroute de Durand eft ouverte le 20 dudit mois de Mars, fuivant l'Article premier du Titre II. de l'Ordonnance de 1679, qui porte, que la faillite ou banqueroute fera réputée ouverte du jour que le débiteur fe fera retiré, ou que le fcellé aura été appofé fur les biens.

&

Or Durand ayant fait banqueroute le 19 dudit mois de Mars, jour auquel il s'eft retiré, ou du moins le 20 dudit mois que le fcellé a été appofé fur fes biens, il eft certain qu'il n'a pû difpofer de fes effets en faveur de Barchault, au préjudice de fes autres créanciers ; ainfi à plus forte raifon, il n'a pû lui donner le billet de Chardin, de 6200 livres, puifqu'il n'appartenoit pas à Durand, mais bien à Chardin qui le lui avoit donné à négocier, comme il a été dit ci-devant.

Il eft certain (& il n'y a aucun doute) qu'un homme ne peut pas difpofer de fes effets en faveur d'un créancier, au préjudice & en fraude des autres, non feulement depuis fa banqueroute ouverte, mais même long-tems auparavant Ladite banqueroute ouverte. Nous avons plufieurs Ordonnances, Arrêts & Réglemens de la Cour fur ce fujet : l'Edit d'Henri IV. du mois de Mars 1609, déclare tous tranfports, ceffions, venditions & donations de biens, meubles ou immeubles, faits en fraude des créanciers, directement ou indirectement nuls & de nul effet & valeur, fait défenfes à tous Juges d'y avoir égard: La Déclaration du Roi du mois de Juin 1667, portant Réglement pour la Ville de Lyon, en l'Article XIII. porte, que toutes ceffions & transports fur les effets des faillis feront nuls, s'ils ne font faits dix jours au moins avant la faillite publiquement connue : L'article IV. du Titre II. de l'Ordonnance de 1673, déclare nuls tous tranfports, ceffions, ventes & donations de biens, meubles ou immeubles, faits en fraude des créanciers: Veut Sa Majesté qu'ils foient rapportés à la maffe commune des effets. L'Arrêt de Pingré du 2 Mai 1609, a jugé fa banqueroute avoir commencé trois mois avant fon abfence, & du jour des tranfports frauduleux de fes effets par eux faits. En effet, ledit Arrêt a déclaré toutes les ceffions & tranfports faits par ledit Pingré depuis le premier Septembre 1607, nuls & de nul effet; ordonne que fur iceux & fur les autres biens, feront pris par préférence une fomme dûe à Lancey, Tréforier de l'Ordinaire de la Guerre, & le furplus mis à la maffe avec les autres biens & dettes qu'on pourroit découvrir, pour être diftribués à tous fes créanciers au fol la livre.

Ce n'eft feulement pas en France où s'obferve cette Jurifprudence, mais encore dans les Pays étrangers; car elle eft en ufage en Italie. En effet, la décifon 13 nombre 39 de la Rotte de Genes, porte, que la ceffion faite quinze jours

devant la banqueroute, peut être fufpecte & frauduleufe. La décifion de 184, porte, que la fimulation du Contrat eft prouvée par présomption; & les Contrats faits en dedans quinze jours devant la rupture (c'est-à-dire la banqueroute) font diffimulés. Et Maréchal en fon Traité des Changes & Banqueroutes, page 154, rapporte que Balde dit, que les Créanciers d'un Banqueroutier ne peuvent être préferés les uns aux autres méditant & fur le point de faire banqueroute. Et à la page 155 il dit, que toute perfonne fçachant le deffein de banqueroute, qui reçoit ou prend des banqueroutiers, eft

tenu de rendre.

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Ainfi après tous ces Edits, Déclarations, & Arrêts, il n'y a aucune difficulté que Barchault ayant reçu des effets de Durand la veille de fa banqueroute, les doit rapporter à la maffe des autres effets de Durand, pour être partagés au fol la livre entre tous fes créanciers, & qu'il doit rendre & reftituer à Chardin le billet en queftion, puifqu'il lui appartient, & non audit Durand, par toutes les raisons cidevant alleguées.

Mais pour détruire les ordres qui font au dos dudit billet, il faudra que ledit fieur Chardin s'infcrive en faux contre lefdits ordres : c'eft une formalité à laquelle il ne faut pas manquer, & pour cela après qu'il aura fait fignifier à Berger fes griefs & moyens d'appel, il faudra lui faire fignifier un Acte qui portera, qu'il déclare & prétend fe fervir defdits ordres ; & s'il fait fignifier qu'il entend s'en fervir, il n'y a point à avifer, il faut s'infcrire en faux contre ces ordres. On a vû ci-devant que les moyens de faux font indubitables, defquels on pourra fe fervir. Et d'autant que les Barchault & Berger n'ont pas voulu répondre catégoriquement fur les faits fur lefquels ils ont été interrogés par le Commiffaire Gallerand, fuivant & au defir de l'Ordonnance, il fera bon de préfenter une Requête à la Cour, tendante à ce qu'il foit dit qu'à faute d'avoir par lefdits Barchault & Berger répondu catégoriquement fur lefdits faits & articles, ils demeureront & feront tenus pour averés & confeffés.

Il fera même bon de faire interroger le Long fur les faits & articles, puifqu'il eft Partie en la caufe d'appel.

Fait & déliberé à Paris le 15 Juillet 1682.

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PARERE XXXI X.

I. Si les Créanciers d'un Banquier qui a fait faillite, peuvent faire rapporter à fon Commiffionnaire d'une autre Ville les Lettres & Billets de Change à lui remis, trois jours avant fa faillite ouverte, pour acquitter celles qu'il lui avoit tirées dix ou douze jours avant fa faillite, & que ce Commissionnaire avoit acceptées ?

II. Si les Lettres & Billets de Change payables à ordre, fe peuvent négocier la veille de la faillite, & fi ceux en faveur defquels l'ordre eft paffe, qui en ont donné la valeur en argent, marchandifes ou autres effets, doivent rapporter ces Billets & Lettres de Change à la maffe, pour entrer dans la contribution?

III. Si les Créanciers d'un failli peuvent faire rapporter à la maffe les payemens faits la veille de la faillite des Lettres de Change, Billets & autres dettes dont le terme étoit éhu?

IV. Si une Sentence des Juges-Confervateurs des Privileges de Lyon, peut faire quelque préjugé contre ceux qui n'y ont pas été Parties?

Deux Confultations de Meffieurs Commeau & Chardon, célèbres Avocats, fur ftions.

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

Ly a procès pardevant le Juge-Confervateur des Foires de Lyon, entre Robert, Marchand & Banquier de ladite Ville, d'une part: Et Pierre & Paul freres & i affociés, auffi Banquiers, d'autre. part..

LE FAIT..

Pierre & Paul ont fait fociété ensemble pour faire le Commerce de la Banque & du Change, & pour cet effet ils ont deux maifons, l'une à Lyon, où demeure Paul, & l'autre à Paris, où demeure Pierre..

Pierre, de la ma.fon de Paris, étoit Commiffionnaire de François, Marchand & Banquier en ladire Ville de Lyon, qui tiroit plufieurs lettres de change fur ledit Pierre; pour l'acquittement defquelles François étoit obligé de lui faire des remifes à Paris, avant l'échéance d'icelles lettres, ou bien entre les mains de Paul de la maifon de Lyon. Ainfi toures les remifes que faifoir François à Pierre ou à Paul, étoient pour acquitter & payer lefdites traites, & pour cela il payoit un droit de commiffion à Pierre.

François auroit fait faillite le 21 Février 1678, Robert qui fe dit fon créancier, auroit fait procès à Pierre & à Paul, pardevant le Juge-Confervateur des Foires de Lyon, & leur auroit demandé qu'ils euffent à rendre compte de

toutes les affaires qu'ils avoient faites avec François, pour raison des traites & remifes qu'ils avoient faites ensemble.

Pierre & Paul fourniffent à Robert un compte en débit & crédit, dans le débit duquel ils paffent 16000 livres pour deux lettres de change tirées le 9 dudit mois de Février par François, fur Pierre de la maifon de Paris, chacune de 8000 livres, payables l'une au 20 & l'autre au 25 dudit mois de Février, qu'il auroit acceptée fans mettre la datte. Plus 49000 livres pour cinq autres lettres de change tirées le 10 dudit mois de Février, payables; fçavoir, deux à quinze jours de vûe, & les trois autres à vingt jours de vûe; lefquelles cinq lettres Pierre auroit acceptées le 18 dudit mois de Février; le 12 dudit mois de Février François auroit encore tiré fur Pierre une lettre de change de 4000 livres payable au 25 dudit mois de Février, qu'il a auffi acceptée fans y mettre la datte. Toutes lesquelles lettres montant ensemble à 69000 livres, que Pierre auroit payées & acquittées à leur échéance. Plus Pierre auroit encore accepté pour plus de 200000 livres de lettres de change, que François avoit tirées fur lui, pendant le mois de Janvier précedent, qu'il auroit payées & acquittées aux porteurs d'icelles, depuis la faillite de François arrivée, comme dit eft, ledit jour 21 Février 1678.

Dans le credit dudit compte Pierre & Paul ont employé entr'autres chofes, une fomme de 43793 livres , pour plufieurs billets payables à ordre, & une autre de 3285 livres en argent, montant ensemble à 47078 livres, que François a remis ès mains de Paul de la maifon de Lyon, les 16 & 18 dudit mois de Février (qui font trois jours avant fa faillite) pour envoyer à Pierre de la maifon de Paris, pour être icelles fommes employées au payement des lettres de change par lui acceptées les 9, 10 & 12 dudit mois de Février, dont il y en avoit pour 20000 livres qui échéoient les 20 & 25 dudit mois.

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Robert pour défenses dit Premiérement, que cette fomme de 47078 livres doit être rayée du crédit du compte de François, & que Pierre & Paul la doivent rapporter à la maffe des effets de François, pour être diftribuée au fol la livre entre tous fes créanciers, attendu que les billets & argent qui la composent leur ont été remis ès mains par François, dans le tems qui avoifinoit fa faillite; ce qu'il ne pouvoit faire au préjudice de fes autres créanciers, fuivant les difpofitions portées par le Réglement de la Place de Lyon, du mois de Juin 1667, qui porte, que toutes ceffions & tranfports faits dix jours avant la faillite, font nuls, & de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, qui déclare nulles toutes ceffions & transports faits en fraude des créanciers ; & que c'eft une loi univerfelle à laquelle personne ne peut réfifter.

Secondement, que cette question a été jugée contre Robert lui-même, par Sentence du Juge-Confervateur de Lyon, qui le condamne à rapporter une fomme de 1650 livres qu'il avoit reçue en argent comptant de François, deux jours avant fa faillite, pour le contenu en fon billet qui étoit échu. Quoique le Réglement de la Place de Lyon de 1667, & l'Ordonnance de 1673, ne parlent point de rapporter des deniers reçûs, mais feulement des ceffions & tranfports d'autres effets. Qu'ainfi cette Sentence doit fervir de Loi, auffi bien que contre lesdits Pierre & Paul, que contre lui Robert. De forte qu'aux termes du fufdit Réglement de l'Ordonnance & de ladite Sentence, ils doivent rapporter à la maffe commune des effets de François ladite fomme de 47078 li

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