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qu'il en a fait le payement; ce n'eft pas à dire pour cela que Simon le porteur n'eut droit que contre Pierre le tireur, pour prouver en cas de négation que Jacques, fur qui la lettre eft tirée, étoit fon redevable lors de la traite des 600 livres portées par icelle, ou ne l'étant pas, qu'il lui a envoyé provifion pour la payer & acquitter lorfque le proteft a dû être fait: mais il a encore le même droit contre Guillaume l'endoffeur, & il ne peut obliger Simon de s'adreffer qu'à lui feul, fi bon ne lui femble, pour faire cette preuve, & non à Pierre le tireur ; & cela pour trois raifons. La premiere, parce qu'il en eft de même d'un endoffeur en matiere du Commerce des lettres de change, comme d'un Ceffionnaire en matiere de Contrats de ceffion & tranfport d'argent qui fe font entre perfonnes qui ne fe mêlent point du Commerce. Car en matiere de Contrats de ceffions d'argent, fi le Ceffionnaire fait ceffion & tranfport à une tierce perfonne de la fomme à lui cedée & tranfportée par fon cédant, il eft certain qu'il eft tenu & obligé envers cette perfonne fon Ceffionnaire, aux deux fortes de garanties ci-devant expliquées. Et fi le transport eft fait avec la claufe de garantir, fournir & faire valoir, fans autre pourfuite ni diligence faite que d'une fimple fommation ou commandement, fi celui fur lequel eft fait le tranfport par le premier cédant, ne paye pas à la premiere fommation ou commandement qui en eft fait, quoiqu'il foit fon débiteur, la tierce perfonne à laquelle a été fait le fecond tranfport revient feulement fur fon cédant, Ceffionnaire du premier cédant, fans qu'il foit obligé, fi bon ne lui femble, de retourner fur ledit premier cédant, parce que ce n'eft pas lui qui lui a fait la ceffion; ainfi il n'a pas fuivi fa bonne foi, mais celle du Ceffionnaire fon cédant. Et fi le Contrat de ceffion & tranfport fait par le Ceffionnaire du premier cédant à cette tierce personne, est fait avec la claufe fans aucune garantie, & s'il prend la fomme à lui cedée à fes rifques, périls & fortunes; fi à la premiere fommation ou commandement qui eft fait à celui fur lequel eft fait le tranfport, il fait réponse qu'il ne peut payer, parce qu'il ne doit rien au premier cédant, il n'y a pas encore de doute que cette tierce perfonne retourne feusement fur le Ceffionnaire fon cédant, en recours de garantie, de fes fairs & promeffes, qui font que la fomme qu'il lui a cedée étoit dûe, & en ce cas il eft obligé de le prouver; finon & à faute de ce faire, il est tenu de rendre & reftituer la fomme par lui cedée à cette tierce perfonne fon Ceffionnaire, fans que ladite tierce perfonne foit tenue, fi bon ne lui femble, de retourner fur le cédant de fon cédant, pour les mêmes raifons qui viennent d'être dites. Ainfi un ordre paffé au dós d'une lettre de change portant valeur reçue, étant une ceffion & tranfport d'argent, de même qu'une ceffion & tranfport que fait un Ceffionnaire à une tierce perfonne d'une fomme qui lui a été cedée par fon cédant, & qu'il n'y a aucune difference de l'une à l'autre ; cette queftion touchant l'ordre qui fe met au dos d'une lettre de change, doit être décidée par les mêmes raisons alleguées ci-deffus. La feconde raifon eft, qu'il faut obferver que les ceffions & tranfports qui fe font entre les Marchands, Négocians & Banquiers dans le Commerce de la Banque & du Change, par le moyen des lettres de change que l'on tire, & des ordres qui fe paffent au dos d'icelles, les unes für les autres, doivent être acquittés & payés plus ponctuellement que les Contrats de ceffions & tranfports qui fe font entre perfonnes qui font d'autres profeffions; parce que fi les lettres de change ne font pas payées ponctuellement à l'échéance, & qu'elles retournent à proteft, cela fait perdre le credit à ceux qui les ont tirées, & à ceux à qui elles font payables qui les ont endoffées au profit de quelque autre, & ce crédit étant perdu, cela eft capable de leur

faire faire banqueroute: & c'est pour cette raison qu'il fe pratique très-fouvent dans ce Commerce deux chofes.

L'une, que fi l'endoffeur juge que celui qui a tiré une lettre de change à son profit, l'a tirée fur un Négociant ou fur un Banquier qui ne lui doive rien, & qu'ainfi il fera peut-être négligent de lui envoyer provifion pour la payer & acquitter à l'échéance, ou du moins dans le tems qu'elle pourroit être protestée, pour éviter l'inconvénient qui lui pourroit arriver; fi celui au profit duquel il a paffé fon ordre, revient fur lui en cas qu'elle fût proteftée, cela fait qu'il mande à celui fur qui la lettre eft tirée (s'il eft fon ami) que fi le tireur ne lui fait point de remife, pour payer & acquitter la lettre à l'échéance, ou du moins dans le tems que la lettre peut être protestée, il le prie de ne laiffer point protefter la lettre, qu'il la paye à celui qui en qui en fera porteur pour l'honneur de fon endoffement, & qu'il s'en prévale fur lui par fa lettre ou autrement, & qu'il y fera honneur. Et fi l'endoffeur n'eft pas affez connu de celui fur qui la lettre eft tirée pour lui faire crédit, ledit endoffeur envoye provifion pour la payer & acquitter.

L'autre eft, que fi celui fur lequel la lettre eft tirée à l'échéance, eft refufant de la payer, ou à caufe qu'il n'eft point débiteur du tireur, ou à caufe qu'on ne lui a point envoyé provifion, ou autrement, & que fur ce refus le porteur la faffe protefter; il furvient très-fouvent, lors du proteft, que quelque autre Négociant payera & acquittera la lettre pour l'honneur de l'endoffeur: quoi faifant il demeure fubrogé en tous les droits du porteur de la lettre, quoiqu'il n'en ait point de tranfport, fubrogation ni. ordre. Cela eft conforme à l'Article III. du Titre V. de l'Ordonnance ci-devant alleguée.

La troifiéme & derniere raifon eft, que cette question eft décidée par l'Article XVI. dudit Titre V. de l'Ordonnance ci-devant alleguée, c'eft-à-dire, qu'il fera permis au porteur de la lettre, de fe pourvoir en cas de négation, ou contre fon endoffeur, parce qu'il n'a reconnu que lui dans fa négociation, & par conféquent fa bonne foi, ou contre l'endoffeur de fon endoffeur, ou contre le tireur, parce que le porteur eft fubrogé en tous les droits, noms, raifons & actions de fon endoffeur; c'eft pourquoi il les exerce fur l'endoffeur de fondit endoffeur, & contre le

tireur.

Par toutes les raifons ci-deffus déduites, l'on voit qu'il n'y a aucune difficulté que les endoffeurs de lettres font tenus en cas de dénegation lors des protefts envers ceux au profit de qui ils les ont endoffées; que celui fur qui la lettre eft tirée étoit débiteur du tireur, ou qu'il lui a envoyé provifion pour la payer dans le tems que le proteft a dû être fait, finon ils font tenus à la garantie du contenu en ladite Fettre.

Déliberé à Paris le 20 Décembre 1682.

X x iij

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I. Quelle difference il y a entre un ordre & un aval mis fur une Lettre de Change? II. Ce que veulent dire ces mots, contre-paffation d'ordre ?

III. Si un Commiffionnaire qui a vendu des marchandises pour le compte d'un Commettant, & qui a reçu un billet de l'Acheteur pour le prix payable à lui ou à fon ordre, & mis fon ordre payable au Commettant pour valeur des marchandises vendues, eft garant de ce billet envers celui qui s'en trouve porteur, en vertu de l'ordre du Commettant, lorfque le Commettant & l'Acheteur qui a fait le billet, ont fait faillite?

IV. Ce que doit faire un Commiffionnaire pour n'être point garant des Lettres de Change, ou billets que l'Acheteur donne pour le prix des marchandifes, & fur lesquelles il paffe fes ordres au profit du Commettant?

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MÉMOIRE POUR CONSULTER.

U 21 Janvier prochain, je payerai à fix usances à l'ordre de Pierre, la fomme de 4000 livres, pour marchandifes d'huile d'olive reçues à mon contentement. Signé, NICOLAS.

Et au dos eft écrit:

Pour moi payez le contenu de l'autre part à Jacques de Saint Malo, ou à fon ordre pour la valeur des huiles que j'ai vendues pour fon compte. Signé, PIERRE.

Et au dos dudit ordre eft encore écrit:

Et pour moi payez le contenu de l'autre part au fieur Louis de Saint-Malo, valeur reçue dudit Sieur argent comptant. Signé, JACQUES.

LE FAI T.

Jacques, Marchand ds Saint-Malo, a envoyé à Pierre fon Commiffionnaire à Rouen, des huiles d'olive pour vendre pour fon compte, lefquelles étant arrivées, il les vend à Nicolas, pour payer à fix ufances, qui fait fon billet de la maniere qu'il eft ci-deffus tranfcrit. Et Jacques le Commettant mande à Pierre fon Commiffionnaire de lui envoyer la promeffe ou billet dudit débiteur. Ledit Pierre envoye ledit billet à Jacques fon Commettant, conçu en la maniere ci-deffus. Ledit Jacques le Commettant ayant reçu le billet, paffe fon ordre en faveur de Louis de Saint-Malo, en la maniere ci-deffus tranfcrite.

Nicolas l'acheteur, qui a fait le billet, s'abfente & fait faillite; ce qui étant venu à la connoiffance de Louis porteur dudit billet, il fait faire un proteft fur ledit Nicolas, & au lieu de revenir fur Jacques, qui s'étoit auffi abfenté, il retourne fur Pierre, auquel il a fait dénoncer ledit proteft, conformément à l'Article XXXIII. de l'Ordonnance de 1673, avec affignation pardevant les Prieur & Confuls de Rouen, pour fe voir condamner à payer le contenu audit billet.

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Pierre dit pour défenfes que l'ordre qu'il a mis au dos dudit billet, n'eft point un aval, mais bien une rétroceffion dudit billet, & que n'étant que Commiffionnaire de Jacques le Commettant, pour lequel il a vendu les huiles à Nicolas l'acheteur on ne peut pas revenir fur lui, parce qu'il n'a fait en cela que l'office d'un fimple Mandataire ou Procureur; qu'ainfi ledit Jacques fon Commettant étant le feul & unique Propriétaire dudit billet, comme il paroît par la rétroceffion qu'il en a faite au dos dudit billet à fon profit, il en a pû difpofer difpofer en faveur de Louis, fans Pierre foit tenu à la garantie dudit billet, puifque ce n'eft qu'une fimple rétroceffion qu'il a faite, & non un ordre.

que

Ledit Louis prétend au contraire que Pierre ayant mis fon ordre au dos dudit billet payable audit Jacques, ou ordre, lui a donné la faculté d'en difpofer au profit d'une tierce perfonne; qu'ainfi ledit Pierre eft tenu à la garantie dudit billet, & que l'explication qu'il donne à fon ordre ne doit être confiderée qu'à l'égard du Commiffionnaire au Commettant, & non d'une tierce perfonne qui donne fon

argent.

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L'on demande avis au fujet de la préfente conteftation; fçavoir, fi Louis eft bien fondé en fa demande en garantie dudit billet, ou fi la retroceffion qu'a passée Pierre à Jacques fon Commettant, dudit billet auquel il appartenoit, & non audit Pierre qui n'a fait en cela que l'office d'un Procureur ou Mandataire, l'oblige à la garantie dudit billet?

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Le fouffigné qui a pris lecture du billet, des ordres au dos d'icelui, & du Mémoi re ci-deffus tranfcrit, eftime que l'ordre paffé au dos du billet en question par Pierre à Jacques, n'eft point un aval, ni une rétroceffion, mais un ordre en bon ne & dûe forme, portant ceffion du contenu audit billet au profit de Jacques; ce n'eft point un aval, parce qu'il n'en a pas la forme. En effet, un aval proprement un cautionnement envers celui au profit duquel il eft fait, & envers celui au profit duquel il a paffé ou paffera fon ordre du contenu en une lettre de change ou billet, s'il eft payable à ordre, & pour l'ordinaire l'aval qui fe met au dos d'une lettre de change, ou billet, fe met de la maniere fuivante, pour aval, & au-deffous celui qui a fait l'aval met fa fignature; & par ce feul mot, aval, il s'oblige à la garantie de la lettre de change ou billet, en cas qu'elle ne foit payée, parce que ce mot aval veut dire faire valoir. En forte que celui qui a fait la lettre de change ou billet, & celui qui a fait fon aval, font obligés folidairement à la garantie. Cela eft conforme à l'Article XXXIII. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673.

Ce n'eft point une rétroceffion, parce qu'une rétroceffion d'une chofe à une perfonne veut dire que cette perfonne avoit cedé auparavant cette chofe à celui qui fait la rétroceffion. En effet, dans le Commerce des lettres de change, & autre forte de billets payables à ordre, il fe fait fouvent des rétroceffions; par exemple, Guillaume aura paffé au dos d'un billet, au profit d'Alexandre, valeur

reçue

de lui en deniers comptans, ou autres fortes de valeur; cela s'appelle avoir fait une ceffion, & avant que ce billet foit échu, il fe fait une feconde négociation entre Guillaume & Alexandre, dans laquelle Alexandre fera débiteur de Guillaume, il donnera en payement à Guillaume le billet fur lequel il avoit paffé l'ordre à fon profit, alors Alexandre paffe fon ordre au bas de celui fait par Guillaume à fon profit, portant auffi valeur reçue en deniers comptans, ou autre valeur; & c'est ce qu'on appelle rétroceffion en termes de Palais, & en terme mercantil, contrepaffation d'ordre.

Or il n'en eft pas de même dans l'affaire dont il s'agit, car Jacques n'a point fait ceffion du billet en queftion à Pierre: il ne la pouvoit pas même faire, parce que ledit billet n'a point été fait par Nicolas à fon profit, mais bien au profic de Pierre, pour la valeur de la marchandise d'huile qu'il lui avoit vendue. Ainsi Pierre le Commiffionnaire n'avoit point de rétroceffion à faire à Jacques fon Commettant ; au contraire, comme Pierre avoit vendu les huiles de Jacques à Nicolas lequel Nicolas n'avoit connu que ledit Pierre dans fa négociation, c'eft pourquoi il a fait le billet en question à fon profit, payable à fon ordre, & enfuite pour cela paffé fon ordre au dos dudit billet, au profit de Jacques, payable à lui, ou à fon ordre, qui eft à proprement parler une ceffion que Pierre à faite à Jacques par fon ordre des 4000 livres mentionnées audit billet, pour les huiles qu'il avoit vendues pour fon compte à Nicolas le tireur de la lettre.

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Le fouffigné estime auffi que Pierre ayant paffé fon ordre au dos du billet en question, payable à Jacques, ou à fon ordre, eft tenu & obligé à la garantie des 4000 livres mentionnées en icelui envers Louis, au profit duquel Jacques a paffé le fien. La raifon eft, qu'au moyen de ces mots, pour moi payez à Jacques, ou à fon ordre, Pierre a rendu ledit billet négociable dans le Public. De forte que quand Jacques a négocié le billet à Louis, ledit Louis l'a confideré comme un billet & comme un ordre paffé par Pierre en la maniere ordinaire, ne prenant point connoiffance s'il étoit Commiffionnaire de Jacques, ou non. Mais l'on dit, Pierre n'eft qu'un fimple Commiffionnaire de Jacques, pour lequel il a vendu les huiles à Nicolas; ainfi Jacques étoit le propriétaire dudit billet, parce qu'il porte: Je payerai à l'ordre de Pierre 4000 livres, pour marchandifes d'huile reçues à mon contentement; & que l'ordre qu'a paffé Pierre au dos du billet, fe rapporte audit billet, en ce qu'il porte: Pour moi payez à Jacques, ou à fon ordre, pour la valeur des huiles, que j'ai vendues pour fon compte. De forte que tout cela marque évidemment que Pierre n'a paffé ledit ordre que comme fimple Commiffionnaire ou Mandataire de Jacques; ainfi fon ordre ne l'oblige à aucune garantie envers Louis, porteur dudit billet.

A cela on répond quatre chofes. Premiérement, que Pierre a été originairement Propriétaire du billet en queftion, parce qu'il étoit fait à fon profit, & que c'eft Pierre qui a fait Jacques Propriétaire dudit billet, au moyen de l'ordre qu'il a paffé à fon profit, de même que Jacques a rendu Louis Propriétaire d'icelui billet, au moyen de l'ordre qu'il a aufli paffé à fon profit. Secondeiment, ledit billet ne porte point que les huiles ayent été vendues par Pierre pour ie compte de Jacques. Troifiémement, quoique l'ordre de Pierre porte, pour marchandise d'huile qu'il a vendue pour le compte de Jacques, cela ne regarde point Louis, qui eft une tierce perfonne, mais feulement ledit Pierre, qui a voulu marquer par-là qu'il payoit en ce biller Jacques, des huiles qu'il lui

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