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Connoiffance. D'ailleurs qu'elle a crû pouvoir négocier ladite lettre, qui étoit payable à l'ordre de Jean fon mari, pour le bien de la communauté, en l'acquit de laquelle elle pouvoit fe fervir de ladite lettre à payer ce que devoit fondit mari à la Fons, & recevoir le furplus de lui en argent; ainfi qu'ayant renoncé à la communauté qu'elle avoit avec Jean, que la chofe ne la regardoit en aucune maniere. Tout ce que deffus, dis-je, ne fert à rien à Françoife, parce que la maladie de Jean fon mari n'étoit point la caufe de la procuration, mais bien le voyage qu'il devoit faire après la paffation d'icelle, & par conféquent elle n'avoit aucun effet pendant fa maladie; ainfi ladite Françoife ne pouvoit difpofer des biens de fon mari, en vertu de ladite procuration, & encore moins de la lettre de change en question puifqu'elle appartient à Jacques, & non audit Jean.

Le Mémoire ci-deffus porte, qu'il y avoit fociété entre Jacques, Jean & Joos de Hollande, pour achat d'eaux-de-vie, pour envoyer en Hollande audit Joos, frere de Jean, dans lequel achat ils participoient chacun pour un tiers: Qu'on avoit fait plufieurs envois des eaux-de-vie à Joos en Hollande, devant le départ de Jacques pour les Illes de l'Amerique ; & afin de pouvoir continuer lefdits achats pendant fon abfence, qu'il avoit donné pouvoir par écrit à Jean, portant ordre à Joos de remettre le net provenu de fon tiers de la vente d'icelle à fondit frere Jean, pour fervir de nouveau fond à d'autres envois : Qu'en conféquence de l'ordre de Jacques, Joos de Hollande avoit remis à Jean pendant fa maladie, la lettre de change en question de 688 écus, payable à l'ordre dudit Jean, & auquel Joos mande par fa lettre miffive que ladite lettre de change étoit pour le compte de Jacques, & qu'il l'avoit paffée en débit en fon compte fur fes livres ; que ladite Françoise ayant reçu la lettre miffive de Joos, avec la lettre de change en queftion le 21 dudit mois de Juillet, elle auroit paffé l'ordre fur icelle au profit de la Fons, & que cinq jours après ledit Jean fon mari étoit mort infolvable. Or l'on voit qu'il y a eu de la mauvaise foi dans la conduite de Françoife. Et en effet, elle avoit connoiffance par la lettre miffive que Joos d'Hollande avoit écrit à Jean fon mari, que la lettre de change en queftion étoit pour Jacques, fur ce qui lui pouvoit revenir de fon tiers des eaux-de-vie que Joos avoit vendues pour la Société : elle fçavoit bien auffi que Jean fon mari étoit mal dans fes affaires, parce qu'elle a eu le tems de faire faire la balance de fes livres depuis le 10 Juillet qu'il eft tombé en apoplexie, jufqu'au 21 dudit mois qu'il eft décedé, qui font onze jours: ainfi Françoife ne pouvoit ni ne devoit difpofer de ladite lettre, ni paffer l'ordre au profit de la Fons, pour le payer de ce qui lui étoit dû par Jean, & recevoir de lui le furplus de ladite lettre en argent, parce qu'elle difpofoit d'une fomme de 688 écus qui n'appartenoit point à Jean fon mari, mais à Jacques fon affocié. De forte qu'il ne fert à rien à Françoise d'alleguer la renonciation qu'elle a faite à la communauté de biens qu'elle avoit avec Jean fon mari, parce qu'ayant commis un dol réel & perfonnel contre Jacques, elle eft tenue en fon propre & privé nom de lui rendre & reftituer ladite lettre de change en queftion, ou les 688 écus mentionnés en icelle, comme à lui appartenant: & par toutes les raifons ci-deffus alleguées, Suzanne, femme de Jacques, eft bien fondée en fon action contre ladite Françoife, de lui demander en fon propre & privé nom, la reftitution de ladite lettre de change en queftion, ou qu'elle ait à lui payer les 688 écus portés par icelle, n'y ayant difficulté quelconque en fa cause.

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Sur la feconde Question.

Que Françoife n'a pû valablement tranfmettre la propriété de la lettre de change en queftion au fieur de la Fons, au moyen de l'ordre qu'elle a paffé en fa faveur fur icelle, en vertu de ladite procuration, pour les raifons alleguées fur la premiere queftion, & par conféquent ledit ordre eft nul & fans effet; ainfi ledit la Fons n'ayant pas plus de droit que Françoife, qui n'avoit rien à la chofe, Suzanne femme de Jacques eft bien fondée à lui demander qu'il ait à lui rendre ladite lettre de change, ou le montant d'icelle, en cas qu'il l'ait reçue de celui fur lequel elle eft tirée, ne fervant à rien audit de la Fons de dire qu'il a reçu ladite lettre de change endoffée par François, de bonne foi, & qu'ainfi il ne doit pas la rapporter, parce qu'il doit s'imputer à lui-même d'avoir pris ladite lettre de change fur l'ordre de Françoife, en vertu de ladite procuration, qui ne pouvoit produire aucun effet que le lendemain du départ de Jean pour le voyage qu'il devoit faire, qui étoit la caufe pour laquelle il avoit paffé ladite procuration, & non en cas de maladie ou Sur la troifiéme Question.

autrement.

Qu'il n'y a pas de doute que celui fur qui la lettre de change en question est tirée, n'a pu la payer fur l'ordre de Françoife, qu'elle a paffé fur icelle en vertu de la procuration de Jean, pour les mêmes raifons alleguées fur les deux précédentes queftions. Et en effet, il ne pouvoit la payer qu'en vertu de l'ordre de Jean, qui étoit en fa maifon lors de la paffation dudit ordre en faveur de la Fons; ainfi il a mal payé les 688 écus mentionnés en ladite lettre à la Fons. Mais comme celui fur qui la lettre eft tirée, ne peut la payer qu'en vertu de l'ordre de Jean, lequel étoit décedé, ladite Suzanne ne peut intenter fon action contre lui, qu'en vertu d'un nouvel ordre de Joos le tireur, de la payer à Jacques fon mari, autrement elle n'y feroit pas bien fondée. Et comme, peut-être, Françoife, femme de Jean, & le fieur de la Fons font bons & folvables, le fouffigné eftime qu'il fuffira à ladite Suzanne de faire juger la caufe qui eft pendante pardevant les Juge & Confuls de la Rochelle, entr'elle & ladite Françoife', & la Fons, où elle obtiendra infailliblement Sentence contr'eux pour la reftitution de ladite lettre de change, ou de la fomme de 688 écus mentionnée en icelle, en cas qu'il l'ait reçue de celui fur qui elle eft tirée, fondée fur les raifons alleguées fur les deux précédentes queftions.

Délibéré à Paris ce premier Octobre 1688.

PARERE LXXXIV.

,

1. Si faute de payement un billet portant fimplement valeur reçue, fans dire en quoi doit être protefté dans les dix jours après l'échéance, comme pour valeur reçue en deniers ou en Lettres de Change, ou bien dans les trois mois auffi de l'échéance, comme pour valeur reçue en marchandifes ?

II. Si le porteur d'un billet ne doit pas faire dénoncer à tous les endoffeurs dans les délais portés par l'Ordonnance les diligences qu'il a faites contre le débiteur du billet faute de payement à son échéance ?

III. Si un Négociant qui a fait un écrit particulier, portant, qu'encore bien qu'il n'aye. pas foufcrit un billet, il promet néanmoins de le payer à celui à qui il fait cet écrit particulier, en cas qu'il ne foit pas accepté par le débiteur, doit être réputé endoffeur du billet, & fi comme tel on lui doit auffi dénoncer les diligences faites faute de payement dudit billet?

I

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

Ly a procès au Parlement de Bordeaux entre Jacques, Charles, & Pierre, pour raifon du billet, des ordres qui font au dos d'icelui, & de l'écrit dont les copies font ci-deffous tranfcrites.

Je payerai à l'ordre de Monfieur Timothée dans le 5 Septembre prochain 2309 livres 7 fols, valeur dudit Sieur. A Bordeaux, ce dernier Février 1684. Signé, WILLAUME.

Payez à l'ordre de Monfieur Charles, valeur reçue comptant dudit fieur. A Bot deaux, le premier Mars 1684. Signé, TIMOTHE'E.

Payez à l'ordre de Monfieur Jacques, valeur dudit Sieur. A Bordeaux le Juillet 1684 Signé, CHARLES.

Je déclare à Monfieur Charles, que quoique je n'aye pas fouferit le billet de 2309 Livres 7 fols fait le dernier Février par Wuillaume, à l'ordre de Timothée, qu'il a paffé à Lordre dudit Sieur Charles, de payer. A Bordeaux le premier Avril 1684. Signé PIERRE.

LE FAI T.

Jacques à l'échéance du billet ci-deffus, l'a fait protefter faute de payement fur Wuillaume, & dénoncer le proteft à Timothée feulement, fans le denoncer à Charles fon endoffeur, ni à Pierre endoffeur de Charles, ou quoiqu'il en foit fon garant, par le billet que Charles avoit donné à Jacques. De plus Jacques a fait affigner Timothée aux Confuls de Bordeaux qui fe laiffa condamner Sen

par

tence rendue par défaut, de laquelle il auroit interjetté appel au Parlement. Que Jacques releva & fir confirmer la Sentence des Confuls, & tout cela fans jamais tien dénoncer à Charles ni à Pierre.

Au mois de Décembre 1684 (trois mois après l'échéance) Willaume ayant fait banqueroute, Jacques le fait condamner par Sentence des Juge & Confuls à lui payer 2309 livres 7 fols contenus audit billet, & en même tems il fait fignifier à Charles qui étoit abfent le proteft, & le fait affigner pardevant lefdits Juge & Confuls, où il obtint à fon infçû Sentence par défaut, par laquelle ledit Charles auroit été condamné à lui payer la fomme de 2309 livres 7 fols contenue au fufdit billet, ce qu'étant venu à la connoiffance d'un Commis de Charles, il interjetta appel de cette Sentence au Parlement de Bordeaux. Cette affaire a demeuré là, fans qu'on aye rien dit à Charles ni à Pierre jufqu'au mois de Février 1686, qui font dix-huit mois après l'échéance du fufdit billet, que Jacques a fait affigner Pierre pardevant lefdits Juge & Confuls, pour fe voir condamner à lui payer la susdite fomme.

Pierre auroit comparu à la fufdite affignation, & auroit foutenu que Jacques étoit non-recevable en fa demande, attendu qu'il n'avoit fait aucune diligence, ni ne s'étoit point pourvû en recours de garantie, tant contre Charles que contre lui, dans le tems prefcrit par l'Ordonnance. D'ailleurs qu'il n'étoit garant qu'envers Charles pour Willaume & Timothée, par le billet qu'il avoit fait à Charles pour endoffement.

Jacques ayant eu avis que Pierre alloit être renvoyé quitte & abfous de fa demande, retira du Greffe fes pieces, fuppofant qu'il vouloit contredire à Pierre, & cette Instance eft demeurée comme non-avenue.

Au mois d'Octobre 1687, Jacques fait arrêter Willaume prifonnier, en vertu de la Sentence qu'il avoit obtenue aux Confuls contre lui au mois de Décembre 1684, mais attendu que Willaume peu de tems avant d'être arrêté prifonnier avoit interjetté appel de ladite Sentence, le Parlement a caffé cet emprifonnement, & ordonné que les Parties viendroient plaider, ce qui auroit donné lieu à Jacques de faire intervenir Charles & Pierre audit procès, où Charles a foutenu que Jacques eft mal fondé en fa demande, n'ayant nul intérêt en la caufe d'appel qui eft préfentement au Parlement entre lesdits Jacques & Willaume, attendu que le billet en question doit demeurer pour le compte & aux rifques & périls dudit Jacques, d'autant qu'il ne lui a fait faire aucune dénonciation des diligences qu'il a faites à Willaume dans le tems prefcrit par l'Ordonnance, que celles qu'il lui fit le mois de Décembre 1684, qui font faites trois mois après l'échéance du billet en question, au lieu qu'il devoit les avoir faites dans les dix jours après l'échéance, & le faire affigner en garantie dans la quinzaine, fuivant qu'il eft prescrit par l'Ordonnance, au Titre des Lettres de Change & Billets à ordre. Qu'ainfi ledit Jacques eft non-recevable en fa demande, d'autant plus que Charles lui avoit remis en main un billet de Pierre, qui lui fervoit d'endoffement, & que n'ayant fait aucune diligence contre Pierre, il lui a fait perdre le droit qu'il avoit fur ledit

Pierre.

Jacques a repliqué, qu'ayant fait fignifier à Charles les diligences dans les trois mois, comme l'Ordonnance le prefcrit pour les billets de Ville, & en marchandifes, difant que le billet en queftion eft de cette qualité. Qu'ainfi Charles lui doit être tenu de fon payement, & qu'à l'égard du billet de Pierre que Charles

lui avoit donné, il n'étoit tenu de lui- faire aucune diligence, d'autant que ce billet. doit être regardé comme une promeffe.

A quoi Charles répond & foutient pour les raifons par lui ci-deffus alleguées, que Jacques lui ayant fait perdre la garantie qu'il avoit fur Pierre, ne lui ayant dénoncé les diligences, ledit billet lui doit demeurer pour fon compte, fauf à lui à fe pourvoir contre Willaume & Timothée comme bon lui femblera, d'autant plus qu'il n'a reconnu pour fes débiteurs que lefdits Willaume & Timothée.

Pierre dit pour défenfes, que le billet qu' a fait à Charles ne peut être regardé que comme un endoffement, ainfi qu'il eft fujet aux mêmes diligences du Biller duquel il eft un acceffoire. Et pour le montrer il dit qu'il ne s'oblige par fon billet qu'à Charles, & ne lui donne point le pouvoir de le tranfporter. De forte que ne lui ayant été fait aucune diligence, ni intenté aucune action en garantie, tant par Charles que par Jacques, dans aucuns des délais prefcrits par l'Ordonnance, il doit être renvoyé quitte & abfous de la demande de Jacques, d'autant qu'il ne le connoît point, & ne peut connoître en cette affaire que Charles, auquel il a déclaré que fi le billet n'étoit payé, qu'il lui payeroit & non à d'autres, & que cette forme d'endoffement n'a été donnée par Pierre à Charles, qu'afin que fon feing ne parût pas dans le Commerce, outre que l'Ordonnance a pourvû aux inconveniens qui arrivent lorfqu'on ne dénonce pas les diligences aux tireurs & endoffeurs, puifqu'elle veut que les diligences foient faites à tous les intéreffés en un billet ou lettre de change, fans quoi la condition d'un tireur ou endoffeur feroit bien malheureuse, pour refter autant qu'il plairoit au porteur d'un billet fon débiteur à lui dénoncer le proteft d'un billet ou lettre de change. Et en effet, fi on avoit dénoncé à Pierre que Willaume ou Timothée n'avoient pas payé, il auroit pris des mesures à les faire payer, au lieu que Jacques a attendu à lui déclarer lorfque Willaume & Timothée font devenus infolvables; & pour toutes ces raifons il foutient qu'il doit doit être déchargé de la demande de Jacques,& d'autant plus qu'il n'a reconnu pour fes débiteurs que Willaume & Timothée, & que Charles doit être déchargé de droit ; & comme Pierre ne reconnoît que Charles en cette affaire, & par conféquent il le doit être auffi non-feulement par la raison que l'on ne lui a fait aucune diligence dans les délais de l'Ordonnance, même qu'il n'a fait aucune diligence contre Charles, qui eft celui auquel il pourroit devoir s'il fe trouvoit qu'il fût débiteur.

On demande avis à Monfieur Savary fur trois chofes.

La premiere, fi Jacques porteur du billet dont copie eft ci-deffus tranfcrite, étoit tenu de faire fes diligences contre Willaume dans les dix jours, comme valeur reçûe en argent, ou à celle des trois mois, comme valeur reçûe en marchandises, portés par l'Ordonnance de 1673 ?

La feconde, fi Jacques n'étoit pas tenu & obligé de faire dénoncer les diligences par lui faites à Willaume, & fe pourvoir en garantie contre Charles dans le tems porté par la fufdite Ordonnance; pour ne l'avoir pas fait dans ledit tems, s'il n'eft pas non-recevable en fon action en garantie contre Charles?

Et la troifiéme, fi la déclaration de Pierre, dont copie eft auffi ci-deffus tranf crite, doit être regardée feulement comme un ordre; & fuppofé qu'elle eût été faite au profit de Jacques, auffi-bien que de Charles (que non ainfi que foutient Pierre) i Jacques étoit tenu de faire dénoncer audit Pierre le proteft qu'il a fait

Tome II.

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