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dix jours de faveur. Or il eft certain que le jour de l'échéance n'eft point de faveur, parce qu'il n'appartient point au porteur de la lettre de change qui donne les dix jours de faveur, mais bien à l'accepteur. En effet, Paul n'avoit encore aucune action contre Nicolas, accepteur de la lettre de change en queftion le 18 Avril, parce qu'elle n'étoit pas encore échûe, & Nicolas l'accepteur avoit encore le reste du jour 18 Avril jufqu'à minuit pour la payer, fans que Paul pût intenter aucune action contre lui, parce que qui a terme ne doit rien. En effet, Paul ne la pouvoit intenter que le lendemain 19 dudit mois, que la lettre étoit échûe; & il eft vrai de dire que fi Paul avoit fait protefter la lettre le 18 le proteft feroit nul & de nul effet, parce qu'il auroit été prématuré & fait avant le tems. Ainfi l'intention de l'Ordonnance n'eft point de comprendre dans les dix jours de faveur celui de l'échéance, fuivant le fufdit Article VI. autre ment il n'y auroit que neuf jours, au lieu de dix jours, fuivant l'Article IV. pré

cédent.

Mais pour faire voir que ce n'eft point l'intention de l'Ordonnance que le jour de l'échéance foit compris dans les dix jours de faveur, fuivant l'Article VI. & que c'eft un vice de Clerc, ou une faute d'impreffion, comme il a été dit ci-devant, c'eft que tous les Articles qui fuivent le fufdit Article VI. du même Titre V. concernant les délais, portent que les délais feront comptés du lendemain de l'échéance. Car l'Article XIV. parlant des délais portés par le précédent Article XIII. concernant le tems auquel les porteurs de lettres feront tenus de fe pourvoir en recours de garantie contre les tireurs & endoffeurs, porte, que les délais feront comptés du lendemain des protefts, jufqu'au jour de l'action en garantie inclufivement. L'Article XX. porte, que les cautions baillées pour l'èvenement des lettres de change, feront déchargées de plein droit, fans qu'il foit befoin d'aucun Jugement, procedure ou fommation, s'il n'a été fait aucune demande pendant trois ans, à compter du jour des dernieres pourfuites. L'Article XXI. porte, que les lettres ou billets de change feront réputés acquittés après cinq ans de ceffation de demande & poursuite, à compter du lendemain de l'échéance ou du proteft, ou de la derniere pourfuite. L'Article XXXI. porte encore, que le porteur d'un billet négocié fera tenu de faire fes diligences contre le débiteur dans dix jours, à compter du lendemain de l'échance, icelui compris.

Toutes les difpofitions touchant les délais portés par les Articles ci-dessus allegués, marquent évidemment l'erreur qui fe rencontre dans le fufdit Article VI. En effet, il n'y auroit pas de raifon que l'Ordonnance eût voulu comprendre dans les dix jours de faveur celui de l'échéance d'une lettre de change, & que dans les dix jours acquis au porteur d'un billet négocié, pour faire fes diligences contre le débiteur, celui de l'échéance fût compris, ainfi que porte l'Article VI. ci-deffus allegué. Car ce feroit une contrarieté dans l'Ordonnance qui feroit naître des procès entre les Marchands & Négocians; ce qui ne peut être l'intention de Sa Majefté, puisqu'elle n'a fait cette Ordonnance que pour les `

faire ceffer.

L'ufage des dix jours acquis aux porteurs de lettres de change, pour les faire protefter fur les accepteurs, eft fort ancien dans le Commerce des lettres de change, parmi les Marchands, Négocians & Banquiers. Et comme la bonne foi étoit anciennement mieux établie parmi eux, que dans le fiécle où nous fommes, Tufage étoit leur droit, contre lequel ils ne contrevenoient jamais. Mais depuis

que

que la bonne foi s'eft relâchée, il a fallu avoir recours aux Reglemens pour établir un ordre certain & limité du tems dans lequel les porteurs de lettres de change devoient les faire protefter. En effet, les plus anciens Réglemens qui se trouvent fur ce fujet, font deux Arrêts de la Cour de Parlement de Paris, l'un du 7 Septembre 1630, & l'autre du 13 Juin 1643. Le premier a été rendu fur les conteftations des Parties, au fujet des dix jours de faveur. La Cour avant que de prononcer fur une queftion fi importante au Commerce des lettres de change, manda & voulut entendre les plus notables Marchands & Banquiers, ensemble les Gardes des fix Corps des Marchands, lefquels tous unanimement fupplierent la Cour, en jugeant le procès, de regler & prefcrire le tems dans lequel les protests devoient être faits pour le bien & l'utilité du Commerce. Par Arrêt dudit jour 7 Septembre 1630 la Cour ordonna; Que tous porteurs de lettres de change feroient tenus de les faire protefter dans les dix jours de l'échéance; & à faute de ce faire, qu'elles demeureront à leurs rifques, périls & fortunes, fans qu'ils puiffent prétendre aucun recours contre ceux qui auroient tirée & délivré lefdites lettres. Cet Arrêt de la Cour regla bien les dix jours de faveur; mais comme il n'étoit point dit par icelui de quel jour on devoit commencer à les compter, ou du jour de l'échéance, ou du lendemain d'icelle, cela fit naître un procès entre des particuliers Négocians. Pour raison de ce il fut évoqué à la Cour, laquelle avant de juger cette affaire, prit encore l'avis de plufieurs Négocians, fur l'ufage des dix jours de faveur, & du jour qu'on avoit accoutumé de les compter. Sur quoi la Cour par fon Arrêt dudit jour 13 Juin 1643, ordonna, que tous porteurs de lettres de change dans les dix jours continuels après le jour de l'échéance, y compris même les Fêtes & Dimanches, feroient tenus de faire les protefts d'icelles lettres; & à faute de ce & ledit tems des dix jours paffé, elles demeureroient à leurs périls & fortunes, & ledit Arrêt feroit lû & publié au Châtelet de cette Ville de Paris.

que

Depuis cet Arrêt l'usage a toujours été de compter les dix jours de faveur du lendemain de l'échéance des lettres de change pour les faire protefter, & non du jour de l'échéance, ainfi que porte l'Article VI. & l'on peut dire que l'Ordonnance de 1673, n'a fait que confirmer cet ufage, & les Arrêts de la Cour cideffus allegués. Cet ufage a encore été confirmé par plufieurs Sentences des Juge & Confuls de cette Ville de Paris, qui ont été rendus en pareil cas, depuis ladite Ordonnance de 1673. De forte qu'après tout cela & pour toutes les raifons cidevant alleguées, il n'y a aucune difficulté que les dix jours de faveur acquis à Paul, pour faire protefter la lettre de change en question fur Nicolas l'accepteur, doivent commencer à fe compter du 19 Avril 1683, jour auquel ladite lettre étoit échûe, & non le 18 auquel jour elle échéoit feulement. Ainfi le proteft a été bien & valablement fait le 18 dudit mois ; & partant Paul eft bien fondé en fa demande en garantie d'icelle lettre contre Pierre, lequel lui doit rendre & reftituer le contenu en ladite lettre.

Sur la feconde Queftion.

Quoique Paul n'ait point fait dénoncer le protest, ni donné copie d'icelui à Pierre qui a paffé l'ordre à fon profit, le jour qu'il a intenté fon action en garantie contre lui. Ce n'eft pas à dire pour cela qu'il foit non-recevable en fon action en garantie, parce que suivant l'Article XIII. du Titre V. de l'Ordonnan

Tome II.

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ce de 1673, il eft feulement dit que ceux qui auront tiré ou endoffé les lettres feront pourfuivis en garantie dans le tems y porté; ainfi fi Paul a intenté son action en garantie contre Pierre, dans le tems porté par ledit Article, cela fuffit.

Mais, dit-on, Paul n'a fimplement donné à Pierre que copie de la lettre de change, & de la Sentence par lui obtenue aux Juges & Confuls de Paris, contre Nicolas l'accepteur, fans lui avoir donné copie du proteft; qu'ainfi le protest étant le principal titre, en vertu duquel Paul retourne fur Pierre, l'on peut dire que l'action en garantie eft nulle. A quoi on répond, qu'il eft vrai que Paul devoit avoir fait donner copie du protest à Pierre auffi-bien que de la lettre de change, & de la Sentence par lui obtenue contre Nicolas l'accepteur; mais ce manquement de formalité n'annulle point l'action en garantie intentée par Paul contre Pierre, parce que l'Article VI. du Titre II. des Ajournemens de l'Ordonnance du mois d'Avril 1667, ne porte point à peine de nullité de l'Exploit, par le moyen duquel l'action eft intentée; mais il porte feulement, que les demandeurs feront tenus de faire donner dans le même feuillet ou cayer de l'Exploit, copie des pieces fur lefquelLes la demande eft fondée, ou des extraits, fi elles font trop longues; autrement les copies qu'ils donneront dans le cours de l'Inftance, feront à leurs dépens, & n'entre Font en taxe, & les réponses qui y feront faites feront à leurs dépens & fans répétision. Ainfi fuivant la difpofition de cet Article, l'Exploit qui a donné lieu à l'action en garantie pardevant les Juge & Confuls d'Amiens, n'eft point nul faute d'avoir par Paul fait donner copie dans le feuillet ou cayer d'icelui Exploit du protest, & il en peut faire donner copie pendant le cours de l'Inftance, & toute la peine qu'il en peut recevoir eft que la copie qu'il fera donner dudit proteft, n'entrera point en taxe, & la réponse qu'il fera à Pierre, fera à fes dépens.

Il y a une chofe importante à remarquer, qui paroît dans le fait, qui eft que par le même Exploit de proteft Paul a fait donner affignation à Nicolas l'accepteur pardevant les Juge & Confuls de Paris, pour fe voir condamner à lui payer le contenu en la lettre de change en queftion. Or il n'en eft pas de même dans la Jurifdiction Confulaire, comme dans les Jurifdictions ordinaires, parce que dans les Jurifdictions ordinaires l'Exploit de demande fur lequel eft obtenu la Sentence, demeure ès mains du demandeur; mais dans la Jurifdiction Confulaire l'Exploit de demande fur lequel la Sentence eft intervenue, demeure au Greffe, & le Greffier met feulement dans le Vû de la Sentence ledit Exploit. De forte que fuivant cette formalité obfervée en la Jurifdiction Confulaire de Paris, l'Exploit de proteft portant l'affignation donnée à Nicolas l'accepteur, à la requête de Paul, étant demeuré au Greffe, & en étant fait mention dans le Vû de la Sen#ence rendue par les Juge & Confuls par la datte d'icelui, ainfi il fuffit à Paul d'avoir fait donner à Pierre copie de ladite Sentence, parce qu'il étoit dans l'impoffibilité de faire donner copie dudit Exploit de proteft, puifqu'il étoit demeuré. au Greffe de ladite Jurifdiction Confulaire de Paris fuivant l'ufage; car l'intention de l'Ordonnance n'eft point de faire l'impoffible, autrement elle ne feroit pass jufte, & elle feroit contraire à la droite raifon, fur laquelle toutes les Ordonnanges font fondées..

Sur la troisième Question.

Que Paul ayant intenté fon action en garantie contre Pierre fon endoffeur, le 14 Mai, ladite action a été intentée dans le tems, parce que Paul, fuivant l'Article XIII. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, avoit quinze jours dans la distance de dix lieues, & au-delà à raifon d'un jour pour cinq lieues, pour intenter fon action en garantie contre Pierre. En effet, il paroît dans le fait que le proteft a été fait le 28 Avril : ainfi en commençant à compter le tems du 29 dudit mois, qui est le lendemain de l'Exploit de proteft, fuivant l'Article XIV. dudit Titre V. jufqu'au 13 Mai, il y auroit quinze jours pour la diftance des dix lieues de Paris, & comme il y a trente lieues de Paris à Amiens, il ne faut compter que vingt lieues, au-delà des dix lieues de ladite Ville jufqu'à Amiens, qui font quatre jours pour lefdites vingt lieues à raifon d'un jour pour cinq lieues. Ainfi ajoûtant lefdits quatre jours avant lefdits quinze jours de la distance des dix lieues de Paris, l'action en garantie pouvoit être intentée le 17 Mai inclufivement. Or Paul ayant intenté fon action en garantie le 14 dudit mois de Mai, l'a intenté trois jours plutôt que le tems porté par l'Ordonnance, & par conféquent on ne peut pas lui objecter la fin de non-recevoir, portée par l'Article XV. du Titre V. de ladite Ordonnance.

Sur la quatrième Queftion.

Que François le tireur n'ayant fimplement mis dans la lettre de change en question, que ces mots valeur reçue de Pierre, fans exprimer quelle valeur, fi c'eft en deniers, marchandifes, ou autres effets, au defir de l'Article I. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, ladite lettre eft nulle de plein droit, & n'eft point cenfée appartenir à Pierre, au profit duquel elle est tirée, parce que la vente & ceffion que lui a fait François le tireur de la fomme de 800 livres, portée par icelle fur Nicolas l'accepteur fon débiteur, eft faite fans caufe, puifqu'il ne dit point quelle eft la valeur que Pierre lui a donnée pour cette fomme. De forte qu'étant cenfée toujours appartenir à François, fes créanciers feroient bien fondés à la faire faifir fur lui ès mains de Nicolas l'accepteur, qui n'a point ceffé d'être fon débiteur; & en ce cas il faudroit que Pierre, au profit duquel la lettre eft tirée prouvât, ou par les lettres de François, ou par autres Pieces, en avoir donné la vafeur audit François, autrement il en feroit évincé par le moyen de la faifie faite à la Requête de l'un des créanciers de François.

Mais il faut obfever que cette nullité de ladite lettre ni cette preuve ne regardent point Paul porteur d'icelle, mais feulement Pierre, au profit duquel elle eft tirée, parce qu'il paroît par l'ordre que Pierre a paffé à Paul qui a reçu de lui la valeur en deniers comptans. De forte qu'il eft fon garant de la validié de la lettre, Pierre devant s'imputer à lui-même de n'avoir pas fait exprimer dans la lettre la valeur que François a reçue de lui, foit en argent, marchandifes, ou autres effets;. cela ne reçoit aucune difficulté.

Déliberé à Paris le 8 Juin 1683.

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I. Comment il faut compter le tems de l'échéance d'une Lettre de Change, payable à quatre ufances de vue, fic'eft du jour de fa datte, ou du jour de l'acceptation?

II. Si le proteft fait de cette Lettre de Change faute de payement dans les dix jours des quatre ufances comptés de la datte de cette Lettre de Change, eft bon pour produire les recours en garantie, ou s'il eft prématuré ?

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

A Guernezay, le 3 Mars 1682, pour 682 livres.

Monfieur, à quatre ufances de vue de cette Lettre de Change, il vous plaira payer à Tordre de Monfieur Daniel le Févre, le fomme de 682 livres tournois, dont vous ferez bon payement, fuivant l'avis de

A Monfieur François Alexandre,
Marchand Bonnetier à Paris.

Accepté le 13 Avril 1683.

A

Votre très-humble ferviteur,
FAUMARE'S.

ALEXANDRE..

U dos de cette lettre il y a eu plufieurs ordres enfuite de celui paffé par Daniel le Févre, au profit duquel la lettre eft tirée.

Il y a conteftation entre le porteur & Alexandre, accepteur de la lettre de change dont copie eft ci-deffus tranfcrite..

LE FAIT

Le porteur de la lettre prétend que le tems des quatre ufances porté par la lettre de change, échéoit le 3 du préfent mois de Juillet, parce que le tems de l'ufance doit courir du jour de la datte, & non du jour de l'acceptation, fuivant l'ufage établi dans le Commerce des lettres de change. Ainfi ladite lettre de change eft payable ledit jour 3, Juillet qu'elle échéoit.

Alexandre l'accepteur foutient au contraire que le tems des quatre ufances porté par ladite lettre de change en queftion, ne doit courir que du jour de fon acceptation, & non du jour de la datte d'icelle, parce que Faumarés le tireur lui a or donné de la payer à quatre ufances de vûe. Ainfi Alexandre ne l'ayant vûe. que le. jour qu'elle lui a été préfentée, qui eft le 13e jour d'Avril, par conféquent ladite. lettre n'échéoit que le 13 Août prochain. De forte qu'elle n'eft payable que le 14 dudit mois d'Août qu'elle eft échûe..

L'on demande avis fur deux chofes.

La premiere,, de quel jour doivent courir les quatre ufances portées par ladite

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