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I.Si un billet portant valeur reçue en marchandises, payable à ordre, peut changer de nature, & devenir une Lettre de Change, au moyen de l'ordre qu'a mis au dos du billet celui au profit duquel il a été fait, portant ces mots ( vous payerez à un tel ou à son ordre, la lettre de change de l'autre part.)

II.Si un billet portant valeur reçue en marchamdifes, faute de payement, doit être protesté dans les dix Jours de fon échéance à la Requéte du porteur d'ordre, pour avoir fon recours en garantie fur les endoffeurs ? Et fi pour le manque de payement il peut prétendre le change & rechange du billet, & des dommages & intérêts?

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Ly a Inftance au Parlement de Paris, entre les fieurs de la Saleine, Beau & de la Magdelaine, appellans d'une Sentence des Juge & Confuls de Paris du 11 Mars 1668, d'une part; & François Parent, Intimé, d'autre part; pour raifon du billet dont copie eft ci-deffous tranfcrite.

29 Mars, 760 livres.

Pour la fomme de fept cens foixante livres, que moi Edme Hardouin, Marchand de vin demeurant à Joigny, promets payer dans le 20 Juin prochain à Monfieur Parent, Marchand demeurant à Clamecy, ou à fon ordre, valeur reçue dudit fieur & de fes deniers en marchandifes de vin par lui à moi ce jourd'hui livrées, dont me tiens pour content; & pour l'exécution du prefent, j'ai fait élection de domicile en la maison du fieur Julien de Blaye, Marchand, rue Mortellerie, à l'Image faint Pierre & faint Paul, à Paris. Fait ce 29 Mars 1686, figné, HARDOUIN.

Approuvé pour ladite fomme de 760 liv.

Et au dos eft écrit ce qui enfuit:

Accepté ce 4 Avril
HARDOUIN.

Mon ordre eft de payer le contenu en la leure de change de l'autre part à Monfieur de la Saleine, Receveur des Tailles à Clamecy, pour valeur reçue, ce 16 Avril 1686, figné, PARENT.

Mon ordre eft de payer à Monfieur Beau, Marchand Commiffionnaire de Vins à Tonnerre, ou ordre, valeur reçue en marchandifes de Vin qu'il a acheté pour moi. Fait le 9 Mai 1686, figné, DE LA SALEINE.

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Mon ordre eft de payer à Monfieur de la Magdelaine, ou ordre, le contenu de l'autre part, valeur reçue à Tonnerre, ce zi Mai 1686, figné, BEAU.

Pour moi payez à Monfieur Gamart, Confeiller-Secretaire du Roi, ou ordre, valeur reçue, le 11 Mai 1686, figné, LA MAGDELAINE.

LE FAI T.

Le 18 Juillet 1686, a été donné affignation à la Requête de Monfieur Gamart, au fieur Hardouin, pour avoir payement de ladite fomme de 760 livres, fur lequel Exploit eft intervenu Sentence par défaut de Meffieurs les Juge & Confuls de Paris, le 22 Juillet de ladite année, par laquelle ledit Hardouin eft condamné au payement d'icelle, intérêts, frais & dépens, ladite Sentence fignifiée le 26 Juillet audit an.

Nora. Que par ladite Sentence le billet dont copie eft ci-deffus, est qualifié de lettre de change.

Le 24 Juillet 1686 Hardouin s'étant abfenté, il fut fait un proteft ledit jour pour fervir de diligence au porteur pour fon recours contre les endoffeurs

Le 3 Août 1686, fignification a été faite dudit protest au fieur Beau à Tonnerre, à la Requête de la Magdelaine, par ledit Acte la piece eft qualifiée billet.

Le 9 Août 1686 le fieur Beau, qui étoit à Paris, ayant appris la fignification qu'on avoit faite à fon domicile dudit proteft, écrivit au fieur de la Magdelaine, qui faifoit fes diligences à Tonnerre, de furfeoir fes pourfuites, & qu'il donneroit

ordre à fa fatisfaction.

Le 28 Septembre ledit de la Magdelaine qui attendoit fon qui attendoit fon payement, laffé d'attendre, a fait affigner ledit fieur Beau pardevant les Elûs de Tonnerre, pour obtenir une condamnation, fur laquelle affignation eft intervenue Sentence defdits Elûs le 3 Octobre 1686, par laquelle ledit Beau eft condamné au remboursement de ladite fomme envers de la Magdelaine, & de la Saleine envers le Beau.

Le... Novembre ladite fomme a été payée audit de la Magdelaine, en conféquence d'un commandement & exécution de meubles du 30 Octobre.

Les 30 Octobre & 2 Décembre 1686, appel a été interjetté de ladite Sentence par les fieurs Beau, & de la Saleine, avec affignation à la Cour.

Le 27 Février 1687, la Cour a renvoyé les Parties au Parquet.

Le 22 Décembre 1687, Meffieurs les Gens du Roi ont renvoyé les Parties pardevant les Juge & Confuls de Paris, en mettant l'appellation au néant.

En exécution du fufdit Arrêt le 10 Mars 1688, l'affaire a été portée aux Confuls de Paris, où la caufe d'entre les Parties a été plaidée en la Chambre du Confeil par ledit Parent demandeur, auroit été conclu à ce que les défendeurs fuffent condamnés folidairement, & par corps, à lui rendre & reftituer la fomme de 825 livres, que ledit demandeur a été contraint de payer en vertu de la fufdite Sentence rendu en l'Election de Tonnerre; ladite fomme procedante, fçavoir, 760 livres contenue en une lettre de change tirée par le nommé Hardouin pere, Marchand à Joigny, le 19 Mars 1686, fur lui-même dudit Joigny en cette Ville de Paris, payable au logis du nommé Julien de Blaye, Marchand rue de la Mortellerie, à l'Image faint Pierre & faint Paul, où Hardouin qui vendoit fon vin l'avoit acceptée le 14 Avril audit an, payable le 25 Juin enfui

par

vant audir demandeur, ou à fon ordre, pour valeur reçue de fes deniers & marchandifes de vin, de laquelle le demandeur auroit paffé fon ordre le 16 Avril audit an à de la Saleine, ledit de la Saleine à le Beau, & ledit le Beau à de la Magdelaine, ledit de la Magdelaine au fieur Gamart, & la fomme de 65 livres pour le change & rechange, frais & dépens, dommage & intérêts, attendu que le proteft de ladite lettre & dénonciation d'icelui n'ont été faits dans les tems portés l'Ordonnance du mois de Mars 1673, fervant de Réglement pour le Commerce, &c. & les fieurs de la Saleine, Beau, de la Magdelaine, défendeurs, ont dit pour défenses que Parent demandeur étoit non-recevable en fa demande de laquelle il devoit être débouté avec dépens, attendu qu'il ne s'agiffoit point de lettre de change, mais feulement d'un fimple billet caufé pour valeur reçue en marchandifes, pour les diligences duquel ils avoient trois mois aux termes de l'Ordonnance, & qu'ayant fait le proteft le 24 Juillet 1686, il avoit été fait à tems, n'y ayant que trente-quatre jours de diftance après l'échéance; à quoi ledit Parent demandeur auroit repliqué que ce n'étoit pas un billet comme les défen deurs alleguoient, mais une lettre de change tirée de Joigny par ledit Hardouin, payable au demandeur fur Paris, qui eft mutation de lieu, joint que dans l'ordre qu'il en a paffé audit de la Saleine, il l'a paffée pour lettre de change, ainsi qu'il fe juftifioit par icelui, lefdits défendeurs l'ayant acceptée & reconnue pour lettre de change; ce qui fe juftifioit encore tant par le proteft fait d'icelui le 24 Juillet 1686, dénonciation d'icelui, affignation pour le remboursement d'icelle en l'Election de Tonnerre, que par les Sentences rendues en ladite Election entre les Parties le 3 Octobre audit an 1686, par lefquelles ils fe font fait adjuger les change & rechange, & par les exécutions faites à la Requête defdits défendeurs qu'ils ont pris 22 livres 10 fols pour les change & rechange, & 42 livres 10 fols pour les dommages, intérêts & dépens, lefquels change & rechange, & dommages & intérêts ne fe prennent point pour des billets, mais feulement pour des lettres de change; partant ladite lettre étant échûe dès le 20 Juin 1686, elle avoit dû être protestée pour le plus tard le premier Juillet enfuivant, qui eft au terme de l'Ordonnance dix jours après celui de l'échéance. Ainfi ne l'ayant protestée que le 24 dudit mois, le proteft avoit été fait à tard de 24 jours, & partant perfiftoit dans les conclufions par lui prifes à l'encontre des défendeurs.

Sur quoi feroit intervenue Sentence le 11 Mars 1688 prononcée en ces termes : Tout confideré, attendu que le billet fait par ledit Hardouin de 760 livres au profit dudit Parent, a été par nous réputé comme une lettre de change contenant changement de place en place, avec ordre, place, avec ordre, & que le premier ordre contient ces mots Mon ordre eft de payer le contenu en la lettre de change de l'autre part à Monfieur de la Saleine, Receveur des Tailles de Clamecy, pour valeur reque, le 6 Avril 1686, figné Parent. Et que lesdits de la Saleine, le Beau, de la Magdelaine, & Gamart qui a fait protefter ledit billet, ont reçu icelui comme une lettre de change, avons faute d'avoir fait le proteft dans les dix jours condamné & condamnons lefdits défendeurs folidairement à payer audit demandeur ladite fomme de 825 livres, avec le profit & intérêt de ladite fomme, à compter du jour qu'elle a été payée par ledit demandeur, à quoi faire feront lefdits défendeurs contraints par toutes voyes dûes & raifonnables, même par corps, attendu ce dont il s'agit, & fi les condamnons en tous les dépens, qui feront par

nous

nous taxes & liquidés fur un état que ledit demandeur fera tenu de mettre devant nous, fauf aufdits défendeurs leurs recours l'un à l'encontre de l'autre, ainfi qu'ils aviferont bon être, autre que contre ledit demandeur, & feront ces Préfentes exécutées, nonobftant oppofitions ou appellations quelconques, & fans préjudice, pour lesquelles il ne fera differé.

Lefdits Beau & de la Saleine ont interjetté appel de la fufdite Sentence au Parlement. De forte qu'il s'agit préfentement de plaider fur ledit appel.

L'on demande avis à Monfieur Savary, fi le billet dont copie eft ci-dessus transcrite, est une lettre de change, ou fimplement un billet conçu pour fait de marchandise de Vin vendu, & s'il a été bien ou mal jugé par la fufdite Sentence dont eft appel.

Le fouffigné qui a pris lecture, & mûrement examiné le Mémoire ci-dessus & les pieces y mentionnées, eftime que pour bien décider les questions propofées, il est néceffaire de fçavoir premiérement, quelle eft la nature du change, & en quelle forme doit être conçue une lettre de change, & les diligences que doivent faire les porteurs d'icelles pour en avoir payement. Secondement, de combien de fortes de billets il fe fait entre les Marchands, Négocians & Banquiers, & la maniere dont iceux billets font conçûs, & auffi les diligences que doivent faire les porteurs d'iceux pour en avoir payement.

A l'égard du change, c'eft une vendition & ceffion d'argent; Pierre a 3000 livres ès mains de Paul de Bordeaux fon ami, il a befoin de cette fomme à Paris, & François de Paris a auffi befoin de pareille fomme à Bordeaux, Pierre vend, cede & tranfporte à François de Paris les 3000 livres qu'il a ès mains de Paul de Bordeaux, moyennant pareille fomme de 3000 livres qu'il lui a payée comptant, & le contrat de ceffion & tranfport n'eft autre, qu'une lettre de change que Pierre écrit à Paul fon ami de Bordeaux, conçue en ces termes: Monfieur, au 20 Septembre prochain il vous plaira payer au fieur François de Paris la fomme de 3000 livres, pour valeur reçue de lui en deniers comptans, que pafferez à compte comme par avis de votre ferviteur Pierre. Et en marge de ladite lettre il eft écrit, à Monfieur Paul, Marchand à Bordeaux. Et la raifon pour laquelle l'on appelle cette lettre mercantillement lettre de change, c'eft parce qu'il y a vendition & ceffion d'argent de place en place, c'eft-à-dire, d'une Ville fur une autre ; & c'eft auffi la raifon pour laquelle, fuivant le Droit Civil & le Droit Canon, il eft permis aux Cambistes de prendre le change de l'argent, à cause de la différente loi des efpeces qu'il y a d'un lieu à un autre, ou fi les efpeces font à même loi dans les deux lieux, c'eft-à-dire, un écu blanc vaut à París trois livres, & pareil prix à Bordeaux. Comme il faudroit que Pierre fît venir cette fomme de 3000 livres de Bordeaux à Paris par le Meffager, ou autrement, il paye à François le change de fon argent à Paris, où il reçoit pareille fomme, lequel eft arbitré entre ces deux Cambiftes à un ou deux pour cent de perte, c'eft felon l'abondance ou rareté d'argent qui fe rencontre dans les deux Villes; car quelquefois l'argent y eft au pair, c'està-dire, qu'il n'y a rien à gagner ni à perdre pour le change, & c'est encore pour ces raifons que l'on appelle ce commerce change, parce qu'il y a toujours variation de

prix d'argent.

A l'égard de la forme d'une lettre de change, l'on voit par le modéle ci-deffus, que pour former & donner l'être à une lettre de change, qu'il faut néceffairement trois perfonnes; fçavoir Pierre, qui eft le tireur; François, au profit duquel Gggg

Tome II.

elle est faite, & Paul de Bordeaux fur lequel elle eft tirée par Pierre, il faut encore que la valeur y foit exprimée, & de qui elle a été reçue par le tireur en deniers, marchandises, ou autres effets. De forte que s'il manque une de ces formalités à une lettre, elle n'eft point réputée lettre de change. Et en effet, ce qui vient d'être dit, eft conforme à l'Article I. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, dont voici la difpofition: Les lettres de change contiendront fommairement le nom de ceux aufquels le contenu devra être payé, le temps du payement, le nom de celui qui en a donné la valeur, & fi elle a été reçue en deniers, marchandises, ou autres effets.

Il faut obferver que dans la formule de cette lettre de change l'on n'a point mis Fayable à François, ou à fon ordre, pour marquer que ces mots, ou à fon ordre, ne font point de l'effence d'une lettre de change. En effet, quand le tireur met dans la lettre ces mots, de payer à François, ou à fon ordre, c'est afin que François difpofe au profit de telle perfonne qu'il lui plaira, par le moyen de fon ordre qu'il met au dos de ladite lettre au profit de cette perfonne, valeur reçue d'elle en deniers, marchandifes, ou autres effets : cet ordre conçû en cette maniere a l'effet d'une ceffion & tranfport qu'il a fait à cette perfonne de la fomme mentionnée dans la lettre ; & au moyen de la valeur qu'en a reçue le donneur d'ordre de cette personne, il fe dévêt de la propriété de la lettre, & en revêt cette perfonne, qui en devient le propriétaire au moyen de la valeur qu'elle lui en a payée en deniers, marchandises, ou autres effets : ou bien fi François ne veut point difpofer ladite lettre par une ceffion & transport, il met fon ordre fur la lettre conçû en ces termes : Pour moi payez le contenu de l'autre part à Nicolas, elle fera bien payée. Cet ordre conçû en cette maniere n'a l'effet que d'une fimple procuration, parce que le donneur d'ordre ne reçoit point la valeur de Nicolas : ainfi elle lui appartient toujours, ne s'en étant point dévêtu, & partant Nicolas en doit rendre compte à François, après l'avoir reçue de celui fur qui elle est tirée.

Il eft fi conftant que ces mots ou à fon ordre, ne font point de l'effence d'une lettre de change qu'avant l'année 1620 les Cambistes ne les mettoient jamais dans leurs lettres de change. En effet, ce font les Banquiers, Négocians & Gens de change qui en ont trouvé l'invention, & qui s'en font fervis pour faire valoir leur argent les uns avec les autres, & pour en faciliter le commerce, parce que ne pouvant recevoir eux-mêmes de ceux fur qui les lettres étoient tirées, il falloit qu'ils paffaffent des procurations pardevant Notaires au nom de quelqu'un des lieux où la lettre étoit tirée, pour en recevoir le contenu, ce qui étoit extrêmement incommode au Commerce de la Banque & du Change; au lieu que par le moyen des ordres que les Banquiers & Négocians metttent préfentement fur les lettres de change, fuivant qu'il eft porté par icelles, & au moyen que lefdits ordres portent auffi de payer le contenu en la lettre à un tel ou à fon ordre, les lettrespeuvent être négociées cinq ou fix fois avant le tems de leur échéance; au lieu, dis-je, que par ce moyen il ne leur eft point néceffaire de paffer de procurations pardevant Notaires. Mais, à dire le vrai, fi les ordres que l'on met fur les letttres de change facilitent le Commerce de la Banque & du Change, cela donne auffi occafion à plufieurs ufures qui fe commettent par les Banquiers & Négocians, au moyen defdits ordres. C'eft pourquoi il a fallu que Sa Majefté y ait apporté remede par les Articles XXIII, XXIV & XXV du Titre V. de l'Ordonnance sideffus alleguée. Et en effet, il y a plufieurs Villes d'Italie, & particulièrement

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