Et chacun l'un de l'autre adorant les caprices, 30 Nous cherchons hors de nous nos vertus & nos vices, Miférables jouets de notre vanité, Faifons au moins l'aveu de notre infirmité. 1 A quoi bon, quand la fievre en nos arteres brûle, Faire de notre mal un fecret ridicule? 35 Le feu fort de vos yeux pétillans & troublés; 40 Mais cependant voilà tout fon corps gangréné: Prévenons fagement un fi jufte malheur. Le jour fatal eft proche, & vient comme un voleur. 45 Avant qu'à nos erreurs le Ciel nous abandonne, Profitons de l'inftant que de grace il nous donne. Hâtons-nous; le Temps fuit, & nous traîne avec foi. Le moment où je parle eft déja loin de moi. Mais quoi? toûjours la honte en efclaves nous lie. so Oui, c'est toi qui nous perds, ridicule folie: C'est toi qui fis tomber le premier Malheureux, Le jour que d'un faux bien fottement amoureux, Et n'ofant foupçonner fa femme d'imposture, Au Démon par pudeur il vendit la Nature. 55 Hélas! avant ce jour qui perdit fes Neveux, Tous les plaifirs couroient au devant de fes vœux. Vigilate ergo, dit JESUS-CHRIST, VERS 48. Le moment où je parle eft deja loin de moi.) L'Auteur qui fe levoit ordinairement fort tard, étoit encore au lit la premiere fois qu'il récita cette Épitre à Mr. Arnauld, qui l'étoit venu voir dès le matin. Quand il en fut à ce vers, ille prononça d'un ton léger & rapide, comme il doit être récité, pour exprimer la rapidité du temps qui s'enfuit. Mr. Arnauld, frappé de la légereté de ce vers, fe leva brusquement de fon fiege; & marchant fort vite par la chambre, comme un R iij moins homme qui fuit, il redit plufieurs IMIT. Ibid. Le moment où je parle &c.) Perfe, Satire V. v. 153. fugit hora; hoc quod loquor, inde eft. IMIT. Vers 56. Tous les plaifirs couroient au devant de fes vaux, &c.) Virgile, Églogue IV. v. 28. Molli paulatim flavefcet campus aristá, Incultisque rubens pendebit fenti bus uva; La faim aux animaux ne faifoit point la guerre: Le bled pour fe donner, fans peine ouvrant la terre, N'attendoit point qu'un boeuf, preffé de l'éguillon, o Traçat à pas tardifs un pénible fillon. La vigne offroit par-tout des grappes toûjours pleines, D'un tribut de douleurs paya fon attentat. La Pefte en même temps, la Guerre & la Famine 75 Mais aucun de ces maux n'égala les rigueurs 85 Trifte & funefte effet du premier de nos crimes! Moi-même, ARNAULD, ici, qui te prêche en ces rimes, Plus qu'aucun des Mortels par la honte abattu, En vain j'arme contre elle une foible vertu. Riv Ipfa quoque immunis, raftroque in: Et Horace, Epod. XVI. v. 43. tacta, nec ullis Reddit ubi Cererem tellus inarata quotannis, Et imputata floret usque vinea. &c. VERS 60. Traçât à pas tardifs un pénible fillon.) Ce vers marque bien la démarche pefante d'un boeuf. Un pénible fillon: Cette figure eft femblable à l'hérétique douleur, du douzieme vers; & au lit effronté, de la Satire X. vers 345. VERS So. Pour toute honte alors compta la pauvreté.) Un Prélat, qui` d'ailleurs avoit du mérite, avoit pris le caractère exprimé dans ce vers. Ainfi toûjours douteux, chancelant & volage, 95 Soudain aux yeux d'autrui s'il faut la confirmer, Il ne faifoit cas d'un homme qu'à proportion du bien qu'il avoit: faifant confifter tout le mérite & tout l'honneur dans les richeffes. IMIT. Vers 90. A peine du limon &c.) Horace, Livre II. Satire VII. vers 27. Nequicquam cano cupiens evellere VERS 92, Que l'autre m'y reporte, & s'embourbe à l'inftant,) L'Auteur avoit ainfi exprimé sa pensée : A peine du limon, où le vice m'en- J'arrache un pied timide, .... bourbe à l'inftant. La difficulté étoit d'achever le fe cond vers. Il confulta Mr. RACINE, qui trouva la chofe trèslui dit le lendemain la fin du vers: difficile. Cependant Mr. Despreaux & fors en m'agitant. Cette fin eft d'autant plus belle, qu'elle fait une image qui n'eft pas dans le vers d'Horace: Nequicquam cano cupiens evellere plantam. |