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Il s'avance en courroux. Le plomb vole à l'inftant, 120 Et pleut de toutes parts fur l'efcadron flottant.

Du falpêtre en fureur l'air s'échauffe & s'allume; Et des coups redoublés tout le rivage fume. Déja du plomb mortel plus d'un Brave eft atteint: Sous les fougueux courfiers l'Onde écume & fe plaint, 125 De tant de coups affreux la tempête orageuse

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Tient un temps fur les eaux la fortune douteuse.
Mais LOUIS d'un regard fait bientôt la fixer.
Le Deftin à fes yeux n'oferoit balancer.

Bientôt avec Grammont courent Mars & Bellone;

Il repaffa au travers des Ennemis,
& vint rejoindre l'Amiral qu'il
avoit fauvé. Il fe diftingua encore
au paffage du Rhin.

VERS 115.
Trente légers
vaiffeaux.) Des bateaux de Cuivre,
dont nous avons parlé fur le vers
58.

VERS 119. Il s'avance en cour-
roux.] Ceci n'eft point dit au ha-
zard car dans le temps du paffage,
& pendant la nuit précédente les
eaux du Fleuve furent extrême-
ment agitées par le vent.

Sij

ornemens de leurs Poëmes. En effet peut-on voir de plus belle Poèfie que celle-ci ?

C'étoit peu que fa main, conduite par l'Enfer,

Eût paitri le falpêtre, eût aiguifé le fer. &c. Satire VIII. v. 153. De cent foudres d'airain tournés contre fa tête, &c. Ép. IV. v. 54. Du falpêtre en fureur l'air s'échauffe &'allume, &c. vers 121, Et les bombes dans les airs Allant chercher le tonnerre, Semblent, tombant fur la terre, Vouloir s'ouvrir les Enfers. Ode fur Namur, St. 10.

VERS 121. Du falpêtre en fureur l'air s'échauffe & s'allume.) L'Auteur m'a dit, qu'il étoit le premier de nos Poëtes qui eût parlé en vers de l'Artillerie moderné, & de ce qui en dépend comme les Canons, les Bombes, la Poudre, le Salpêtre; dont les noms font pour le moins Ces images font d'autant plus auffi beaux & les images auffi mabelles, qu'elles font vraies, au lieu gnifiques que celles des dards, des que fi le Poëte avoit parlé de jave lors & de dards, fes peintures Heches, des boucliers, & des autres armes anciennes. Si la poudre à & fes defcriptions auroient été canon avoit été en ufage fauffes. dans l'Antiquité, Homere & Virgile en auroient fait fans doute les plus grands

VERS 129. & 130. Bien-tôt avec Grammont courent Mars & Bellone, Le

130 Le Rhin à leur afpect d'épouvante friffonne:

Quand pour nouvelle alarme à fes efprits glacés, Un bruit s'épand, qu'Enguien & Condé font paffés:' Condé, dont le feul nom fait tomber les murailles, Force les escadrons, & gagne les batailles : 135 Enguien, de fon hymen le feul & digne fruit, Par lui dès fon enfance à la Victoire inftruit. L'Ennemi renverfé fuit & gagne la plaine.

Le Dieu lui-même céde au torrent qui l'entraîne,

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Et feul, défefpéré, pleurant fes vains efforts,

140 Abandonne à LOUIS la victoire & fes bords.

mettant toûjours la victoire du côté des Dieux fupérieurs en puissance.

VERS 132. Qu' Enguien & Condé funt paffés.] Condé: Mr. le Prince de CONDE, LOUIS II. DE BOURBON, l'un des plus grands Capitaines de l'Europe. Il mourut le 11. de Décembre 1686. Enguien: Mr. le Duc d'ENGUIEN, fon fils, HENRI-JULES DE BOURBON. Il mourut le 1. d'Avril, 1709.

Rhin à leur afpect &c.] On fuppofe qu'oppofés les uns aux autres: ici, que le Dieu du Rhin combat à la tête des Hollandois, contre les Troupes Françoifes. Dans cette fuppofition, ce seroit pécher contre la vraisemblance, que de faire vaincre un Dieu par de fimples Mortels. Le Poëte feint donc, que Mars & Bellone, qui font des Divinités fupérieures au Dieu du Rhin, fe joignent au Comte de Guiche, pour combattre ce Dieu. Avec un tel fecours, il eft de la regle, que les François aient l'avantage. C'eft ainfi qu'Homere réleve la valeur de fes Héros, en intéreffant prefque toûjours quelque Divinité dans leurs combats. Dans celui de Diomede contre Mars & Venus, Diomede eft foutenu par Minerve. Iliade, Liv. V. Ailleurs ce Poëte donne à Hector, Neptune pour Antagoniste; & à Ajax, il oppofe Hector foûtenu par Apollon, & enfuite par Jupiter: Mais Ajax avec toute fa valeur, dit Homere, ne pouvoit repouffer Hector, qui étoit fecondé par un Dieu. Iliade L. XV. Dans tous ces combats Homere garde une exacte fubordination entre ces mêmes Dieux,quoi

VERS 133. Condé, dont le feul nom fait tomber les murailles.) Notre Auteur, en attribuant au feul nom du Prince de Condé, le pouvoir de renverfer les murailles, donne une idée fublime de la réputation que ce Grand Prince s'étoit acquife par fa valeur. Il fait allufion à la maniere miraculeufe, dont Dieu voulut que la ville de Jérico fut prife par Jofué; car les murailles de cette Ville tomberent d'elles-mê- ́

Du Fleuve ainfi domté la déroute éclatante

A Wurts jufqu'en fon camp va porter l'épouvante:
Wurts, l'efpoir du pays, & l'appui de fes murs,
Wurts.... ah quel nom, GRAND ROI! quel Hector
que ce Wurts!

145 Sans ce terrible nom, mal né pour les oreilles,
Que j'allois à tes yeux étaler de merveilles !
Bientôt on eût vû Skink dans mes Vers emporté,
De fes fameux remparts démentir la fierté.

Bientôt....mais Wurts s'oppose à l'ardeur qui m'anime. 150 Finiffons, il eft temps: auffi - bien fi la rime

S iij

mes, au feul bruit des trompettes. fage du Rhin; mais le Régiment

Jofué VI.

IMIT. Ibid. Condé, dont le feul nom fait tomber les murailles.] L'Auteur a eu en vûe ces deux vers du TASSONI:

Il magnanimo cor di Salinguerra,
Che fa del nome fuo tremar la terra,

Secchia rapita, Cant. V. v. 38.

Dans le temps auquel il fit cette Epitre, il travailloit fon Poëme du Lutrin: ainfi il étoit rempli de la lecture de tous les meilleurs Poëmes Epiques, tant Grecs & Latins, qu'Italiens. C'eft auffi la raifon pour laquelle cette Épître IV. tient beaucoup de la nature du Poëme Epique.

VERS 142. A Wurts jufqu'en fon camp, &c.) WURTS, Maréchal de Camp des Hollandois, commandoit le camp deftiné à s'opposer au pas

des Cuiraffiers ayant paffé, les troupes de Wurts lâcherent le pied, fitôt qu'elles eurent fait la premiere décharge : & ce fuccès ayant donné courage à ceux, qui étoient encore dans l'eau, ils fe haterent de joindre les Cuiraffiers, qui après avoir ainfi chaffé les Ennemis, s'étoient arrêtès fur le bord pour les attendre. Wurts étoit du Holftein, d'une naiffance médiocre. Il avoit acquis beaucoup de réputation en défendant Cracovie pour les Suédois contre les Impériaux. Il eft mort à Hambourg.

VERS 148. De fes fameux remparts démentir la fierté.) Le Fort de Skink fut affiége par nos Troupes le 18. de Juin, & pris le 21. Les habitans du pays difoient, que ce Fort étoit imprenable. Il avoit été furpris en 1636. par les Espagnols, qui s'en rendirent maîtres; & les 'Hollandois ne purent le reprendre qu'après un fiege fameux, qui dura huit mois. Il n'y reftoit plus que douze hommes qui fe défendoient encore.

Alloit mal-à-propos m'engager dans Arnheim,
Je ne fais pour fortir de porte qu'Hildesheim.

O! que le Ciel foigneux de notre Poëfie, GRAND ROI, ne nous fit-il plus voifins de l'Afie! 155 Bientôt victorieux de cent Peuples altiers,

Tu nous aurois fourni des rimes à milliers.

Il n'eft plaine en ces lieux fi féché & fi ftérile, Qui ne foit en beaux mots par-tout riche & fertile. Là plus d'un Bourg fameux par fon antique nom 160 Vient offrir à l'oreille un agréable fon. ́

Quel plaifir de Te fuivre aux rives du Scamandre!

VERS 151. M'engager dans
Arnheim.) Ville confiderable des
Provinces Unies, dans le Duché de
Gueldre. Elle fut prife par nos
troupes fous le commandement de
Mr. de Turenne, le 14. de Juin, 1672.

VERS 152.
De porte qu'Hil-
desheim.) Petite ville de l'Électorat
de Trêves.

VERS 154.

Plus voifins de Afie.) De la Grece Afiatique dans laquelle étoit fituée la fameufe Ville de Troye, ou d'Ilion.

VERS 158. Qui ne foit en beaux mots par-tout riche & fertile, &c.] Selon QUINTILIEN, la Langue Grecque étoit tellement au deffus de la Latine, pour la douceur de la prononciation, que les Poëtes Latins employoient plus volontiers les noms Grecs, quand ils vouloient rendre leurs vers doux & faciles. Tanto eft Sermo Græcus Latino jucundior, ut noftri Poëtæ quoties dulce carmen effe voluerunt, illorum id nominibus exornent. Quintilien, Inftit. L.XII. c. 10.

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en petit volume, il y a de Scamandre, mais c'eft une faute d'impreffion, & il faut lire : du Scamandre, comme il y a dans toutes les autres éditions. Voyez la Remarque fur le vers 285. du Chant III. de l'Art poëtique.

S.VERS dernier. Je T'attends dans deux ans aux bords de l'Hellefpont.) Dans le fecond Tome du Mercure Hollandois, contenant les Conquêtes du Roi Louis XIV. dit le Grand, fur les Provinces Unies des Pays-Bas; par le Sieur P. Louvet, de Beauvais, D. M. Confeiller & Hiftoriographe de S. A. R. Souveraine de Dombes, imprimé à Lion en 1674, on trouve un petit Poëme fur le paffage du Rhin, où l'Auteur cite ce Vers de Mr. Despreaux, & pouffe bien plus loin l'hyperbole :

Des temps & de nos jours un des
premiers Oracles,

Dans un Style pompeux parlant de
Tes miracles,

T'attend dedans deux ans au bord
de l'Hellefpont:

D'y trouver d'llion la poëtique cendre:

De juger, fi les Grecs, qui briferent fes tours, Firent plus en dix ans que LOUIS en dix jours! 165 Mais pourquoi fans raison désespérer ma veine? Eft-il dans l'Univers de plage fi lointaine,

Où Ta valeur, GRAND ROI, ne Te puiffe porter, Et ne m'offre bientôt des exploits à chanter?

Non, non, ne faisons plus de plaintes inutiles;

170 Puifqu'ainfi dans deux mois Tu prends quarante Villes, Affuré des bons Vers, dont Ton bras me répond, Je T'attends dans deux ans aux bords de l'Hellefpont.

Siv

Ma Mufe plus hardie, 6 grand Roi, entreprise. Les Lettres fuivantes diront ce qu'il en arriva.

Te répond,

Que du moins Ta Valeur à nulle Réponse du Comte de LIMOGES au Comte de Bussi. A Paris, le 26. Avril, 1673.

autre feconde,

Tonnera dans deux ans aux quatre
coins du Monde.

DU MONTEIL.

,,Auffi-tôt que j'ai eu reçu votre »Lettre, Monfieur, j'ai été trouver „Despreaux, qui m'a dit, qu'il »m'étoit obligé de l'avis 'que je lui IBID. Je T'attends dans deux ans donnois: Qu'il étoit votre ferviaux bords de l'Hellefpont.] Après la "teur, qu'il l'avoit toûjours été, & publication de cette Épître, il revint le feroit toute fa vie. Qu'il étoit à l'Auteur, que le Comte de BUSSI "vrai, que pendant ces vacations il RABUTIN en avoit fait une criti- étoit à Bâville avec le P. Rapin; que fanglante. Mr. Despreaux réfo- »Qu'il le pria de vous envoyer lut de s'en venger, & il dit fon fon Épître de fa part avec un comdeffein à quelques perfonnes, par le "pliment. Que le P. Rapin lui avoit moyen defquelles Mr. de Buffi en "dit, que vous lui aviez fait une réfut informé dans une de fes terres »ponfe fort honnête à ce compli où il étoit relégué. Ce Comte prit »ment; qu'à fon retour à Paris adroitement les devans pour pré- »mille gens lui étoient venus dire, venir la Satire. Dans cette vûe, le,,que vous aviez écrit une Lettre 20. d'Avril, 1673. il écrivit féparé- »fanglante contre lui, pleine de plaiment au P. Rapin, & au Comte de "fanteries contre fon Epitre, & Limoges, tous deux amis de Mr. »que cette Lettre couroit le monde. Despreaux, pour les prier de voir ce Poëte, & de le détourner de fon

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Qu'il répondit à cela, qu'on la lui ,,montrât, & que fi elle étoit telle,

* Cette Lettre n'a point été imprimée.

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