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Deux ans après Mr. Perrault compofa un Poëme, 168– intitulé: LE SIÈCLE DE LOUIS LE GRAND, qui donna lieu à la fameuse difpute fur la Préférence des Anciens & des Modernes, où Mr. Despreaux a eu tant de part. Mais comme le nom de Perrault eft commun à plufieurs Auteurs, & qu'on les a fouvent confondus; il ne fera, peut-être, pas inutile d'en parler ici en peu de mots, pour vous faire mieux connoître l'Adverfaire de Mr. Despreaux.

Il y a eu en France quatre hommes de Lettres qui ont porté le nom de Perrault, & qui étoient tous quatre Freres :

I. PIERRE PERRAULT, Receveur des Finances de la Généralité de Paris, qui donna en 1674. un Traité DE L'ORIGINE DES FONTAINES; & en 1678. la Traduction du Poëme Italien du Taffoni, intitulé: LA SECCHIA RAPITA.

II. NICOLAS PERRAULT, Docteur de Sorbonne, qui mourut en 1661. Il eft Auteur d'un Traité de la THÉOLOGIE MORALE &c. imprimé en 1667.

III. CLAUDE PERRAULT, Médecin de la Faculté de Paris, & de l'Académie Royale des Sciences. Il a publié quatre Volumes d'ESSAIS DE PHYSIQUE; des MÉMOIRES pour fervir à l'Hiftoire naturelle des Animaux, dreffés fur les diffections faites dans l'Académie Royale des Sciences; une Traduction Françoise de VITRUVE, entreprise par ordre du Roi & accompagnée de Notes très-favantes: elle parut pour la premiere fois en 1673. & pour la feconde en 1684; un ABRÉGÉ DE VITRUVE; un Livre, intitulé: ORDONNANCE DES CINQ ESPÈCES DE COLOMNES SELON LA MÉTHODE DES ANCIENS; & quelques autres Ouvrages. Sa Traduction de VITRU VE, dit Mr. Vaultier dans fon Édition du Mo

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RERI lui fit tout l'honneur qu'il pouvoit efpérer. Il y fit connoître, ajoute-t-il, qu'il entendoit parfaitement toutes les différentes chofes dont parle Vitruve, telles que font la Peinture, la Sculpture, la Mufique, les Hydrauliques, les Machines & tout ce qui appartient aux Méchaniques. Mr. Perrault, continue-t-il, avoit de plus une adreffe merveilleuse pour definer l'Architedure & tout ce qui en dépend. Tous les Deffeins fur lefquels les Planches de fon Vitruve furent gravées fortirent de fa main, & ils fe trouverent plus exacts & furent plus eftimés que les Planches même, quoiqu'elles foient d'une beauté finguliere. C'eft auffi lui qui a def finé les figures Anatomiques que l'on voit dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, pour l'Hiftoire naturelle des Animaux, Ce fut fur les def feins de Mr. Perrault, dit encore Mr. Vaultier, que furent élevés l'admirable façade du Louvre du côté de Saint Germain l'Auxerrois, le grand modele de l'Arc de Triomphe au bout du fauxbourg St, Antoine, l'Obfervatoire, & la Chapelle de Sceaux, Il mourut en 1688. Vous trouverez fon éloge dans les dernieres Éditions du MORERI de Paris †.

IV. CHARLES PERRAULT, Auteur du Poëme dont j'ai parlé, cultiva les Belles-Lettres dès fa Jeuneffe: & commença à fe faire connoître avec avantage par un DIALOGUE DE L'AMOUR ET DE L'AMITIÉ, qui fut bien-tôt fuivi de deux ODES; l'une fur la Paix des Pyrénées, l'autre fur le Mariage du Roi. Son tt habileté pour les Arts & fa probité, foutenues d'un grand fonds d'équité lui mériterent l'eftime & la confiance de Mr. Colbert, qui le choifit pour premier Commis des Bâtimens, dont il étoit Surintendant. Mr. Perrault en fut enfuite Contrôleur général, ce qui lui donna inspection fur tout ce

A l'Article (Claude) PERRAULT: Edit. de Paris, 1707. + Ubi fupra.

tt MORERI ubi fupra, à l'Article de [Charles] PERRAULT.

qui avoit rapport aux bâtimens du Roi, & à leurs Ornemens. Mais il ne fe fervit du crédit que lui donnoit cet emploi que pour faire fleurir les Sciences & les Arts, & pour ménager des récompenfes ou des penfions à ceux qui y excelloient ou qui avoient du génie pour y réuffir. C'eft fur les Mémoires qu'il donna à Mr. Colbert que furent formées les Académies de Peinture, de Scul pture, & d'Architecture * & il eut l'honneur d'entrer des premiers dans celle des Sciences, & dans celle des Infcriptions. Après la mort du Chancelier Seguier **, il procura à l'Académie Françoife *** l'honneur d'être reçue dans le Louvre pour y tenir fes Affemblées, & obtint qu'on donneroit à tous les Académiciens un Jetton d'argent de la valeur de vingt fols, chaque jour qu'ils s'affembleroient, moins pour les inviter & déterminer à l'affiduité, qui jusqu'alors avoit été gratuite, que pour regler le tems & la durée de leur travail.

La

mort de Mr. Colbert † le remettant dans l'indépendance, & fe trouvant maître de fon loifir, il le dévoua tout entier aux Mufes. Le Poëme fur la PEINTURE qui avoit paru dès 1668, & l'ÉPITRE qu'il adrefía à Mr. de la Quintinie ††, ont eu l'approbation des Connoiffeurs. Le Poëme de ST. PAULIN, Evêque de Nole, qu'il donna en 1686. confirme l'opinion de ceux qui croyent, qu'un fujet pris de la Religion Chrétienne ne fauroit réuffir dans un Poëme Héroïque. On peut dire à peu près la même chofe du Poëme Chrétien, qu'il publia en 1697, intitulé: ADAM, OU LA CRÉATION DE L'HOMME, SA CHUTE ET SA RÉPARATION. Il a auffi publié quelques Contes †††. ,,Dans tous ces Ouvrages, dit Mr. Vaultier, on fut

* Voyez ci-deffus, page 68, ** Il mourut le 28. de Janvier, 1672.

*** Il y avoit été reçu le 23. de Novembre, 1671.

+ En 1683. le 6. de Septembre. tt Directeur des Jardins potagers du Roi, fi connu par fon IN

e v..

STRUCTION pour les Jardins frui tiers & potagers.

+++ Outre ces Ouvrages de Mr. Perrault, nous avons encore de lui: LES HOMMES illuftres qui ont paru en France pendant ce Siècle ; une Traduction des FABLES de Faërne, &c.

LE SIÈCLE

étonné des défcriptions exactes qu'on y voyoit. Ja,,mais Poëte ne fouilla fi avant dans la Nature, & ne ,,fit des peintures plus vives & plus naturelles, mê,,me des chofes qui paroiffoient les plus ingrates. Il ,,pourroit être regardé comme Original dans ce gen,,re. Il ne fe paffoit guere de jours extraordinaires ,,de l'Académie où il ne lut quelque chofe de fa fa,,çon, ce qui faifoit toujours plaifir à l'Affemblée *. Le Siècle de Louis LE GRAND y fut lu en 1687, le jour que l'Académie s'affembla extraordinairement pour témoigner fa joie de la guérison du Roi Très-Chrétien.,,Le fujet de ce Poëme étoit de ,,faire voir, que les Modernes ne cédent en rien aux ,.Anciens, dans tous les Beaux-Arts, & les furpaf,,fent même en plufieurs chofes; ce fentiment parta„gea l'Académie en deux Partis oppofés: ce Poëme ,,fut applaudi par tous ceux qui préférent les Mo,,dernes aux Anciens, & les Partifans de l'Antiquité ,,témoignerent de l'indignation de cette préférence, ,,& dirent que les Anciens trouveroient des Défen,,feurs, qui répareroient l'injure qu'on leur faifoit. Il ,,fe forma parmi les fpectateurs de ce démêlé un troi,,fième Parti, compofé de ceux qui crurent, que les ,, Anciens ont excellé en certains Ouvrages, au def,,fus des Modernes, & qu'il y avoit auffi des Moder,,nes, qui avoient furpaffé les Anciens en d'autres ; ,,& ceux-là fe réferverent pour en juger plus en dé,,tail fur les raifons qui feroient alléguées par les deux ,,Partis oppofés.

C'eft conformément aux idées de ce troisième Par ti, que Mr. de Callieres compofa l'Ouvrage, d'où j'emprunte ces paroles, intitulé: HISTOIRE POETIQUE de la Guerre nouvellement déclarée entre les An

ciens & les Modernes ** où il feint, que le Poëme

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* MORERI, ubi fupra. ** Cet Ouvrage eft fait fur le modele du PARNASSE reformé, & de la GUERRE des Au

teurs de Mr. Gueret, Avocat au Parlement de Paris. Voyez fon Article dans le MORERI, ubi fupra.

de Mr. Perrault ayant été lu fur le Parnaffe, y excita une Guerre entre les Anciens & les Modernes, c'est-à-dire, les Écrivains Grecs & Latins; & les François, Italiens & Efpagnols, où les Anciens remporterent prefque tout l'avantage. On trouve dans cet Ouvrage une Critique fine & judicieufe des uns & des autres; & le Poëme de Monfieur Perrault y eft cenfuré à fon tour. La vérité eft, que cet ardent Défenfeur des Modernes n'avoit pas affez de connoiffance du Grec pour bien juger des Auteurs qui ont écrit dans cette Langue. Et c'est ce qui donna lieu à l'ingénieux Hiftorien de la Guerre Poëtique, de dire, qu'Apollon s'étant rendu fur le Parnaffe, pour y mettre la Paix, & ayant d'abord fait appeller Homere, qui étoit le Général des Anciens: He bien! mon Pere, lui dit-il, ces jeunes gens, en montrant les Modernes, ont entrepris de vous faire la guerre; il faut que you's leur pardonniez s'ils ne vous rendent pas tout ce qu'ils vous doivent, c'eft qu'ils ne vous entendent pas, & je fai que la plupart d'entr'eux parlent de vous fans vous connoître; mais je vous ferai juftice, & je les mettrai dans le devoir à votre égard *

Mr. de Fontenelle ayant donné en 1688. un Vo-1688 lume de Poëfies paftorales, avec un Traité fur la nature de l'Eglogue, il y ajouta une Digreffion fur les Anciens & fur les Modernes, où il examine les Eglogues des Anciens, & infinue finement, que fi quelqu'un s'avifoit aujourd'hui d'en faire de femblables, il n'auroit pas beaucoup d'approbateurs. C'étoit à cet égard-là donner la préférence aux Modernes. Mr. Perrault ne fe contenta pas d'avoir expliqué fon fentiment dans le Poëme dont je viens de parler, il travailla à le prouver dans un Ouvrage écrit en forme de Dialogue, & intitulé: Parallèle des Anciens & des Modernes. Le premier Volume, qui regarde les Arts & les Sciences, parut en 1688; le fecond, qui traite

* HISTOIRE Poëtique de la Guerre, &c. p. m. 178.

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