Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

I. Quel est l'ufage entre les Négocians & Banquiers dans le Commerce des Lettres de Change tirées par un Négociant fur un autre par l'ordre d'un troifiéme ?

II. Si un Négociant fur qui une Lettre de Change eft tirée pour le compte d'un autre, que du tireur, peut en acceptant la lettre mettre ces mots (accepté pour le tireur) & fi la difpofition de la lettre peut être changée par ces mots mis dans fon acceptation?

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

A Rouen, ce 24 Avril 1688. 909 livres:

Monfieur, à deux ufances vous payerez à Monfieur Laillet, ou à fon ordre, 909 livres, valeur reçue de lui, que vous pafferez pour le compte de Monfieur de la Gueze, Suivant l'ordre qu'il m'en a donné ; c'est

A Monfieur, Monfieur Matigny, Changeur du Roi, rue faint Denys, à Paris.

Votre très-humble ferviteur
MAURICE.

Accepté pour le compte & honneur du tireur; ce 6 Mai, figné, MATIGNY,

LE FAIT.

E fieur de la Gueze, Marchand à Paris, devoit au fieur Maurice, Marchand

Lde la ville de Rouen, 909 livres ; ledit fieur de la Gueze, pour payer cette fomme, auroit mandé audit fieur Maurice par fa lettre miffive du

de tirer pour fon compte lettre de change fur le fieur Matigny, Changeur du Roi à Paris, payable à deux ufances. En conféquence de fa lettre miffive ledit fieur Maurice auroit tiré fur ledit fieur Matigny la lettre de change, dont copie eft ci-dessus tranfcrite. Et au lieu par ledit fieur Matigny d'accepter ladite lettre purement & fimplement, il l'auroit acceptée pour le compte & honneur du tireur qui eft ledit fieur Maurice.

Le fieur Matigny, quoique le tems porté par la lettre de change ne fût pas encore échû, n'a pas laiffé de payer au fieur Laillet les 909 livres portés par icelle; & le fieur de la Gueze ayant fait faillite, ledit fieur Matigny revient fur ledit fieur Maurice, & prétend qu'il lui doit rendre & reftituer ladite fomme de 909 livres, parce que, dit-il, il a accepté ladite lettre pour le compte & honneur dudit fieur Maurice, & non pour celui dudit fieur de la Gueze. Cccc ij

Le fieur Maurice foutient au contraire, qu'ayant tiré la lettre en queftion fur ledit fieur Matigny, pour le compte du fieur de la Gucze, fuivant l'ordre qu'il lui en a donné, & non pour le fien, que ledit fieur Matigny a dû accepter ladite lettre purement & fimplement, c'eft-à-dire, pour le compte dudit fieur de la Gueze, & non pour fon compte & honneur, parce qu'il ne lui a point donné d'ordre pour cela. De forte que ledit fieur Matigny eft mal fondé en fa demande.

L'on demande avis à Monfieur Savary fur ce différend, & quel eft l'ufage dans le Commerce fur cette affaire.

pour

Le fouligné qui a pris lecture de la lettre de change, dont copie eft ci-deffus tranfcrite, & murement examiné les raifons des fieurs Matigny & Maurice, est d'avis que le véritable ufage a toujours été & eft encore à prefent non-feulement en France, mais encore dans les Pays étrangers, que les Négocians & Banquiers font tirer à leurs Correfpondans & Commiffionnaires d'une Ville des lettres de change pour leur compte fur des Négocians ou Banquiers d'une autre Ville, foit pour payer ce qu'ils devoient à ceux à qui ils donnent ordre de tirer pour leur leur faire des achats de marchandifes, ou foit pour en remettre compte, foit l'argent à d'autres leurs Correfpondans qu'ils ont dans d'autres Villes, tant de France que des Pays étrangers, & cet ufage eft prefque auffi ancien que les lettres de change. Le véritable ufage eft encore qu'un Négociant fur lequel une lettre de change eft tirée pour le compte de fon ami, la doit accepter purement & fimplement fans aucune condition, ou la laiffer protefter, s'il ne defire pas faire honneur à la traite qui eft faite fur lui pour le compte de fondit ami. Le véritable ufage eft auffi qu'un Négociant qui a accepté une lettre de change tirée fur lui pour le compte de fon ami, fuppofé qu'il ne fût point fon débiteur lors de la traite, ou qu'il ne lui envoyât point de provifion avant l'échéance, qu'il doit la payer à celui au profit duquel elle eft tirée, ou à celui en faveur duquel il a paffé fon ordre au dos de ladite lettre, fans qu'il puiffe avoir aucun recours de garantie contre le tireur (fuppofé que fon ami vint à faire faillite & hors d'état de lui remborfer la fomme qu'il a payée pour lui); la raison eft qu'un Négocient qui tire une lettre de change. pour le compte d'un autre, ne la tire que comme fon Procureur & Mandataire, & non en fon propre & privé nom; & par conféquent il ne s'oblige point en fon nom, & il n'oblige feulement que le Négociant qui lui a donné ordre de tirer pou fon compte.

L'on peut appliquer tout ce qui vient d'être dit à la queftion dont il s'agit. Le fieur Maurice a tiré la lettre de change de 909 livres fur le fieur Matigny, payable â deux ufances au fieur Laillet, ou ordre, pour le compte du fieur de la Gueze, fuivant l'ordre que ledit fieur de la Gueze lui en a donné. Or il eft certain que ledit fieur Maurice n'ayant tiré cette lettre que comme Mandataire du fieur de la Gueze, & non pour fon compte particulier, que fuivant le véritable usage qui fe pratique que entre les Négocians & Banquiers fur le commerce des lettres de change cieffus repréfenté, ledit fieur Matigny n'a aucun recours de garantie contre ledit freur Maurice pour le remboursement de ladite fomme de 909 livres qu'il a payée au fieur Laillet, au profit duquel la lettre eft tirée, parce que ledit fieur Matigny a fimplement fon recours contre ledit fieur de la Gueze, pour le compte duquel ila payé.

Il ne fert à rien audit fieur Matigny d'avoir mis fon acceptation au bas de la Lettre de change en queftion pour le compte & honneur du tireur (qui eft le fieut

Maurice) parce qu'il a dû accepter ladite lettre purement & fimplement, fuivant & au defir de l'Ordonnance de 1673, & s'il avoit quelque condition à y ajouter, elle ne pouvoit être autre que celle-ci, pour le compte du fieur de la Gueze: mais ledit fieur de Matigny n'a pû ni dû contre la difpofition de la lettre fur lui tirée pour le compte du fieur de la Gueze, ajouter après ce mot, accepté, ceux-ci, pour le compte & honneur du tireur, parce que pour ce faire il eût fallu que le fieur Maurice le tireur lui eût mandé, qu'en cas qu'il fit difficulté d'accepter ladite lettre pour le compte du fieur de la Gueze, qu'il le prioit de l'accepter pour fon compte & pour fon honneur. Or il eft conftant qu'en ce cas ledit fieur Matigny auroit eu fon recours contre ledit fieur Maurice. Mais il eft auffi conftant que. ledit fieur Matigny n'a pû ni dû de fon propre mouvement faire l'acceptation de ladite lettre à cette condition pour le compte & honneur du tireur, parce qu'il la devoit laiffer protefter, ainfi qu'il a déja été dit, s'il ne vouloit pas l'accepter & la payer pour compte dudit fieur de la Gueze. La raifon en eft, que fi Laillet au profit duquel la lettre eft tirée, l'avoit fait protefter fur Matigny, faute d'acceptation purement & fimplement, il feroit retourné fur le fieur Maurice, qui auroit donné ordre à fes affaires, & fe feroit fait payer par le fieur de la Gueze defdites 909 livres par d'autres voyes. D'ailleurs, ledit fieur Maurice ayant fuivi la bonne foi du fieur Matigny, qu'il accepteroit ladite lettre purement & fimplement pour le compte du fieur de la Gueze, ainfi qu'il l'avoit tirée fuivant l'ordre qui lui en avoit été donné par le fieur de la Gueze, il dormoit en repos fans inquiétude du payement d'icelle. De forte que ledit Matigny ayant de mauvaife foi accepté ladite lettre pour le compte & honneur du tireur (qui eft le fieur Maurice) fans en avoir eu aucun ordre de lui, cette condition après ce mot, acceptée, eft nulle & fans effet contre ledit fieur Maurice, parce que fuivant l'Article II. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, ledit fieur Matigny ne pouvoit accepter ladite lettre fous autre condition que celle portée par icelle, qui eft feulement pour le compte dudit fieur de la Gueze, & non pour celui "dudit fieur Maurice. Voici ce que porte l'Article: Toutes Lettres de Change feront accep

zées par écrit purement & fimplement; abrogeons l'ufage de les accepter verbalement

ou par ces mots, vû fans accepter, ou accepté pour répondre au tems, & toutes autres acceptations fous conditions, lefquelles pafferont pour refus, & pourront les lettres être proteftées.

[ocr errors]

Toutes les difpofitions portées par cet Article ont été fagement mifes dans l'Ordonnance, pour empêcher les pieges que les Négocians & Banquiers de mauvaife foi pourroient tendre, comme ils faifoient avant l'Ordonnance › par leurs acceptations aux porteurs de lettres, & à ceux qui tiroient pour le compte d'un autre, pour rétablir la bonne foi dans le commerce des lettres de change, fans. laquelle il ne peut fubfifter, & empêcher les conteftations qui pourroient arriver à l'avenir au fujet des acceptations. De forte qu'aux termes de l'Ordonnance le fieur Matigny ayant accepté ladite lettre de change en queftion fous autre condition que celle portée par icelle, qui eft pour le compte du fieur de la Gueze, il n'y a difficulté quelconque que la condition appofée par lui après ce mot, accepté pour le compte & honneur du tireur, eft nulle: ainfi elle doit être confiderée purement & fimplement pour le compte du fieur de la Gueze; & par con'. féquent ledit fieur Matigny eft non-recevable de demander aujourd'hui au feur Maurice la reftitution de ladite fomme de 909 livres qu'il a payée au ficur

Сссс 11

Laillet, au profit duquel elle étoit tirée, & d'autant moins que c'est une affaire confommée au moyen dudit payement; & il n'y a aucun doute que pour toutes les raifons ci-deffus allegués, qu'en toutes Jurifdictions ledit fieur Matigny fera débouté de fa demande, & condamné aux dépens.

Déliberé à Paris ce 24 Mai 1688.

[ocr errors][merged small]

I. Si un billet où il n'eft point exprimé en quoi la valeur a été reçue, quoiqu'il y foit dit (Je payerai au porteur) eft un véritable billet payable au porteur, & s'il eft négociable dans le Public?

II. Si fuppofé que ce billet ne fût pas négociable, celui au profit duquel il a été fait, a pú mettre fon ordre deffus, & le transporter à un autre, fans exprimer pareillement en quoi il en a reçu la valeur ?

III. Si ce porteur d'ordre l'a pú auffi transporter à un troisième par un écrit fous feing privé, Séparé du billet, & fi ledit billet étant vicieux dans fon principe, & n'ayant pu être négocié, il n'eft pas cenfé toujours appartenir à celui au profit duquel il a été fait en premier lieu par le débiteur.

P

MÉMOIRE POUR

CONSULTER.

COPIE DU COMPTE DU SIEUR GAFFAR D..

Our payer à Monfieur Gaffard la fomme de deux mille deux cens livres, valeur d'um. billet de change qu'il a payé pour Monfieur Chalopin.

Deux billets de 300 livres, des 19 Décembre & 16 Jan

vier 1683, ci

Gaffard, de 350 livres, ci

Un billet du fieur de la Feuillade, fuivant l'ordre du fieur

300 livres..

Au fieur Goret pour ledit fieur Gaffard,

350 livres.

Un tranfport de l'interêt & avance qu'avoit ledit fieur Chalopin dans la fouille des marbres,

30 livres.

1125 livres.

Billet de Monfieur l'Abbé Tallement, payable au premier Avril

Total

1805 livres,

395 livres

2200 livres.

Je reconnois que Monfieur l'Abbé Tallement m'a payé les parties ci-deffus montantes à 2200 livres, & rendu les pieces y mentionnées, au moyen de quoi je le quitte, & ledis fieur Chalopin de la valeur de ladite lettre de change, que je promets lui rendre à favolonté. Fait à Paris ce 16 Janvier 1683. Signé, GAFFAR D,

COPIE DU BILLET DE MONSIEUR L'ABBÉ TALLEMENT.

Je payerai au porteur du préfent billet dans le premier d'Avril prochain la fomme de trois cens quatre-vingt quinze livres, valeur reçue de Monfieur Gaffard. A Paris ce 16 Janvier 1683. Signé, P. TALLEMENT.

Pour 395 livres.

Au dos dudit billet eft écrit.

Pour moi payez le contenu de l'autre part à Monfieur Huguet, Marchand, ou à son Ordre, valeur reçue dudit fieur. A Paris ce premier Février 1683 Signé, GAFFARD. COPIE DU TRANSPORT FAIT PAR LEDIT HUGUET au fieur de la Tourete.

J'ai Auguftin Huguet, fouffigné reconnois avoir mis ès mains de Monfieur de la Tourete l'original du billet, l'en faifant porteur, pour continuer, fi bon lui femble, fous mon nom, fans innovation de procédures les pourfuites encommencées aux Requêtes du Palais, moyennant pareille fomme de trois cens quatre-vingt-quinze livres, reçue comptant pour le principal, & pour les interêts & dépens, bon payement à moi fait, à condition que ledit fieur de la Tourete en fera les frais. Fait à Paris le 18 Janvier 1686, lefquels frais & dépens appartiendront audit fieur de la Tourete du paffé & pour l'avenir, comme les ayant débourfes. Fait lefdits jour & an que deffus. Signé, A. HUGUET, avec paraphe.

Il y a procès aux Requêtes du Palais entre le fieur de la Tourete & Monfieur l'Abbé Tallement, pour raison du billet de 395 livres, dont copie eft ci-devant tranf

crite.

LE FAIT.

Le fieur Chalopin de cette Ville de Paris, ayant befoin d'argent, le fieur Defnonville lui en prêta, & pour lui payer il fit tirer fur lui par un homme de néant, comme s'il eût été demeurant à Pontoife, une lettre de change de 2200 livres, y compris des gros interêts, payable à deux ufances à un particu lier ou à fon ordre. Ledit fieur Chalopin auroit accepté cette lettre de change, & ledit fieur Abbé Tallement auroit mis fon aval au bas de l'acceptation, pat lequel il promet qu'en cas qu'il ne payâr à l'échéance ladite fomme de 2200 livres, de la payer en fon propre & privé nom. Ce particulier, au profit duquel cette lettre étoit tirée, a paffé fon ordre au dos d'icelle au profit du nommé

Gaffard..

Ledit fieur Chalopin n'ayant pas payé cette lettre à fon échéance, ledit Gaffard en demanda le payement audit fieur Abbé Tallement, pour le payement de laquelle fomme de 2200 livres, il lui auroit donné plufieurs billets à recevoir, & un tranfport de l'interêt & avance qu'avoit ledit feur Chalopin dans la fouille des marbres; le tout montant à 180s livres, pour parachever le payement de la

« AnteriorContinuar »