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ayant

quie par icelui fait remife des trois quarts des 2300 livres contenues en pour lui payer la lettre de change en queftion, & donné terme & délai d'un an l'autre quart, il n'a plus d'action contre Bogard, parce qu'il a pris & reconnu volontairement Bernard pour fon feul & unique débiteut. La raifon en eft, que Bogard ayant fait répondre que lorfqu'on a fait protefter fur lur la lettre, qu'il ne pouvoit payer le contenu en icelle, 'parce qu'il n'étoit point débiteur de Bernard, & qu'il ne lui avoit point envoyé de provifion pour l'acquitter, Jouault ne pouvoit faire remife à Bernard des trois quarts des 2300 livres portées par la lettre, ni lui donner délai d'un an pour payer l'autre quart au préjudice de Bogard, parce qu'il auroit eu fon action récurfoire fur Bernard, fuppofé qu'il eût payé ladite fomme de 2300 livres, ou à Morice, auquel l'ordre étoit paffé par Jouault, ou à Jouault, au profit duquel la lettre avoit été tirée par Bernard, comme en étant redevenu le maître lorfque Morice lui avoit renvoyé la lettre de change & le protest.

En effet, fi la prétention de la veuve Morice avoit lieu, & que Bogard lui payât les 2300 livres portées par la lettre de change en queftion, il en arriveroit deux inconvéniens confidérables; l'un que Jouault, qui a figné le Contrat d'accord de Bernard recevroit de lui la fomme de 575 livres, qui eft le quart de la fomme de 2300 livres pour laquelle il eft entré en fon Contrat d'accord, dont il profiteroit; l'autre eft en ce que Bogard ne pourroit demander à Bernard les 2300 livres qu'il auroit payées, puifqu'il ne lui devoit rien. La raifon en eft, que Jouaultétant entré dans le Contrat d'accord de Bernard pour ladite fomme de 2300 livres, Bernard eft quitte de l'obligation à laquelle il s'étoit engagé envers Bogard par la lettre miffive qu'il lui a écrite, de lui faire tenir provision pour payer cette fomme mentionnée en la lettre de change qu'il avoit tirée fur lui. De forte, fuppofé encore une fois que Bogard eût payé la fufdite fomme de 2300 livrés à la veuve Morice, & qu'il en demandât le payement à Bernard, ledit Bernard auToit raifon de lui dire: Je ne vous dois rien, parce qu'ayant laiffe protefter la lettre de change que j'avois tirée fur vous, laquelle ayant été renvoyée avec le proteft à Jouault par Morice, auquel il avoit paffé fon ordre, il en eft redevenu le proprié taire, au moyen de quoi il a figné & eft entré dans le Contrat d'accord que j'ai fait avec mes créanciers pour ladite fomme de 2300 livres. Ainfi je ne puis pas payer deux fois la même fomme. Or il eft certain que Bernard feroit bien fondé en fes défenfes. En effet, il a été jugé par Arrêt du Parlement de Paris de 1609, prononcé en robes rouges, qu'un débiteur ayant été reçu à payer une partie des dettes de fes créanciers, lefdits créanciers ne pouvoient pour le furplus s'adreffer aux fidejuffeurs ou cautions. D'ailleurs il eft de l'ufage parmi les Banquiers,, Marchands & Négocians, non-feulement de ce Royaume, máis encore d'Hollande, d'Angleterre, & autres Pays étrangers, que quand le tireur ou l'accepteur d'une lettre de change a fait faillite, ou tous deux en même-tems, que le porteur de la lettre doit opter de prendre ou pour fon débiteur le tireur ou l'accepteur.C'eft une Jurifprudence Confulaire qui ne reçoit aucune difficulté. En effet, il y a eu deux Sentences rendues par les Prieur & Confuls de la Ville de Rouen les 23 Novembre & 4 Décembre 1680, fur une conteftation entre les nominés Maubogne & le Tellier, fur une option: Par la premiere defdites Sentences il auroit été dit, que Maubogne viendroit le Vendredi fuivant paffer fa déclaration d'opter, auquel des deux, à Montons, ou Haves (dont l'un étoit le tireur, &

par

l'autre accepteur d'une lettre de change) il s'arrêteroit; & par la feconde il au¬ roit été ordonné que ledit Maubogne fatisferoit à opter dans le jour, à faute de quoi il auroit été émiffé de fes lettres d'appel, lequel auroit été mis au néant Arrêt du Parlement de Rouen du 27 Janvier 1683. Or l'option eft fondée nonfeulement fur les deux inconvéniens ci-deffus allegués, mais encore fur d'autres qui feroient longs à déduire, & que le fouffigné a traité dans deux Pareres ou Avis qui lui ont été demandés ès années 1680 & 1683, fur le fujet de l'option dans lefquels deux Pareres ou Avis on peut voir dans ce livre qu'il a donné au Public au mois de Septembre dernier, intitulé, Pareres ou Avis & Confeils fur les plus importantes affaires du Commerce, aux pages 75 & 387, où l'on verra la queftion de l'option traitée à fond.

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Jouault dit pour défenfes contre la demande à lui faite par Bogard, que ledit Bogard en doit être débouté, d'autant, dit-il, que par le Contrat d'accord que Bernard a fait avec fes créanciers, lui Jouault s'eft réfervé tous fes droits, noms, raisons, actions & hypotheques contre ceux qui avoient accepté fes lettres de change, au moyen de quoi Bogard ayant accepté la lettre de change en question, il en eft devenu le débiteur. A quoi on répond, premiérement, que par l'Acte du 21 Décembre 1687 que Jouault a figné, par lequel les Créanciers y dénommés donnent fauf-conduit de la perfonne de Bernard, fans déroger, nuire ni préjudicier aux hypothéques, droits & actions defdits créanciers contre toutes & telles perfonnes qu'il appartiendra, même vers les accepteurs des lettres de change tirées par ledit Bernard, dont & de quoi ils font une expreffe réservation, parce que pendant le tems dudit fauf-conduit ledit Bernard fera un Etat au vrai de tout fes effets & crédits. Or cette claufe dans l'Acte de fauf-conduit étoit jufte, parce qu'il étoit raifonnable que les créanciers viffent l'Etat des effets, tant actifs que paflifs de Bernard, pour fe déterminer enfuite fur l'option qu'ils auroient à faire de prendre pour leur débiteur, ou Bernard le tireur, ou les accepteurs des lettres de change que Bernard avoit tirées à leur profit fur lefdits accepteurs; mais après que lefdits créanciers ont eu pris communication de cet Etat, & qu'ils 'ont opté de prendre pour leur débiteur Bernard, au moyen du Contrat d'accord qu'ils ont fait avec lui le 14 Janvier 1688, ils n'ont plus d'action contre les accepteurs des lettres de change dont ils étoient porteurs, pour les raifons ci-deffus alleguées. Ainfi les créanciers n'ont pu faire cette réferve par ledit Contrat d'accord, parce qu'elle eft injufte & frauduleuse, & faite au préjudice des accepteurs, aufquels elle ne peut nuire ni préjudicier. D'ailleurs lefdits créanciers n'ont pas pû donner & retenir; car fi cette claufe avoit fon effet, il fe trouveroit qu'ils ne remettroient rien à Bernard, fi les accepteurs fur qui il a tiré étoient fes redevables. En effet, ledit Bernard a été remis en tous fes biens par fefdits créanciers, au moyen du quart qu'il s'eft obligé de leur payer. Et fuppofé que tous les accepteurs ne fuffent pas débiteurs de Bernard, lorfqu'il a tiré fur eux les lettres de change pour lefquelles lefdits créanciers font entrés dans fon Contrar d'accord, qui les avoient acceptées pour lui faire honneur, & qu'ils ont laissė protefter, parce que Bernard ne leur a pas envoyé provifion pour les acquitter, & que lefdits créanciers en vertu de cette claufe appofée dans le Contrat d'accord fiffent payer le contenu efdites lettres de change, lefdits accepteurs ne retourneront-ils pas fur Bernard, pour lui en demander le payement? Si cela étoit ainsi il se trouveroit que les porteurs de lettres feroient entiérement payés

de

de leur dû, & que Bernard n'auroit pas d'effets affez fuffifans pour payer le quart du dû de fes autres créanciers, qui ne le font que par billets ou promeffes, & c'est ce qui lui cauferoit une feconde faillite. De forte que l'on voit que cette réserve dans le Contrat eft vicieuse, & qu'elle eft contraire à la droite raifon, & ce pour les raifons ci-dessus alleguées ; & il ne peut y avoir en Juftice aucune difficulté, puifque pareille queftion a été jugée par l'Arrêt de la Cour de l'année 1609 ci-deffus cité, & que fuivant l'ufage du Commerce, Jouault ayant opté Bernard pour fon débiteur, il n'a point d'action contre Bogard accepteur de la lettre en question.

Par tout ce qui a été dit ci-deffus, l'on voit que Jouault ayant opté & pris pour fon feul & unique débiteur Bernard, qui avoit tiré la lettre de change en question à fon profit, au moyen de ce qu'il a figné, & eft entré dans fon Contrat d'accord du 14 Janvier 1688, & que par icelui il lui a fait remife des trois quarts des 2300 livres portées par ladite lettre de change, & donné terme & délai d'un an pour lui payer l'autre quart, que ledit Jouault eft demeuré fans action contre Bogard, accepteur de ladite lettre; ainfi il doit s'imputer à lui-même l'option qu'il a faite dudit Bernard pour fon débiteur: Et partant le fouffigné eftime que Bogard eft bien fondé en la demande par lui intentée conrre ledit Jouault, & qu'elle lui doit être adjugée avec dépens.

Déliberé à Paris le 13 Janvier 1689.

PPPE

Tome 11

1192

PARERE XCII.

1. Un Négociant François tire une Lettre de Change fur un autre Négociant Etranger, payable au domicile d'un troifiéme, le dernier laiffe protefter la lettre à l'échéance, difant qu'il n'a point reçu de provifion de celui fur qui elle étoit tirée; il offre néanmoins d'en payer la valeur au porteur pour le compie & honneur du tireur & du premier endoffeur, & la paye actuellement. Il donne avis enfuite au tireur de la lettre de ce qu'il a fait. L'on demande fi ce troifiéme Négociant, qui a payé la lettre pour le compte & honneur du tireur, & du premier endoffeur, étoit tenu de leur renvoyer la tettre avec le proteft, avant que d'avoir été remboursé par l'un d'eux de la valeur de la lettre par lui payée ?

II. Si le Négociant qui a payé la lettre en ayant averti le tireur, le premier endoffeur étoit obligé d'en faire dénoncer le proteft audit tireur, dans le tems porté par l'Ordonnance?

III. Si un Négociant qui tire une Lettre de Change fur un autre Négociant infolvable, que le dernier n'a point acquittée, n'en eft pas garand envers celui au profit duquel il a tiré la lettre?

IV. Si la lettre miffive d'un Négociant ne peut pas fervir de preuve contre lui en Juftice? MÉMOIRE POUR CONSULTER.

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LE FAI T.

E 9 Février 1683 Jofeph Coroller, Banquier à Morlaix, a tiré deux lettres de change fur James Benett, de Sarum Ville d'Angleterre, l'une de 500 écus, & l'autre de 700 écus, à 56 deniers fterling pour écu, payables à l'ordre de François Harfcouet, Banquier audit Morlaix, à deux ufances & demie, valeur reçue de lui en la maison & domicile de Thomas Papillon, Marchand à Londres.

Coroller ayant dit à Harfcouet qu'il apprehendoit que lesdites deux lettres revinffent à proteft faute de payement, ledit Harfcouet par fa lettre miffive, écrite à Papillon le 13 Août 1683, il l'auroit prié qu'en cas que Benett ne lui remît pas le fond pour acquitter lefdites deux lettres, montant ensemble à 1200 écus à leur échéance, de les payer pour fon honneur, & de tirer fon remboursement fur lui payable dans la Ville de Paris.

Lefdites deux lettres n'auroient point été acceptées par Benett, & elles furent proteftées faute de payement à Londres, au domicile dudit Papillon, où elles étoient payables, le 17 Avril 1683, ftile d'Angleterre, lequel Papillon auroit dit

& déclaré qu'il ne les pouvoit payer, parce que Benett ne lui avoit point envoyé de provision.

Papillon au bas des deux protefts auroit dit & déclaré vouloir payer lesdites deux lettres pour le compte d'Harfcouet premier endoffeur, & de Coroller le tireur. Et en effet, il paya au porteur defdites deux lettres le 500 écus & 700 écus portés par icelles, & retira lefdits deux protefts.

Papillon par fa lettre miffive du 19 du mois d'Avril, ftyle d'Angleterre, mandarà Harfcouet qu'il avoit payé pour fon honneur & celui de Coroller lefdites deux lettres de change par lui endoffées, qui avoient été bien & dûement protestées; mais qu'il n'avoit pas retiré les protefts pour épargner les frais, qu'il écrira le même foir à Coroller, & comme il attendoit de recevoir de fes effets, qu'il differeroit à retirer fon débourfé pour une femaine; cependant qu'il prie Harfcouet d'en prendre la note.

Harfcouet auroit remis à Papillon trois lettres de change directement fur Londres, & le prie par fa lettre miffive de les faire accepter & garder à fon

ordre.

Le 10 Mai 1683, Harfcouet auroit été obligé de s'abfenter, & fes créanciers lui ayant donné fauf-conduit de fa perfonne le 29 dudit mois de Mai, il écrivit conjointement avec les Directeurs de fes Créanciers à Papillon, & lui manda que Coroller lui avoit dit que c'étoit pour fon compte qu'il avoit payé les 500 & 700 écus pour fon honneur, & non pour celui d'Harfcouet, dont il étoit bien aife; qu'ainfi il le prioit de délivrer aux fieurs Carbonnel de Londres les trois lettres de change qu'il lui avoit remises, lefdits créanciers voulant fe fervir d'eux pour en procurer le payement.

Le 28 dudit mois de Mai, ftyle d'Angleterre, Papillon fit réponse audit Harfcouet, & lui mande qu'il a payé les 500 & 700 écus fur fon ordre pour fon honneur, auffi-bien que pour le compte de Coroller, defirant retenir & l'un & l'autre jufqu'à ce qu'il fût remboursé, & qu'il ne pouvoit fe défaifir des trois lettres de change que Harfcouet lui a remises, qu'il ne fût remboursé & fatisfait defdits 1200 écus. Ledit Papillon a continué de dire les mêmes chofes par plufieurs lettres miffives qu'il a écrites à Harfcouet, qu'il avoit fait arreft fur les effers qu'il avoit en Angleterre fur lui, fuivant le ftatut de banqueroute, pour par ce moyen, fuivant l'usage d'Angleterre, fe faire payer defdits 500 & 700

écus.

Harfcouet par fa lettre miffive écrite à Papillon le 24 Août 1683, lui a mandé qu'il avoit manqué de ne lui avoir pas envoyé les deux protefts defdites deux lettres de change, afin de les faire notifier à Coroller le tireur, dans le tems porté par l'Ordonnance de 1673, & par conféquent que les 1200 écus demeureroient pour fon compte, fauf fon recours contre ledit Coroller, & qu'il ne pouvoit fe faire payer & rembourfer fur les effets de lui Harfcouet.

Papillon par fa lettre miffive du 13 dudit mois, ftile d'Angleterre, en réponfe de celle ci-deffus, mande à Harfcouet qu'il lui a donné avis du commencement, & qu'il n'étoit pas raisonnable en l'état qu'étoient fes affaires de lui délivrer les Actes des protefts avant qu'on l'eût remboursé, & qu'il rendroit les lettres & les protefts fi-tôt qu'il feroit payé, & non autrement.

Au mois d'Août 1683, il y a eu une action intentée pardevant les Juge & Confuls de Morlaix, pour venir compter entre lesdits Harfcouer & Coroller, où P P P P ij

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