Ce récit paffe un peu l'ordinaire mefure; Mais un exemple enfin fi digne de cenfure, Peut-il dans la Satire occuper moins de mots? Chacun fait fon métier; fuivons notre propos. 345 Nouveau Prédicateur aujourd'hui, je l'avoue, Écolier, on plutôt finge de Bourdaloue, Je me plais à remplir mes Sermons de portraits. En voilà déja trois, peints d'affez heureux traits, La Femme fans honneur, la Coquette, & l'Avare. 350 Il faut y joindre encor la revêche Bizarre, Qui fans ceffe d'un ton par la colere aigri, Gronde, choque, dément, contredit un Mari. Il n'eft point de repos ni de paix avec elle. Son mariage n'eft qu'une longue querelle. 355 Laiffe-t-elle un moment refpirer fon Époux? Ses valets font d'abord l'objet de fon courroux, Et fur le ton grondeur, lorfqu'elle les harangue, Il faut voir de quels mots elle enrichit la Langue. L iij cules, & des injures populaires; comme: un grand Frelampier ; un Epétier, pour un Homme d'Epée; une grande Bacoule; une Pimbefche, une grande Orbefche; &c. Il faut remarquer, que ces deux derniers noms font les originaux des qualités de la Comteffe des Plaideurs de Racine: Comteffe de Pimbefche, Orbefche, & cetera. Notre Poëte, qui entendoit tous ces termes-là vingt fois par jour, les rédifoit à fes Amis. Il en faifoit auffi rire quelquefois Mr. le Premier Président de Lamoignon; & ce grand Magiftrat ne dédaignoit pas de s'en fervir luimême pour fe divertir. Il n'appar Ma plume ici traçant ces mots par alphabet, Tu crains peu d'effuyer cette étrange furie : Mais eut-elle fucé la Raifon dans Saint Cyr, Tout à coup fe changeant en Bourgeoifes fauvages, 370 Vrais Démons, apporter l'Enfer dans leurs ménages, Et découvrant l'orgueil de leurs rudes efprits, Sous leur fontange altiere affervir leurs Maris? Et puis, quelque douceur dont brille ton Épouse, tient pas à des Bacoules comme vous, jeunes Demoifelles, qui n'ont pas VERS 360. tout ce qui peut convenir à leur qualité & à leur fexe; afin qu'en fortant de cette Maifon, ou pour s'établir dans le monde, ou pour embraffer la vie Religieufe, elles portent dans tout le Royaume, des exemples de modeftie & de vertu. Cet établiffement eft du aux foins, & à la piété de Madame de Main tenon. VERS 364. Dans Saint Cyr.] En l'année 1686. le Roi fit VERS 372. Sous leur Fontange albatir à St. Cyr, près de Verfailles, tiere.) Fontange, noeud de ruban une magnifique Maison, à laquelle que les Dames portent fur le devant il a attaché de très-grands revenus de la tête, pour attacher leur coëfpour l'entretien, ou pour l'établis- fure. Ce nom eft venu de Madame fement de deux cens cinquante la Ducheffe de FONTANG E, très Penses-tu, fi jamais elle devient jalouse, 375 Que fon ame livrée à fes triftes foupçons, De la Raifon encor écoute les leçons? Alors, Alcippe, alors tu verras de fes œuvres. Réfous-toi, pauvre Époux, à vivre de couleuvres: A la voir tous les jours, dans fes fougueux accès, 380 A ton gefte, à ton rire intenter un procès: Souvent de ta maifon gardant les avenues, Les cheveux hériffés, t'attendre au coin des rues; Te trouver en des lieux de vingt portes fermés, Et par-tout où tu vas, dans fes yeux enflammés 385 T'offrir, non pas d'Ifis la tranquille Eumenide, Mais la vraie Alecto peinte dans l'Éneïde, Un tifon à la main chez le Roi Latinus, Soufflant fa rage au fein d'Amate & de Turnus. Liv belle perfonne, qui porta la pre- Opéra, remarqua que l'Acteur, qui miere un ruban ainfi noué. VERS 374. Si jamais elle devient jaloufe.) Ce portrait de la femme jaloufe, eft ici un caractère général. VERS 378. A vivre de Cou leuvres.) Avaler des Couleuvres, eft une expreffion proverbiale, qui fignifie, fouffrir bien des chofes fàcheufes que l'on nous dit, ou que Pon nous fait; fans que nous en ofions témoigner notre déplaifir. Et, Vivre de Couleuvres, c'eft être expofé tous les jours à ces fortes de chagrins, VERS 385. d'lfis la tran quille Eumenide.) Furie dans l'Opéra d'Ifis, qui demeure prefque toûjours fans action. Mr. Despreaux étant à une représentation de cet faifoit le rôle de la Furie, s'ennuyant d'être long- temps fans rien faire fur le Theatre, bâilloit de temps en temps; qu'a chaque baillement il faifoit de grands fignes de croix fur fa bouche, comme font dit à ceux avec qui il étoit: Voyez, les bonnes gens. Mr. Despreaux voyez la Furie, qui fait des fignes de Croix. ces deux mots eft heureufe en cet Tranquille Eumenide: L'union de endroit; car Eumenides eft un mot grec qui, dans fon fens primitif, fignifie Tranquille: & c'eft par Antiphrafe que l'on y a attaché un fens contraire, en donnant ce nomlà aux Furies, à caufe de leur cruauté. VERS 386. Mais la vraie Alecto &c,) Une des Furies. Voyez le Livre VII. de l'Enéïde de Virgile. Mais quoi? je chauffe ici le cothurne Tragique. 390 Reprenons au plutôt le brodequin Comique, Et d'objets moins affreux fongeons à te parler. Dis-moi donc, laiffant là cette Folle heurler, T'accommodes-tu mieux de ces douces Ménades, Qui, dans leurs vains chagrins, fans mal toûjours malades, 395 Se font des mois entiers fur un lit effronté Traiter d'une vifible & parfaite fanté; Et douze fois par jour, dans leur molle indolence, A chaffer un Valet dans la maison chéri, VERS 393. ou qu'elle eût obtenu ce qu'on lui refufoit. Mr. Perrault, qui étoit fon Médecin, la trouvoit effectivement malade. Un jour Mr. Boileau en fit appeller un autre: c'étoit Mr. Rainfant; mais il gâta tout; car quelques façons qu'elle fit pour pa roître malade, jamais ce Médecin ne put trouver qu'elle le fut. VERS 412. Courtois & Denyau.) Deux Médecins de la Faculté de VERS 394. Sans mal toujours malades.) L'Auteur a encore copié ce caractère d'après fa Belle-Soeur, dont on a parlé fur les vers 18. 350. & 358. Quand fon mari ne vouloit pas lui donner tout ce qu'elle avoit envie d'avoir, elle contretaifoit la malade, & fe mettoit au lit, jusVERS. 414. Cette fanté d'Ath qu'à ce que fa fantaisie fût paffée, lete.) Allufion à l'Aphorifme troi Paris. Et qui loin d'un Galant, objet de fes defirs.... 410 Ne lui vois-je une vraie & trifte maladie! Mais ne nous fâchons point. Peut-être avant deux jours, 415 Pour confumer l'humeur qui fait fon embonpoint, Au tombeau mérité la mettre dans les formes. Mais à quels vains difcours eft-ce que je m'amuse? Il faut fur des fujets plus grands, plus curieux, Attacher de ce pas ton efprit & tes yeux. 425 Qui s'offrira d'abord? Bon, c'eft cette Savante, Qu'eftime Roberval, & que Sauveur fréquente. fieme d'Hippocrate. Les Athletes fe VERS 417. Et fuyant de Fagon.) VERS 426. Qu'eftime Roberval, L v ROBERVAL, Géomètre & Profeffeur Royal en Mathématiques. Il étoit de l'Académie des Sciences, & mourut en 1675. JOSEPH SAUVEUR: autre favant Mathématicien, Profeffeur au College Royal, & de l'Académie Royale des Scien ces. les Mathématiques auRoi d'Efpagne Il a eu l'honneur d'enfeigner Freres. §. Il mourut le 9. Juillet Philippe V. & aux deux Princes fes 1716. en fa 64. année. Voyez fon Eloge dans l'Hiftoire de l'Académie Royale des Sciences, Ann. 1716. pag. 97. & fuiv. de l'Éd. d'Amft.' |