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que la Dame Dannet reçût cette fomme de 9960 livres fur le fieur Huche, pour le compte de Son Alteffe Electorale de Baviere, contre fa volonté, ni que le fieur Huche la payât au préjudice du contre-ordre qui lui en a été donné par lefdits Gugler, & qu'il perdit cette fomme, puifque lefdits Gugler lui ont mandé qu'ils ne lui feroient point de remife de cette fomme de 9960 livres, & qu'il eût à prendre fes mefures là-deffus. Ainfi les Juge & Confuls ne doivent point rendre leur Sentence diffinitive, mais ordonner avant de faire droit que la Dame Dannet rapporteroit dans un tems compétent un Acte de Son Alteffe Electorale de Baviere, s'il a donné ordre, ou non, aufdits Gugler de donner un contre-ordre au fieur Huche de payer à ladite Dame Dannet cette fomme de 9960 livres, & après icelui rapporté & vû, être ordonné ce que de raifon. Ce Jugement eût été dans les régles de la Juftice, & non pas rendre une Sentence diffinitive qui condamne & par corps ledit fieur Huche à payer icelle fomme à ladite Dame Dannet, fans qu'il puiffe avoir aucun recours contre les fieurs Gugler, au moyen du contre-ordre qu'ils lui ont donné. En effet, fi le fieur Huche intentoit fon action pardevant les Juges de Munich contre lesdits Gugler, pour fe faire rembourfer de cette fomme de 9960 livres, il perdroit infailliblement fon procès. De forte qu'il y a de l'injuftice aux Juge & Confuls d'avoir ainfi jugé, d'autant plus que la Dame Dannet n'a rien en cette fomme, comme il a été montré ci-deffus. Auffi eft-ce fur le principe de ce qui vient d'être dit, que la Cour par fon Arrêt qui reçoit ledit fieur Huche appellant de cette Sentence, a ordonné qu'elle ne feroit point exécutée qu'en donnant bonne & fuffifante caution.

Pour toutes les raifons ci-deffus alleguées, le fouffigné eftime qu'il a été mal jugé par lefdits Juge & Confuls, & par conféquent que le fieur Huche eft bien fondé en fon appel. Délibéré à Paris le 21 Avril 1689:

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Un Négociant acceptant une Lettre de Change la met payable au domicile d'un de fes Correspondans; ce Correfpondant s'en trouve dans la fuite porteur, au moyen de l'ordre qu'en a paffé celui au profit duquel elle étoit tirée ; il en donne avis à l'accepteur, qui lui demande qu'il remettra dans certain tems la fomme contenue dans la lettre, & qu'au cas qu'il ne lui envoye pas, il peut tirer fur lui pour pareille valeur; le Correfpondant, porteur de la lettre, oublie d'en rendre débiteur l'accepteur fur fes livres, & de la lui paffer en débit dans les comptes qu'ils font dans la fuite enfemble. Plus de cinq années après le Correfpondant s'étant apperçu en pointant fes livres qu'il n'avoit pas été payé de cette lettre par l'accepteur, paffe fon ordre deffus au profit d'un autre Négociant; l'accepteur refufe de la payer à ce dernier porteur d'ordre, & prétend que la lettre n'étoit plus négociable, & qu'elle étoit prefcrite faute d'avoir été demandée dans les cinq ans portés par l'Ordonnance de 1673. L'on demande fi l'accepteur eft bien fondé en fes défenfes, & peut s'exempter de payer la valeur de la lettre au dernier porteur d'ordre ?

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

L y a Inftance au Parlemenr de Tournay, entre François Henry de Tenre, Marchand en la Ville de Lille, appellant d'une Sentence rendue par les Echevins de ladite Ville le 17 Octobre 1687, d'une part: Et Jean Baptifte Taniel, auffi Marchand de ladite Ville de Lille, Intimé d'autre; pour raifon d'une lettre de change & des ordres qui font au dos d'icelle, dont les copies s'enfuivent.

A Duncherchen le 25 Octobre 1677.

L. 1300.

Monfieur, à trois ufances payez cette ma premiere de Change dans Paris, au fieur. Charles Claeffens, ou ordre, la fomme de 1300 livres tournois, valeur reçue en marchandife pour votre compte.

A Monfieur Henri-François de Tenre
Marchand à Lille.

Votre très-humble ferviteur,
JOIRES.

Accepté, H. F. TENRE.

Adreffe à l'échéance à Meffieurs
Philippes & Pierre Wayemberch.

& Et au dos eft écrit:

Pour moi payez à l'ordre de Monfieur Pierre Wayemberch, valeur de moi-même, CHARLES CLAESSENS.

Pour moi payez à l'ordre de Monfieur Jean-Baptifte Taniel, valeur reçue de Monfieut Jean-Baptifte Limden. A Paris ce 30 Juin 1685.

PIERRE WAYEMBERCH.

LE FAI T.

Le fieur Wayemberch, Banquier en la Ville de Paris, étoit Correfpondant & Commiffionnaire de Henri-François de Tenre, Marchand à Lille, & de Charles Claeffens, Marchand à

Le 25 Octobre 1677 le fieur Joires, de la Ville de Dunkerque, auroit tiré la lettre de change de 1300 livres, dont copie eft ci-deffus tranfcrite, fur le fieur François de Tenre, de la Ville de Lille, payable à trois ufances à l'ordre de Charles Claeffens. De Tenre auroit accepté ladite lettre, & au bas de fon acceptation il auroit écrit ces mots: Adresse à l'échéance à Meffieurs Philippes & Pierre Wayemberch. Claeffens auroit paffé fon ordre au dos de ladite lettre, payable à l'ordre dudit fieur Pierre Wayemberch, valeur de lui-même, & il l'auroit enfuite envoyée audit Wayemberch.

Ledit Wayemberch par fa lettre miffive du 21 Janvier 1678, écrite à de Tenre, lui mande entr'autres chofes ces mots : J'ai une lettre de 1300 livres qu'avez acceptée payable chez moi au 25 courant, tirée par Monfieur François Joires de Dunkerque, par

avis.

De Tenre par fa lettre miffive du 23 des fufdits mois & an, en réponse de celle de Wayemberch, lui mande entr'autres chofes ces mots; J'aurai foin pour la lettre de 1300 livres, fi je ne vous fais point tenir la provifion dans fix ou fept jours, vous pourrez tirer ladite partie fur moi à deux mois, je ferai honneur à votre

traite.

En conféquence de cette lettre & fur la bonne foi de de Tenre, Wayemberch auroit porté au crédit de Claeffens fur fes livres cette fomme de 1300 livres, & par ce moyen il a acquitté ladite lettre à lui-même pour de Tente, comme ayant f'ordre de Claeffens ; & par conféquent de Tenre eft devenu débiteur dudit fieur de Wayemberch d'icelle fonme de 1300 livres, pour laquelle il ne l'a point porté fur le champ fur les livres, parce qu'il attendoit qu'il lui fit remife de ladite fomme ainfi qu'il lui avoit mandé par fa lettre miffive du 23 Janvier 1678.

Wayemberch voulant voir en quel état étoient fes affaires, autoit pointé fes livres, & en les pointant il auroit trouvé qu'il avoit donné crédit à Claessens, au profit daquel la lettre en queftion étoit tirée de cette fomme de 1300 livres, mais qu'il n'en avoit point débité de Tenre : il auroit même vû & examiné les comptes faits entre lui & de Tenre des affaires faites enfemble, dans lefquels il auroit vû ne l'avoir point débité d'icelle fomme de 1300 livres. De forte que pour en recevoir le payement de de Tenre, il auroit paffé fon ordre fur ladite lettre au profit de Jean-Baptifte Taniel, le 30 Juin 1685, valeur reçue de Jean-Baptifte Limden.

De Tenre ayant été refufant de payer les 1300 livres contenues en ladite lettre de change à Taniel, ledit Taniel l'auroit fait affigner pardevant les Echevins de la Ville de Lille, le 6 Octobre 1687, pour le voir condamner à lui payer ladite fomme de 1300 livres.

De

De Tenre auroit comparu à ladite affignation, lequel auroit reconnu avoir accepté ladite lettre de change, fauf fes defenfes, & pour les propofer il auroit requis terme & délai de deux mois, à raifon de ce que fon Commis étoit obligé de vifiter fes livres, & de faire plufieurs & diverfes recherches ès lieux éloignés, & par ledit Taniel auroit été perfifté à la prononciation & exécution de ladite lettre. puifque de Tenre pouvoit facilement voir par fes livres qu'il ne l'avoit point acquittée, & fur les conteftations des Parties feroit intervenu Sentence le ri Octobre 1687, qui ordonne à de Tenre de fervir & fournir de défenfes Jeudi lors prochain peremptoirement.

dit

En exécution de cette Sentence le 17 dudit mois d'Octobre 1687, de Tenre & Taniel auroient comparu pardevant lefdits Echevins de Lille, où ledit de Tenre a pour défenfes tout ce que bon lui a femblé, & ledit Taniel a foutenu que lefdites défenses ne doivent être reçues, attendu que ledit de Tenre ne faifoit point apparoir d'avoir acquitté ladite lettre; ce qui n'étoit point à préfumer, vû qu'il n'y a encore dix ans écoulés depuis fon échéance, & ledit de Tenre auroit foutenu au contraire: Surquoi feroit intervenu autre Sentence ledit jour 17 Octobre 1687, qui ordonne que lefdites défenfes ne feront reçues fans nantir, conformément à l'ufage allegué, de laquelle Sentence le Procureur dudit de Tenre auroit pour lui appellé, proteftant relever fondit appel.

Ledit de Tenre auroit relevé fon appel de ladite Sentence par lettres par lui obtenues en la Chancellerie du Parlement de Tournay, avec affignation audit Parlement pour plaider fur l'appel en fon nom, dans lesquelles lettres de Tenre rapporte les défenfes par lui alleguées, pardevant lefdits Echevins de la Ville de Lille, qui font que la lettre de change en queftion étoit acquittée, qu'on n'en pouvoit douter après le tems de dix ans, depuis lequel elle avoit été faite & acceptée. Qu'en matiere de femblables lettres il n'arrivoit jamais que ceux qui en avoient droit differaffent fi long-tems à pourfuivre l'accepteur. Qu'il n'avoit été fait aucun proteft à l'échéance, ni même depuis l'endoffement audit Taniel, le 30 Juin 1685. Que par l'acceptation de lui de Tenre ladite lettre avoit été faite payable par Philippes & Pierre Wayemberch, fes Correfpondans à Paris. Que Pierre Wayemberch l'avoit effectivement payée & acquittée, comme il paroiffoit de l'endoffement à lui fait par Charles Claeffens. Que le même Wayemberch ne pouvoit avoir fait le payement qu'au nom de lui de Tenre, & en qualité de Commis par fon acceptation. Qu'en conféquence il avoit payé le montant dans le débit du compte courant des affaires qu'il avoit avec lui de Tenre. Que l'endoffement ultérieur au prefit de Taniel, ne pouvoit pas valoir, à l'effet de la faire encore fubfifter au préjudice de l'accepteur, à qui le payement dudit Wayemberch fon Commis & Correfpondant tenoit lieu de véritable décharge, & faifoit que ladite lettre devoit paffer pour acquittée à l'égard de tous autres, fans pouvoir être plus négociée; fauf audit Wayemberch à en faire un article de débit, comme il avoit fait, & de quoi on s'en rapporte à fes livres, & que c'étoit la raifon pourquoi il n'avoit été fait aucun proteft depuis fon échéance, après laquelle icelui Wayemberch étant tombé en faillite, il ne lui avoit été plus permis de l'endoffer pour faire renaître une action en faveur d'un tiers à la charge de lui de Tenre, fans donner lieu à le foupçonner de fraude & de collufion. D'ailleurs, que l'Article XXXI. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673 fur le fait du Commerce, porte que le porteur d'une lettre de change négociée étoit tenu de faire les diligences contre le débiteur dans Yyyy

Tome II.

trois mois, lorfqu'elle étoit pour marchandife, & que fuivant l'Article XXI. les lettres & billets de change étoient réputés acquittés après cinq ans de ceffa→ tion de demande & pourfuites, à compter du lendemain de l'échéance ou du proteft. Ainfi la lettre en queftion étant acceptée par lui de Tenre, pour la payer à Paris, & qu'étant négociée pour ladite Ville, ladite lettre étoit prefcrite fuivant ladite Ordonnance.

A quoi Taniel répond, que l'Ordonnance de 1673, n'eft point suivie à Lille, & par conféquent le tems pour faire la demande des 1 300 livres mentionnées en la lettre de change en queftion, ne peut être prefcrit dans les cinq ans portés par ladite Ordonnance, & qu'il a trente ans pour intenter fon action. D'ailleurs, que de Tenre demeurant d'accord que Wayemberch, qui a paffé l'ordre au profit de lui Taniel, avoit payé & acquitté ladite lettre de change à Claeffens, au profit duquel elle étoit tirée, en qualité de fon Commis & Correfpondant; ainfi qu'il falloit donc qu'il payât & remboursât à Wayemberch ladite fomme de 1300 livres parce qu'autrement de Tenre profiteroit de cette fomme à fon préjudice, puifqu'il l'a reçue de François Joires le tireur, ce qui ne feroit pas raisonnable. Ainfi lui Taniel ayant l'ordre de Wayemberch, de Tenre doit être condamné à lui payer ladite fomme de 1300 livres avec dépens.

On demande avis à Monfieur Savary fi de Tenre eft bien fondé en fon appel de la Sentence rendue par les Echevins de la Ville de Lille, qui ordonne que les défenfes de Tenre ne feront point reçues, fans au préalable avoir nanti la fomme de 1300 livres mentionnée en la lettre de change en question, & au fond fi Taniel eft bien fondé en fa demande.

Le fouffigné qui a pris lecture, & mûrement examiné le Mémoire ci-dessus › estime:

Sur la premiere Question:

Que François de Tenre eft mal fondé en l'appel par lui interjetté de la Sentence contre lui rendue par les Echevins de la Ville de Lille le 17 Octobre 1687, parce qu'ayant ordonné le nantissement de la fomme de 1300 livres mentionnée en la lettre de change en question, avant que ledit de Tenre foit reçu en fes défenses fuivant l'ufage pratiqué en la Ville de Lille, on ne lui a fait aucun grief, ce Jugement étant fondé fur ce que de Tenre a reconnu avoir accepté ladite lettre de chan ge pour être payée à Paris par Philippes & Pierre Wayemberch fes Commiffionnaires & Correfpondans. De plus, les Juges ont vû que Charles Claeffens, au profit duquel la lettre avoit été tirée, avoit paffé fon ordre au profit de Wayemberch, & par conféquent que ladite lettre lui appartenoit ; ainfi qu'il avoit pû valablement paffer fon ordre au profit de Taniel. Ainfi cette Sentence eft bien & juridiquement rendue, & elle ne fait aucun grief audit de Tenre, parce que s'il avoit nanti conformément à icelle ladite fomme, il auroit été reçu en fes défenfes, fur lefquelles, & fur les répliques qui auroient été fournies par Taniel, les Juges auroient rendu lear Sentence diffinitive par laquelle de deux chofes l'une, ou ils auroient renvoyé de Tenre quitte & abfous de la demande de Taniel, ou ils l'auroient condamné à payer audit Taniel ladite fomme de 1300 livres, & en conféquence ordonné que les deniers nantis lui feroient baillés & délivrés. Au premier cas il avoit gagné fon procès, & au fecond, l'ayant perdu, il eût pû alors, s'il eût voulu interjetter appel de ladite Sentence de condannation au Parlemenz

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