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les avoir toutes trois enfemble, je ne pouvois pas avec bienséance me difpenfer de leur donner une fi légere fatisfaction. Je me fuis rendu à ce fentiment, & on les trouvera raffemblées ici dans un même cahier. Cependant comme il y a des Gens de piété, qui peut-être ne fe foucieront gueres de lire les entretiens, que je puis avoir avec mon Jardinier & avec mes Vers, il eft bon de les avertir, qu'il y a ordre de leur diftribuer à part la derniere, favoir celle qui traite de l'Amour de Dieu; & que non feulement je ne trouverai pas étrange, qu'ils ne lifent que celle-là; mais que je me fens quelquefois moi-même en des difpofitions d'efprit, où je voudrois de bon cœur n'avoir de ma vie compofé que ce feul Ouvrage, qui vraisemblablement fera la derniere Pièce de Poëfie qu'on aura de moi: mon génie pour les Vers commençant à s'épuifer, & mes Emplois hiftoriques ne me laiffant gueres le temps de m'appliquer à chercher & à ramafer des rimes.

Voilà ce que j'avois à dire aux Lecteurs. Néanmoins, avant que de finir cette Préface, il ne fera pas hors de propos, ce me femble,. de raffûrer des perfonnes timides, qui n'ayant pas une fort grande idée de ma capacité en matiere de Théologie, douteront peut-être, que tout ce que j'avance en mon Épître foit fort infaillible; & appréhenderont, qu'en voulant les conduire, je ne les égare. Afin donc qu'elles marchent fürement, je leur dirai, vanité à part, que j'ai lû plufieurs fois cette Épître à un fort grand

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nombre de Docteurs de Sorbone, de Peres de l'Oratoire & de Jéfuites très- célèbres, qui tous y ont applaudi, & en ont trouvé la doctrine très-faine & très-pure. Que beau coup de Prélats illuftres, à qui je l'ai récitée, en ont jugé comme eux. Que 3 Monfeigneur l'Évêque de Meaux, c'est-à-dire une des plus grandes Lumieres, qui ayent éclairé l'Églife dans les derniers Siecles, a eu long-temps mon Ouvrage entre les mains; & qu'après l'avoir lû & relû plufieurs fois, il m'a non feulement donné fon approba tion, mais a trouvé bon, que je publiaffe à tout le monde qu'il me la donnoit. Enfin que pour mettre le comble à ma gloire, 4 ce faint Archevêque, dans le Diocefe duquel j'ai le bonheur de me trouver, ce grand Prélat, dis-je, auffi éminent en doctrine & en vertus, qu'en dignité & en naiffance, que le plus grand Roi de l'Univers, par un choix vifiblement infpiré du Ciel, a donné à la Ville Capitale de fon Royaume, pour affûrer l'Innocence, & pour détruire L'Erreur; Monfeigneur l'Archevêque de Paris, en un mot, a bien daigné aussi examiner foigneusement mon Épître,&

2. Jéfuites très-célèbres.) Le R. P. DE LA CHAIZE, Confeffeur du Roi: le P. GAILLARD, fameux Prédicateur, & quelques autres. Voyez ci-après (T. IV.) une Let tre écrite par l'Auteur à Mr. Racine fur ce fujet.

a eu

5. Dont je fuis également ravi & confus.] Dans la premiere édition de cette Préface, qui parut en 1695. l'Auteur la finiffoit par ce petit Article, qu'il fupprima dans l'édition fuivante, & que je rapporte ici pour ne rien dérober à la Poftérité de ce que nous avons de lui.

3. Mr. l'Évêque de Meaux.) JA C QUES BENIGNE BOSSUET. Je croyois n'avoir plus rien à 4. Ce faint Archevêque.) LOUIS "dire au Lecteur. Mais dans le temps ANTOINE DE NOAILLES, même que cette Préface étoit fous Archevêque de Paris, enfuite Carla preffe, on m'a apporté une »miférable Épître en Vers que

dinal.

»quel

a eu même la bonté de me donner fur plus d'un endroit des confeils que j'ai fuivis ; & m'a enfin accordé auffi fon approbation avec des éloges 5 dont je fuis également ravi & confus.

6 Au reste, comme il y a des Gens qui ont publié, que mon Épître n'étoit qu'une vaine déclamation, qui n'attaquoit rien de réel, ni qu'aucun Homme eût jamais avancé; je veux bien pour l'intérêt de la Vérité, mettre ici la propofition que j'y combats, dans la Langue, & dans les termes qu'on la foûtient en plus d'une Ecole. La voici: Attritio ex gehennæ metu fufficit, etiam fine ulla Dei dilectione, & fine ullo ad Deum offensum refpectu; quia talis honefta & fupernaturalis eft. C'eft cette Propofition que j'attaque, & que je foûtiens fauffe, abominable, & plus contraire à la vraie Religion, que le Lutheranisme ni le Calvinisme. Cependant je ne crois pas, qu'on puiffe nier, qu'on ne l'ait encore foûtenue depuis peu, & qu'on ne l'ait même inférée 7 dans quelques Catéchifmes en des mots fort approchans des termes Latins, que je viens de rapporter.

,,quelque Impertinent a fait impri-,,ques vers qu'on m'a dérobés, & de ,,mer, & qu'on veut faire paffer pour plufieurs qu'on m'a ridiculement ,,mon Ouvrage fur l'Amour de Dieu.,,prêtés, auffi bien que les notes ,,Je fuis donc obligé d'ajoûter cet,,téméraires qui y font. ,,article, afin d'avertir le Public, que. 6. Au reste, &c.) L'Auteur ajouta je n'ai fait d'Epitre fur l'Amour cet article dans l'édition de 1701. ,,de Dieu, que celle qu'on trouvera ,,ici: l'autre étant une Pièce fauffe, ,,& incomplete, compofée de quel

Tome I.

7. Dans quelques Catéchifmes.) Voyez le Catéchisme de Mr. JoLi, & quelques autres.

Y

ÉPITRE X.

A MES

VER S.

J

'AI beau vous arrêter, ma remontrance eft vaine, Allez, partez, mes Vers, dernier fruit de ma veine; C'est trop languir chez moi dans un obscur féjour. La prifon vous déplaît, vous cherchez le grand jour; Et déja chez Barbin, ambitieux Libelles,

Vous brûlez d'étaler vos feuilles criminelles. Vains & foibles Enfans, dans ma vieilleffe nés, Vous croyez fur les pas de vos heureux Aînés, Voir bientôt vos bons mots, paffant du Peuple aux Princes, 10 Charmer également la Ville & les Provinces;

L'Auteur ayant été nommé par le Roi en 1677. pour écrire fon Hiftoire, fembloit avoir entierement renoncé à la Poëfie. Néanmoins, feize ans après, il compofa fon Ode fur la prife de Namur, en 1693. & l'année fuivante il publia la Satire X. contre les Femmes. A la vûe de ce dernier Ouvrage l'audace des Critiques fe réveilla: il fut expofé à la cenfure d'une infinité de Poëtes médiocres; & ce fut pour leur répondre, qu'il compofa cetre Epître. Elle eft écrite avec beaucoup d'art; & c'eft une chofe affez finguliere d'y voir un Poëte Satirique couvrir fes Cenfeurs de confufion, rejetter fur eux toute l'indignation du Public, & s'attirer noblement la tendreffe & la compaffion des Lecteurs. Notre Auteur avoit une grande prédilection pour

cette Pièce, & il l'appelloit ordinairement fes inclinations. Elle fut faite au commencement de l'année 1695. & l'idée en eft prife d'une Epître d'Horace, qui eft la vingtieme du premier Livre.

IMIT. Vers 1. J'ai beau vous arrêter, &c.] Horace commence ainfi l'Epitre qu'on vient de citer:

Vertumnum, Janumque, Liber,
Spectare videris:

Scilicet ut proftes Sociorum pumice

mundus.

Odifti claves, & grata figilla pudico: Paucis oftendi gemis, & communia laudas, &c.

VERS 5. Et déja chez Barbin &c.] Libraire du Palais.

Et par le prompt effet d'un fel réjouiffant,
Devenir quelquefois Proverbes en naiffant.

Mais perdez cette erreur, dont l'appas vous amorce. Le temps n'eft plus, mes Vers, où ma Mufe en fa force 15 Du Parnasse François formant les Nourriffons,

De fi riches couleurs habilloit fes leçons:

Quand mon Efprit pouffé d'un courroux légitime, Vint devant la Raifón plaider contre la Rime; A tout le Genre Humain fût faire le procès, 20 Et s'attaqua foi-même avec tant de fuccès. Alors il n'étoit point de Lecteur fi fauvage, Qui ne fe déridât en lifant mon Ouvrage; Et qui, pour s'égayer, fouvent dans fes Difcours, D'un mot pris en mes Vers n'empruntât le fecours. Mais aujourd'hui, qu'enfin la Vieilleffe venue, Y ij

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VERS 12. Devenir quelquefois Proverbes en naiffant.) Il y a des expreffions heureufes qui renferment un grand fens en peu de paroles: elles font ordinairement adoptées par le Public, & deviennent bientôt Proverbes. Tels font la plupart des vers de notre Auteur.

J'appelle un Chat un Chat, &c.
Sat. I. v. 52.

La Raifon dit Virgile, & la Rime

Quinaut. Sat. II. V, 20.

Des fottifes d'autrui nous vivons

au Palais. Ep. II. v. 51.

Un Sot trouve toujours un plus Sot

qui l'admire. Art Poet. Chant I.
vers dernier.

Un Fat quelquefois ouvre un avis

important, Art Poët, Chant IV. v. 50.

VERS 16. De fi riches couleurs habilloit fes leçons.) L'Art Poëtique.

VERS 18. Vint devant la Raifon plaider contre la Rime.) Satire deuxieme.

VERS 19. A tout le Genre Humain fit faire le procès.) Satire huitieme.

VERS 20. Et s'attaqua foi-même &c.) Satire neuvieme.

VERS 25. Mais aujourd'hui qu'enfin &c.) Le jugement de l'Auteur fur ce vers & les trois fuivans, eft contenu dans une Lettre qu'il écrivit à Mr. de MAUCROIX, au mois d'Août 1695. Elle eft inférée ciaprès, Tom. IV.

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