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de laquelle ledit fieur Matry fe feroit oppofé par Exploit de Jean Manet, Sergent à Verge au Châtelet de Paris, du 27. dudit mois d'Avril, à ce que lefdits fieurs Généraux des Vivres des Galeres de France n'euffent à payer le contenu auxdites deux lettres de Change, ni d'en vuider leurs mains, à peine de payer deux fois.

Et le 2. Mai ledit fieur Pierre Sartre en vertu de l'Ordonnance de Monfieur le Lieutenant Civil étant au bas de la Requête à lui préfentée le 27. dudit mois d'Avril, auroit pour fûreté & confervation du contenu en ladite Requête, saifi & arrêté ès mains defdits fieurs Receveurs Généraux les deniers qui étoient entre leurs mains pour raison defdites deux lettres de Change, ni de les payer tant audit fieur Froment qu'à autres, à peine de payer deux fois le tout, en continuant l'oppofition ci-devant formée ès mains defdits fieurs Généraux, dudit jour 27. Avril.

Le troifiéme jour de Mai 1678. le fieur Henry Guibert, premier Commis de l'Extraordinaire des Guerres, porteur de l'endoffement en blanc du fieur Moreau, auroit fait fommer lefdits fieurs Généraux de lui payer ladite fomme de 5200 livres mentionnée en ladite lettre de Change. Et au refus protefté de renvoyer la lettre, & prendre de l'argent à change & rechange, &c.

Il faut remarquer que Froment avoit reçû deux mille livres en deux parties pour ledit Pierre Sartre, avant qu'il lui eût remis lefdites deux lettres de Change, pour en difpofer fuivant fes ordres.

1.

L'on demande avis fur trois Queftions.

Stea la lettre de Change de cinq mille deux cens livres en queftion peut appar tenir au fieur Guibert, qui s'en trouve aujourd'hui le porteur, & qui a fait faire le proteft en fon nom comme porteur de la fignature en blanc du fieur Moreau ? II. Si l'ordre qu'a paffé le fieur Froment ( qui a fait banqueroute) fur ladite lettre enfuite de celui de François Sartre en faveur dudit fieur Moreau, eft bon & valable? Et fi cet ordre en la maniere qu'il eft conçû, le peut rendre maître & pro priétaire de ladite lettre de Change?

III. Si la lettre n'appartient point à Guibert porteur d'icelle, ni à Moreau qui n'a mis que fa fimple fignature en blanc enfuite de l'ordre dudit Froment; fçavoir fi Pierre Sartre eft bien fondé en l'oppofition & faifie qu'il a faite des 5200 livres ès mains des fieurs Généraux des Vivres des Vaiffeaux & des Galeres de France fur qui la lettre eft tirée ? Et s'il ne peut pas revendiquer ladite lettre comme prétendant lui appartenir?

Le fouligné, qui a pris lecture du Mémoire ci-deffus, eftime, fçavoir:

Sur la premiere Question.

Que la lettre en queftion ne peut appartenir au fieur Guibert qui en eft le por teur, parce qu'il faudroit pour qu'il en eût été le maître incommutable , que Moreau eût paffé fon ordre à fon profit en la maniere fuivante: Et pour moi payez le contenu de l'autre part au fieur Guibert ou ordre, valeur reçue dudit fieur en deniers com ptans. Fait à Paris le tel jour 1678,

MOREAU.

Il n'y a pas de doute qu'au moyen de cet ordre Guibert eût été propriétaire de

ladite lettre de Change (fuppofé qu'elle eût appartenu au fieur Moreau) parce que l'ordre qui auroit été fait en la maniere ci-deffus exprimée, a toutes les formalités requifes, portées par l'Article XXIII. du Titre V. de l'Ordonnance du mois de Mars 1673 dont voici la difpofition. Les fignatures au dos des Lettres de Change ne ferviront que d'endossement & non d'ordre, s'il n'eft datté, & s'il ne contient le nom de celui qui a payé la valeur en deniers, marchandifes ou autrement. Mais n'y ayant que la fimple fignature de Moreau en blanc enfuite de l'ordre de Froment, fans être rempli de la maniere qui vient d'être dite, cette fignature ne fert que d'endoffement, fuivant la difpofition de l'Article ci-dessus allegué, c'est-à-dire, pour fervir à remplir une quittance pour recevoir des accepteurs le contenu en la lettre par ledit Guibert fous la fignature dudit Moreau, & d'autant encore qu'il ne paroît point qu'il ait donné aucune valeur de ladite lettre à Moreau, lequel par conféquent en a toujours demeuré le maître & le poffeffeur fans en avoir été dévêtu. Ainfi la lettre de Change appartiendroit toujours à Moreau, fuppofé que l'ordre paffé par Froment en fa faveur eût été dans la forme prefcrite par l'Ordonnance, & non pas à Guibert. En telle forte que les Créanciers de Moreau pourroient faifir fur lui ès mains de Meffieurs les Généraux des Vivres des Galeres les 5200 livres contenues en ladite lettre deChange. Cela eft conforme à l'Article XXV. du Titre V. de ladite Ordonnance du mois de Mars 1673, duquel il fera parlé en la feconde question fui

vante.

Sur la feconde Queftion.

Que l'ordre mis au dos de ladite lettre de Change par Froment en faveur de Mo reau, ne fert que d'endoffement & non d'ordre, parce que la valeur qu'il dit avoir reçûe de Moreau n'eft point exprimée, fi c'eft en argent, en marchandise, ou autrement, & que l'ordre n'eft point datté, ainfi qu'il devroit être, fuivant & au defir de l'Article XXIII. du Titre V. de l'Ordonnance dudit mois de Mars 1673, ci-devant allegué fur la premiere queftion. De forte que l'ordre paffé par Froment en faveur de Moreau n'étant point dans la forme prefcrite par l'Ordonnance, la lettre de Change eft réputée appartenir à Froment & non à Moreau. Cela eft conforme à l'Article XXV. dudit Titre V. de ladite Ordonnance de 1673. dont voici la difpofition. Au cas que l'endoffement ne foit pas dans les formes ci-deffus (c'est l'Article XXIII.) feront réputées appartenir à celui qui les aura endoffees, & pourront être faifies par fes Créanciers, & compenfées par ses redevables.

Sur la troifiéme Question.

Si la lettre de Change en question n'appartient point ni à Guibert ni à Moreau ainfi qu'il vient d'être montré par tour ce qui a été dit fur les deux questions précédentes, il s'enfuit qu'elle appartiendroit toujours à Froment, fuppofé que Pierre Sartre qui a fait paffer l'ordre par François Sartre en fa faveur, eût été son débiteur. Mais ledit Pierre Sartre n'étant point débiteur de Froment, au contraire la lettre de Change de 5200 livres en queftion, & celle de 5000 livres n'ayant par lui envoyées à Froment que pour en procurer feulement l'acceptation & le payement à l'échéance defdits fieurs Généraux des Vivres des Galeres, pour difpofer enfuite des deniers en faveur de ceux qu'il lui ordonneroit; il eft certain

été

que la lettre de Change de 5200 livres en queftion, a toujours appartenu & appartient encore à préfent à Pierre Sartre, & par conféquent il a pû s'oppofer au payement de ladite lettre de 5200 livres, & il a pû faire faifir ladite fomme ès mains defdits fieurs Généraux des Vivres, comme à lui appartenante, cela étant conforme à l'Ordonnance ci-devant alleguée.

Délibéré à Paris le 24 Mai 1678.

PARERE I I.

1. Si un afsocié peut changer la déclaration de valeur d'un ordre mis fur une lettre de Change de la Société en faveur d'un créancier de la Société, pour en donner la pro priété à fon Créancier en l'acquit de fa dette particuliere ?

II. Si celui qui a reçu le payement de cette lettre de Change, & qui étoit Créancier de la Société & non de l'Associé, lequel fous le changement de fa déclaration de valeur en auroit été Propriétaire en acquit de la Société, peut demander fon payement à la Société, comme devant tenir compte de cette lettre de Change au nouveau Propriétaire? Et fil Affocié qui a fait le changement eft obligé de faire tenir quitte l'autre Affocié de la demande de ce Créancier de la Société ?

L E fouffigné qui a pris lecture d'une lettre de Change & des ordres qui font au dos, eftime qu'il y a deux queftions en cette affaire.

La premiere eft de fçavoir, fi Meuret étant Affocié de Chazal, a pû fans fa participation changer partie de l'ordre qui eft paffé au-deffus de leur fignature, étant au dos d'une lettre de Change en faveur de Borne, valeur rencontrée avec lui en rayant ce mot ( lui) & mettre au lieu d'icelui (avec le fieur Coffe) pour le rendre poffeffeur de la lettre, pour compenfer par ce moyen 3000 livres mentionnées en la lettre, avec pareille fomme qu'il devoit en fon nom particulier à Coste ? Et si Cofte a pû valablement accepter cette compenfation avec Meuret?

La feconde eft de fçavoir, fi Borne, au profit duquel l'ordre étoit paffé, & qui a reçû les 3000 livres mentionnées en la lettre de Change de Chabanetti fur lequel elle étoit tirée, peut demander aujourd'hui à Chazal les 3.000 livres, comme prétendant n'avoir point été rencontrées avec lui, pour pareille fomme que lui devoit la Société qui étoit entre ledit Chazal & Meurer, à caufe que ce mos (lui) eft rayé, & qu'au lieu d'icelui, Meurer a mis ces mots (avec le fieur Cofte); qu'ainfi fi la lettre appartenoit à Cofte, & non audit Borne, & fi bien il a reçû de Chabanetti le contenu en la lettre, ç'a été pour le compte de Cofte & non pour le fien? Et fi Chazal eft bien fondé de demander à Cofte de le faire tenir quitte envers Borne de la demande qu'il lui a faite des 3000 livres qui lui font dûes par la Société qui étoit entre lui & Meuret?

Le fouffigné eftime, fçavoir :

Sur la premiere Question.

que

Que l'on ne peut jamais rayer tout ou partie d'un ordre, dès le moment qu'il

eft une fois paffé au dos d'une lettre de Change, parce que dans l'inftant même de la paffation de l'ordre, celui au profit duquel il eft paffé, devient le Maître incommutable de la lettre, foit au moyen de la valeur qu'il en a donnée en deniers comptans à celui qui a paffé l'ordre, foit pour celle qui fe rencontre en lui-même comme étant fon Créancier, & que par le moyen de l'une ou l'autre de ces valeurs, celui qui a paffé l'ordre s'eft dévêtu de la lettre & n'en eft plus le Propriétaire, De forte que fi l'on veut changer la difpofition d'un ordre en faveur d'une autre perfonne, il faut néceffairement le faire paffer par celui en faveur duquel l'ordre étoit paffé; parce qu'il faut remarquer qu'il eft d'un ordre paffé au dos d'une lettre de Change de même comme d'un Transport duquel la minute feroit demeurée chez le Notaire, après en avoir délivré une expédition; car quoique le cédant qui auroit fait la ceffion fous le nom d'un de fes amis qui lui auroit voulu prêter fon nom pour lui faire plaifir, il ne pourroir rayer le nom de fon ami pour en remettre un autre en la place, & il faudroit pour cela faire de deux chofes l'une, ou que le cédant fit faire un autre Tranfport par le ceffionnaire au profit d'une autre perfonne, ou bien qu'il en fit faire lui-même une rétroceffion, Or il eft certain qu'un ordre paffé au dos d'une lettre de Change eft proprement un Acte par lequel celui à qui elle appartient fait une ceffion à celui au profit duquel il paffe fon ordre; enforte que l'ordre faifit la lettre de telle maniere que l'on n'y peut rien rayer ni ajouter, & que tout ce que l'on peut faire pour en changer la difpofition, eft de faire auffi de deux chofes l'une, ou de faire paffer un ordre par celui au profit duquel l'ordre étoit paffé en faveur d'une autre perfonne, ou bien de le faire repaffer au profit de celui qui l'avoit paffé : ce qui s'appelle en termes de Commerce contre-paffation, qui eft ce qu'on appelle rétroceffion en termes de Palais.

que cette

Par toutes les raifons ci-deffus déduites l'on voit que Meuret n'a pû rien changer en l'ordre qu'il avoit paffé en faveur de Borne, c'eft-à-dire, qu'il n'a pû rayer ce mot (lui) qui eft enfuite de ceux, valeur rencontrée avec lui, ni ajouter enfuite par renvoi après la date de l'ordre ces mots (avec le fieur Cofte:) de forte falfification eft nulle, & ne produit aucun effet qui puiffe produire la propriété de la lettre de Change à l'ordre de Cofte. Néanmoins il faut confidérer cet ordre en toute fon étendue comme s'il n'y avoit rien de rayé ni ajouté après que la valeur est rencontrée avec Borne, lequel étant Créancier de Chazal & de Meuret en Compagnie, de pareille fomme de 3000 livres mentionnées en la lettre, la compensation s'en eft faite dès l'inftant même que l'ordre a été paffé à son profit de la main de l'un ou de l'autre des deux Affociés.

Pour bien juger de la feconde queftion, il faudroit fçavoir fi Chazal & Meuret avoient mis chacun leur fignature au bas de l'ordre en queftion, ou bien fi Meuret avoit figné lui-même de la main Chazal & Meuret en Compagnie, qui eft le nom focial, ainfi qu'il fe pratique ordinairement quand la raifon d'une Compagnie eft collective. Comme il n'en paroît rien dans le Mémoire; c'eft pourquoi il eft néceffaire de divifer cette queftion en deux, & de les traiter féparément, pour voir fi dans les deux cas Meuret a pû rayer & ajouter quelque chofe à l'ordre depuis qu'il a été rempli.

A l'égard du premier, le fouffigné eftime que fi Chazal & Meuret ont mis chacun leur fignature au bas de l'ordre paffé en faveur de Borne, qui porte valeur rencontrée avec lui, Meuret n'en a pû changer la difpofition en rayant ce mot (lui) & en y ajoutant ceux-ci ( avec le fieur Cofte.) La raifon en eft que,

que, Chazal n'a

pas

fuivi la bonne foi de Meuret fon Affocié, en paffant l'ordre en faveur de Borne; parce qu'il a entendu en mettant ces mots, valeur rencontrée avec lui, lui payer & compenfer pareille fomme que leur Société lui devoit. Ainfi, fuppofé même qu'il fût de l'ufage de rayer & ajouter quelque chofe à un ordre depuis qu'il eft une fois paffé (que non pour les raifons ci-deffus alleguées) Meuret n'auroit pas pû le faire en faveur de Cofte qui étoit fon Créancier particulier, & non celui de la Société, fans la participation & le confentement exprès de Chazal fon Associé, puifqu'il faifoit une compenfation de fa dette particuliere avec Cofte, qui étoit contre l'intention de Chazal, qui avoit été en fignant l'ordre, de compenfer une dette de leur Société, & non pas la dette particuliere de fon Affocié.

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Quant au fecond cas, fuppofé que Meuret eût mis le nom focial de Chazal & Meuret ce n'est à dire pas cela qu'il eût pû changer la difpofition de l'ordre & rayer ce mot (lui) & ajouter ceux-ci (d'avec le fieur Cofte) il ne le pouvoit pour les raifons alleguées fur la premiere queftion, & il ne le pouvoit fans fe conftituer en fraude & mauvaise foi envers fon Affocié. Mais Cofte n'a pû ni dû donner fon confentement à la falfification de l'ordre pour fe retirer d'affaire d'avec Meuret fon feul & unique débiteur, au préjudice de la Société qui ne lui devoit rien, & pour laquelle l'ordre avoit été paffé en faveur de Borne créancier d'icelle, fans en même-tems participer à la fraude de Meuret & à fa mauvaise foi. C'eft pourquoi il n'en doit point profiter au préjudice de Chazal. Car il faut remarquer qu'en matiere de Commerce & particuliérement de celui de lettres de Change, la moindre fufpicion de fraude & de mauvaise foi fe rencontrant entre des Cambiftes, ils ne peuvent rien faire au préjudice d'un tiers, parce qu'il eft toujours préfumé être de bonne foi.

Sur la feconde Question.

Après tout ce qui vient d'être dit fur la premiere queftion, il eft facile de répondre a la feconde, qui eft de fçavoir fi Borne peut demander aujourd'hui à Chazal les 3000 livres qu'il prétend lui être dûes par la Société d'entre lui & Meuret, quoiqu'il ait reçû pareille fomme mentionnée en la lettre en vertu de l'ordre paffé en fa faveur fur icelle, portant valeur rencontrée avec lui; & fi Chazal peut demander à Cofte qu'il ait à l'acquitter de la demande que lui fait Borne.

Le fouffigné eftime, qu'encore que l'on voye bien que l'ordre qui eft au dos de la lettre en question ait été paffé par Chazal & Meuret en faveur de Borne, pour le payer de pareille fomme mentionnée en icelle qui lui étoit dûe par la Société, puifqu'il porte, valeur rencontrée avec lui, néanmoins la lettre ne lui a pas été donnée par Chazal & Meuret; ç'a été Cofte qui la lui a donnée comme prétendant lui appartenir à caufe de la valeur rencontrée avec lui, pour lui fervir de fonds pour les affaires qu'ils avoient ensemble dans les payemens des Rois 1678. de laquelle Cofte lui en a donné débit dans un compte arrêté entr'eux le 4. Juin enfuivant. C'est pourquoi Chazal & Meuret font toujours demeurés débiteurs de Borne, & par con-féquent il eft bien fondé à demander fon payement à Chazal. La raifon eft, que Borne a fuivi-la bonne foi de Cofte fon débiteur, parce qu'il a crû que la difpofition de l'ordre concernant la valeur rencontrée avec lui a été changée par la radiation de ce mot (lui) en faveur de Cofte, au moyen de ces mots ajoutés (avec le feur Cofte) du mutuel confentement de Chazal & Meuret, & qu'ainfi la lettre appartenoit à Cofte, qui la lui avoit donnée pour en tirer payement dans les payemenss

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