Imágenes de páginas
PDF
EPUB

autorité changer la nature du billet en question, qui n'eft qu'un fimple biller conçu pour marchandise de vins, & le réputer lettre de change, comme ils ont fait par leurdite Sentence, parce qu'icelui billet n'a pas la forme des lettres de change prefcrite par l'Article I. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673 ci- deffus alleguée, n'en ayant pû changer ni moderer les difpofitions, fuivant l'Article V. du Titre I. de l'Ordonnance de 1667, de l'observation des Ordonnances, dont voici la difpofition: Voulons que toutes nos Ordonnances, Edits, Déclarations & Lettres Patentes foient obfervés aux Jugemens des procès, qu'autrement fans y contrevenir, ni que fous prétexte d'équité, bien public, acceleration de la Juftice, ou de ce que nos Cours auroient à nous repréfenter, elles ni les autres Juges s'en puiffent difpenfer ou en moderer les difpofitions, en quelque cas & pour quelque caufe que ce foit. Et partant c'est un attentat à ladite Ordonnance de 1673 commis par lefdits Juge & Confuls. De forte que pour toutes les raifons ci-deffus alleguées, le fouffigné eftime que les Appellans font bien fondés en leur appel pour ce qui concerne la condamnation de payer à l'Intimé les 760 liv. feulement. Car à l'égard des 22 liv. 10 fols pour le change & rechange de ladite fomme, & des 42 liv. 10 fols pour les dépens, dommages & interêts, que les Appellans ont fait payer à l'Intimé, lefdits Appellans ne pas bien fondés en leur appel, parce qu'il ne leur étoit point dû de change & rechange,d'autant que le billet en queftion n'eft point lettre de change. Mais fuppofé même que ce fût une lettre de change (que non) il n'eût point été dû de change, parce qu'il faudroit qu'il y eût eu un change payé. Et à l'égard du rechange il n'en feroit point dû, à moins que le fieur Gamard, qui étoit le porteur du billet, n'eût pris à Paris après le proteft 760 livres à rechange fur Clamecy, d'où la lettre avoit été tirée,conforme à l'Article IV. du Titre VI. de l'Ordonnance de 1673,dont voici la difpofition: Ne fera dû aucun rechange pour le retour des lettres, s'il n'eft justifié par pieces valables qu'il a été pris de l'argent dans le tems auquel la lettre aura été payee; finon le change ne fera que pour la reftitution du change, avec l'interêt, les frais du proteft & du voyage, s'il en a été fait après l'affirmation en Juftice. Et il n'est point encore dû de dommages & interêts, parce qu'en matiere de billets l'interêt n'eft point dû que du jour de la demande qui en a été faite en Juftice, au lieu qu'en matiere de lettres de change les interêts ont cours du jour du proteft: cela eft conforme à l'Article VII. qui porte: Que l'interêt du principal & du change fera dû du jour du proteft, encore qu'il n'ait été demandé en Juftice, des frais du proteft & du voyage ne fera dú que du jour de la demande.

font

Ainfi par tout ce qui vient d'être dit, n'étant point dû aux Appellans de change, rechange, ni de dommages & intérêts, il n'y a pas de doute qu'ils doivent rendre & reftituer à l'Intimé lefdites 22 livres 10 fols de change & rechange, & 42 livres 10 fols de dommages & interêts.

Délibéré à Paris le 4 Septembre 1688.

PARERE

by by by by b ASASASASASASASAGĀTĀJAS

PARERE

LXXXIII.

ASAS

Un Négociant prêt de faire un voyage paffe une procuration à fa femme pour la geftion de fes affaires en fon abfence: Ce voyage n'a point d'effet à cause d'une maladie qui furvient au mari le même jour de la paffation de la procuration, dont il décede peu de jours après. Pendant la maladie du mari la femme reçoit une lettre de change tirée au nom de fon mari, accompagnée d'une lettre miffive d'un de fes Correfpondans, qui la lui envoye, par laquelle il lui mande de paffer fon ordre deffus la lettre à un certain Négociant qu'il lui défigne, pour qui elle eft deftinée. La femme en vertu de la procuration de fon mari paffe fon ordre fur la lettre au profit d'un autre que de celui à qui elle étoit destinée & devoit appartenir L'on demande

1. Si cette femme en puissance de mari, qui a abufé de fa procuration en paffant l'ordre fur la lettre de change au profit d'un autre que de celui à qui elle étoit deftinée, n'est pas tenue en fon nom de la lui reftituer, ou la valeur y contenue, nonobftant la renonciation par elle faite à la communauté, fon mari étant mort infolvable?

II. Si l'ordre mis par ladite femme fur la lettre de change pendant la maladie de fon mari n'eft pas nul? Et fi l'étant, celui au profit duquel elle l'a paffe ne doit pas rapporter la lettre à celui à qui elle étoit deftinée, ou lui en rembourfer la valeur, s'il en a été payé?

III. Si celui auquel la lettre de change étoit deftinée peut en demander la valeur à celui fur lequel elle étoit tirée, comme ayant mal payé, & en vertu d'un ordre qui étoi nul?

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

Lmérique, quivint avec le E fieur Jacques, Marchand de la Ville de la Rochelle, allant aux Ifles de l'A mérique, convint avec le fieur Jean, Marchand Hollandois, de faire quelques achats d'Eau-de-Vie pour envoyer en Hollande au fieur Joos, frere de Jean, pour compte en compagnie, à chacun un tiers.

Cela s'exécuta, & ont fait plufieurs envois devant le départ de Jacques. Et afin de pouvoir continuer pendant fon abfence, il donne un pouvoir à Jean par écrit, portant ordre à Joos de remettre le net provenu de fon tiers à fon frere Jean, pour fervir de nouveaux fonds à d'autres envois.

Jean étant obligé de faire un voyage, donna le 9 Juillet 1688 procuration à Françoise fa femme, de laquelle voici copie.

Pardevant Pierre, Notaire & Garde-notte à la Rochelle, à préfent en fa perfonne le fieur Jean, Marchand Hollandois, demeurant en cette Ville, étant fur le point de faire un voyage, lequel a volontairement fait & conftitué fa procuraHhhh

Tome 11.

ger,

trice générale & Spéciale Demoiselle Françoise fon épouse, qu'il a autorifee en tous ce qu'elle fera en vertu des Préfentes, à laquelle il donne pouvoir de régir & gouverner fes biens & affaires, avoir l'œil à la confervation du tout, recevoir toutes les fommes de deniers, marchandifes & effets qui lui font & pourront être ciaprès dûs généralement fans réserve, en donner les acquits valables, & en cas de refus faire jufqu'à fatisfaction tout le requis, vendre, tranfporter, arrenter, échanaffermer, liciter, & autrement aliéner les immeubles ou parties, à tels prix, charges, claufes & conventions qu'elle avifera, recevoir lettres & commiffions qui feront adreffées audit fieur Jean, y fatisfaire fi elle le juge à propos, foit par réponse & envois de marchandises, convenir de tous marchés, vendre & acheter tous Vaiffeaux, iceux fretter, tirer lettres de change fur fes Correfpondans, accepter & payer celles qui feront tirées fur lui, les négocier, clore & arrêter tous comptes, fournir de reproches, faire telles acquifitions & affermemens que bon lui femblera, emprunter les fommes de deniers qu'elle jugera avoir befoin à la groffe avanture, ou autrement, ceder & tranfporter tous droits & actions, recufer Juges, décliner de Jurifdictions, prendre à partie, comparoître devant tous Juges en toutes Cours, caufes, inftances & procès mûs & à mouvoir, tant en demandant, défendant, qu'intervenant, faire les affirmations requifes, plaider, contester, appeller, oppofer, relever, acquiefcer ou fe défifter, élire domicile, fubftituer, traiter, tranfiger & compofer, faire faire toutes faifies, tant fimples que réelles, fournir de caution: Et en un mot pendant l'absence dudit fieur conftituant, tout ainfi & comme ledit fieur Jean feroit ou pourroit faire s'il y étoit prejent en perfonne, le cas dût il requerir mandement plus exprès, & pour l'exécution des Con

Actes & Obligations; qu'elle confentira obliger tous leurs biens préfens & à venir dudit fieur Jean & de ladite Demoiselle procuratrice folidairement, & les renonciations de droit, & généralement, &c. Jugé & condamné, &c. Fait à la Rochelle le 9 Juillet 1688, Etude de moi Notaire, après midi les jour & an fufdits. TES ME.

La nuit du 9 au 10 Juillet Jean tombe malade d'apoplexie, & fans pouvoir parler ni s'expliquer que par intervalle & avec beaucoup de difficulté, pendant que dura fa vie, qui finit le 26 du même mois de Juillet.

En l'intervalle de la maladie à la mort, Joos d'Hollande remet une lettre de change de 688 écus, payable à l'ordre de Jean, & par fa lettre miffive il mande à Jean ladite lettre de change qu'il lui envoye eft que pour le compte de Jacques,

& qu'il l'a paffée en débit fur fes livres à fon compte courant.

Françoife, femme de Jean, reçoit cette lettre & celle de change de 688 écus pendant la maladie de fon mari, & la paffe au crédit de Jacques, fuivant la lettre d'avis de Joos d'Hollande, & quelques jours après, qui fut le 21 Juillet, elle passe fon ordre au dos de ladite lettre de change en faveur de la Fons, en vertu de la procuration ci-deffus, pour le payer de ce que Jean fon mari lui devoit, & ce qui fe trouva de plus que le folde de fon compte, la Fons lui paya

comptant.

Cinq jours après ce tranfport Jean meurt infolvable, Françoise fa femme fe tient à fes droits, & renonce à la communauté.

Le fieur Joos d'Hollande auroit envoyé à Suzanne, femme de Jacques, un compte, dans le débit duquel il a employé les 688 écus mentionnés en ladite lettre, ainfi qu'il lui mande par fa lettre miffive, laquelle Suzanne après la mort

de Jean auroit demandé à Françoise ladite lettre de change comme appartenante Jacques fon mari.

Françoife dit qu'elle l'a endoffée au profit de la Fons en vertu de procuration, ainfi qu'elle ne peut la lui rendre, puifqu'elle ne l'a plus.

Suzanne répond que Françoife n'a pû en vertu de ladite procuration paffer l'ordre en faveur de la Fons, parce qu'elle ne lui donne pouvoir qu'en cas d'abfence de Jean fon mari, qui n'étoit point parti pour le voyage qu'il vouloit

faire.

Suzanne a fait donner affignation à la requête de Jacques fon mari à Françoise, veuve de Jean, pardevant les Juge & Confuls de la Rochelle, à laquelle ayant comparu, eft intervenu Sentence qui ordonne que ladite Françoife communiquera fa procuration, & que la Fons ferà appellé & mis en cause. L'affaire eft préfentement

en cet état.

Suzanne concluant contre Françoise en fon privé nom, & contre la Fons, pour lui rendre fa lettre de change de 688 écus, ou de lui en payer le montant folidairement, puifqu'ils fe trouvent coupables, l'une pour avoir paffé fon ordre à la Fons fans pouvoir, fur une lettre qu'elle fçavoit appartenir à Jacques, & l'autre pour avoir en fa possession ladite lettre ou le montant qui doit revenir à Jacques.

Françoife réplique à cela qu'elle a cru fe pouvoir fervir de fa procuration, vû la maladie de fon mari, qui étoit de maniere qu'on le pouvoit compter absent, puifqu'il étoit fans mouvement, & le plus fouvent fans connoiffance; qu'elle a auffi crú pouvoir négocier ladite lettre, qui étoit payable à l'ordre de Jean fon mari, qu'elle l'a fait pour le bien de la communauté, en l'acquit de laquelle elle a fait fervir les deniers qu'elle a reçus, le furplus étant pour acquitter ce que Jean fon mari devoit audit la Fons, & qu'ayant renoncé à la communauté cela ne la regarde en aucune maniere.

La Fons dit avoir reçu ladite lettre endoffée par Françoife, de bonne foi; qu'il n'étoit point obligé à aucun rapport, puifque Françoife en vertu de la procuration de Jean fon mari, a pû lui paffer l'ordre fur ladite lettre, qui fe trouvant payée a confommé cette affaire; il demande que Jacques foit débouté de fa demande contre lui, d'autant plus qu'il n'eft parlé en aucune façon en la lettre qu'on lui a tranfportée de Jacques & qu'elle peut être aufli-tôt à Jean comme à lui. Voilà les moyens de chaque Partie.

L'on demande avis fur cette affaire.

[ocr errors]

Premiérement, fi Jacques n'eft pas en droit de demander à Françoife en fon propre nom fa lettre de 688 écus, fans avoir égard à fa qualité de femme, qui fe tient à fes droits comme ayant renoncé à la communauté de Jean.

Secondement, fi la Fons, à qui l'ordre a été paffé, n'eft pas obligé de rapporter ladite lettre, ou le montant, pour l'avoir reçue en vertu de ladite pro

curation.

Et troisièmement, fi au défaut, celui fur qui elle eft tirée n'est pas obligé de la payer à Jacques, l'ayant payée par l'ordre d'une femme qui s'eft fervie d'une procuration prématurée, & qui n'étoit pas fuffifante pour cela, vû la présence de fon mari, qui eft mort chez lui fans partir.

Le fouffigné qui a pris lecture & mûrement examiné le Mémoire ci-dessus, & la procuration y tranfcrite, eftime, fçavoir;

[ocr errors]

Sur la premiere Question.

Qu'une femme en puiffance de mari ne peut difpofer des biens de fondit mari fans être de lui autorifée. De forte que tout ce que la femme fait tant activement que paffivement, fans l'autorisation de fon mari, eft nul & fans effet. Ainfi Françoise difpofer de la lettre de change de 688 écus en question, & paffer l'ordre fur icelle en faveur de la Fons, fans être autorifée de ce faire par Jean fon mari, en la puiffance duquel elle étoit, parce qu'il étoit en fa maifon au lit malade de la maladie dont il eft mort lors de la paffation dudit ordre.

n'a

`Mais, dit-on, ladite Françoise n'a point paffé l'ordre fur cette lettre de change en faveur de la Fons, en fon propre & privé nom, mais bien au nom & comme procuratrice de Jean fon mari, qui l'autorife & donne pouvoir fpécial & général de régir & gouverner fes biens & affaires, & recevoir toutes les fommes de deniers, marchandifes & effets qui lui pourront être ci-après dûs. Et entr'autres chofes ledit Jean lui donne pouvoir & puiffance de tirer ou faire tirer lettres de change fur fes Correfpondans, accepter & payer toutes les lettres de change qui feront tirées fur lui, les négocier, & arrêter tous comptes, tranfporter tous droits & actions, enfin faire généralement tout ce que Françoife fa femme avifera bon être. Ainfi en vertu de cette procuration Françoise a pû valablement difpofer de la lettre en queftion, & paffer fon ordre fur icelle au profit de la Fons, pour le payer de ce qui lui étoit dû par Jean fon mari, & recevoir de lui le furplus defdits 688 écus en argent mentionnés en ladite lettre de change.

A quoi l'on répond, que fi Jean eût parti pour le voyage qui a donné lieu à cette procuration, & que Françoife fa femme le lendemain de fon départ eût paffé l'ordre fur ladite lettre de change au profit de la Fons, au nom & comme fondée de fa procuration, il n'y a pas de difficulté que ledit ordre eût été bon & valable. Mais ce n'eft pas la queftion dont il s'agit entre les Parties. La question eft de fçavoir si Jean qui a paffé cette procuration le 9 Juillet de la préfente année 1688, étant tombé malade d'apoplexie la nuit dudit jour 9 au 1 dudit mois de Juillet, de laquelle maladie il est décedé, fi Françonfe fa femme a pû difpofer de ladite lettre de change au profit de la Fons, créancier dudit Jean, en vertu de cette procuration, & fi l'ordre qu'elle a paffé fur icelle eft bon & valable. L'on dit que non. La raison eft que cette procuration ne pouvoit avoir lieu que le lendemain du départ de Jean pour le voyage qu'il avoit entrepris de faire. Ainfi Jean n'étant point parti pour faire ledit voyage, en ayant été empêché par la maladie qui lui eft furvenue la nuit du 9 au 10 Juillet, de laquelle il eft décédé, la procuration qu'il a paffée à Françoife fa femme ledit jour 9 Juillet n'avoit point encore de lieu, parce que la claufe pour laquelle elle a été paffée par Jean ayant ceffé, l'effet d'icelle a auffi ceffé; de forte que ladite femme ne pouvoit valablement difpofer de la lettre de change en question, ni paffer fon ordre fur icelle au profit de la Fons, créancier de Jean fon mari, au nom & comme procuratrice fondée de la procuration de Jean fon mari. Et en effet, il n'y avoit que Jean, qui pût valablement paffer ledit ordre puifqu'il n'étoit point parti pour fon voyage, & qu'il étoit encore en fa maifon, ne fervant à rien à Françoife de dire qu'elle a crû fe pouvoir fervir de ladite procuration, vû la maladie de fon mari, qui étoit de maniere qu'on le pouvoit compter pour abfent, à caufe qu'il étoit fans aucun mouvement, & le plus fouvent fans

« AnteriorContinuar »