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le droit des Marchands & Négocians, contre lequel on ne peut contrevenir fans bleffer la bonne foi, qui eft l'amedu Commerce.

Sur la derniere queftion le fouffigné eftime par toutes les raifons ci-deffus déduites, qu'on ne fera pas bien fondé d'interjetter appel de la Sentence rendue entre les Parties, qui déclare la Société en question bonne & valable.

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I. Si l'Accepteur d'une Lettre de Changè fe peut difpenfer de la payer au Porteur, lorf qu'il y a des faifies entre les mains poftérieures aux ordres qui font fur cette Lettre?

II. Si celui qui a paffé fon ordre fur une Lettre de Change, fans expreffion de valeur,, mais fimplement qu'elle fera bien payée, peut faire faifir entre les mains de l'AcDepteur ?

Monfieur,

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

A Bordeaux, le 15 Octobre 1682.

, au 20 Novembre vous payerez à Pierre, ou ordre, 3200 livres, vaileur reçûe de lui comptant, comme par avis de

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Vous payerez le contenu de l'autre part à Nicolas, ou ordre; elle fera bien payéet. A Bordeaux le 26 Octobre 1682.

PIERRE.

Et pour moi vous payerez à Jacques, ou ordre, valeur reçûe de lui comptant; c'eft le mien. A Paris le 5 Novembre 1682.

NICOLAS..

LE FAT'T..

Il y a conteftation pour raifon de la lettre de change, dont copie eft ci-deffus tranfcrite, entre Jacques au profit duquel eft paffé le dernier ordre, &- François l'accepteur.dk har tort

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A l'échéance de cette lettre, Jacques, au profit daquel eft paffe le dernier erdre, l'a fait protefter faute de payement, & lors du proteft, François l'ac Tt.iij,

cepteur a fait réponse qu'il étoit prêt de la payer, en lui donnant main-levée de deux faifies faites entre fes mains à la Requête de Pierre, au profit duquel eft tirée la lettre de change le 27 Octobre dernier, & l'autre le 8 Novembre fuivant, à la Requête de Simon, se difant créancier de Nicolas, au profit duquel Pierre a paffé fon ordre.

Jacques pour défenfes dit, qu'il n'eft point néceffaire de faire donner mainlevée à François defdites deux faifies, parce que l'ordre de Pierre étant passé au profit de Nicolas le 26 Octobre 1682, & la faifie faite à fa Requête n'étant que du 27 dudit mois; & l'ordre paffé par Nicolas au profit de Jacques, étant du 5 Novembre, & la faifie de Simon n'étant que du 8 dudit mois; aink lesdites deux faifies étant poftérieures aufdits ordres, François peut payer avec sûreté à Jacques le contenu en ladite Lettre.

L'on demande avis fur deux chofes.

La premiere, fi François l'accepteur peut fe défendre de payer la lettre de change en queftion à Jacques qui en eft porteur, fous prétexte des fufdites deux faifies, quoiqu'elles foient poftérieures aux ordres paffés par Pierre à Nicolas, & par Nicolas à Jacques le porteur? Et fi François en payant ne fera pas bien & valablement déchargé

La feconde, fi Pierre au profit duquel ladite lettre eft tirée après avoir passé fon ordre pour payer le contenu en la lettre à Nicolas, ou à son ordre, & après que Nicolas a paffé le fien au profit de Jacques, ou à fon ordre, & qui en eft le porteur, peut faire faifir ès mains de François l'accepteur le contenu en ladite lettre, & quelles en peuvent être les raifons?

Le fouffigné qui a pris lecture de la lettre de change, & des ordres qui font au dos, dont copie eft ci-deffus tranfcrite, & du Mémoire qui eft enfuite, contenant les conteftations des Parties, estime, fçavoir :

Sur la premiere Queftion.

Que François accepteur de la lettre de change en question, a une jufte raison de fe défendre de payer à Jacques, qui en eft le porteur, le contenu en icelle, puifqu'il y a deux faifies faites entre fes mains, & qu'il faut lui en faire donner mainlevée avant qu'on le puiffe obliger à payer, étant inutile à Jacques de dire que les faifies font faites poftérieurement aux ordres, parce que les claufes des faifies vent être d'une telle nature, qu'elles les peuvent rendre bonnes & valables, comme l'on verra fur ce qui fera dit dans la fuite fur la derniere question. Ainfi François ne peut payer & acquitter ladite lettre de change avec sûreté, fans au préalable avoir par ledit Jacques' fait lever les deux faifies.

Sur la feconde Question.

peu

Que Pierre, au profit duquel eft tirée la lettre en queftion, eft bien fondé en la faifie faite à fa Requête, entre les mains de François l'accepteur, nonobstant l'ordre qu'il a paffe fur icelle lettre, payable à Nicolas, ou à fon ordre. La raifon eft que cet ordre, en la forme qu'il eft conçu, n'a l'effet que d'une fimple procuration, & non d'une ceffion & tranfport; par conféquent la lettre n'appartient point à Nicolas, mais à Pierre qui lui a feulement donné pouvoir de

recevoir de François l'accepteur les 3200 livres contenues en la lettre, pour en difpofer dans la fuite fuivant les ordres, & pour lui en rendre compte. En effet, l'ordre de Pierre porte fimplement de payer à Nicolas, ou à fon ordre, le contenu en la lettre, & qu'elle fera bien payée, fans dire qu'il en ait reçu la valeur de Nicolas en argent, marchandises, ou autres effets; lequel en ce cas auroit produit une ceffion & tranfport du contenu en la lettre à Nicolas, au moyen de la valeur qu'il en auroit donnée, & en auroit revêtu Nicolas. Ainfi Pierre n'ayant plus rien en la chofe, ni fes créanciers, n'auroient pû agir par voye de faifie ès mains de François l'accepteur, parce que Nicolas à qui la lettre auroit appartenu, en pouvoit faire une ceffion & tranfport à qui bon lui eût femblé, & en recevoir la valeur de celui au profit duquel il auroit paffé for ordre.

Mais il n'en eft pas de même de la question dont il s'agit; car l'ordre de Pierre: étant paffé en la forme qu'il eft, ne donne aucune propriété de la lettre à Nicolas. Ledit ordre ne produifant que l'effet d'une fimple procuration, comme il vient d'être dit, la lettre n'étoit plus négociable, parce que Nicolas, à qui l'ordre eft paffé, n'avoit rien à la chofe. Ainfi il ne pouvoit agir que comme un fimple Procureur, & non comme un Ceffionnaire. De forte que la lettre ayant toujours appartenu à Pierre, il a pû avec juftice faire faifir le contenu en icelle ès mains de François l'accepteur, & un fimple Exploit fait à la Requête de Pierre, portant. défenfes à François de payer à autre qu'à lui, auroit même été fuffifant fans faire un Exploit de faifie.

Jacques, Porteur de la lettre, peut objecter que l'ordre étant paffé par Pierre de payer le contenu en icelle à Nicolas, ou à fon ordre, ainfi la lettre étoit négociable; parce qu'inutilement l'auroit-il paffé en cette maniere, s'il avoit eu intention que Nicolas la pût négocier; & par conféquent Pierre ayant donné pouvoir par fon ordre à Nicolas de négocier la lettre, & l'ayant négociée à Jacques, qui lui en a donné la valeur en deniers comptans, comme porte l'ordre. qu'il a paffé à fon profit, il y auroit de la mauvaise foi à Pierre d'avoir fait faifir és mains de François l'accepteur, pour empêcher qu'il ne reçût de lui le contenu. en la lettre, puifqu'il en a donné la valeur à Nicolas, comme il vient d'être dit,, auquel il doit feulement s'adreffer pour fe faire rendre compte du contenu en ladite lettre.

On peut répondre à cette objection, que l'intention de Pierre n'a pas été, quand il a mis dans fon ordre, de payer à Nicolas, ou à fon ordre, que Nicolas pút la négocier, parce qu'elle n'étoit point négociable, pour les raifons qui ont été dites ci-deffus; mais fon intention a feulement été que Nicolas pût fubftituer une perfonne en fa place pour recevoir le contenu en la lettre. En effet, l'ordre paffé par Pierre à Nicolas, de la maniere qu'il eft conçu, n'ayant l'effet que d'une fimple procuration, quand Pierre dit de payer à Nicolas, ou à fon ordre, c'est-à-dire, de payer à celui qu'il fubftituera en fa place par le moyen de fon ordre. De forte que Nicolas a feulement fubftitué Jacques en fon lieu & place pour recevoir de François l'accepteur le contenu. en la lettre, pour enfuite mettre les deniers ès mains de Nicolas, pour en compter à Pierre fon conftituant; car il faut obferver qu'il eft de cette forte d'ordre comme d'une procuration, , par laquelle le conftituant donne pouvoir à fon Procureur, non

feulement de recevoir & bailler quittance, mais encore de fubftituer une autre perfonne en fon lieu pour recevoir de fon débiteur la fomme qui lui eft dûe. De forte que fi le conftituant révoque fa procuration, & s'il la fait fignifier à fon débiteur, le pouvoir qu'il a donné au Procureur de recevoir, & le pouvoir qu'a donné le Procureur au Subftitué, ceffe auffi. En forte que fi le débiteur payoit au Subftitué, il auroit mal payé, & payeroit encore une fois au conftituant, fauf fon · recours contre le Subftitué."

Ainfi pour ces mêmes raifons, Pierre ayant donné pouvoir à Nicolas de fubftituer par fon ordre telle perfonne qu'il lui plairoit pour recevoir de François l'accepteur le contenu en la lettre en queftion, Nicolas par le moyen de fon ordre fubftitue Jacques pour en recevoir de François & Pierre, au profit duquel ladite lettre eft tirée, & auquel elle appartient, ayant révoqué fon ordre au moyen de la faifie faite à fa Requête ès mains de François l'accepteur, & l'Exploit de faifie portant défenfes à François de payer à autre qu'audit Pierre, à peine de payer deux fois. Il eft certain que le pouvoir qu'a donné Pierre à Nicolas par le moyen de fon ordre, & celui qu'il a donné à Jacques, aufli par le moyen de fon ordre, ceffent & font demeurés caducs, comme non avenus, quoique l'ordre paffé par Nicolas à Jacques foit du vingt-fix Octobre, & que l'Exploit de faifie faite à la Requête de Pierre, foit poftérieurement du vingt-fept dudit mois, & par conféquent fa faifie eft bonne & valable, fauf le recours de Jacques contre Nicolas, auquel il a donné la valeur de la lettre prématurément & par anticipation; parce qu'il doit s'imputer à lui-même d'avoir payé à Nicolas le contenu en la lettre, fçachant bien qu'elle ne lui appartenoit pas, & qu'elle n'étoit point à Nicolas, mais à Pierre, qui pouvoit révoquer ledit ordre, comme l'évenement l'a fait connoître; de même que fi le fubftitué s'imputoit, s'il avoit avancé au Procureur qui l'a fubftitué, la somme que le conftituant lui a donné pouvoir de recevoir de fon débiteur, s'il étoit empêché de la recevoir dudit débiteur, au moyen de la révocation que le conftituant auroit faite de ladite procuration qu'il auroit fait fignifier à fon débiteur, & le fubftitué n'auroit fon recours que contre le Procureur qui l'auroit fubftitué en vertu de la procuration, & non contre le conftituant qui l'auroit paffée.

Mais fuppofé même que l'ordre en queftion ne fût point réputé une Procuration, & qu'il n'en eût pas l'effet (que fi) pour les raifons ci-devant alleguées, & qu'on le voulût faire paffer pour un ordre portant ceffion ( que non) la lettre ne laifferoit pas pour cela d'appartenir à Pierre, parce que du moins il ne pafferoit que pour un endoffement (c'eft-à-dire de quittance) & non d'ordre, parce qu'il ne porte point que Pierre en ait reçu la valeur de Nicolas. Cela eft conforme à l'Article XXIII. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, qui porte, que les fignatures au dos des lettres de change ne ferviront que d'endoffement & non d'ordre, s'il n'eft datté & ne contiennent le nom de celui qui a payé la valeur en argent, marchandifes, ou autrement. Ainfi, fuivant cette difpofition l'ordre en queftion ne peut paffer que pour un endoffement, & non un ordre, puifqu'il ne porte point que Nicolas ait donné aucune valeur de ladite lettre à Pierre qui l'a paffé. Et l'Article XXV. du même Titre porte: Qu'en cas que l'endoffement ne

foit pas dans les formes ci-deffus, les lettres feront réputées appartenir à celui qui les aura endoffees, & pourront être faifies par fes créanciers & compenfées par fes redevables. De forte que fuivant cette difpofition la lettre en queftion eft réputée appartenir à Pierre, & fes créanciers ont pu faire faifir fur lui ès mains de François l'accepteur; & fuppofé que François fe trouvât créancier de Pierre, il pourroit compenfer la fomme qui lui feroit dûe, jufqu'à la concurrence d'icelle, avec les 3200 livres portées par ladite lettre de change en question. En effet, il y a plufieurs Sentences rendues dans les Jurifdictions Confulaires de ce Royaume, qui l'ont ainfi ordonné, & plufieurs Arrêts qui les ont confirmées.

Ainfi de quelque maniere qu'on prenne cette affaire, la faifie de Pierre eft bonne & valable, & François l'accepteur ne peut valablement payer qu'à lui, à moins de payer deux fois, comme il a déja été dit ci-dessus.

A l'égard de la faifie faite à la Requête de Simon, ès mains de François l'accepteur fur Nicolas, duquel il prétend être créancier, elle n'est d'aucune confidération; parce que Nicolas n'ayant rien en la lettre de change en queftion, & ayant toujours appartenu à Pierre, comme il a été montré ci-deffus, la faifie étant faite fur Nicolas, auquel il n'eft rien dû, demeure nulle comme non avenue,

Déliberé à Paris le 20 Novembre 1682.

Tome II.

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