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de Poëfies. Chapelain, par exemple, s'eft fait eftimer par une Ode, & s'eft rendu ridicule par fon Poëme héroïque de LA PUCELLE; Quinault a échoué dans fes Tragédies, & cependant il a fi bien réuffi dans fes Opera, que perfonne n'a encore pu l'égaler dans cette espèce de Poëfie; &c. Mr. Despreaux ayant remarqué que la plupart des Poëtes qu'il avoit critiqués dans fes Satires, n'avoient fi mal réuffi que pour n'avoir pas bien confulté leur Génie, & ne s'être pas affez inftruits des Régles de la Poëfie Françoife; il travailla à une Poëtique, pour empêcher, s'il étoit poffible, que les Poëtes François ne retombaffent dans ce défaut. Ce n'eft pas que Ronfard, Pelletier, & quelques autres n'euffent traité cette matière mais outre qu'ils n'avoient pas une jufte idée du génie de leur Langue, ils ne connoiffoient encore ni la douceur, ni l'harmonie, ni la févérité de la Poëfie Françoise. Ainfi leurs Préceptes font trop défectueux pour fervir aujourd'hui de Régle.

Mr. Despreaux ne pouvoit donc pas donner un Ouvrage plus utile à fa Nation, que fon ART POETIQUE. Mais au lieu que les Auteurs dont je viens de parler, n'avoient écrit les leurs qu'en Profe, il compofa le fien en Vers, à l'imitation d'Horace, & le divifa en quatre Chants. Il imita auffi cet illuftre Ancien, en ce qu'il ne fe contenta pas de donner les Régles qu'il faut fuivre dans chaque genre de Poëfie: mais qu'il cita auffi divers Auteurs vivans, & les propofa comme des exemples de plufieurs défauts qu'il falloit foigneufement éviter.

L'Art Poëtique parut pour la première fois dans la nouvelle Édition que Mr. Despreaux donna de fes Ouvrages en 1674. Il y joignit le TRAITÉ du Sublime, ou du Merveilleux dans le Difcours, qu'il avoit traduit du Grec de Longin. Cette Traduction eft accompagnée d'une Préface, où Mr. Despreaux donne d'abord un Abrégé de la Vie de Longin, Il fait en

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fuite l'Éloge de fon Traité du Sublime, qui eft le feul de plufieurs Ouvrages que cet habile Rhéteur avoir compofés, qui foit paffé jusqu'à nous : & après avoir parlé des différentes Traductions Latines qui en ont été faites, il marque la Méthode qu'il a fuivie dans la fienne, & les difficultés qu'il a rencontrées. Enfin, il avertit que dans Longin par Sublime il faut entendre l'extraordinaire, le furprenant, &, comme il l'a traduit lui-même, le Merveilleux dans le Difcours : & il en donne pour exemple ce paffage de Moyfe rapporté par Longin même: Dieu dit: Que la Lumière fe faffe, & la Lumière fe fit. Mr. Despreaux fit fuivre cet Ouvrage de quelques Remarques, où il explique le Texte de Longin, & rend compte de fa Traduction.

Comme l'Avertiffement que Mr. Despreaux mit à la tête de cette Edition eft curieux, & qu'il l'a retranché des Éditions fuivantes, je le rapporterai ici tout au long, fans craindre, Monfieur, que vous le trouviez hors de fa place; & je continuerai même d'en ufer ainfi dans la fuite, pour conferver ces fortes de petites Pièces.

,,J'avois médité, dit Mr. Despreaux, une affez ,,longue Préface, où, fuivant la coutume reçue par-. ,,mi les Écrivains de ce tems, j'efpérois rendre un ,,compte fort exact de mes Ouvrages, & juftifier les ,,libertés que j'y ai prifes. Mais depuis j'ai fait réfle,,xion, que ces fortes d'Avant-propos ne fervoient ,,ordinairement qu'à mettre en jour la vanité de l'Au,,teur, & au lieu d'excufer fes fautes, fourniffoient. ,,fouvent de nouvelles armes contre lui. D'ailleurs ,,je ne crois point mes Ouvrages affez bons pour mé,,riter des éloges, ni affez criminels pour avoir be,,foin d'Apologie. Je ne me louerai donc ici, ni ne ,,me juftifierai de rien. Le Lecteur faura feulement ,,que je lui donne une Édition de mes Satires plus ,,correcte que les précédentes, deux, Épîtres nouvel

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>>les l'Art Poëtique en Vers, & quatre Chants du >>Lutrin. J'y ai ajouté auffi la Traduction du Traité >>que le Rhéteur Longin a compofé du Sublime ou »du Merveilleux dans le Difcours. J'ai fait originai>>rement cette Traduction pour m'inftruire, plûtôt que »dans le deffein de la donner au Public. Mais j'ai >>cru, qu'on ne feroit pas fâché de la voir ici à la »fuite de la Poëtique, avec laquelle ce Traité a quel>>que rapport, & où j'ai même inféré plufieurs Pré»ceptes qui en font tirés. J'avois deffein d'y joindre >>auffi quelques Dialogues en profe que j'ai compo»fés: mais des confidérations particulieres m'en ont »empêché. J'espère en donner quelque jour un Vo»lume à part. Voilà tout ce que j'ai à dire au Le»cteur. Encore ne fais-je, fi je ne lui en ai point »déja trop dit; & fi en ce peu de paroles je ne fuis >>point tombé dans le défaut que je voulois éviter.

Les Dialogues en profe dont parle ici Mr. Despreaux n'ont point encore paru: à la referve du DIALOGUE DES MORTS, dont nous n'avons même qu'une Copie très-imparfaite, comme je l'ai déja remarqué.

Au refte, il y a dans l'Édition dont je viens de. parler une chose trop finguliere & trop glorieuse à Mr. Despreaux pour ne pas la rapporter ici. Le Roi Très-Chrétien qui s'est toujours plû à faire fleurir les Sciences & les Belles-Lettres dans fon Royaume, avoit voulu, qu'on lui fît la Lecture des Ouvrages de Mr. Despreaux, à mefure qu'il les compofoit: mais il ne fe contenta pas de l'approbation qu'il leur donnoit en particulier, il voulut la rendre publique; car Mr. Despreaux ayant fupplié Sa Majefté de hui accorder un Privilège pour réimprimer fes premières Pièces, & en publier de nouvelles, Elle ordonna qu'on feroit connoître dans le Privilège le plaifir qu'Elle avoit pris à la Lecture de ces Ouvrages. En voici les propres

* C'eft la II. & la III.

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Termes : LOUIS &c. Notre cher & bien Amé le Sieur D *** nous a très-humblement remontré, qu'il auroit fait divers Ouvrages; favoir l'Art Poëtique en Vers, un Poëme intitulé le Lutrin, plufieurs Dialogues, Difcours, & Epîtres en Vers, & la Traduction de Longin, lesquels il defireroit faire imprimer, & réimprimer une feconde fois fes Satires dont le Privilège eft expiré, s'il Nous plaifoit lui accorder nos Lettres de permiffion fur ce néceffaires: A CES CAUSES, defirant favorablement traiter ledit Sieur D***, & donner au Public par la lecture de fes Ouvrages, la même fatisfaction que Nous en avons reçue; Nous lui avons permis & permettons par ces préfentes fignées de notre main, de faire imprimer lesdits Ouvrages &c.

Mais le Roi Très-Chrétien ne fe contenta pas de lui avoir donné cette marque particuliere de fon eftime: il le gratifia auffi d'une Penfion; comme Mr. Despreaux lui-même nous l'apprend dans une EPITRE † qu'il compofa quelque tems après, & qu'il adreffa à Mr. de Guilleragues, Secretaire du Cabinet du Roi. Après avoir dit qu'il avoit renoncé au Barreau, pour s'attacher à la Poêfie ††, il ajoute :

Dès lors à la richeffe il fallut renoncer.
Ne pouvant l'acquérir, j'appris à m'en passer:
Et fur-tout redoutant la baffe fervitude,
La libre Vérité fut mon unique étude.
Dans ce métier funefte à qui veut s'enrichir,
Qui l'eût cru? que pour moi le fort dût fe fléchir.
Mais du plus grand des Rois la bonté fans limite,
Toujours prête à courir au devant du mérite,

Il eft daté du 28. de Mars, 1674.

+ C'est l'Épître V.

+ Voyez ci-dessus pag. 28.

Crut voir dans ma franchife un mérite inconnu,
Et d'abord de fes Dons enfla mon revenu.
La Brigue ni l'Envie à mon bonheur contraires,
Ni les cris douloureux de mes vains Adverfaires,
Ne purent dans leur courfe arrêter fes bienfaits.
C'en eft trop: mon bonheur a passé mes fouhaits.
Qu'à fon gré déformais la Fortune me joue,
On me verra dormir au branle de fa roue.
Si quelque foin encore agite mon repos,

Ceft l'ardeur de louer un fi fameux Héros, &c.

Vous n'ignorez pas, Monfieur, que les Habitans 1675 de Meffine qui s'étoient fouftraits à la domination des Efpagnols en 1674. pour fe donner à la France, fe trouverent dans une grande difette de Vivres au commencement de l'année fuivante. Les Espagnols avoient empêché, qu'ils n'en reçuffent du côté de terre, pendant que leur Flotte, compofée de vingt Vaiffeaux de Guerre & de dix-fept Galeres, bloquoit l'entrée du Fare. Cependant Mr. le Duc de Vivonne, qui étoit nommé à la Vice-Royauté de Sicile, étant parti de Toulon avec neuf Vaiffeaux de Guerre, une Frégate légere, trois Brûlots & huit Barques chargées de Vivres, arriva à la vûe de la Flotte Efpagnole le 11. de Février, & l'attaqua. Après un Combat de quelques heures fort rude & fort opiniatre, les Flottes fe féparerent: Mais Mr. de Vivonne ayant été joint par, fix Vaiffeaux de Guerre, qui étoient devant Meffine, attaqua de nouveau la Flotte Efpagnole, &, malgré l'inégalité des Forces, l'obligea de fe retirer avec perte. Il entra le lendemain dans le Fare, avec les Vivres qu'il deftinoit aux Meffinois. Mr. Despreaux étoit trop connu de Mr. de Vivonne, pour ne pas le féliciter fur une Action si hardie & fi

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