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montant depuis Pierre, qui eft le dernier endoffeur, jufqu'à Laurent, qui eft le tireur, ils font tous garans de ladite lettre les uns envers les autres, comme il vient d'être dit.

Ainfi pour toutes les raifons ci-deffus, le fouffigné eftime que les Juge &. Confuls de Reims ont mal jugé, parce qu'ils doivent avant que de faire droit ordonner que Claude prouveroit dans le toms convenable fi Jean étoit débiteur de Laurent, lors de la traite; ou ne l'étant pas, s'il lui a fait tenir provifion. pour la payer & acquitter dans le tems que le proteft a dû être fait, finon & à. faute de ce faire, & icelui tems paffé, qu'il feroit tenu de garantir la lettre,, conformément à l'Ordonnance..

Délibéré à Paris le 20 Septembre 16875.

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1. Si une Lettre de Change appartient à celui qui s'en trouve porteur, les ordres écrits au dos de ladite lettre n'étant point en fon nom, quoique celui qui a paffè l'ordre dife en -avoir reçu la valeur dudit porteur, & non de celui au profit duquel il l'a paffè? Et fi en confequence le porteur de cette lettre a action contre le tireur pour fe faire rembourfr de la valeur y contenue, quoiqu'elle ne foit pas encore échûe? 11. Si les ordres qui font au dos d'une Lettre de Change n'étant point dattés, ne doivent pas être réputés pour de fimples endoffemens ou quittances, & non pour de véritables ordres, bien qu'ils portent valeur reçue comptant? Si la lettre n'eft pas toujours cenfee appartenir à celui qui a mis un ordre non datté, & fi la valeur n'en peut pas être compenfée par le tireur avec celui à qui il doit pareille fomme?

III. Si un ordre non datté n'eft pas réputé frauduleux, & avoir été paffé depuis la banqueroute du donneur d'ordre?

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E neuvième Mars 1688, Natan Jacob Hambourg, Juif, Banquier en la Ville de Metz, a tiré lettre de change fur fon Correspondant de Paris, de la fomme de 4700 livres, payable au fieur Pantaleon Beffon, Lempereur & Compagnie,

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Marchands de la Ville de Longwy, pour la valeur de laquelle lettre de change lef dits Beffon & Compagnie auroient le même jour tiré fur eux-mêmes deux lettres de change., l'une de 2270 livres, payable au 15 Mai prochain; & l'autre de 2430livres, payable au 15 Juin auffi prochain audit Natan, ou ordre, à Longwy lieu de leur domicile, valeur reçûe dudit fieur.

Le 18 dudit mois de Mars ledir Natan fe feroit abfenté de la Ville de Metz, & fait banqueroute.

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Le Correfpondant für qui les deux lettres ont été tirées par Natan, a refusé de les payer, pour raifon de quoi lesdits Beffon & Compagnie les ont fait pro

refter.

Il fe trouve des ordres au dos defdites deux lettres de change conçus de la maniere fuivante : Pour moi payez à l'ordre de Monfieur Sigogne, valeur reçue comptant: de Meffieurs Malehart freres, figné, Natan Jacob Hambourg.

Les fieurs Malchart freres, demandent aufdits Beffon & Compagnie le payement defdites deux lettres en queftion, attendu que Natan ayant fait banqueroute, les tems portés par les deux lettres font échûs.

Lefdits Beffon & Compagnie pour défenfes difent trois choses:

La premiere, que lefdits fieurs Malchart freres n'ont aucune action contre eux, attendu que les ordres paffés fur les deux lettres de change en queftion font payables à l'ordre du fieur Sigogne; ainfi lefdits Malchart freres n'étant point porteurs de l'ordre dudit Sigogne, ils n'ont rien efdites lettres, & lies appartiennent audit Sigogne, qui feul peut avoir action contre lefdits Beffon & Compagnie.

La feconde, que les ordres qui font au dos des deux lettres en queftion ne font point dattés, & par conféquent qu'ils ne peuvent paffer que pour des endoffemens: & non d'ordres, fuivant l'Article XXIII. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, lefdites lettres font cenfées appartenir audit Natan, & peuvent être faifies par fes créanciers, & compenfées par fes redevables.

Et la troifiéme, que les ordres font paffés par Natan fur les deux lettres de change après la banqueroute, & par conféquent en fraude de fes créanciers.

Et pour toutes les raifons ci-deffus, lefdits Beffon & Compagnie foutiennent que la lettre de change à eux fournie & tirée par Natan für fon Correfpondant de Paris, n'ayant point été par lui- payée ni acquittée, & ayant été protestée faute de payement, que lesdites lettres de change en queftion doivent être compensées avec celle dudit Natan, & en conféquence que ledit Sigogne, au profit duquel les ordres ont été paffés, doivent leur rendre & reftituer lefdites deux lettres de change, en lui rendant & mettant ès mains celle que Natan leur avoit fournies fur fon Correfpondant de Paris.

L'on demande avis à Monfieur Savary fur le fujet de la préfente contesta

tion

Le fouffigné qui a pris lecture, & mûrement examiné le contenu au Mémoire ci-deffus, eftime qu'il y a trois questions fur lesquelles l'on doit décider le différend des Parties.

La premiere, eft de fçavoir fn las deux lettres de change en question appar tiennent aufdits fieurs Malchart freres, quoique les ordres foient paffés fur icelles. par Natan Juif, payables à l'ordre de Sigogne, attendu qu'il dit en avoir reçût la valeur defdits. Malchart freres? Er fi en conféquence. ils ont action contre lef

dits Beffon & Compagnie, pour fe faire rembourfer du contenu efdites deux les tres de change, qnoiqu'elles ne foient pas encore échûes ?

La feconde, fi les ordres qui font au dos defdites deux lettres de change en queftion n'ayant point été dattés, quoiqu'ils portent valeur reçûe comptant defdits fieurs Malchart, ne doivent paffer que pour des endoffemens & non pour des ordres? Ainfi fi lefdites lettres font cenfées appartenis audit Natan, & fi ellcs peuvent être compenfées avec la lettre de change qu'il a tirée & a fournie fur Paris, payable aufdits Beffon & Compagnie, pour avoir été protestée faute de

payement?

Et la troifiéme, fi les deux ordres n'étant point dattés ils font préfumés avoir été faits depuis la banqueroute ouverte dudit Jacob Natan Hambourg, en fraude de

fes créanciers ?

Le fouffigné eft. d'avis, sçavoir :

Sur la premiere Question

Qu'encore que les deux ordres qui font fur les deux lettres de change en queftion portent valeur reçûe comptant des freres Malchart, néanmoins cela ne leur donne point la propriété des deux lettres, mais bien au fieur Sigogne, au profit duquellefdits ordres ont été paffés par Jacob Natan. La raison en eft, qu'il eft à préfumer que lesdits Malchart devoient pareille fomme mentionnée efdites deux lettres à Sigogne, que ç'a été pour s'en acquitter qu'ils ont fait paffer lefdits deux: ordres à fon profit. Et en effet, quand lefdits Malchart freres ont fait mettre dans les deux ordres valeur reçûe comptant d'eux, ç'a été pour montrer qu'ils payoient: ce qu'ils devoient à Sigogne, & afin que cela leur fervît de quittance. Ainfi lefdits: deux ordres étant paffés au profit de Sigogne, lefdites deux lettres lui appartien-nent, & non aufdits Malchart, & par conféquent ils font fans action contre lefdits: Beffon & Compagnie.

Mais fuppofé que lesdites deux lettres de change en question appartinffent: aufdits Malchart freres (que non pour les raifons ci-deffus déduites) ils n'au roient point encore d'action contre lefdits Beffon & Compagnie, parce qu'elles ne font pas encore échûes; car la lettre de 2270 livres, n'eft payable qu'au 15 Mai prochain; ainfi qui a terme ne doit rien, ne fervant à rien aufdits Mal-chart freres de dire que Jacob Natan, qui a paffé les ordres, a fait banqueroute & qu'ainfi tous les termes font échûs, d'autant que cela n'eft pas ici le cas; car fi ledit Beffon & Compagnie, qui ont tiré lefdites deux lettres de change en queftion fur eux-mêmes avoient fait banqueroute, il eft vrai que les termes portés par lefdites deux lettres feroient cenfés échûs, & lefdits Malchart auroient une action contr'eux pour la confommation des fommes-mentionnées efdites lettres; mais lefdits Malchart (fuppofé comme il a déja été dit que lesdites deux í lettres leur appartinffent, & que Jacob Natan l'endoffeur n'eût point fait banqueroute) ils auroient action contre lui, non pas action récurfoire fe faire rembourfer du contenu efdites deux lettres fur lefquelles il a paffé les ordres, parce que les tems portés par icelles ne font point échûs, mais une action pour lui demander caution que lefdites deux lettres feroient payées & acquittées au tems de leur échéance, finon & à faute de ce faire, condamné à leur rer

Z. z.z.iij

pour

:

bourfer le contenu efdites deux lettres: Voilà l'ufage qui fe pratique entre los Cambiftes, qui ne reçoit aucune difficulté.

Sur la feconde Question

Que les ordres pafféen dos des deux lettres de change en queftion par Jacob Natan, n'étant point dattés, ne peuvent paffei que pour des endoffemens (c'est-àdire de quittance) & non pour des ordres. Cela eft conforme à l'Article XXIII. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, dont voici la difpofition: Les fignatures au dos des Lettres de Change ne ferviront que d'endoffement & non d'ordre, s'il n'eft datté & ne contient le nom de celui qui a payé la valeur en argent, marchandifes, ou autrement. L'Article XXV. porte: Qu'au cas que l'endoffement ne foit pas dans les formes ci-dessus, ·les Lettres feront réputées appartenir à celui qui les aura endoffées, & pourront être faifies par fes créanciers, & compensées par fes redevables. Ainfi aux termes de l'Article XXIII. les ordres paffés au dos des lettres de change en queftion n'étant point dattés, ils ne peuvent paffer que pour des endoffemens : & fuivant l'Article XXV. elles font réputées appartenir audit Jacob Natan, & peuvent être faifies par créanciers, & compenfées par fes redevables. Or lefdits Beffon & Compagnie n'ayant pas été payés de la lettre de change à eux fournie par Jacob Natan, ils font devenus fes créanciers ; & partant ils font bien fondés d'en demander la compenfation avec les deux lettres de change fournies fur eux-mêmes, payables à Longwy, lieu de leur domicile.

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II y a un Artêt célèbre rendu en la Grand'Chambre du Parlement de Paris, le 21 Mars 1681 en pareil cas, au Rapport de Monfieur Hervé Confeiller, entre Simon-Eftienne Gillot, Marchand, Bourgeois de Paris, appellant d'une Sentence des Juge & Confuls de Tours, d'une part; & Robert Laillier, Chriftophe & René Chicoifneaux, Marchands de la Ville de Tours, Intimés. Voici le fait Robert Laillier, l'un des Intimés, le premier Février 1678, auroit tiré deux lettres de change, l'une de 1800 livres, & l'autre de 4000 livres, payables à trois ufances à la veuve Coullard & Vanopftal, de cette Ville de Paris, affociés, ou à leur ordre, fur deux Marchands de cette Ville de Dunkerque. Le 13 dudit mois de Février, ladite veuve Coullard & Vanopftal auroient paffé leurs ordres fur lefdites deux lettres payables audit Gillot, ou ordre, valeur reçue de lui en argent comptant, & fept à huit jours après la paffation defdits ordres ils firent banqueroute. Gillot ou celui qui étoit porteur defdites lettres, les auroit fait protester faute d'acceptation, & ledit Gillot feroit revenu fur Laillier, lequel il auroit fait affigner pardevant les Juge & Confuls de Tours, pour fe voir condamner à lui rendre le contenu efdites deux lettres. Les Chicoifneaux donnerent leur aval à Gillot, qu'en cas que lefdites lettres ne fuffent payées à Dunkerque vingt jours après l'échéance defdites lettres, de lui payer les fommes y mentionnées. Lefdites lettres ayant été protestées tout de nouveau, ledit Gillot fit affigner Laillier tireur & les Chicoifneaux qui avoient donné leur aval pardevant lefdits Juge & Confuls de Tours, où il fe forma une Inftance; & pour défenfes lefdits Laillier & Chicoifnaux dirent que les ordres paffés par ladite veuve Coullard & Vanopstal, en faveur de Gillot n'étant point dattés, ils ne devoient paffer que pour des endoffemens, & non pour des ordres; partant que lesdites deux lettres étoient cen

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