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livres de la Société pour prouver fa créance, parce que les livres de la Société font foi en Juftice contre tous ceux qui compofent la Société, d'autant que les livres de la Société étant leur ouvrage, ils ne peuvent dire ni alleguer aucune chose du fait de l'un d'eux contre le créancier qui prend droit par iceux.

On peut appliquer tout ce qui a été dit ci-deffus à la queftion dont il s'agit. Il a été montré ci-devant que les enfans mineurs de la veuve Greyfolon font créan ciers de la Société qui a été contractée entre ladite veuve, fon fils, & Jean-Jacques & Antoine Patron, appellans de la Sentence du Juge-Confervateur de Lyon, & Philibert Gaucher & Conforts : Ainfi le tuteur defdits mineurs, qui eft l'Intimé, peut prendre droit pour les livres de leur Société, pour prouver les fommes de deniers à eux appartenant que la veuve Greyfolon leur mere, qui étoit leur tutrice, a employées dans la Société pour en faire le fond capital pour tous les Affociés, parce que les livres de leur Société étant leur ouvrage, ils font preuve contr'eux, & d'autant plus que chacun d'eux a adminiftré ladite Société. En effet, l'Acte de leur Société porte, qu'ils ont mis d'un commun accord chez la veuve Greyfolon & fon fils, un homme pour tenir les livres journaux de caiffe & de raifon pour la Compagnie, que les Intimés envoyeroient à ladite veuve les extraits des livres journaux qu'ils tiendroient de leur geftion, qui les mettroit enfuite ès mains du teneur de livres, pour écrire les parties en débit ou crédit mentionnées dans lefdits extraits fur le livre journal de la Société, & enfuite en dreffer les comptes par extrait fur le livre de raifon..

Il eft dit dans le fait que le tuteur ayant pris communication des livres journaux, de caiffe, & de raifon de la Société, qu'il a fait fur iceux un extrait, c'est-à-dire, un bilan des fommes de deniers appartenant à fes mineurs, que leur mere qui avoit été leur tutrice avoit employés dans ladite Société, qui fe montent à 72660 livres, tant en principal qu'intérêts ftipulés par l'acte de Société, & laquelle fomme a été liquidée par l'Arrêt de la Cour du 18 Août 1676. Or cela eft conforme à l'Ordonnance ci-deffus alleguée; ainfi les fufdits livres de la Société faisant preuve contre tous les Affociés, le tuteur des enfans mineurs, n'eft point tenu de rapporrer les pieces justificatives de l'emploi qui a été fait des deniers à eux appartenans que leur mere, qui étoit leur tutrice, a mis dans la Société pour le fond capital de tous les Affociés d'icelle, parce que cela n'eft point de leur fait, mais bien de celui de la veuve Greyfolon leur affociée, la bonne foi de laquelle fes Affociés ont fuivie, & ce pour les raifons ci-deffus déduites. De forte que toutes les raifons mentionnées dans le fufdit Mémoire, alleguées par les Appellans devant le Juge-Confervateur de Lyon, ne fervent à rien contre un ufage fi judicieusement établi parmi les Marchands & Négocians, & qui eft confirmé par l'Ordonnance de 1673. Aufli leJuge-Confervateur, & les Echevins qui lui font adjoints, qui font pour l'ordinaire Marchands & Négocians, qui fuivent les maximes & les regles des affaires du Commerce, fans avoir égard à leurs raifons, les a condamnés à payer au tuteur defdits mineurs chacun leur part & portion fuivant l'intérêt que chacun d'eux avoit dans ladite Société de la fomme principale portée par ledit extrait ou bilan, & aux intérêts d'icelui. Ainfi le fouffigné eft d'avis que les Intimés font mal fondés en l'appel par eux interjetté de la Sentence du Juge-Confervateur de Lyon, du 17 Février 1685, & qu'il y a lieu de les débouter de leur demande, avec amende & dépens.

Sur la feconde queftion le fouffigné eft auffi d'avis que lesdits Intimés doivent -chacun à leur égard, les intérêts fuivant la part & portion que chacun d'eux avoit en ladite fociété de la fomme principale, à raifon de deux pour cent par payement,

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c'est-à-dire, à huit pour cent par chacun an, à compter du jour que la veuve Greyfolon l'a portée en la caiffe de ladite Société, & non du jour & datte de l'Acte de ladite Société, conformément à icelui Acte, non-feulement jufqu'au 17 Février 1672, que ladite veuve Greyfolon a fait faillite, comme porte la Sentence dont eft appel, mais encore jufqu'au jour que l'effet de la Societé a ceffé. La raison en est, qu'encore que le tems porté par un Acte de Société foit fini, la Société n'est lue pour cela; car la Société eft bien finie quant à l'achat des marchandifes, mais pas réfo elle ne l'eft pas quand à l'effet, parce que l'effet d'une Société ne finit que lorfque les affaires ont été liquidées, c'eft-à-dire, jufqu'à ce que les marchandises étant en magasin ayent été vendues, les dettes actives reçues, & les dettes paffives payées, ou jufqu'au compte de Société qui a été fait entre les Affociés, & que les effets actifs & patlifs ayent été partagés entre les Affociés; & alors la Société ett finie, & est entiérement réfolue, parce que les intérêts des dettes pallives courent toujours jusqu'au jour qu'elles font remboursées par la Société. Ce qui vient d'être dit est un ufage qui fe pratique dans le Commerce en matiere de Société. Or l'ufage des Marchands & Négocians eft leur droit, fuivant les fentimens de tous les Docteurs en Droit; & c'eft auffi une Jurifprudence Confulaire qui ne reçoit point de difficulté. De forte que le Juge-Confervateur de Lyon a mal jugé de n'avoir condamné les fieurs Patron, qu'à payer les intérêts fur le pied de deux pour cent, que jufqu'au 17 Février 1672, que la faillite de la veuve Greyfolon eft arrivée, parce qu'ils font dûs fur ledit pied de deux pour cent par payement, c'est-à-dire, huit pour cent par an jufqu'au jour du rembourfement des fommes que chacun defdits fieurs Patron feront au tuteur defdits enfans mineurs dudit défunt Claude Greyfolon leur pere, & de Marie Patron leur mère.

Délibéré à Paris le 16 Décembre 1688.

PARERE X C.

1. Si un Maître de Vaisseau est toujours tenu de représenter le connoissement & la chartepartie de la charge de fon Vaiffeau, & s'il doit être déchargé de la reprefentation qui lui en eft demandée, en difant que la marchandise qui est chargée deffus appartient au propriétaire du Vaiffeau, & quelle difference il y a entre charte-partie & connoiffement?

H. Si un connoiffement doit être réputé bon, lorsqu'il fait fimplement mention des marchandifes que le Maitre a reçûes fur fon bord, fans dire de qui?

III. S'il eft de l'ufage des Négocians Hollandois dans leur Commerce pour la Mofcovie, ou ailleurs, de mettre les factures & les connoiffemens des marchandifes fur d'autres Vaiffeaux que ceux fur lesquels elles font chargees?

Our bien réfoudre la premiere queftion propofée, il faut fçavoir ce que c'est que charte-partie, & ce que c'eft que connoillement, & la difference qu'il y a

de l'un à l'autre.

La charte-partie eft l'Acte qui fe fait entre un Marchand & le Bourgeois ou le propriétaire d'un Vaiffeau, pour faire un voyage. L'on appelle encore ce Contrat fur la mer Ccéane affrettement, & fur la mer Méditerranée naulis.

Le connoiffement eft un Actè que le Maître du Navire donne au Marchand chargeur, par lequel il reconnoît avoir reçu dans fon bord un nombre de ballots out caiffes contenant la quantité & qualité des marchandifes, pour être confignées ou délivrées à une perfonne du lieu où le Navire doit aller.

On demande premiérement ce qu'il faut juger lorfque dans un Vaiffeau'où la charte-partie & le connoiffement manque, le Maître déclarant que le chargement eft pour le compte du propriétaire du Vaiffeau, & qu'ainfi il n'en a pas befoin.

A quoi l'on répond, que fi c'eft le propriétaire du Vailleau qui a fait le chargement, on ne peut obliger le Maître qui eft monté fur icelui pour le conduire au lieu deftiné, de repréfenter la charte-partie, parce que le Vaiffeau appartient au Marchand chargeur. Mais fi le Vaiffeau a été affreté, c'est-à-dire, donné à loyer à un Marchand Chargeur, le Maître doit repréfenter la chatte-partie ou Contrat d'affrettement.

Si le propriétaire du Navire l'a chargé pour fon compte, il doit avoir un connoiffement qui doit contenir que la marchandife chargée dans le bord appartient au propriétaire, c'eft-à dire, la quantité de ballots ou caiffes, la marque & le nom de celui auquel la marchandife doit être confignée. De forte que fi le Maître ne repréfente point ledit connoiffement, la marchandise eft déclarée de bonne prife, ne fervant à rien au Maitre de dire qu'elle appartient au propriétaire du Vaiffeau, parce qu'il ne peut être crû fur fa parole;& eft crû fur fa parole que quand il déclare que le Vaiffeau appartient au Bourgeois dudit Vaiffeau, c'eft à-dire, le propriétaire, parce qu'il n'a point de charte-partie, pour les raifons qui ont été dites ci-deffus.

Secondement, on demande fi un connoiffement doit être réputé bon lorsqu'il

fait fimplement mention des marchandises que le Maître a reçûes, & fans dire pour le compte de qui.

A quoi l'on répond, qu'il faut abfolument déclarer le nom de celui pour le compte duquel la marchandise eft chargée, autrement c'eft une fraude. En effet, fi cela étoit ainsi, le Maître d'un Navire pourroit prendre de la marchandise dans fon bord le pour compte d'un Marchand qui eft fujet d'un Prince Ennemi de l'Etat, qui eft confifquable. C'eft la Jurifprudence des Us & Coutumes de la Mer, de toutes les Nations de l'Europe, & eft conforme à l'Ordonnance maritime du mois d'Août 1681.

Troifiémement, on demande s'il eft de l'ufage du Commerce des Hollandois, qui font le Commerce en Mofcovie, ou ailleurs, de mettre les factures & les connoiffemens fur d'autres Vaiffeaux.

A quoi l'on répond que c'eft l'ufage univerfel de toutes les Nations de l'Europe, que le connoiffement eft fait triple, l'un qui demeure ès mains du Maître du Navire, & les deux autres font mis ès mains du Marchand Chargeur, lequel en retient un, & il envoye l'autre à celui du lieu auquel la marchandise doit être confignée, & cet ufage eft conforme aux Us & Coutumes de la Mer, & à l'Article III. du Titre II. de l'Ordonnance ci-deffus alleguée. Cela fe pratique particuliérement pour les voyages de long cours, comme pour Mofcovie, Suede, Dannemarck, Ifles Françoifes de l'Amerique, Canada, Cap-Verd, & Côte de Guinée.

La raison pourquoi cela fe fait ainfi eft, premiérement, parce que fi le Marchand chargeur a fait affurer la marchandise à lui appartenant, & que le Vaiffeau vienne à périr en mer, il ne peut obliger les affureurs de lui payer le prix de leur affurance, qu'en juftifiant que la marchandise qui étoit chargée fur le Vaiffeau péri lui appartenoit, & il ne peut faire cette preuve que par le moyen d'un triple du connoiffement qui lui a été mis en main par le Maître du Vaiffeau, & fans cela il feroit non-recevable en fa demande. Secondement, parce que fi le Marchand Chargeur a chargé la marchandise pour le compte de celui auquel elle doit être confignée ; fi ce Marchand fait affurer fa marchandise, c'est afin qu'il puiffe juftifier, comme il vient d'être dit, par le moyen du triple connoiffement qui lui a été envoyé par autre voye par le Marchand Chargeur fon Commiffionnaire, le montant de fa marchandise affurée. Et à l'égard de l'autre triple du connoiffement qui demeure ès mains du Maître du Vaiffeau, c'eft pour lui fervir à montrer le nombre des ballots & caiffes qui ont été chargés dans fon bord, qu'il doit configner & délivrer à celui dénommé dans ledit connoiffement, & pour le faire payer du fret convenu par ledit connoiffement, ou tant par balle ou caiffe, ou à tant du cent péfant. C'eft felon qu'il a été convenu entre le Marchand Chargeur & le Maître.

Fait à Paris le 8 Janvier 1689

PARERE

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I. Si le porteur d'une Lettre de Change, qui l'a fait protefter fur l'accepteur faute de payement à l'échéance, & qui l'a renvoyée avec le proteft à l'endoffeur, au profit duquel elle étoit tirée, peut revenir dans la fuite fur l'accepteur, & lui en demander le payement?

II. Si l'endoffeur d'une Lettre de Change, au profit duquel elle est tirée, après avoir figné le Contrat d'accord fait avec le tireur de la lettre, qui a fait banqueroute comme l'acceptant fon créancier de la fomme contenue dans la Lettre & lui era avoir remis les trois quarts, peut revenir fur l'accepteur de la Lettre & lui en de mander le valeur ?

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

LE FAIT.

Ean Beris Bernard, Marchand à Nantes, a tiré lettre de change le 4 Novembre 1687, fur Joffe Bogard fon Commissionnaire à Paris, de la fomme de 2300 lipayables à ufance à l'ordre de Chriftophe Jouault, auffi Marchand à Nantes, lequel auroit paffé fon ordre à René Morice fon Correfpondant & Commiffionnaire à Paris, en ces termes : Pour moi payez à René Morice, valeur en compte.

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A l'échéance de cette lettre, Morice en auroit demandé le payement à Bogard, lequel lui dit qu'il ne la pouvoit payer, attendu qu'il ne devoit rien à Bernard, & qu'il ne lui avoit point envoyé de provifion pour l'acquitter. Sur cette réponse verbale Morice fait protefter ladite lettre fur Bogard, & enfuite il l'auroit renvoyée avec le proteft à Jouault.

Bernard fe feroit abfenté & fait faillite le 20 Décembre 1687, & le fcellé fut appofé en fa maison, & le lendemain 21 defdits mois & an ledit Jouault & autres créanciers dudit Bernard lui donnerent fauf-conduit de fa perfonne, afin de leur-faire connoître l'état de fes affaires, & auroient confenti la levée du fcellé; & le lendemain 22 defdits mois & an, le fcellé fut levé à la Requête dudit Bernard.

Le 24 dudit mois de Décembre 1687, Morice auroit fait affigner Bogard pardevant les Juge & Confuls de Paris, pour fe voir condamner à lui payer la fomme de 2 300 livres mentionnée en la lettre de change en question, où il auroit obtenu Sentence par défaut le 30 dudit mois, qui condamne & par corps Bogard à lui payer cette fomme.

Bernard ayant fait un Etat de fes effets, tant actifs que paffifs, dans lequel il avoit employé Jouault pour la fomme mentionnée en la fufdite lettre de chan

Tome II.

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