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1673

an fou; & ce ne fut que parce qu'il réuffit, que l'on ditè qu'il avoit fait la plus belle action du monde *.

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Un Hiftorien judicieux & fincere narrera ce fait fur les idées du Comte de Buffi; & il regardera en même tems la Description de Mr. Despreaux, comme un excellent morceau de Poëfie. C'eft auffi de cette manière qu'en jugea Monfieur de Buffi.

Cependant les Ennemis de Mr. Despreaux publièrent que ce Seigneur avoit écrit une Lettre où il maltraitoit beaucoup cette ÉPITRE, & où il n'épargnoit pas même l'Auteur. Mr. Despreaux piqué d'un bruit dont il craignoit les conféquences, pria le Comte de Limoges d'en écrire à Mr. de Buffi, qui lui répondit qu'il n'avoit jamais pensé à rien de femblable. Cela obligea Mr. Despreaux à lui écrire la Lettre fuivante, datée de Paris le 25. de Mai, 1673:

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Je vous avoue, Monfieur, que j'ai été inquiet du bruit qui a couru que vous aviez écrit une Lettre, par laquelle moi & l'Epitre que j'ai écrite au Roi fur la Campagne de Hollande, étions fort maltraités; car ou tre le jufte chagrin que j'avois d'être défapprouvé par l'homme du Royaume que j'eftime & que j'admire le plus, j'avois de la peine à digérer le plaifir que cela alloit faire à mes ennemis. Je n'en ai pourtant jamais été bien perfuadé. Hé! *ie moyen de croire, que l'homme de la Cour qui a le plus d'efprit, pût entrer dans les fentimens & dans les intérêts de l'Abbé Cotin, & fe refoudre à avoir même raison avec lui. La Lettre que vous avez écrite à Mr. le Comte de Limoges, m'a entièrement défabufé, & je vois bien, que tout ce bruit n'a été qu'un artifice très-ridicule, de mes très-ridicules Ennemis. Mais quelque mauvais deffein qu'ils ayent eû contre moi, je leur ai obligation de m'avoir donné lieu de vous affurer, Monfieur, que perfonne n'eft plus touché que moi de votre mérite, & n'eft avec plus de refpect, &c.

LETTRES du Comte de Buffi de la dernière Édition de Hollande, Rabutin. Tom. II. Lettre CLXXXV. pag. 267. & 268.

Voici la Réponse que lui fit le Comte de Buffi Rabutin: elle eft datée de fa Terre de Buffi * le 30. de Mai, 1673.

,,Je ne puis affez dignement répondre à votre ,,Lettre, Monfieur. Elle eft fi pleine d'honnêtetés ,,& de louanges, que j'en fuis confus. Je vous di,,rai feulement, que je n'ai rien vir de votre façon ,,que je n'aye trouvé très-beau & très-naturel, & que ,,j'ai remarqué dans vos Ouvrages un air d'honnête ,,homme, que j'ai encore plus eftimé que tout le re,,fte. C'eft ce qui m'a fait fouhaiter d'avoir commer,,ce avec vous; & puisque l'occafion s'en préfente „aujourd'hui, je vous en demande la continuation & ,,votre Amitié en vous affurant de la mienne. Pour ,,mon eftime vous n'en devez pas douter, puisque ,,vos ennemis même vous l'accordent dans leur cœur, ,,s'ils ne font les plus fottes gens du monde †.

Dans ce tems-là plufieurs vieux Docteurs de l'Univerfité de Paris, appuyés fous main des Jefuites, travaillèrent à obtenir un Arrêt du Parlement, contre ceux qui enfeigneroient dans les Écoles de Philofophie d'autres Principes que ceux d'Ariftote. Un Procédé fi ridicule engagea Mr. Despreaux à compofer un Arrêt Burlesque, en faveur d'Ariftote & contre la nouvelle Philofophie, dont l'effet fut fi heureux, qu'il obligea l'Univerfité à fupprimer la Requête qu'elle alloit préfenter au Parlement. On fongeoit tout de bon, dit-on dans le MENAGIANA, à donner un Arrêt contre la Philofophie de Defcartes, lorsque Mr. Despreaux fit paroître le fien. C'est une bagatelle, qui peut-être plus qu'aucune autre chofe, a empêché que le Parlement n'en ait rendu un véritable. Mr. Boileau le Greffier, ajoûte-t-on, prefenta cet Arrêt à figner à feu Mr. le Premier Président de Lamoignon avec bean

* Dans le Duché de Bourgo

gne.

+ Ces deux Lettres font la

CCLXXX. & CCLXXXII. du 2. Tom. des LETTRES du Comte de Buffi Rabutin, ubi fupr.

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coup d'autres.

Comme c'étoit un Magiftrat fort exact, il les examina les uns après les autres. Quand il fut tombé fur celui de Mr. Despreaux, il dit à Mr. Boileau: Ah, voilà un tour de ton Oncle *!

Dans ce

petit Ouvrage on fait connoître les principales erreurs dont la nouvelle Philofophie nous a guéris, & les vérités oppofées dont nous lui fommes redevables. Il eft intitulé: Arrêt donné en la Grand Chambre du Parnaffe, en faveur des Maîtres ès Arts, Medecins & Profeffeurs de l'Univerfité de Stagyre au Pays des Chimères: Pour le maintien de la Doctrine d'Ariftote.

Quelque tems après Mr. Racine compofa fa Tragédie de Phédre & Hippolite; mais ni le fuccès qu'eut cette Pièce, ni la réputation de l'Auteur, n'empêchèrent pas Mr. Pradon, qui s'étoit déja fait connoître par deux Pièces de Théatre, d'entrer en concurrence avec lui, & de mettre fur la Scène une Phédre & Hippolite de fa façon. Quoiqu'à tout prendre la Tragédie de Mr. Pradon fut fort au deffous de celle de Mr. Racine †, elle ne laiffa pas d'avoir un fi grand nombre de Partifans, que Mr. Racine en conçut de la jaloufie, & fit même ce qu'il pût pour la fupprimer. C'est ce que Mr. Pradon a cru devoir nous apprendre, dans la Préface dont il accompagna cette Pièce, en la donnant au Public. Après avoir dit qu'il feroit à fouhaiter pour le divertissement du Public que plufieurs Auteurs fe rencontraffent quelquefois dans les mêmes fujets, pour faire naître cette noble émulation, qui eft la caufe des plus beaux Ouvrages; il ajoute que quelques Auteurs intéreffés n'avoient pas été de ce fentiment, puisque non feulement ils l'avoient blâmé d'a

*Ménagiana, Tom. II. pag. m. 9. + Un Anonyme qui a fait une Differtation fur ces deux Tragédies, affure, que celle de Mr. Pradon eft mieux intriguée que celle de Mr. Racine, qu'elle fufpend davan

sage les efprits, & qu'elle excite un peu plus la curiofité. Voyez Mr. Baillet, JUGEMENS des Savans, Tom. V. fur les Poëtes, 5. Partie, à l'Article de Pradon, pag. 424.. 425.

voir traité le même fujet que Mr. Racine, mais qu'ils avoient encore tâché d'étouffer fon Ouvrage, & de l'empêcher de paroître.,,En vérité, reprend-il, n'en dé„plaise à ces grands Hommes, ils me permettront de ,,leur dire en paffant que leur procédé & leurs maniè,,res font fort éloignées de ce Sublime qu'ils tâchent ,,d'attraper dans leurs Ouvrages: Pour moi, dit-il, j'ai toujours cru qu'on devoit avoir ce Caractère ,,dans fes Mœurs, avant que de le faire paroître dans ,,fes Écrits, & que l'on devoit être bien moins avi,,de de la qualité de bon Auteur que de celle d'hon,,nête Homme, que l'on me verra toujours préférer ,,à tout le Sublime de Longin. Ces anciens Grecs ,,dont le ftile eft fi fublime, & qui nous doivent fer,,vir de modeles, n'auroient point empêché dans A ,,thènes les meilleures A&trices d'une Troupe de ,,jouer un premier Rôle, comme nos Modernes l'ont „fait à Paris au Théatre de Guenegaud. C'eft ce ,,que le Public a vû avec indignation & avec mépris; ,,mais il m'en a affez vengé, & je lui ai trop d'obli,,gation, pour différer plus long-tems à l'avertir de ,,ce qui fe trame contre lui; on le menace d'une Sa,,tire où l'on l'accufe de méchant goût, peut-être par„ce qu'il a ofé applaudir à mon Ouvrage, & l'on me ,,menace auffi de la partager avec lui, pour avoir „été affez heureux pour lui plaire. La Satire eft une ,,bête qui ne me fait point de peur, & que l'on ,,range quelquefois à la raison; de forte que fi le ,,fuccès de Phédre m'attire quelques traits du Sieur ,,D***, je ne m'en vengerai qu'en faifant mon pof,,fible de lui fournir tous les ans de nouvelles matiè,,res par une bonne Pièce de Théatre de ma façon, ,,afin de mériter une Satire de la fienne, à l'impref,,fion de laquelle je ne m'oppoferai jamais, quoi"qu'on ait voulu empêcher mon Libraire d'imprimer ma Pièce. C'eft une trop plaifante Nouvelle, pour ,,n'en pas réjouir mon Lecteur. Il ne pourra appren

,,dre fans rire que ces Meffieurs veulent ôter la liber,,té aux Auteurs de faire des Pièces de Théatre, aux ,,Comédiens de les jouer, aux Libraires de les im,,primer, & même au Public d'en juger

*

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Mr. Pradon s'en prend ici à Mr. Despreaux, à caufe de l'étroite liaison qu'il avoit avec Mr. Racine, dont il foutenoit les intérêts avec beaucoup de chaleur †.

Il le fit bien voir dans l'affaire du Duc de Nevers, Neveu du Cardinal Mazarin, & Frere de la Du cheffe de Mazarin, que Mr. de St. Evremond a tant célèbrée. Ce Seigneur qui étoit Ami de Mr. Pradon, & qui favoit, que Mr. Racine aimoit la Chanmêlé, fameufe Comédienne qui jouoit le Rôle de Phédre dans fa Tragédie, fit un Sonnet, où, en marquant le fujet de cette Pièce, il en fait en même tems la Critique. Le voici :

Dans un fauteuil doré Phédre tremblante & blême
Dit des Vers, où d'abord perfonne n'entend rien;
Sa Nourrice lui fait un Sermon fort Chrétien
Contre l'affreux deffein d'attenter fur foi-même.

Hippolite la hait bien plus qu'elle ne l'aime;
Rien ne change fon air & fon chafte maintien ††:
La Nourrice l'accufe, elle s'en punit bien:
Thefee a pour fon fils une rigueur extrême.

Une groffe Aricie au teint rouge, aux crins blonds,
N'eft là que pour montrer deux énormes tetons
Que malgré fa froideur Hippolite idolâtre.

* Pradon, Préface de PHEDRE ET HIPPOLITE.

+ Mr. Despreaux n'avoit pas alors parlé de Mr. Pradon dans fes Ouvrages: & quoi que fon nom fe trouve dans la Satire VII. & IX. ce n'eft que dans les Edi

tions poftérieures à celle de 1685. qu'il y a été fubftitué à la place de celui de Mr. Bourfault. Il en a ufé de même à l'égard de quelques autres Auteurs.

++ Vers de Mr. Racine.

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