45 De toute fiction l'adroite fauffeté Ne tend qu'à faire aux yeux briller la Vérité. Sais-tu pourquoi mes Vers font lûs dans les Provinces, Sont recherchés du Peuple, & reçus chez les Princes? Ce n'eft pas que leurs fons agréables, nombreux, 50 Soient toûjours à l'oreille également heureux : Qu'en plus d'un lieu le fens n'y gêne la mefure, Et qu'un mot quelquefois n'y brave la céfure. Mais c'est qu'en eux le Vrai, du Menfonge vainqueur, Par-tout fe montre aux yeux, & va faifir le cœur: 55 Que le Bien & le Mal y font prisés au jufte; Que jamais un Faquin n'y tient un rang augufte, Et que mon cœur toûjours conduisant mon esprit, Ne dit rien au Lecteur, qu'à foi-même il n'ait dit. Ma pensée au grand jour par-tout s'offre & s'expose; 60 Et mon Vers, bien ou mal, dit toûjours quelque chofe. C'est par là quelquefois que ma Rime furprend. C'est là ce que n'ont point Jonas, ni Childebrand; Ni tous ces vains amas de frivoles fornettes, Montre, Miroir d'Amours, Amitiés, Amourettes, VERS 43. Rien n'eft beau que le Vrai. Le Vrai feul eft aimable.) C'eft le fujet de cette Epître. VERS 62. C'est là ce que n'ont point Jonas, ni Childebrand.] Poëmes héroiques. Voyez le vers 91. de la Satire IX & le vers 242. du Chant troisieme de l'Art poëtique. VERS 64. Montre.) La Montre, petit Ouvrage mêlé de Vers & de Profe, par le Sr. de BONNE X iij CORSE, Marfeillois, qui a exercé la Charge de Conful de la Nation Françoife au Grand-Caire. Il envoya cet Ouvrage à Mr. de Scuderi, qui le fit imprimer à Paris en 1666. Quelques années après, Mr. Despreaux plaça la Montre parmi les Livres qui fervent au combat des Chanoines dans le cinquieme Chant du Lutrin: L'un tient l'Édit d'amour, l'autre en faifit la Montre. 65 Dont le titre fouvent eft l'unique foûtien, Mais peut-être enivré des vapeurs de ma Muse, 75 Vois-tu cet Importun, que tout le monde évite; Cet homme à toûjours fuir, qui jamais ne vous quitte? Bonnecorfe étant enfuite à Paris, lui,,fait lui-même, pour me rendre ri- * Dont il eft fait mention fur le Vers 33. de l'Épître V. Il n'eft pas fans efprit: mais né trifte & pefant, Il s'eft fait de fa joie une loi nécessaire, 80 Et ne déplaît enfin que pour vouloir trop plaire. La Simplicité plaît fans étude & fans art. Tout charme en un Enfant, dont la langue fans fard, A peine du filet encor débarraffée, Sait d'un air innocent bégayer fa pensée. 85 Le Faux eft toûjours fade, ennuyeux, languiffant: ,,fette lui-même, qui me fait l'hon,,neur meas effe aliquid putare nugas. ,,Je ne me fouviens point d'avoir jamais parlé de M. de Bonnecorfe ,,à Mr. Bernier, & je ne connoiffois ,,point le nom de Bonnecorfe, ,,quand j'ai parlé de la Montre, dans ,,l'Epître à Mr. de Seignelay. Je puis ,,dire même, que je ne connoiffois ,,point la Montre d'Amour, que ,,j'avois feulement entrevûe chez ,,Barbin, & dont le titre m'avoit ,,paru très - frivole, auffi bien que ,,ceux de tant d'autres Ouvrages de ,,galanterie moderne, dont je ne lis ,,jamais que le premier feuillet. Mais voilà affez parler de Mr. de Bonnecorfe: venons à Mr. Bour,,faut, qui eft, à mon fens, de tous ,,les Auteurs que j'ai critiqués, ce,,lui qui a le plus de mérite, &c. ... Ibid. Miroir d'Amours, Amitiés, Amourettes.] Miroir d'Amours: Ouvrage de PERRAULT, intitulé: La Métamorphofe d'Orante en miroir. Amitiés, Amourettes: Les Oeuvres de RENÉ LE PAIS font intitu X iv lées: Amitiés, Amours & Amourettes. Voyez la note fur le vers 180. de la Satire III. VERS 75. Vois-tu cet importun, &c.] Ce portrait a été fait fur un homme fort obfcur, dont l'Auteur avoit oublié le nom. IMIT, Vers 84. Sait d'un air innocent bégayer fa penfee.) Perfe, Satire I. vers 35. Tenero fupplantat verba palato. VERS 88. Un efprit né chagrin plait par fon chagrin même.] Mr. le Duc de MONTAUZIER. Il ne laiffoit pas d'avoir beaucoup d'amis, & d'être fort eftimé, à caufe de fa probité & de fa vertu. Le Perfonnage du Mifanthrope de Moliere, tout Mifanthrope qu'il eft, ne laiffe pas de plaire auffi, & de fe faire aimer, parce qu'il eft honnête homme. Cela fait même que l'on s'intéreffe dans fa fortune, dans fes fentimens, & dans la malheureuse tendreffe qu'il a pour une coquetre, Chacun pris dans son air eft agréable en foi. 9° Ce n'est que l'air d'autrui qui peut déplaire en moi. Ce Marquis étoit né doux, commode, agréable: On vantoit en tous lieux fon ignorance aimable: Mais depuis quelques mois devenu grand Docteur, Il a pris un faux air, une fotte hauteur. 95 Il ne veut plus parler que de rime & de profe. Des Auteurs décriés il prend en main la cause, Il rit du mauvais goût de tant d'Hommes divers, Et va voir l'Opéra, feulement pour les Vers. Voulant fe redreffer, foi-même on s'eftropie, 100 Et d'un original on fait une copie. L'Ignorance vaut mieux qu'un Savoir affecté. Rien n'eft beau, je reviens, que par la Vérité. C'est par elle qu'on plaît, & qu'on peut long-temps plaire, L'efprit laffe aifément, fi le cœur n'eft fincere, 105 En vain, par fa grimace un Bouffon odieux A table nous fait rire, & divertit nos yeux. Ses bons mots ont befoin de farine & de plâtre, Prenez-le tête-à-tête, ôtez-lui fon Théâtre, Ce n'eft plus qu'un cœur bas, un Coquin ténébreux. 110 Son vifage effuyé n'a plus rien que d'affreux. J'aime un Esprit aifé qui se montre, qui s'ouvre, VERS 91. Ce Marquis &c), M, VERS 120, Le Normand même le C. D. F. Il avoit eu d'abord une alors ignoroit le parjure.) Je date de ignorance fort aimable, & difoit loin, difoit l'Auteur: c'étoit deux agréablement des incongruités; mais il perdit la moitié de fon me cens ans avant le Déluge. Ce n'eft rite, dès qu'il voulut être favant, pas d'aujourd'hui que l'on reproche & fe piquer d'avoir de l'efprit. aux Normands leur peu de fincé Et qui plaît d'autant plus, que plus il fe découvre. Le Vice toûjours fombre aime l'obscurité. 115 Pour paroître au grand jour, il faut qu'il fe déguise. C'est lui qui de nos mœurs a banni la franchise. Jadis l'Homme vivoit au travail occupé,. Et ne trompant jamais, n'étoit jamais trompé. Chacun chercha, pour plaire, un vifage emprunté. L'Or éclata par-tout fur les riches habits. rité témoin le Roman de la Rofe, Male-bouche que Dieu maudie, X v Græcis nondum jurare paratis Per caput alterius. Juvénal, Sat. VI. vers 16. IMIT. Vers 131. Et la laine, & |