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chand à Paris, & que même il étoit contraignable par corps au payement des 6000 livres contenues dans fon billet.

Les héritiers dudit Royer difent pour défenses:

Premiérement, que Robelot n'a jamais donné la valeur des 6000 livres portées par ledit billet audir Royer.

Butort.

que >

Secondement, que les ordres qui font au dos dudit billet font antidattés, faux, & fuppofés par Robelot, pour en demander payement fous le nom dudit Troifiémement ledit Butort n'a fait aucune demande audit défunt Royer, ni depuis fon décès à fes héritiers, depuis le 15 Août 1676, jour auquel ledit billet étoit échû, jusqu'en l'année 1684, qui font huit ans & plus après l'échéance, lequel étant un billet de change, eft prefcrit fuivant l'Ordonnance de l'année 1673, & partant que Butort eft non-recevable en son action.

On demande avis fur le fujet de la préfente conteftation, & fi les héritiers dudit défunt Royer font bien fondés en leurs défenses?

Le fouffigné qui a pris lecture du contenu au Mémoire ci-deffus, eftime qu'il y a quatre Questions d'où dépend la décision du différend des Parties.

La premiere, fi le billet en queftion eft un billet de change, & fi les héritiers du fieur Royer, qui a fait ledit billet au profit de Robelot, font bien fondés à dire qu'il eft prefcrit, & par conféquent que Butort eft non-recevable en fon action, parce qu'il y a prefcription? Le différend des parties eft fini toutefois aprés l'affirmation defdits héritiers de Royer, que ledit billet eft acquitté.

La feconde, fi le billet eft conçû en la forme qui le puiffe rendre bon & valable?

La troisième, si l'ordre paffé par Robelor eft conçû dans les formes prefcrites par l'Ordonnance, ou s'il eft un ordre, c'est-à-dire, une ceffion du contenu en icelui au profit de Jolly, ou un endoffement, c'est-à-dire, pour fervir de quittance pour recevoir de Royer les 6000 livres portées par icelui billet?

Et la quatrième, fi ledit Jolly a pû céder & tranfporter la propriété dudit billeg audit Cayet, & Cayet audit Butort?

Le fouffigné eftime, fçavoir :

Sur la premiere Question.

Que le billet dont il s'agit n'eft point un billet de change, mais fimplement une promeffe, parce que fuivant l'Article XXVII. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, aucun billet n'eft réputé billet de change, fi ce n'eft pour lettres de change qui auront été fournies, ou qui le devront être, c'est-à-dire, que fuivant l'Article XXVIII. un billet pour lettre de change fournie doit faire mention de celui fur qui elle eft tirée, qui en a payé la valeur, & fi le payement a été fait en deniers, marchandises, ou autrement, finon le billet eft nul; & fuivant l'Article XXIX. un billet pour lettre de change à fournir, doit faire mention du lieu où elle eft tirée, & fi la valeur en a été reçûe, & de quelle perfonne, finon le billet eft nul. Or le billet en queftion n'étant point conçu pour valeur reçûe en lettre de change, que Robelot ait four

nie audit défunt Royer, ou qu'il lui en dût fournir dans les trois mois portés par icelui: Bien loin de cela, ledit billet porte valeur reçûe de Robelot en groffe avanture; par conféquent ce n'eft point un billet de change, mais feulement un fimple billet ou promeffe, dont la demande peut être faite dans les trente ans. Ainfi il n'y a point de prefcription, parce que fuivant l'Article XXI. dudit Titre V. de l'Or donnance, il n'y a que les lettres & billets de change qui foient réputés acquités après cinq ans de ceffation de demandes & pourfuites, à compter du lendemain de l'échéance ou du proteft, ou de la derniere pourfuite. Ainfi par tout ce qui vient d'être dit, il n'y a aucune difficulté que le billet en queftion n'étant point prefcrit Butort feroit bien fondé en fon action contre les héritiers dudit Royer, s'il n'y avoit point les nullités qui feront déduites ci-après.

Sur la feconde Queftion.

Que la valeur en groffe avanture fimplement mife dans le billet en queftion let rend défectueux, & nul de foi, parce qu'il en eft de même des billets ou promelles portant valeur reçûe en groffe avanture, comme d'un billet de change conçû pour lettre de change fournie; car fi fuivant l'Article XXVIII. ci-devant allégué, un billet de change pour lettre de change fournie, doit faire mention du nom de celui fur qui elle eft tirée, de celui qui en a payé la valeur, & fi le payementen a été fait en deniers, marchandifes, ou autres effets, à peine de nullité; de même un billet de groffe avanture doit faire mention du nom du Navire, de celui à qui il appartient, & qui en eft le bourgeois ou propriétaire, s'il en a reçû la valeur de celui au profit duquel il a fait le billet en deniers à la groffe avanture, pour être employé en agrets ou achats des victuailles pour ledit Navire, ou fi c'eft des victuailles ou agrets qui lui ayant été fournis. De forte que s'il n'eft point fait mention dans un billet à la groffe avanture, de tout ce qui vient d'être dit, il eft nul, parce qu'on ne peut pas le qualifier de Billet ou de Ĉontrat à la groffe avanture, s'il n'eft conçû dans la forme accoutumée, qui fe pratique ordinairement entre les bourgeois ou propriétaires des Navires, qui empruntent à la groffe avanture d'un Marchand ou de quelques autres perfonnes de quelque: qualité qu'elles foient.

Ainfi le billet en queftion ne portant fimplement que valeur reçue en groffe avan-ture, fans qu'il y foit fait mention que Robelot ait donné de l'ar ert à Rover pour employer aux agrers & victuailles d'un Navire appartenant audit Royer, ou comme Maître dudit Navire, il n'y a aucune difficulté que la valeur en groffe avanture, portée par ledit billet, eft réputée nulle; ainfi ledit billet étant fait fans caufe, par conféquent il eft nul, à moins qu'il ne foit prouvé par des piéces en bonne & dûe forme, que Robelot a fourni ladite fomme de 6000 livres en deniers audit Royer, pour être employée au radoub, agrets ou achats de victuailles d'un Vaiffeau appartenant audit Royer; car en ce cas il faudroit en: revenir à la bonne foi qui eft l'ame du Commerce, & fans laquelle il ne pourroit fubfifter; mais il n'y a pas d'apparence que Robelot ait donné de l'argent à Royer à la groffe avanture; car fi cela étoit ainfi, il lui auroit fait un ContratTM à la groffe avanture, qui fe fait fous feing privé auffi-bien que pardevant Notaires, fuivant les Us & Coutumes de la Mer, & apparemment cette valeur reçûe

en groffe avanture, portée par ledit billet, n'a été que pour avoir la contrainte par corps.

Il eft de la derniere importance pour le Public de ne pas fouffrir l'ufage de ces fortes de billets, parce que fous ce prétexte il fe commettroit des ufures effroyables qui feroient couvertes par de fi pernicieux moyens, parce qu'il eft permis de prendre de l'argent à la groffe avanture à 25 & 30 pour cent, fur le pied de la Tomme empruntée.

Mais fuppofé que le billet en queftion fût un Contrat à la groffe avanture fous fignature privée, férieux, & qu'effectivement les 6000 livres portées par icelui euffent été employées à l'équipement d'un Vaiffeau appartenant à Royer; il eft certain que Robelot, auquel il appartient, & non à Butort (pour les raifons qui en feront dites ci-après fur la troifiéme question) n'a aucune action pour en demander le payement aux héritiers de Royer, que le Vaiffeau ne foit revenu de fon voyage au Port, dont il étoit parti de France, ou en quelque autre Port, qui étoit le lieu de fon refte (c'est-à-dire de fon voyage) parce que fi ledit Vaiffeau a été pris par les Ennemis de l'Etat, ou par les Pirates, ou qu'il foit péri en mer pendant le cours ou le retour de fon voyage, il eft conftant que ledit billet demeure nul, attendu que fuivant les Us & Coutumes de la Mer, obfervées dans toute l'Europe, tous Contrats à la groffe avanture demeurent nuls par la perte perte du Vaiffeau. La raifon eft que le donneur à la groffe avanture n'a pour toute fûreté du prêt qu'il qu'il a fait que le corps & la quille du Vaiffeau; de forte qu'étant péri en Mer, ou pris par les Pirates, il n'a aucune action perfonnelle fur le preneur, ni fur fes autres biens: mais il eft auffi certain que fi le Vaiffeau étoit arrivé à bon port au retour de fon voyage, le Contrat à la groffe avanture feroit exécutoire non-feulement fur le Vaiffeau, agrets, apparaux & victuailles d'icelui, mais encore fur la perfonne & biens du preneur à la groffe avanture; ainfi fuivant cette Jurifprudence, pour que le billet en queftion fût exigible, il faudroit non-feulement prouver que les 6000 livres portées par icelui euffent été données par Robelot à Royer pour l'équipement d'un Vaiffeau à lui appartenant, ou de quelque autre qu'il eût pris à frêt (c'est-à-dire à loyer pour un voyage de Mer) mais encore il faudroit que ledit Vaiffeau fût retourné de fondit voyage au lieu de fon reste; finon & à faute de ce faire, le billet demeure caduc, fans qu'il puiffe produire aucune action contre les héritiers de Royer.

Sur la troifiéme Question.

Que l'ordre paffé au dos du billet en queftion par Robelot, au profit de Jolly, ne doit paffer que pour endoffement, & non d'ordre. Cela eft conforme à l'Article XXIII. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, dont voici la difpofition: Les fignatures au dos des Lettres de Change ne ferviront que d'endoffement & non d'ordre, s'il n'eft datté, & ne contient le nom de celui qui en a payé la valeur en argent, marchandifes, ou autrement. Or l'ordre de Robelot dit bien qu'il en a reçû la valeur comptant; mais il ne dit point le nom de celui duquel il a reçû la valeur, ou fi c'eft de Jolly ou de quelque autre perfonne ; & par conféquent la fignature de Robelot ne doit paffer que pour endoffement & non d'ordre. De forte que fuivant l'Article XXV. l'endoffement de Robelot n'étant point

dans

dans les formes prefcrites par le fufdit Article XXIII. le billet eft réputé appartenir audit Robelot, & il peut être faifi par fes créanciers, & compenfé par fes redevables. Cela a été jugé par plufieurs Arrêts de la Cour, & entr'autres par un Arrêt rendu à la Grand Chambre, au Rapport de Monfieur Hervé, le 21 Mars 1681, fur l'appel interjetté d'une Sentence des Juge & Confuls de Tours par Estienne Gillot, Marchand Banquier à Paris, qui juge que l'ordre paffé au dos d'une lettre de change par la veuve Coullard & Vanopftal, au profit dudit Gillot, ne fert que pour endoffement & non d'ordre, parce qu'il n'étoit point datté, ladite Sentence auroit été confirmée par cet Arrêt. Et la Cour a de plus ordonné que les Articles XXIII. XXIV. & XXV. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, feront exécutés, avec défenfes à toutes perfonnes d'y contrevenir, & que pour cet effet à la diligence des Subftituts de Monfieur le Procureur Général aux Châtelets il feroit lû, publié aux deux Préfidiaux, & aux Juge & Confuls de Paris, les Audiences tenant, & affiché à la Place du Change, ce qui auroit été exécuté.

Sur la quatrième & derniere Queftion.

Si le billet en queftion a toujours appartenu à Robert, & non à Jolly, pour les raifons alleguées fur la précédente queftion; ainfi ledit Jolly n'en ayant jamais été propriétaire, n'a pû transporter par fon ordre ledit billet à Cayet, ni ledit Cayet à Butort, auffi par leurs ordres; & par conféquent Butort n'ayant rien à la chofe, eft mal fondé en fon action par lui intentée contre les héritiers dudit Royer; & partant il y a lieu de le débouter de sa demande, avec dépens.

Délibéré à Paris le 18 Mars 1685.

PPP

Tome II.

AGAGAGAGAGAGAGAGAGAS

AGAS: ASASAS

PARERE LVII I.

1. Si ceux fur qui des Lettres de Change font tirées, refufans de les accepter, font obligés par leur réponse dans le proteft de déclarer les caufes de la compenfation qu'ils prétendent faire avec la provifion qu'ils ont en main, pour payer ces Lettres de Change, ou avec ce qu'ils doivent, & s'ils fe rendent non recevables faute de déclarer qu'ils prétendent compenfer?

II. Si faute d'avoir fait les protefts felon l'ufage du lieu où les Lettres de Change font payables, & les avoir dénoncés au tireur dans les tems prescrits, l'on eft non-recevable à prétendre faire compenfation de ces Lettres avec ce que l'on doit au tireur ?

II. Si des porteurs de Lettres de Change peuvent être obligés de juftifier avec qui ils ont négocié les Lettres de Change dont ils font porteurs, & quelle valeur ils ont donnée ? Et fi les ordres paffés à leur profit, portant valeur reçue comptant d'eux, font des titres fuffifans pour leur tranfmettre la propriété de ces Lettres ?

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IV. Si la preuve par témoins eft recevable, que la valeur déclarée reçûe de ceux au profit de qui les Lettres de Change font payables, n'a pas été par eux, mais par un autre particulier, qui fert de fimulation pour fe faire payer de ces Lettres ?

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E fouffigné qui a vû & examiné un Mémoire qui lui a été mis ès mains, eftimeque pour donner un avis judicieux fur le differend des Parties, il faudroit voir toutes les pieces, parce qu'il y a peut-être quelques circonftances qui peuvent changer les faits propofés dans le Mémoire; néanmoins il ne laissera pas de donner fon avis fur lefdits faits propofés.

Il y a quatre chofes en cette affaire qui forment autant de queftions fur lesquelles roule tout le differend des Parties.

La premiere, fuppofé que les Juifs dénommés au Mémoire euffent eu provifion en main lorfque les protefts leur ont été faits des lettres dont le fieur Matry eft porteur, s'ils étoient tenus de déclarer qu'ils étoient porteurs des lettres de change tirées par de Launay & Robiete fur de Brie de Bruxelles, payables en la Ville d'Anvers, dans les tems y portés ? Et fi faute d'avoir fait cette déclaration ils font aujourd'hui non-recevables en leur action & demande en compenfation ?

La feconde, fi faute par lefdits Juifs d'avoir fait protefter les lettres de change dont ils font porteurs, fur de Brie, dans le tems porté par l'ufage de la Ville d'Anvers, où les protefts devoient être faits, & étant faits à tems, fi faute de les: avoir fait dénoncer à de Launay & Robiete, tireur d'icelles lettres, dans le tems› prescrit par l'Ordonnance de: 1673, lefdits Juifs font encore non-recevables, en leurdite action & demande en compenfation?:

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