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lui, qui n'échoit que quinze jours après, parce que le porteur de la lettre ne l'aura peut-être prefentée à Auguftin pour en recevoir le payement qu'au premier Avril, jour auquel elle est échue. Car il faut remarquer que rarement fait-on accepter une lettre de change, payable à ufance, ou à jour nommé, quand on eftime le tireur bon. Ainfi Auguftin de la Rochelle n'ayant point accepté la lettre tirée sur lui par Louis de Paris, ne s'eft point conftitué débiteur envers le porteur; & par conféquent il lui eft permis de la payer ou de ne la pas payer, cela dépendant en

tiérement de lui.

Secondement, fuppofé que Louis de Paris eût fait faillite le 11 Mars, qui font quatre jours avant ladite faillite, & que le porteur de la lettre de change tirée par Auguftin de la Rochelle, ne l'eût point fait protefter fur ledit Louis, dans les dix jours après celui de l'échéance, fous prétexte que la faillite dudit Louis étoit rendue publique; & ledit porteur de lettre n'ayant point fait dénoncer aucun proteft audit Auguftin de la Rochelle, ledit Auguftin qui croit ledit Louis folvable, se repofe fur la foi de l'Ordonnance, & ne fçachant pas la faillite arrivée à Louis payera indubitablement la lettre de change que Louis avoit tirée sur lui au porteur d'icelle, lorfqu'il lui en demandera le payement à l'échéance, quoiqu'il ne l'eût pas acceptée. Ainfi par ce manque de formalité Auguftin recevroit du préjudice.

Troifiémemeut, fi le porteur d'une lettre de change n'étoit point tenu ni obligé de la faire protester, lorfque l'accepteur d'icelle a fait faillite, ni de faire dénoncer le protest aux donneurs d'ordres, cela leur apporteroit auffi un notable préjudice, parce qu'il arrive fouvent, quand un Banquier accepteur de lettres de change fait faillite, que le tireur d'icelles fait aufli faillite, caufée par le grand engagement dans lequel il eft avec lui; ainfi le donneur d'ordres n'ayant point d'avis de la faillite arrivée à l'accepteur de la lettre par lui endoffée de fon ordre (comme il l'auroit, fi le porteur lui avoit fait dénoncer,) ne peut pas retourner ni fe pourvoir en recours de garantie contre le tireur, avec toute la promptitude qu'il feroit en ce fatal rencontre pour se faire rembourfer de la

lettre.

Par toutes les raifons ci-deffus déduites, l'on voit l'importance qu'il y a pour le Public, qu'un porteur de lettre de change la faffe protefter fur l'accepteur d'icelle, dans les dix jours après celui de l'échéance, & qu'il faffe dénoncer le protest, tant aux tireurs qu'aux donneurs d'ordres, quoique ledit accepteur ait fait faillite avant l'échéance de la lettre.

Sur la feconde Queftion.

Que Denys, porteur de la lettre de change en queftion, ne peut retourner en recours de garantie fur Jacques de Bordeaux, tireur d'icelle, fuppofé même qu'il l'eût fait protefter dans les dix jours de faveur. La raifon eft, que Jacques n' point tiré ladite lettre de change fur Henry, qui l'a acceptée pour fon compte particulier, mais bien pour le compte de François, Banquier à Bayonne. Ainfi Jacques n'ayant agi dans le commerce que comme un fimple Commiffionnaire ou Mandataire de François fon Commettant, Denys, n'a aucune action en recours de garantie contre lui, mais bien contre ledit François de

Bayonne, qui lui a donné commiffion de tirer la lettre de change en question fur Henry fon Correfpondant à Paris.

Sur la troifiéme Queftion.

Qu'encore que Henry, accepteur de la lettre en queftion, déniât être débi teur de Jacques de Bordeaux, qui l'a tirée. fur lui, ou qu'il ne lui ait point fait tenir provifion pour la payer, lorfque le proteft a dû être fait, Denys porteur d'icelle n'auroit pour cela aucune action contre lui, pour lui demander le remboursement du contenu en ladite lettre, parce que (comme il a déja été dit fur la feconde queftion) Jacques ne l'a point tirée pour fon compte particulier, mais bien pour le compte de François de Bayonne., contre lequel Denys a feulement fon action. Mais fi ledit Henry dénioit être débiteur dudit François, & s'il ne lui avoit envoyé aucune provifion pour acquitter ladite lettre de change, lorfque le proteft en a dû être fait, en ce cas François qui ordonne à Jacques de Bordeaux de tirer ladite lettre fur Henry & Pierre, au profit duquel elle eft tirée, qui a paffé fon ordre en faveur de Guillaume, &. ledit Guillaume qui a paffé le fien en faveur de Denys, font tenus de prouver. que Henry étoit débiteur de François, lorfque la lettre a été tirée, & qu'il la acceptée, ou que ledit François lui a envoyé provifion pour l'acquitter, lorfque le proteft, fui a dû être fait par Denys porteur de ladite lettre; au trement, & à faute de ce faire, ils font tous trois folidairement tenus & obligés à la garantie, & à rembourfer à Denys les 3.000 livres portées dans icelle. lettre. Cela eft conforme à l'Article XVI. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673 ci-devant alleguée fur la premiere queftion, qui est fondée fur ce qu'il ne feroit pas jufte qu'un porteur de lettre, pour ne l'avoir. fait protefter, dans les dix jours, fuivant l'Article IV. fût non- recevable pour ce manque de formalité de toutes fortes d'actions en garantie contre le tireur & les donneurs d'ordres, ainfi que porte l'Article XV. parce qu'un tireur de lettre eft garant de fes faits & promeffes, non-feulement envers celui au profit duquel il a tiré la lettre, mais encore envers tous ceux qui auront paffé des ordres au profit des uns & des autres.. Lefdits faits & promeffes font, que celui fur lequel le tireur l'a tirée étoit fon débiteur, ou ne l'étant pas, qu'il lui a envoyé provifion pour la payer dans le tems que le protest. a dû être fait, & les donneurs d'ordres font auffi tenus les uns envers les au-tres à la garantie defdits faits & promeffes du tireur envers le porteur d'icelle, au profit duquel a été paffé le dernier ordre; car en France on n'a rien pour: rien. En effet, feroit-il raifonnable qu'un tireur de lettre de change profitât d'une fomme de 3000 livres qu'il auroit reçue pour la valeur d'une lettre de change qu'il auroit tirée fur fon Correfpondant, qui ne lui doit rien, & auquel il n'a point fait tenir de provifion pour la payer à son échéance au préjudice du porteur d'icelle, fous prétexte qu'il n'a pas fait protefter ladite lettre dans les dix jours portés par l'Ordonnance. Ainfi par ces raifons, l'on voit que le fufdit Article XVI. a fagement pourvû à la difficulté ci-dessus propofée.

pas

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Mais fi François de Bayonne, qui a ordonné à Jacques de Bordeaux, de tirer

la lettre de change de 3000 livres en queftion fur Henry fon Correfpondant à Paris, prouve que ledit Henry étoit fon débiteur de pareille fomme de 3000 livres lorfque la lettre a été tirée fur lui, ou ne l'étant pas, qu'il lui ait fait tenir provifion, c'eft-à-dire 3000 livres pour la payer dans le tems que le protest a dû être fait. En ce cas il n'y a point de difficulté que Denys n'ayant point fait protefter la lettre de change en queftion fur Henry, dans les dix jours portés par f'Ordonnance, eft non-recevable en fon action en garantie contre François, qui a donné ordre à Jacques de tirer pour fon compte, ni contre Pierre, au profit duquel. elle eft tirée, & qui a paffé fon ordre en faveur de Guillaume, ni de Guillaume qui a paffé le fien en faveur dudit Denys, parce que ledit Denys doit s'imputer à lui-même fa négligence, laquelle ne leur peut faire aucun préjudice.

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I. Si un proteft, qui a été fait dans les dix jours de l'Ordonnance, eft bon & valable? II. Si un porteur de Lettre de Change eft non-recevable en fon action, faute d'avoir dénoncé ni donné copie du proteft au tireur, lorfqu'il a intenté fon action en garantie ?* Ou s'il fuffit qu'il lui ait fait donner copie d'une Sentence obtenue contre l'Accepteur, dans laquelle le proteft eft énoncé ?

III. Si une action en recours de garantie a été intentée dans le tems de l'Ordonnance? W. Si une Lettre de Change, dans laquelle la valeur n'eft point exprimée, eft nulle? Ou fi cette luttre eft réputée appartenir au tireur, & non à celui à qui elle eft payable?

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MÉMOIRE POUR CONSULTE R.

Ly a conteftation entre Pierre & Paul, fur la garantie d'une lettre de change, a conteftation entre dont la teneur s'enfuit. A Amiens, le 4 Février 1683.

Monfieur, au 18 Avril prochain, il vous plaira payer par cette Lettre de Change. au fieur Pierre, Marchand de cette Ville, ou à fon ordre, la fomme de 800 livres, pour valeur regue dudit Sieur, que pafferez à compte de votre très-humble ferviteur, FRANÇOIS.

A Monfieur Nicolas, Banquier à Paris.

Et au dos eft écrit::

Et pour moi vous payerez le contenu de l'autre part au fieur Paul, on ordre, valeur reque dudit Sieur en deniers comptans. A Anvers le 12 Février 1683.

PIERRE.

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LE FAIT.

Paul, porteur de la lettre de change, dont copie eft ci-dessus transcrite, le 28 Avril dernier, a fait protefter fur Nicolas l'accepteur, faute de payement des 800 livres contenues en icelle; & par l'Exploit du proteft il lui a fait donner affignation pardevant les Juge & Confuls de Paris, où il auroit obtenu Sentence, qui condamne ledit Nicolas à lui payer les 800 livres contenues en ladite lettre de change.

Nicolas l'accepteur ayant fait faillite, Paul revient fur Pierre en recours de garantie; & pour cet effet, par Exploit du 14 Mai 1683, il lui a fait dénoncer Ladite Sentence des Juge & Confuls, & lui fait donner copie de ladite lettre de change, & par le même Exploit il lui fait donner affignation pardevant les Juge & Confuls d'Amiens, pour fe voir condamner à lui rendre & reftituer ladite fomme de 800 livres, ensemble à lui payer les changes & rechanges, intérêts & dépens.

Pierre pour défenfes dit deux chofes : Premiérement, que Paul eft non-recevable en fon action, parce qu'il n'a pas fait protefter la lettre de change en queftion dans les dix jours fuivant l'Ordonnance, en ce qu'elle n'a été protestée que le 28 Avril, & qu'elle le devoit être le 27; qu'en effet, en commençant à compter les dix jours le 18 Avril, jour auquel la lettre échéoit, & qui doit être compris dans les dix jours, fuivant l'Article VI. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673 jufqu'au 28 dudit mois que la lettre a été proteftée, il s'y trouvera onze jours. Secondement, fuppofé même que le proteft eût été fait dans les dix jours (que non) Paul ne laifferoit pas d'être non-recevable en fon action en garantie contre Pierre, parce qu'il ne lui a point fait dénoncer le proteft, ainsi qu'il devoit, dans le tems porté par l'Ordonnance; mais feulement la Sentence de condamnation qu'il a obtenue contre Nicolas accepteur de ladite lettre le 14 Mai, ce qui ne fuffit pas; & qu'ainfi pour ces deux raifons Pierre doit être renvoyé quitte & abfous de la demande à lui faite par Paul, avec dé

pens.

Paul réplique, premiérement, que le 18 Avril, jour auquel la lettre de change échéoit, ne doit point être compris dans les dix jours, & que les dix jours ne fe doivent commencer à compter que le 19 dudit mois, qui est le lendemain de l'échéance d'icelle lettre, fuivant l'Article IV. du même Titre V. de l'Ordonnance ci-deffus alleguée, De forte qu'en commençant à compter les dix jours le 19 dudit mois d'Avril, il fe trouve que les dix jours finiffent le 28 dudit mois d'Avril, jour auquel le proteft a dû être fait fur Nicolas l'accepteur, faute de payement. Qu'ainfi le proteft a été fait dans les dix jours, fuivant le fufdit Arcle. Secondement, qu'il n'étoit point néceffaire que Paul fit dénoncer le protest à Pierre, & qu'il fuffifoit feulement qu'il le pourfuivit en garantie de ladite lettre de change, dans le tems porté par l'Article XIII. du même Titre V. de la fufdite Ordonnance. Et c'eft ce qu'il a fait le 14 Mai 1683, auquel jour il lui a fait donner copie de ladite lettre de change, & de la Sentence de condannation qu'il a obtenue contre Nicolas accepteur d'icelle, dans le Vû des pieces de laquelle eft fait mention du proteft, duquel on offre encore donner copie; qu'ainfi pour toutes ces raifons Paul eft bien fondé en fon action en garantie de

Jadite lettre contre Pierre, & qu'il doit être condamné à lui rendre & reftituer les 800 livres mentionnées en icelle lettre, & à lui payer les changes & rechanges, avec les intérêts, à compter du jour du proteft, & aux dépens.

On demande avis fur quatre chofes.

La premiere, fi le proteft de la lettre de change en queftion a été fait dans les dix jours, ou non?

La feconde, fi Paul pour n'avoir point dénoncé, ou fait donner copie du proteft à Pierre au jour qu'il a intenté fon action en garantie contre lui, eft nonrecevable en fadite action, ou non? Et s'il fuffit à Paul d'avoir fait feulement donner copie de la lettre de change en queftion, & de la Sentence de condamnation par lui obtenue aux Confuls de Paris, contre Nicolas accepteur de ladite lettre?

La troifiéme, fi le 14 Mai 1683, jour auquel Paul a intenté fon action en garantic contre Pierre, eft dans le tems porté par l'Ordonnance de 1673, ou

non ?

Et la quatrième, comme la lettre de change en queftion porte fimplement que François a reçu la valeur des 800 livres portée par icelle lettre, fans dire en quoi il a reçu cette valeur, pour n'avoir par François le tireur exprimé la valeur conformément à l'Ordonnance, fi ladite lettre de change eft nulle?

Le fouffigné qui a pris lecture de la lettre de change, dont copie eft ci-dessus tranfcrite, & des demandes, défenses, & répliques des Parties, est d'avis,

Sur la premiere Question.

il

Que le proteft de la lettre de change en question a été fait dans les dix jours après celui de l'échéance d'icelle lettre, fuivant l'Article IV. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673. En effet, la lettre échéoit le 18 Avril: ainfi commençant à compter les dix jours du lendemain de l'échéance, qui eft le 27, fe trouvera que les dix jours finiffoient le 28 dudit mois d'Avril, auquel jour le proteft devoit être fait parce qu'il falloit que le proteft fût compris dans les dix jours, fuivant l'Article VI. Il eft vrai que s'il falloit que le jour de l'échéance fût compris dans les dix jours, auffi-bien que celui du proteft, comme porte ledit Artice VI. ce proteft n'auroit pas été fait à tems, parce qu'il eût fallu le faire le 27 Avril, jour auquel les dix jours euffent fini, & non pas le 28. Ainfi le proteft ayant été fait un jour trop tard, Paul feroit non-recevable en fon action en garantie de ladite lettre de change, fuivant l'Article XV. du même Titre V. de l'Ordonnance.

que

Mais pour décider cette queftion, il faut s'arrêter à l'Article IV. qui porte, les porteurs de lettres feront tenus de les faire payer ou protefter dans dix jours après celui de l'échéance, & non à l'Article VI. qui porte, que dans les jours acquis pour le tems du proteft, feront compris ceux de l'échéance & du protest; parce que les mots de l'échéance, dans ledit Article VI. font mis par un vice de Clerc, ou par une faute d'impreffion, d'autant que ce n'a jamais été l'intention de l'Ordonnance, que le jour de l'échéance fût compris dans les dix jours. La raifon eft, que le porteur d'une lettre de change peut faire protefter, fi bon lui femble, le jour que la lettre de change eft échûe, & s'il attend dix jours, c'est une faveur qu'il fait à l'accepteur; c'eft pourquoi l'on appelle ces

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