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provision à l'échéance de ladite lettre, il n'eft point tenu au payement d'icelle, & que c'est audit Jean de Paris à justifier, ou que lui François étoit débiteur de Pierre, ou que ledit Pierre lui a envoyé provifion à l'échéance de la lettre de change, parce que cela eft conforme à l'Article XVI. du Titre V. de l'Ordonnance de 1673.

L'on demande avis fur le fait de la préfente conteftation, & fi ces deux moyens de défenfes dudit François de Bordeaux font bons & valables pour s'empêcher de payer à Jean de Paris les 3000 livres mentionnées en ladite lettre de change en question?

Le fouffigné qui a pris lecture & examiné les raisons des Parties dénommées dans le Mémoire ci-deffus, eft d'avis.

Sur la premiere Question

Que Jean de Paris ayant tiré ladite lettre de change de 3000 livres fur François de Bordeaux, pour le compte de Pierre d'Amfterdam, fuivant l'ordre qu'il en avoit reçû de lui, pour le payer de pareille fomme qu'il lui devoir, & ledit François de Bordeaux l'ayant acceptée purement & fimplement, il eft tenu & obligé de payer ladite lettre, quoiqu'il ne fut point débiteur de Pierre, ou qu'il ne lui ait point envoyé de provifion à l'échéance d'icelle pour l'acquitter, foit à Guillaume, en faveur duquel Jean de Paris l'a tirée, foit audit Jean de Paris, la lettre étant retournée à proteft fur lui, & qu'il l'ait remboursé à Guillaume; même ledit François doit payer audit Jean le change & rechange, fi aucuns il y a, & les frais du proteft. La raifon eft que dès le moment que François a accepté ladite lettre de change, il s'eft conftitué débiteur, tant envers Jean de Paris le tireur, qu'envers Guillaume, au profit duquel elle a été tirée, & envers tous ceux en faveur defquels les ordres pourroient avoir été paffés. De forte que François ne se peut défendre en façon quelconque de la payer, fauf fon recours contre Pierre d'Amfterdam, la foi duquel il a fuivi, & non celle dudit Jean de Paris.

De plus, il eft inutile audit François de Bordeaux de dire qu'il ne doit rien à Pierre d'Amfterdam, & que Jean de Paris n'a pas plus de droit que ledit Pierre d'Amfterdam, parce qu'il a accepté la lettre fur la bonne foi de Pierre, ainsi qu'il vient d'être dit, & que le droit de Jean de Paris eft établi par l'acceptation qu'il a faite volontairement de ladite lettre purement & fimplement, par le moyen de laquelle acceptation pure & fimple il s'eft conftitué fon débiteur; & fi cela n'étoit ainfi, il n'y auroit jamais de fûreté dans le commerce des lettres de change.

Sur la feconde Queftion.

Que l'Article XVI. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673 ne fe peut appliquer à la question dont il s'agit; car encore que cet Article porte, que les Tireurs ou Endoffeurs des Lettres feront tenus de prouver en cas de négation, que ceux fur qui elles étoient tirées leur étoient redevables ou avoient provifion au tems qu'elles ont dû être proteftées, finon qu'ils feront tenus de les garantir; ce n'eft pas à dire pour cela que tous tireurs de lettres de change foient tenus en cas de négation de prouver que ceux fur qui elles ont été tirées leur étoient redevables, ou avoient provifion au tems qu'elles ont dû être proteftées, parce que l'Article

Tome II.

K

n'entend parler feulement que de ceux qui tireront pour leur compte particulier des lettres de change fur ceux qui ne leur doivent rien, & auxquels ils n'ont point envoyé de provision au tems que les lettres ont dû être protestées, & non pas de ceux qui tireront des lettres pour le compte des Négocians fur leurs amis ou corref pondans, pour fe rembourfer de ce qui leur étoit dû par ceux qui leur ont donné l'ordre de tirer fur lefdits correfpondans pour leur compte particulier.

Car, par exemple, fi la lettre en question avoit été protestée fur François de Bordeaux, après les dix jours de faveur, & que Guillaume fût revenu fur Jean de Paris le tireur, & qu'il lui eût refufé le remboursement de la lettre, fous prétexte qu'il ne l'auroit pas fait protefter dans les dix jours portés par l'Article IV. du Titre V. de ladite Ordonnance du mois de Mars 1673, & que fuivant l'Article XV. ladite lettre dût demeurer pour fon compte fans aucun recours de garantie contre lui, il n'y auroit pas de difficulté, fuppofé que François de Bordeaux eût fait faillite, & par ce moyen devenu infolvable, déniât être débiteur de Pierre d'Amfterdam, ou qu'il ne lui avoit point envoyé provifion pour acquitter la lettre au tems qu'elle avoit dû être proteftée, qui eft dix jours après celui de l'échéance; il n'y a pas de difficulté, dis-je: en ce cas Jean de Paris feroit tenu de prouver que François de Bordeaux étoit débiteur de Pierre d'Amfterdam, ou qu'il lui avoit envoyé provifion dans le tems que le proteft devoit être fait; finon & à faute de ce faire, il feroit tenu de garantir ladite lettre audit Guillaume, & de lui rendre fon argent qu'il auroit reçû pour la valeur d'icelle; parce que Guillaume auroit fuivi la bonne foi de Jean de Paris, & non celle de Pierre d'Amfterdam, avec lequel il n'a fait aucune négociation pour raifon de ladite lettre, & Jean de Paris auroir auffi fon recours contre Pierre d'Amfterdam, fuivant l'ordre duquel il a tiré fur François de Bordeaux pour fon compte pour le payer de ce de ce qu'il lui devoit, & ledit Pierre d'Amfterdam feroit auffi tenu de prouver en cas de dénégation que François étoit fon débiteur, ou qu'il lui avoit envoyé provifion pour acquitter ladite lettre dans le tems que le proteft avoit dû être fait, finon il feroit tenu de garantir ladite lettre, & de la payer à Jean de Paris, fuivant l'Article XVI. du Titre V. de ladite Ordonnance de 1673 ci-deffus alléguée, & de lui payer les 3000 livres qu'il lui devoit, pour raifon de quoi il lui avoit donné ordre de tirer ladite lettre pour fon compte fur François de Bordeaux. Par ce qui vient d'être dit, l'on voit que l'Article XVI. allegué par François de Bordeaux, pour s'exempter de livres en question à Jean de Paris, n'a aucun rapport à la question dont il s'agit & que nonobftant ce moyen de défense, il doit être condamné à payer audit Jean de Paris les 3000 livres en queftion, fauf fon recours contre Pierre d'Amfterdam la foi duquel il a fuivi, & non celle de Jean de Paris, ainfi qu'il a été dit fur la premiere question.

payer

les 3000

Déliberé à Paris le premier Mars 1680.

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Si en cas de banqueroute de tous les obligés à une Lettre de Change, le Porteur peut entrer dans tous les Contrats d'accord que chacun fait avec fes Créanciers, ou s'il ne doit entrer que dans le Contrat d'un feul, foit du Tireur, foit de l'Accepteur, foiz de celui qui a paffè l'ordre à fon profit?

MÉMOIRE POUR CONSULTER.

LE FAIT.

E premier Juin 1679 Pierre de la Ville d'Anvers tire une Lettre de Change

Lfur de la Ville de Rouen, de 4000 écus, valant 12000 livres, payables à deux ufances à François de la Ville de Paris, ou à fon ordre. Jean accepte ladite lettre purement & fimplement, & François paffe fon ordre au profit de Jacques, valeur reçûe de lui en deniers comptans.

Pierre le tireur, Jean l'accepteur, & François qui a paffé l'ordre en faveur de Jacques, ont tous trois fait faillite.

Le dixiéme Septembre 1679, Jacques porteur de la lettre figne le Contrat d'accord de François, qui a paffé l'ordre à fon profit pour la fomme de 12000 livres, mentionnée en la lettre de Change à la moitié de remife que lui font ses Créanciers de leur dû, & lui donnent du tems pour payer l'autre moitié.

Le vingtiéme Novembre audit an, Paul fondé de procuration de Jacques, figne encore le Contrat d'accord de Pierre le tireur de la Ville d'Anvers, pour ladite fomme de 12000 livres, à la moitié de remife.

Le trentiéme Janvier 1680 audit an, Ambroife auffi fondé de procuration de Jacques figne encore le Contrat d'accord de Jean l'accepteur de la Ville de Rouen, pour ladite fomme de 12000 livres, auffi à la moitié de remife.

Jacques ayant figné le Contrat de François fon endoffeur, & l'ayant pris pour fon débiteur, ledit François rentrant ainfi aux droits qu'il avoit en ladite lettre avant que d'avoir paffé fon ordre au profit de Jacques, fe présente à Rouen pour fignet le Contrat de Jean l'accepteur, pour la fomme de 12000 livres mentionnée en icelle. Jean s'y oppofe, & dit pour moyen d'oppofition, que Jacques au profit duquel François a paffé fon ordre, ayant figné fon Contrat pour ladite fomme de 12000 livres, il ne pouvoit plus entrer dans fondit Contrat, puifque ledit Jacques l'avoit choifi pour fon débiteur.

François qui avoit pour fon principal débiteur Pierre, qui avoit tiré la lettre à fon profit, envoye fa procuration à un Négociant d'Anvers, par laquelle il lui donne pouvoir de figner fon Contrat d'accord, & lorfque ce Négociant porteur des procurations de François fe préfente pour le figner, Pierre s'y oppofe, & dit que Jacques au profit duquel il avoit paffé fon ordre, ayant figné fon Contrat, & l'ayant reconnu pour fon débiteur pour ladite fomme de 12000 livres, qu'il ne devoit plus rien à François, & par conféquent qu'il ne pouvoit point entrer dans ledit Contrat d'accord. Jean, l'accepteur, de la Ville de Rouen, qui ne devoit rien à Pierre le tireur, & qui n'avoit accepté la lettre en queftion que pour lui faire plaifir, s'étant rendu débiteur d'icelle au moyen de fon acceptation envers Jacques porteur de la lettre

comme ayant l'ordre de celui au profit duquel elle étoit tirée, & Jacques ayant figné fon Contrat, devient créancier de Pierre le tireur: Jean, dis-je, envoye fa procurration à un Négociant d'Anvers, pour figner le Contrat de Pierre pour ladite fomme de 12000 livres, à quoi Pierre fe feroit encore oppofé pour les raisons ci-dessus alleguées fur le fait de François donneur d'ordre.

Toutes les différentes prétentions des Parties ci-deffus alleguées, donnent lieu à de grandes conteftations entr'elles; car Jacques porteur de la lettre en queftion, prétend être bien fondé d'avoir figné les trois. Contrats d'accord que Pierre le tireur, Jean l'accepteur, & François fon donneur d'ordre, ont fait avec leurs: Créanciers, parce qu'ils font tous trois folidairement obligés un feul & pour le tout envers lui au payement des 4000 écus mentionnés en ladite lettre de change, & qu'ainfi il les peut pourfuivre tous enfemble ou féparément, fi bon lui fem-ble; qu'il n'a jamais été révoqué en doute parmi les Marchands, Négocians & Banquiers, que le tireur, l'accepteur & l'endoffeur de lettres de change ne foient tous obligés folidairement envers les porteurs au payement du contenu en la lettre, & que cela eft conforme aux Articles XI. & XII, du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673, dont le XI. porte, qu'après le proteft celui qui aura accepté la lettre pourra être poursuivi à la requête de celui qui en fera le Porteur ; & l'Article XII. porte, que les Porteurs pourront auffi par la permiffion du Juge faifir les effets de ceux qui auront tiré ou endoffé les lettres, encore qu'elles ayent été acceptées, même les effets de ceux fur lesquels elles auront été tirées, en cas qu'il les ayens acceptées.

lui

François, au profit duquel la lettre a été tirée, prétend auffi de fon côté que Jacques, en faveur duquel il a paffé fon ordre, ayant figné & entré dans fon Contrat d'accord pour ladite fomme de 12000 livres mentionnée en ladite lettre, en payant les 6000 livres fuivant fondit Contrat, doit lui rendre ladite lettre de. change, & que moyennant ce payement il demeure fubrogé au lieu & place de: Jacques pour toute la fomme entiere de 12000 livres, pour s'en faire rembourfer tant par Pierre le tireur, auquel il a donné fon argent, que par Jean l'accepteur, qui s'eft rendu fon débiteur au moyen de fon acceptation, parce qu'il revient au même état qu'il étoit auparavant qu'il eût paffé fon ordre au profit de Jacques; c'eft pourquoi il n'a pû ni dû entrer dans les Contrats de Jean l'accepteur, & de

Pierre le tireur.

porteur

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Jean qui a accepté la lettre prétend de fon côté que Jacques le d'icelle & François qui a paffé fon ordre à fon profit, ne peuvent entrer tous deux enfemble dans fon Contrat d'accord, chacun pour la fomme de 12000 livres que fon acceptation ne l'oblige qu'à payer une feule fois cette fomme, foit à François, au profit duquel elle a été tirée, ou à Jacques, en faveur duquel l'ordre a été paffé par François; qu'ainfi Jacques ayant figné dans fon Contrat pour ladite fomme de 12000 livres, François eft non-recevable pour y entrer pour la mêine fomme puifqu'il n'a plus rien à la chofe..

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Pierre qui a tiré la lettre foutient de fon côté que François, au profit duquel il l'a tirée, Jacques, auquel l'ordre eft paffé par François, & Jean fur lequel il a tiré la lettre, & qui l'a acceptée, ne peuvent entrer tous trois enfemble dans fon Contrat d'accord, chacun pour la fomme de 12000 livres, parce que fi leurs. prétentions avoient lieu, il payeroit 18000 livres, fçavoir à François 6000 livres pour la moitié de cette fomme de 12000 livres, à Jacques pareille fomme de

6000 livres, & à Jean pareille fomme de 6000 livres, au lieu de 6000 livres qu'il doit payer, fuivant le Contrat d'accord qu'il a fait avec tous fes Créanciers ; qu'ainfi il n'y auroit pas de raifon, parce qu'il ne peut entrer dans fon Contrat qu'un des Trois, ou Jacques le porteur, ou François l'endoffeur, ou Jean l'accepteur.

On demande avis fur les prétentions & conteftations des Parties ci-deffus alleguées, quel eft l'ufage parmi les Marchands, Négocians & Banquiers en de femblables affaires, quand le tireur, l'endoffeur & l'accepteur ont fait en même-tems faillite ou banqueroute, & de quelle maniere les chofes fe doivent paffer entre les Parties pour les fortir d'affaire?

Le fouffigné qui a pris lecture du Mémoire ci-deffus, & qui a examiné les prétentions des Parties ci-dénommées, eftime que Jacques porteur de la lettre en queftion ayant figné & entré dans le Contrat d'accord de François, qui a paffé l'ordre à fon profit, ne peut entrer dans le Contrat d'accord de Jean l'accepteur, ni dans celui de Pierre le tireur, pour deux raifons. La premiere, parce qu'en fignant le Contrat d'accord de François, il l'a reconnu pour fon feul & unique débiteur. La feconde, parce que Pierre le tireur, Jean l'accepteur, & François l'endoffeur n'exiftant plus dans le commerce, parce qu'ils ont fait faillite, Jacques le porteur de la lettre a dû d'entrer dans l'un des Contrats d'accord, ou de Pierre le tireur, ou de Jean l'accepteur, ou de François fon endoffeur.

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Or Jacques ayant figné & entré dans le Contrat de François fon endoffeur, l'a pris & choifi pour fon feul & unique débiteur; de forte qu'il ne peut plus retourner ni entrer dans le Contrat de Jean l'accepteur, ni dans celui de Pierre le tireur, fuivant l'ufage pratiqué en ces fortes d'affaires parmi les Marchands, Négocians & Banquiers, non feulement de ce Royaume, mais encore de tous les Pays étrangers, ne fervant rien à Jacques de dire que fuivant les Articles XI. & XII. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673 les tireurs, les endoffeurs, & les accepteurs de lettres font obligés folidairement au payement du contenu dans les lettres de' change envers les porteurs d'icelles; & qu'ainfi Pierre le tireur, Jean l'accepteur, & François qui a paffé l'ordre à fon profit fur la lettre de change en queftion, étant folidairement obligés au payement des 12000 livres contenues en la lettre, il a été en droit de figner & d'entrer dans leurs trois Contrats d'accord, parce qu'on ne' peut pas appliquer lefdits Articles XI. & XII. de l'Ordonnance au fait dont il s'agit ; mais feulement quand le tireur, l'accepteur & l'endoffeur exiftent dans le commer-ce, qu'ils n'ont point fait faillite, & qu'ils font tous en état de payer :-car en ce cas il eft vrai que fuivant ladite Ordonnance, le porteur d'une lettre de change peut en' même-tems faire faifir les effets, & pourfuivre pour le payement du contenu en icelle l'accepteur, l'endoffeur & le tireur.

Mais lefdits Pierre le tireur, Jean l'accepteur, & François l'endoffeur ayant fait faillite, Jacques le porteur ne pouvoit plus exercer fes actions que contre un des trois, & non contre tous les trois enfemble; de forte que, comme il a été dit, étant entré & ayant signé le Contrat d'accord, que François l'endoffeur a fait avec fes Créanciers pour ladite fomme de 12000 livres, il n'a pû entrer dans les Contrats de Jean l'accepteur, ni dans celui de Pierre le tireur, qu'ils ont auffi fait avec leurs Créanciers, parce que Jacques porteur de la lettre a figné le Contrat d'accord: de François, & l'a reconnu pour fon feul & unique débiteur..

François étant entré dans les mêmes droits & actions qu'il avoir contre Jean l'accepteur & contre Pierre le tireur, avant qu'il eût paffé l'ordre au profit de

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