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écus qu'en faifant ledit remboursement il lui auroit rendu les lettres & les protefts, & qu'ainfi il auroit été en fon pouvoir de faire notifier lefdits protests à Coroller; de forte que la négligence d'Harfcouet de n'avoir pas fait ledit remboursement à Papillon lui doit être fatale, & par conféquent que n'ayant point fait notifier à Coroller lefdits deux protefts dans le tems porté par l'Ordonnance, il doit s'imputer à lui-même fa négligence. Et partant qu'il eft non-recevable à demander le payement des fufdites deux fommes à Coroller, fuivant l'Article XV. du Titre V. de l'Ordonnance ci-deffus citée, qui porte : Qu'après les délais portés par les Articles XIII. & XIV. les porteurs de lettres feront non-recevables dans leur action, & toutes autres demandes contre les tireurs & endoffeurs. A quoi on répond, que Papillon qui avoit payé lefdites deux lettres fur proteft au porteur d'icelles, le 17 Avril 1683, ftyle d'Angleterre, & par fa lettre miffive du 19 dudit mois ayant mandé à Harfcouet qu'il avoit fait ledit payement pour fon honneur & celui de Coroller, qu'il en écriroit le foir à Coroller, & que comme il attendoit de fes effets qu'il différeroit à retirer fon débourfé pour une femaine, cependant qu'il en fit une note; ledit Har fcouet avoit jufte raifon de ne pas rembourfer Papillon, puifqu'il attendoit des effets de Coroller pour cela. Et en effet, c'étoit à Coroller de rembourfer Papillon, puifqu'il avoit reçu la valeur defdites lettres de Harfcouet. De forte que Coroller n'ayant point envoyé d'effets à Papillon, ainfi qu'il étoit tenu & obligé pour le rembourfer defdits 500 & 700 écus, & au défaut Harfcouet ayant été obligé de faire ledit rembourfement, Coroller, dis-je, eft de mauvaise foi pour éviter de lui rendre & reftituer lefdites deux fommes de lui alleguer aujourd'hui la fin de non-recevoir faute de lui avoir fait notifier lefdits deux protefts, parce que l'Ordonnance ne peut avoir lieu contre Harfcouet, puifque c'eft Coroller lui même qui a donné lieu par fa mauvaise foi à ce que lesdits deux protests ne foient pas venus d'Angleterre à tems pour les lui faire notifier.

Il en feroit pourtant autrement fi Papillon avoit laiffé protefter lefdites deux lettres fans les payer fur proteft, parce qu'en ce cas le porteur auroit été tenu de notifier les protefts dans deux mois à celui qui avoit paffé les ordres à fon profit, ou à Harfcouet premier endoffeut, à compter du lendemain desdits protests, fuivant les Articles XIII. & XIV du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, & ledit Harfcouet au roit été tenu & obligé de les faire notifier à Coroller tireur dans la quinzaine, parce qu'ils font tous deux domiciliés à Morlaix fuivant les mêmes Articles. Ainfi faute de l'avoir fait, il n'y a pas de doute qu'en ce cas Harfcouet eût été non-recevable en fon action contre Coroller, fuivant l'Article XV. Et en effet, la négligence d'Harfcouet n'auroit pû porter préjudice à Coroller, qui auroit dormi fur fa diligence, & c'est-là l'efprit de l'Ordonnance; mais l'efprit de l'Ordonnance n'eft pas de favorifer les tireurs de lettres au préjudice de ceux au profit de qui ils les ont tirées, ni qu'ils leur tendent des pieges pour les faire tomber fous la rigueur de la loi, comme a fait Coroller à l'endroit d'Harfcouet. Ainfi pour toutes ces raifons le fouffigné eftime que Coroller ne peut alleguer la fin de non-recevoir contre Harfcouet, & qu'il doit lui rembourfer les 500 & 700 écus en queftion, puifqu'il lui en a payé la valeur.

Tome II.

Q ૧ ૧ g

.Sur la troifiéme Queftion.

Le fouffigné eftime qu'un Banquier ne peut tirer lettre de change fur fon Correfpondant ou Commiffionnaire, s'il n'eft notoirement folvable, autrement il doit garantir la lettre, quand même il feroit fon débiteur, & que le porteur de la lettre ne l'eût pas fait protefter ni notifier le proteft au tireur dans les tems portés par les Articles IV. & XIII. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, & pour le montrer il faut obferver que dans le Commerce de la Banque & du Change il y a de trois fortes de garanties. La premiere eft la garantie de fournir & faire valoir après un fimple proteft & notification d'icelui faite au tireur dans les tems portés par l'Ordonnance. La feconde eft la garantie des faits & promeffes, qui eft quand lors du proteft fait fur celui fur qui elle eft tirée, il dit & déclare qu'il ne peut payer fon contenu, attendu qu'il n'étoit point débiteur du tireur lors de la traite, ni qu'il ne lui a point envoyé de provifion pour la payer dans le tems que le proteft a dû être fait. En ce cas quoique le porteur de cette lettre ne l'ait pas fait protefter, ni notifier le proteft au tireur dans les tems portés par l'Ordonnance, ledit tireur eft garant de fes fais & promeffes, qui font que lors de la traite celui fur lequel il a tiré la lettre étoit fon débiteur, ou ne l'étant pas, qu'il lui a envoyé provifion pour la payer dans le tems que le proteft a dû être fait, il eft tenu & obligé de le prouver, finon il doit garantir la lettre. Cela eft conforme à l'Article XVI. du Titre V. de l'Ordonnance, qui porte: Que les tireurs ou endoffeurs des lettres de change feront tenus de prouver en cas de dénégation, que ceux fur qui elles étoient tirées leur étoient redevables, ou avoient envoyé provifion au tems qu'elles ont dû être proteftés, finon ils feront tenus de les garantir. Or le Mémoire ci-deffus porte, que Coroller a dit à Harfcouet qu'il apprehendoit que Benett n'envoyât pas de fond à Papillon pour payer lefdites lettres, & qu'elles ne revinffent à proteft. Ainfi Coroller avoit connoiffance avant l'échéance defdites deux lettres que Benett étoit mal dans fes affaires, & que par conféquent il n'étoit pas folvable, puifqu'il apprehendoit qu'il n'envoyât pas du fond à Papillon pour acquitter lefdites deux lettres. Mais quand Coroller dénieroit avoir dit cela à Harfcouet, la preuve s'en tire de la lettre miffive par lui écrite à Papillon le 14 Avril 1688, deux jours avant que les deux lettres ayent été proteftées. Car Coroller lui mande enrr'autres chofes qu'il s'eft donné l'honneur de lui écrire le dernier ordinaire au fujet des affaires de Benett, & qu'il confenroit que fon ferviteur Jacques Befcout eût accordé aux points & conditions que Papillon avoit reglés avec ledit Benett. Qu'ainfi ce feroit une affaire faite en peu de tems. Par une lettre miffive écrite par Papillon à Harfcouet le 9 Septembre 1684, ftyle d'Angleterre, il mande entr'autres chofes, que le Commis de Coroller lui avoit dit qu'il avoit arrêté compte avec Benett pour fon Maître, & qu'il avoit pris de lui des obligations pour la folde de compte. Et par autre lettre miflive écrite par Papillon à Harfcouet le 24 Mars 1686,ftyle d'Angleterre, il lui mande entr'autres chofes qu'il fe fouvienne que le fieur James Benett de Sarum n'étoit pas Tout-à-fait failli ou abfenté au tems qu'il a payé les deux lettres de change de 500 & 700 écus, tirées fur lui par proteft pour honneur, mais qu'il étoit en mauvais état, & ne donnoit pas fatisfaction à fes créanciers comme il devoit, qui etoit cause

que Monfieur Coroller avoit un homme là nommé Befcout, pour le poursuivre à lui fatisfaire ce qu'il lui devoit.

Il réfulte de toutes ces lettres miffives écrites par Papillon, tant à Coroller, qu'à Harfcouet Premiérement que ledit Benett de Sarum étoit mal dans fes affaires avant l'échéance defdites deux lettres, puifqu'il ne payoit pas fes créanciers, qu'avant l'échéance defdites deux lettres Coroller avoit envoyé Befcout fon domeftique à Sarum en Angleterre, pour poursuivre Benett à le fatisfaire de ce qu'il lui devoit. Et en effet, Befcout a compté avec Benett, & pris en payement pour ce, qu'il devoit à Coroller fon Maître pour la folde de compte des obligations. Ainfi par tout ce qui vient d'être dit, on voit qu'au tems de la traite & de l'échéance des deux lettres de change en queftion, Benett n'étoit pas folvable, & qu'il n'étoit pas en état de payer fes dettes; car il faut obferver qu'il n'y a rien qui marque tant l'infolvabilité d'un Négociant & d'un Banquier, que lorfqu'il ne paye à jour nommé fes dettes, & laiffe protefter fur lui les lettres de change. Or il eft donc conftant que Be nett étant infolvable lorfque Coroller a tiré fur lui les deux lettres de change en queftion, & à l'échéance d'icelle, & qu'il en avoit connoiffance; & par conféquent fuppofé que Harfcouet eût été tenu de faire notifier à Coroller les protefts defdites deux lettres dans le tems de l'Ordonnance, & qu'il ne l'eût pas fait, ledit Coroller ne laifferoit pas d'être garant que Benett étoit folvable lors de la traite & de l'échéance, & par conféquent de rembourfer à Harfcouet les 500 & 700 écus portés par icelles. Et en effet, il en eft de même en ce rencontre comme d'un Marchand qui auroit fait affurer des marchandifes qu'il avoit chargées fur un Vaiffeau qui avoit été pris en mer par des Armateurs ou des Pirates, dont il auroit eu connoiffance, car la Police d'Affurance feroit nulle. Cela eft non-feulement conforme aux Us & Coutumes de la Mer de toutes les Nations de l'Europe, mais encore à l'Article XXXVIII. du Titre VI. de l'Ordonnance Maritime du mois d'Août 1681, qui déclare nulles lès affurances faites après la perte des chofes affurées, fi l'Affureur en fçavoit ou pouvoit en fçavoir la perte avant la fignature de la Police d'Affurance.

Ainfi on voit qu'il n'y a aucune difficulté en cette question.

Sur la quatrième Question.

Le fouffigné eftime que Coroller ayant mandé à Papillon par fa lettre miffive da 14 Août 1683, qu'il le prioit de foutenir qu'il avoit payé les 500 & 700 écus pour lefdites deux lettres d'ordre, & pour compte d'Harfcouet, & la veuve Belin fon affociée, fur ce qu'il recevroit de leurs effets, & que venant à lui demander le remboursement, qu'il leur en feroit bon fur environ 8000 livres qu'ils lui devoient; & après avoir compté avec Benett de ce qu'il lui devoit depuis que Papillon a payé lefdites deux lettres de change pour fon honneur, auffi-bien que pour celui d'Harfcouet, & qu'il a reçu dudit Benett des obligations pour ce qu'il lui devoit pour folde de compte, ledit Coroller eft mal fondé d'alleguer la fin de non-recevoir contre Harfcouet, faute de lui avoir fait notifier les protefts defdites deux lettres dans le tems porté par l'Ordonnance: Premiérement, pour toutes les raifons alleguées fur les trois précédentes queftions. Secondement, parce que Coroller s'eft mis en poffeffion & jouiffance du fonds que Benett avoit entre fes mains pour payer & acquitter lefdités deux lettres, au moyen des obligations qu'il a reçues de lui pour la folde du compte qu'ils ont fait ensemble par le miniftere de Befcout fon domestique; bien

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loin de cela Coroller eft tenu de garantir Harfcouet du payement qu'il a fait à Papillon defdits 500 & 700 écus portés par lefdites deux lettres de change, puifqu'il a reçu le fonds qui étoit ès mains de Benett pour les payer & acquitter, cela étant conforme à l'Article XVII. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673, qui porte, Que fi depuis les protefts les tireurs ou endoffeurs ont reçu la valeur (des lettres) en argent ou marchandifes, par compenfation ou autrement, ils feront auffi tenus de les garantir. Troifiémement, parce que Coroller s'eft obligé par fa lettre miffive par lui écrite à Papillon le 14 Août 1683, qu'en prenant fon rembourfement des 500 & 700 écus fur les effets de Harfcouet, qu'il lui feroit bon defdites deux fommes fur environ 8000 liv. qu'il lui devoit. Or Papillon s'eft fait payer, partie fur les effets qu'Harfcouet avoit à Londres, & partie en lettres de change qu'il a tirées fur lui. Il faut donc que Coroller, aux termes de fa lettre miffive (qui eft fon obligation) rembourfe à Harfcouet lefdits 500 & 700 écus qu'il a payés pour lui à Papillion, cela ne reçoit aucune difficulté. Ainfi quand Harfcouet n'auroit point les autres moyens expliqués fur les trois queftions précédentes, ceux-ci font plus que fuffifans pour Bagner fa caufe.

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I. Si le tireur d'une Lettre de Change qui a été protestée à l'échéance faute de payement, dont néanmoins il a depuis reçu la valeur de celui fur lequel il l'avoit tirée, peut alleguer la fin de non-recevoir contre l'endoffeur au profit duquel il avoit fait la lettre, fous prétexte qu'il ne lui a pas fait dénoncer le proteft dans le tems porté par l'Ordonnance?

II. Si le premier endoffeur d'une Lettre de Change proteftée faute de payement, en cas que le tireur foit devenu infolvable, peut revenir en recours de garantie fur celui auquel il a paffé fon ordre, faute de lui en avoir renvoyé la lettre & fait dénoncer le proteft dans le tems porté par l'Ordonnance, ce qui l'auroit empêché de pouvoir retourner fur le tireur auffi dans le tems preferit par la même Ordonnance?

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

LE FAIT.

E 8 Août 1682 Jofeph Coroller, Banquier à Morlaix, a tiré la lettre de

change de 17,2 Codeniers un quart sterling pour ceu fut James Be

nett de Sarum Ville d'Angleterre, payable à deux ufances au domicile de Richard Emenesen à Londres, à l'ordre de François Harfcouet, Banquier audit Morlaix, valeur reçue de lui, lequel le même jour a paffé fon ordre fur ladite lettre à l'ordre des fieurs Delaunay & Robiette, Banquiers à Paris, & leur auroit remis ladite lettre pour fon compte. Delaunay & Robiette ont paffé leur ordre au profit d'Edouard Broun de Londres, valeur reçue du fieur Jean Herinx, Banquier à Paris.

Broun de Londres auroit fait accepter ladite lettre à Benett.

A l'échéance ladite lettre a été proteftée le 30 Septembre 1682, ftyle d'Angleterre, faure de payement fur ledit Emenefen, lequel auroit répondu qu'il ne la pouvoit payer, parce que Benett ne lui avoit point envoyé de provifion.

Le Clerc du Notaire qui a fait le proteft auroit perdu ladite lettre de change, ainfi qu'il l'a déclaré pardevant les Juges de Paix de Londres.

Broun de Londres a renvoyé le proteft de ladite lettre à Herinx, lequel auroit fait affigner pardevant les Juge & Confuls de la Ville de Paris Delaunay & Robiette, le 26 Novembre 1682, pour fe voir condamner à lui rembourfer ladite lettre de 750 écus perdue, avec les changes, rechanges, intérêts & dépens.

Delaunay & Robiette auroient comparu à cette affignation, qui auroient offert de rembourfer à Herinx ladite lettre, en leur rendant la premiere qui avoit été acceptée par Benett, fur qui elle étoit tirée. A quoi Herinx auroit répondu qu'il ne pouvoit rendre ladite lettre, attendu qu'elle avoit été perdue. Surquoi feroit

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