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evement, feront proteftées dans les trois jours fuivans non fériés Jans préjudice de l'acceptation; & lefdites lettres, ensemble les protefts envoyés dans un tems. fuffifant, pour pouvoir être fignifiés à tous ceux, & par qui il appartiendra, fçavoir, pour toutes les lettres qui auront été tirées au-dedans du Royaume dans deux mois, &c.

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Suppofé tout ce qui vient d'être dit, comme il eft véritable, la lettre de change en question étant tirée de Paris par André Rambault fur Monnet, le 23 Octobre 1683, payable audit Antoine Rambault dans le payement des Rois 1684 qui commençoit le premier Mars, & qui finiffoit le dernier dudit mois inclufivement, laquelle ledit Monnet a acceptée le 27 dudit mois d'Octobre 1683, &: protestée fur lui le 6 du mois d'Avril 1684, il n'y a pas de doute que le proteft a été fait en tems dû, parce que les 1, 2 & 3 jours du mois d'Avril étoient: jours fériés, & partant les trois jours dans lefquels devoit être fait le proteft ne commençoient que le quatriéme ; ainfi le proteft ne pouvoit être bien & valablement fait le fixiéme dudit mois d'Avril, fuivant & au defir du fufdit Réglement. La dénonciation du proteft a été faite audit André Rambault, le 15 dudit: mois d'Avril, qui font neuf jours après le proteft, dont il a été bien & vala-blement fait, puisqu'il a été fait dans les deux mois portés par le fufdit Régle-

ment.

que

Ainfi par tout ce qui vient d'être dit, l'on voit que ledit André Rambault ne peut alleguer la fin de non-recevoir contre Antoine Rambault à cet égard.

Sur la feconde Queftion.

Le fouffigné eftime que le tireur d'une lettre de change eft tenu & obligé en deux fortes de garantie envers celui au profit duquel elle eft tirée : La premiere eft la garantie de fournir & faire valoir faute de payement du contenu en la lettre de change, à l'échéance d'icelle fans aucune diligence que d'un fimple proteft, fi bon ne femble à celui au profit duquel la lettre eft tirée, & d'une fimple dénonciation du proteft au tireur. De forte que fi le lendemain de l'échéance de la lettre, ou dans le tems prefcrit par l'Ordonnance, le porteur d'icelle la faifant protefter fur l'accepteur retournant fur le tireur, ledit tireur eft tenu de lui rendre & reftituer le contenu en la lettre, parce qu'il n'étoit tenu que de faire un fimple proteft & une fimple dénonciation d'icelui pour toutes dili-gences, quoiqu'il n'en foit point fait mention dans la lettre de change, il n'y a pas ombre de difficulté à cela.

"

La feconde eft la garantie des faits & promeffes du tireur, qui font quand le proteft n'eft pas fait dans le tems porté par l'ufage des lieux où la lettre eft tirée, c'est-à-dire, lors de la traite. Celui fur qui la lettre eft tirée étoit débiteur du tireur, ou bien ne l'étant pas, que le tireur ne lui eût pas fait tenir provifion dans le tems que le proteft a dû être fait, fi lors du proteft, quoiqu'il ne soit pas fait, ni la dénonciation d'icelui dans les tems portés par l'ufage des lieux, l'accepteur déclare qu'il ne la peut payer, parce qu'il n'étoit point débiteur du tireur lors de la traite ; ou ne l'étant pas, que le tireur ne lui ait point envoyé de provifion dans le tems que le proteft a dû être fait pour payer & acquitter ladite lettre. En ce cas le tireur eft tenu de le prouver, finon il eft obligé à garantir,

L.1.1 iij.

fournir & faire valoir la lettre. Cela eft conforme à l'Article XVI, du Titre V: de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, dont voici la difpofition: Les tireurs ou endoffeurs de lettres feront tenus de prouver en cas de négation que ceux fur qui elles étoient tirées leur étoient redevables, ou avoient provifion au tems qu'elles ont dû étre proteftés, finon ils feront tenus de les garantir. Cette question a été jugée par plufieurs Arrêts rendus au Parlement de Paris, tant à la Grand'Chambre qu'en celles des Enquêtes. En effet, il n'y auroit pas de raifon que le tireur ne fût pas garant de fes faits & promeffes ci-deffus exprimés, & qu'il retînt la fomme qu'il a reçûe pour la valeur de la lettre, fous prétexte que celui au profit duquel il l'a tirée n'eût fait le proteft ni la dénonciation d'icelui dans les tems portés par l'Ordonnance fuivant l'ufage des lieux, & qu'il eût cette fomme pour rien, parce qu'en France l'on n'a rien pour rien.

pas

Ainfi l'on peut appliquer tout ce qui vient d'être dit à la queftion dont il s'agit ; car fuppofé que la lettre en queftion n'eût pas été protestée dans les trois jours portés par le Réglement de la Place de Lyon ci-devant alleguée lors d'icelui, la femme de Monnet ayant dit & déclaré que ledit Monnet fon mari n'avoit accepté ladite lettre en queftion que pour faire plaifir au tireur (c'eft-à-dire à André Rambault) fur ce qu'il lui avoit fait efperer qu'il lui envoyeroit provifion, ce qu'il n'avoit fait ; & partant qu'il ne pouvoit payer. Il n'y a pas de doute qu'aux termes de l'Ordonnance de 1673 (qui fert de Réglement pour tout le Royaume) & en conféquence de cette dénégation ledit André Rambault eft tenu de prouver que Monnet étoit fon débiteur hors de la traite, ou qu'il lui a envoyé provifion dans le 6 Avril 1684, que le protest a dû être fait faute de payement, finon il doit garantir, fournir & faire valoir ladite lettre. Ainfi l'on voit par tout çe que deffus qu'André Rambault ne peut encore en ce cas alleguer aucune fin de non-recevoir contre ledit Antoine Rambault.

Sur la troifiéme Queflion.

Le fouffigné eftime qu'encore que Thomas de la Magdelaine, au nom & comme Procureur fondé de procuration d'Antoine Rambault, du premier Mars précédent, ait figné dans le Contrat d'accord du fieur Monnet, du 15 Avril 1684, pour toute & chacune les fommes de deniers dont il étoit débiteur audit Antoine Rambault, & pour tous les intérêts qui étoient dûs defdites fommes, & qu'il lui ait remis la moitié defdites fommes, & donné terme & délai pour payer l'autre moitié reftant, conformément au pouvoir qu'en avoit ledit la Magdelaine, porpar ladite procuration, qu'André Rambault peut inferer de là que la fomme de 1048 livres contenue en la lettre de change en question, foit comprise dans ces mots vagues Toutes & chacune les fommes de deniers, & pour n'en avoir pas fait réferve dans ledit Contrat d'accord. La raifon eft que l'intention d'Antoine Rambault ne pouvoit être autre lors de la paffation de ladite procuration du premier Mars, que de toutes & chacune les fommes qui lui pouvoient être dûes audit jour premier Mars. Or il eft certain qu'au premier Mars Monnet ne devoit point à Antoine Rambault les 1048 livres contenues en la lettre de change en question, parce qu'elle n'étoit point encore échûe, En effet, il n'avoit aucune

action contre lui que dans les trois jours non fériés du mois d'Avril, dans lequel tems la lettre tirée par André Rambault, payable à Lyon dans le payement des Rois, devoit être payée en argent comptant, ou proteftée faute de payement, comme il a été montré ci-devant. Car encore que ledit Monnet fe fût obligé par fon acceptation du vingt-feptiéme Octobre 1683, envers ledit Antoine Rambault au payement des 1048 livres, toutefois il ne pouvoit encore compter parmi les dettes paffives cette fomme de 1048 livres. La raifon eft qu'il attendoit qu'André Rambault lui remît à Lyon une pareille fomme de 1048 livres pour acquitter ladite lettre dans les trois jours non fériés du mois d'Avril. Et ledit Antoine Rambault ne pouvoit auffi compter cette fomme dans fes effets actifs, comme lui étant due par Monnet; parce qu'il arrive fouvent dans le Commerce des lettres de change, que celui qui a accepté une lettre de change ne la paye pas pour cela à l'échéance comme l'évenement l'a fait connoître en ce rencontre ; ce qui fait que les porteurs de lettres de change retournent fur les tireurs pour recevoir d'eux le remboursement du contenu aux lettres proteftées faute de payement, ainfi qu'a fait Antoine Rambault, qui a retourné fur André Rambault, ce qui fait le fujet de la conteftation entre les Parties.

On objectera peut-être deux chofes à ce qui vient d'être dit; l'une que dès le moment qu'un Marchand a obtenu des lettres de répit, ou un Arrêt de défenses générales contre fes créanciers, ou quand il s'eft abfenté, ou fait faillite, quoique les tems portés par les billets & lettres de change ne foient pas encore échus; néanmoins elles font cenfées être échûes, parce qu'il n'eft plus dans la bonne foi. De forte que les porteurs de ces lettres & billets de change peuvent agir par action contre lui. Qu'ainfi la lettre en queftion étoit cenfée être échûe dès le moment que Monnet a obtenu des lettres de répit ou un Arrêt de défenses générales contre fes créanciers, qui étoit avant la paffation de la procuration par Antoine Rambault; & par conféquent que fon intention a été que ladite fomme de 1048 livres portée par la lettre de change en question fût comprise dans le Contrat d'accord

de Monnet.

Et l'autre, que le proteft étoit fait le 6 Avril 1684, & que ledit de la Magdelaine a figné le Contrat d'accord de Monnet le 15 dudit mois, qui font fix jours après le proteft. Ce qui fait paroître l'intention d'Antoine Rambault, & qu'il a bien voulu que la fomme de 1048 livres en question entrât dans le Contrat d'accord de Monnet, & par conféquent qu'il eft non-recevable en fon action contre ledit André Rambault, puifqu'il a bien voulu prendre pour fon feul & unique débiteur ledit Monnet, & abandonner l'action qu'il avoit contre André Rambault.

A quoi on répond premiérement à l'égard de la premiere objection, qu'il eft vrai que dès le moment qu'un Marchand a obtenu des lettres de répit ou de défenfes générales contre fes créanciers, ou qu'il a fait faillite, toutes fes dettes paffives font échûtes, quoique les tems portés par les lettres de change qu'il a acceptées ne le foient pas encore, & que les porteurs d'icelles peuvent agir contre par action: mais à l'égard des tireurs, & de ceux qui en ont difpofé par leurs ordres, elles n'échéent que dans les tems portés par icelles. De forte que les porteurs defdites lettres n'ont autre action contre les tireurs que celle de leur faire donner caution; que les lettres feront payées & acquittées à

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456

AVIS POUR LE COMMERCE.

que

le

leur échéance. Ainfi quoique la lettre de change en question fût échûe à l'égard de Monnet, dès le moment qu'il a fait fignifier les lettres obtenues contre fes créanciers, encore qu'elle ne dût échoir que le dernier Mars inclufivement; néanmoins ledit Antoine Rambault, au profit duquel elle étoit tirée, n'avoit autre action contre André Rambault le tireur, que celle fimplement de le faire affigner pour se voir condamner à lui bailler caution que ladite lettre feroit payée & acquittée à Lyon dans les premiers trois jours non fériés du mois d'Avril proteft devoit être fait, & ne pouvoit intenter fon action contre ledit André Rambault pour le remboursement de 1048 livres portées par ladite lettre, la dénonciation du proteft qui lui a été faite le 15 Avril, qui eft fix jours après qu'après le proteft fait faute de payement, ainfi qu'il a fait par l'affignation qu'il lui a fait donner en la Jurifdiction Confulaire de Paris, le 28 Juillet 1684; & cela montre clairement qu'Antoine Rambault n'a pas entendu par les termes généraux de toutes & chacune les fommes de deniers dont ledit Monnet lui étoit débiteur que ladite fomme de 1048 livres y fût comprise; car fi c'eût été fon intention, il étoit inutile de faire protefter la lettre fur Monnet un mois après faute de

payement.

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A l'égard de la feconde objection, on répond qu'encore que le Contrat d'accord de Monnet ait été figné par ledit de la Magdelaine le 15 Avril qui eft fix jours après que le proteft a été fait de la lettre faute de payement; cela ne marque pas pour cela que l'intention d'Antoine Rambault ait été livres contenue en la lettre de change en question entrât dans le Contrat d'accord que ladite fomme de 1048 de Monnet, fous ces termes généraux, de toutes & chacune les fommes de deniers que Monnet lui pouvoit devoir; parce que l'on ne doit pas s'arrêter audit jour 15 Avril que la lettre étoit échûe, & que le Contrat d'accord de Monnet a été figné par ledit de la Magdelaine, en vertu de fa procuration, mais au premier de Mars qu'elle a été faite & paffée par Antoine Rambault, auquel jour ladite lettre n'étoit pas encore échûe.

Mais il y a grande apparence que le Contrat d'accord de Monnet n'a été figné par ledit de la Magdelaine, qu'à la fufcitation d'André Rambault, pour fe préparer un moyen de défense contre la demande en garantie, qu'il s'attendoit Antoine Rambault dans la fuite de la lettre en queftion. Et ce qui fait avoir cette, que lui feroit penfée eft que la dénonciation du proteft de la lettre a été faite audit André Rambault le même jour 15 Avril que le Contrat d'accord de Monnet a été figné par ledit de la Magdelaine.

Enfin, il netombera jamais dans l'efprit d'un homme de bon fens, qu'Antoine Rambault eût voulut abandonner fon action en recours de garantie de la lettre en queftion, qu'il avoit contre André Rambault, qui étoit bon & folvable, pour prendre Monnet qui étoit en faillite, pour fon feul & unique débiteur, avec lequel il y avoit la moitié de fon dû à perdre.

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Mais cette fin de non-recevoir prétendue par André Rambault feroit inuti le, parce que fi la déclaration qu'a faite la femme de Monnet, lors du proteft de la lettre en queftion, eft vraie, que fon Mari ne l'a acceptée que pour lui faire plaifir, & fur ce qu'il avoit fait efperer audit Monnet de lui envoyer provifion, ce que n'ayant pas fait, il ne la pouvoit payer. Ledit André Rambault n'aura pas pour rien cette fofume de 1048 livres qu'il a

reçûe

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reçue d'Antoine Rambault pour la valeur de fa lettre, puifque Monnet, fur lequel il l'a tirée, n'étoit point fon débiteur lors de la traite, & qu'il ne lui a point envoyé de provifion pour la payer & acquitter à fon échéance à Antoine Rambault.

Quoiqu'il en foit, dans ces fortes d'affaires les Juges ne s'arrêtent pas à la fubtilité des Loix, & font & doivent toujours faire pancher la balance du côté de l'équité & de celui qui eft de bonne foi, parce que l'équité est toujours juftice, & la justice n'eft pas toujours équité.

Déliberé à Paris le 10 Novembre 1684.

Tome 11.

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