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n'y auroit pas de raifon qu'en Juftice on rendît le Contrar d'accord commun avec les cinq huitiémes des autres créanciers, eu égard au total de ce qui leur eft dû. De forte que pour toutes les raifons déduites fur cette premiere queftion, Morand ne peut pas en Juftice rendre fon Contrat d'accord commun avec ledit fieur Buis fuppofé qu'il fût fon créancier.

Sur la feconde Question.

Le fouffigné eftime que ledit fieur Buis eft bien fondé en la demande par lui intentée pardevant les Juge & Confuls de Paris contre ledit Morand, pour la refti tution des deux lettres de change en queftion, dont la caufe a été renvoyée au Parlement, par Sentence defdits Juge & Confuls du 26 Avril 1686, pour les raisons fuivantes.

Premiérement, parce que ledit Morand ayant laiffé protefter la lettre de change tirée fur lui par ledit fieur Buis faute de payement de la fomme de 1 112 livres 10 fols mentionnée en icelle, au moyen de quoi ledit Buis ayant été obligé de rem bourfer cette fomme à celui au profit duquel il l'avoit tirée, lefdites deux lettres de 604 & 610 florins font demeurées nulles & fans effet, parce que la caufe pour laquelle ledit fieur Buis avoit remis lefdites deux lettres de change en question audit Morand, étoit pour les difpofer, & de l'argent en provenant en payer & acquitter la lettre de 1112 livres ro fols qu'il avoit tirée fur lui, Or ledit Morand n'ayant point payé & acquitté ladite lettre, & au moyen du proteft qui a été fait fur lui faute de payement, ledit fieur Buis l'ayant remboursée au porteur d'icelle, l'effet des deux lettres de change en question a ceffé. En effet, en Droit quand la caufe cesse l'effet ceffe, & par conféquent ledit Morand eft tenu & obligé de rendre & reftituer audit Buis lefdites deux lettres de change en question, ou la valeur d'icelles, en cas qu'il les ait difpofées à fon profit.

Secondement, parce qu'au jour que Morand a paffé le Contrat d'accord avec trois de fes prétendus créanciers, qui eft le premier Avril 1686, il n'avoit point encore difpofé lefdites deux lettres de change en queftion, & s'il les avoit dif pofées, ce ne peut être que depuis fa banqueroute & la paffation dudit Contrat d'accord. Ce fait eft juftifié par deux lettres miffives que Morand a écrites audit Buis les 23 & 30 Mars 1686. En effet, il lui mande par lefdites deux lettres miffives qu'il n'a pû difpofer lefdites deux lettres, à caufe du changement des monnoyes qu'il y avoit à Lille où lefdites deux lettres de change devoient être payées, & en outre par la lettre miffive du 30 Mars ledit Morand mande audit Buis, que comme il fait des affaires avec Monfieur Bogart, s'il defire qu'on lui remette fes. deux lettres de change il les lui remettra, au cas qu'il n'en ait pas difpofé parce qu'il fera de fon mieux pour les difpofer. Qu'ainfi les lui rendant il n'aura rien à lui payer. Quoique les deux lettres de change fuffent encore entre les mains de Morand le 30 Mars 1686, qui eft la furveille de la paffation du Contrat d'accord néanmoins les ordres qu'il a paffés au dos defdites lettres payables à l'ordre de la Remaudiere, font dattés du 20 dudit mois de Mars, & ceux que la Remaudiere y a paffés enfuite font dattés du 30 dudit mois. Or fi lefdites deux lettres étoient encore ès mains de Morand le 30 Mars, il a donc antidatté lefdits ordres du 20 Mars qui eft une fauffeté; & cette fauffeté d'antidatte eft encore prouvée par la lettre miffive que Morand a écrite audit Buis le 23 dudit mois de Mars, parce M in m m ij

qu'il lui mande qu'il avoit envoyé acceptées lefdites deux lettres, & qu'on les lui a renvoyées toutes deux acceptées, & qu'il ne les ait reçûes que le 23 Mars, il y a une impoffibilité phyfique & morale qu'il y ait paffé fes ordres fur lefdites lettres le 20 Mars, puifqu'il ne les avoit pas entre fes mains. Quoiqu'il en foit, il eft certain que Morand n'avoit point paffé fes ordres fur lefdites deux lettres de change le 30 Mars, puifqu'elles étoient encore entre fes mains, & qu'il avoit mandé ledit jour au fieur Buis qu'il les remettroit ès mains du fieur Bogart qui eft: un Banquier de Paris, avec lequel ledit de Buis faifoit des affaires..

Il réfulte de ce qui vient d'être dit. trois chofes. La premiere, que ledit Morand a antidatté fefdits deux ordres.. Or par l'Article XXVI. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673 ci-deffus alleguée, il eft défendu d'antidatter les ordres. à peine de faux, & par conféquent l'on peut faire le procès à Morand, comme fauffaire. La feconde, que Morand s'eft fervi de la Remaudiere pour ôter la connoiffance- qu'il donnoit defdites deux lettres de change à Etienne Broffart fon prétendu créancier de 5372 livres, à laquelle il avoit été condamné par Sentence. du Châtelet de Paris dus dudit mois de Mars. Car pour dépayfer l'affaire il a paffé fes ordres à la Remaudiere, qu'il a antidattés du 20 Mars; & parce: qu'il falloit un tems fuffifant pour donner lieu à la négociation defdites deux let tres, il a fait antidatter les ordres que la Remaudiere a paffés à Etienne Brossart,. du 30 dudit mois. Et la troifiéme, de deux chofes l'une, ou ledit Morand a donné à Etienne Broffart, lefdites, deux lettres pour l'indemnifer en partie de la remife des deux tiers de fon dû qu'il lui faifoit par ledit Contrat, & pour l'obliger à le figner, ou bien il s'eft fervi de fon nom pour en recevoir le payement de ceux qui les avoient acceptées. Ainfi de quelque maniere que la chose se. foit paffée, c'eft une fraude commife par ledit Morand; car au premier cas il n'a. û donner lefdites deux lettres de change en payement à Etienne Broffart, en fraude & au préjudice dudit de Buis à qui elles appartenoient, & non audit. Morand,, comme il a été montré ci-deffus, à peine de nullité, conformément aux Ordonnances de nos Rois, & entr'autres à celle de 1673, Titre XI. Article IV. qui déclare. nuls tous transports, ceffions, ventes, & donations de meubles ou immeubles faits en fraude des créanciers. Veut Sa Majefté qu'ils foient rapportés à la maffe des effets. De forte. qu'aux termes de cet Article, fuppofé que ledit fieur Buis fût créancier de Morand, (que non pour les raifons ci-deffus alleguées) Broffart feroit tenu de rembourfer les 1214 florins mentionnés efdites deux lettres de change, puifqu'il les a reçues. en fraude des créanciers. Au fecond cas, fi ledit Etienne Broffart a prêté fon nom. à Morand, pour détourner lefdites deux lettres de change, il eft fauteur de la banqueroute frauduleufe de Morand. De forte que fuivant l'Article XIII. dudit. Titre XI. de la fufdite Ordonnance, il doit être condamné en 1500 livres d'a-mende, & au double defdits 1214 florins.

Il y a une grande préfomption de ce qui vient d'être dit; car il n'y a pas d'apparence qu'Etienne Broffart ait pris les deux lettres de change de la Remaudiere, au profit duquel Morand a paffé les ordres, fi l'on fait réflexion que. Morand devoit à Broffart une fomme de 5372 livres, au payeinent de laquelle: il avoit été condamné par Sentence du Châtelet de Paris dus du même mois. de Mars 1686, qu'il a paffè fes ordres fur lefdites deux lettres de change à la. Remaudiere. En effet, pourra-t-on croire que Broffart ait pris lefdites lettres de la Remaudiere fur les endoffemens de Morand, qui étoit déja mal dans fes affaires,›

puifqu'il ne pouvoit payer fes dettes ? car Broffart ne connoiffoit pas ledit fieur Buis de la Ville de Nantes, qui les avoit tirées, ni ceux qui les avoient acceptées, qui font de Saint-Omer & de Gand en Flandre. Pour peu que l'on ait de bon fens, l'on ne croira jamais cela de Broffart.

Le fufdit Mémoire porte qu'il y a procès à Gand entre ledit Broffart & Criftian Craynes, Marchand de ladite Ville, pour raifon de la lettre de change de fix cens dix florins. Il faut obferver qu'encore qu'un porteur de lettre de change puiffe poursuivre en Juftice l'accepteur pour fe faire payer du contenu en icelle, parce que dès le moment qu'il l'a acceptée il s'eft conftitué débiteur; néanmoins pour l'ordinaire quand la lettre eft protestée il retourne fur le tireur qui l'a tirée à fon profit, ou fur celui qui a paffè l'ordre auffi à fon profit pour se faire rembourfer du contenu en icelle, avec le change & rechange & frais du proteft. La raifon en est, que le porteur de cette lettre ne veut point s'engager à un procès contre un homme, qui ne peut être intenté que devant fon Juge naturel, & particuliérement quand il demeure dans un Pays étranger, c'eft ce qui fait que quand il fait protefter la lettre, qu'il revient fur celui qui a paffé l'ordre à fon profit. Ainfi croira-t-on que Broffart, qui eft en cette Ville de Paris, eûr voulu de gayeté de cœur s'engager dans un procès contre Craynes, qui eft demeurant en la Ville de Gand en Flandre, au lieu de retourner fur la Remaudiere, qui a paffé l'ordre à fon profit fur cette lettre de change qui lui auroit remboursé le contenu en icelle fans procès ? ou s'il eût été obligé de lui en faire un, il l'auroit pourfuivi en la Jurifdiction Confulaire de cette Ville de Paris, lieu de fon domicile. Mais fuppofé que la Remaudiere eût fait faillite, n'eût-il pas été plus avantageux à Broffart de retourner fur Buis le tireur de la lettre, qui eft un bon Marchand Banquier de Nantes qui la lui auroit remboursée à la premiere demande qu'il lui en auroit faite, que de s'engager dans un procès à Gand avec Craynes? Pourquoi eft-ce que Broffart a mieux aimé pourfuivie Craynes à Gand, pour avoir payement de la lettre de change, que de retourner fur la Remaudiere fon endoffeur, ou fur Buis le tireur? C'eft qu'il a bien jugé que s'il poursuivoit à Paris la Remaudiere, qu'il auroit fait appeller Buis pour prendre fon fait & caufe, & que par-là toute la fourberie fe feroit découverte, & c'eft ce que ledit Broart a voulu éviter. Et pour toutes ces raifons l'on ne peut juger autre chofe de la conduite de Broffart, finon que cette lettre de change ne lui a été donnée par Morand fous le nom & en vertu de l'ordre de la Remaudiere, qu'en fraude de Buis ou de tous fes créanciers.

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Par tout ce qui a été dit ci-deffus, & fur la premiere queftion le fouffigué eftime que ledit fieur Buis eft bien fondé en fa demande par lui intentée contre Morand en la Jurifdiction Confulaire de Paris, & il ne doute point que fi ledit Buis de-mandoit au Patlement la jonction de Monfieur le Procureur Général, qu’infailliblement il feroit faire le procès extraordinairement à Morand, comme étant un banqueroutier frauduleux, & à la Remaudiere & à Broffart, comme complices de La banqueroute.

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Sur la troifiéme Queflion.

que

Le fouffigné eftime ledit fieur Buis eft bien fondé à s'infcrire en faux contre les ordres paffés par Morand fur les deux lettres de change en queftion, & contre ceux paffés par la Remaudiere, parce qu'ils ont été antidattés, fçavoir ceux de Morand, du 20 Mars 1686, & ceux de la Remaudiere, du 30 defdits mois & an, ces deux antidattes étant fuffifamment prouvées par les deux lettres miffives écrites par Morand audit fieur Buis les 23 & 30 Mars 1686.

Délibéré à Paris le 6 Décembre 1688.

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PARERE LXXXVIII.

1. Si les veuves des Maîtres Marchands peuvent faire des Apprentifs?

II. Si le tems fait à Paris, comme Compagnon, par un Apprentif d'une autre Ville Jurée, lui doit être compté pour parvenir à la Maîtrife de ladite Ville Jurée ?

III. Si l'apprentissage fait dans une Ville-Jurée, peut fervir pour aspirer à la Maitrife d'une autre Ville Jurée ?

IV. Si les Gardes des Marchands d'une Ville Jurée peuvent exiger d'un afpirant à la Maîtrise de leurs Corps, une plus grande fomme que celle portée par leurs Statuts pour fa reception, & outre ladite fomme un feftin le jour de fadite reception?

MÉMOIRE POUR CONSULTER

LE FAIT.

Harles natif d'Ingrande, a fait fon apprentiffage chez un Marchand Drapier

Cde la Ville d'Angers. Après il a fervi quelque tems chez un Marchand Drapier

de Paris, & enfuite il eft venu en la Ville de Nantes, où il s'eft obligé pour trois ans à la veuve d'un Marchand Drapier par Brevet d'apprentiffage paffé pardevant de la Lande, Notaire Royal en ladite Ville.

Ledit Charles ayant fervi dix-huit mois en qualité d'apprentif cette veuve, elle lui a donné une quittance de dix-huit mois de fon apprentiffage qui font avec le tems que Charles a fervi à Paris, deux ans.

Charles s'eft préfenté aux Gardes & Prévôt du Corps des Marchands Drapiers de ladite Ville de Nantes, pour y être reçu Maître, à laquelle réception partie des Marchands dudit Corps y auroient formé leur oppofition, fondée; premié

fur ce que la veuve d'un Marchand ne peut point faire d'apprentifs :

fecondement, quand ainfi feroit, ledit Charles n'a pas accompli les trois ans de fon apprentiffage portés par ledit brevet.

A quoi Charles a répondu qu'ayant fait fon apprentissage en la Ville d'Angers', & enfuite fervi en la Ville de Paris un Marchand Drapier, ce tems doit être compté avec les dix-huit mois qu'il a fervi ladite veuve Marchande à Nantes, pour remplir le tems de trois ans portés par fon brevet d'apprentiffage, & que la veuve d'un Marchand peut faire des apprentifs. D'ailleurs qu'ayant fait fon apprentiffage en la Ville d'Angers, cela fuffit pour être reçu Maître en la Ville de Nantes.

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A quoi les Marchands oppofans à la réception dudit Charles ont répliqué que l'apprentiffage que Charles à fait à Angers, & le tems qu'il a fervi les Marchands à Paris, ne fert à rien, parce que pour gagner la franchise pour être reçu Maître, il faut que le tems de l'apprentillage foit fait tout de fuite chez le Marchand de la Ville où l'Afpirant prétend être reçu à la Maîtrise. Enfin que l'apprentiffage que Charles a fait en la Ville d'Angers, n'a été que pour gagner la franchise pour être reçu Maî tre en ladite Ville d'Angers, & non en la Ville de Nantes, où il faut qu'il faffe un nouvel apprentiffage pour y être reçu Maître.

Nonobftant toutes les raifons ci-deffus, & fans avoir égard à l'oppofition formée par les Particuliers Maîtres du Corps de la Draperie, les Gardes & Prevôt n'ont pas laiffé de recevoir Maître Charles, & lui ont fait payer 600 livres pour fa reception, & en outre ledit Charles leur a donné à fouper le jour même de fa réception. L'on demande avis à Monfieur Savary fur quatre chofes :

La premiere, fr la veuve d'un Marchand peut faire des apprentifs? Ainfi fi la veuve de ce Marchand Drapier de Nantes a pû prendre Charles pour apprentif

La feconde, fi le tems du fervice que Charles a fait chez un Marchand de Paris peut être compté avec celui de dix-huit mois qu'il a fait chez la veuve du Marchand de Nantes? ou fi le tems de fon apprentiffage, qui eft de trois ans, a dû être fait par ledit Charles tout d'ane fuite & fans interruption chez la veuve du Marchand à Laquelle il s'eft obligé

La troifiéme, celui qui a fait fon apprentissage de Marchand dans une Ville Jurée, fi cet apprentiffage lui peut fervir pour être reçu Maître, & s'établir dans une autre Ville Jurée telle que bon lui femblera, à la réserve de Paris, Rouen, & Nantes ? Et s'il y a quelque Ordonnance ou Arrêt qui regle cela? Ainfi fi l'apprentiffage que Charles a fait dans la Ville d'Angers a été fuffifant pour le recevoir en celle de Nantes pour s'y établir?

Et la quatrième, fi les Gardes & Prevôt du Corps de la Draperie de Nantes ont pû faire payer à Charles, pour l'avoir reçu Maître, la fomme de 600 livres, & feur donner à fouper le jour de fa réception, & s'il en peut arriver quelques inconvéniens, & qui peuvent être ces inconvéniens?

Le fouffigné qui a vû & examiné le Mémoire ci-deffus, eftime, fçavoir:

Sur la premiere Question.

Qu'il y a des veuves de Marchands qui peuvent faire des apprentifs, & d'autres qui n'en peuvent faire. Par exemple, la veuve d'un Marchand de Draps d'or, d'argent, & de foie, celle d'un Marchand Drapier, celle d'un Marchand de Toile, celle d'un Marchand de Fer, & généralement toutes les veuves des Mar

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