De ses propres défauts se fait une vertu. Le plus fage est celui qui ne pense point l'être; $5 Qui toûjours pour un autre enclin vers la douceur, Se regarde soi-même en févere Censeur, Un Avare idolâtre, & fou de son argent, 60 Dites-moi, pauvre esprit, ame balle Se fait de la richesse une chose fam & vénale, crée ; Ne vous souvient-il point du tour- Et tous ces 'vains trésors que vous ment de Tantale, allez cacher, Qui dans le triste état, où le Ciel Sunt pour vous un dépôt que vous l'a réduit, s'ofer toucher. Meurt de soif au milieu d'un fleuve Quoi donc? de votre argent ignorezqui le fuit ? vous l'usage ? Ces vers sont la traduction de ceux - ci d'Horace, Liv. I. Sat. I. Et que c'est vous par-là que la fable v. 68. & suiv. figure? Tantalus a labris sitiens fugientia Chargé d'or & d'argent , loin de vous en servir, captat Vous brûler d'une soif qu'on ne Flumina. Quid rides ? mutato nom peut assouvir ; mine, de te Vous nagez dans les biens , mais Fabula narratur. Congeftis undi votre ame altérée Tome I. E que faccis 65 Plus il le voit accrû, moins il en fait l'usage. Sans mentir, l'Avarice est une étrange rage, Et dont l'ame inquiette, à soi-même importune, 70 Se fait un embarras de fa bonne fortune. Qui des deux en effet est le plus aveugié ? Indormis inhians, & tanquam par- refprit, ame base. Tout cela est la cere facris »même chose. Cogeris, aut pi&tis tanquam gaude- „Qui dans le triste état où le Cicl re tabellis, l'a reduit, Nefcis quid valeat nummus, quem „Troisieme vers qui n'est encore præbeat ufum ? „qu'une cheville, pour rimer avec » fuit, qui est au vers suivant. L'Auteur ne trouva pas que fa traduction fut affez ferrée, ni qu'elle „Meurt de soif au milieu d'un fleuve fut digne de fon Original. qui le fuit. s. Voici la Critique que Des „Autre méchante céfure. Au milieu Marêts fit des Vers où Àr. Des- „d'un fleuve. Cela ne devoit point preaux parloit de Tantale. „être coupé dans le vers. „PHILENE „Vous ricz? savez-vous que c'est votre peinture, „La comparaison d'un avare avec ,,Et que c'est vous par - LÀ „Tantale, est toute prise d'Horace, que la ,,qui la met en deux vers & demi. fable figure. ,,Et ce Poëte n'a pu la mettre qu'en ,,fix, mettant des vers entiers pour que tous ces vers font misérachevilles, comme on voit les deux „bles! Que de redites & de paroles premiers, qui ne font que pour „superflues ! Quel par-là très-in,,dire Tantale : Horace dit Tanialus. „, utile, puisque c'est-à-dire, par la Voici les vers de notre Docteur „fable, qui est dans le vers Et „quelle répétition ennuyeuse; C'est ,votre peinture, & ensuite „Dites-moi, pauvre esprit, ame balle & vénale, „Et que c'est vous par-là que la „Ne vous souvient - il point du cour fable figure. ment de Tantale. „Ce qui est la même chose dite plu „sieurs fois. Tout cela est pitoya„Et quelle misere de dire, esprit & „ble pour un Poëte fi fier, qui se wame en un même vers : pauvre moque tant des autres. des Poëtes: L'un & l'autre, à mon sens, ont le cerveau troublé, Répondra chez Fredoc, ce Marquis sage & prude, Et qui sans cesse au jeu, dont il fait son étude, 75 Attendant son deftin, d'un quatorze ou d'un sept, Voit sa vie ou sa mort sortir de son cornet. E ij venans, „DORANTE. tant en Bénéfices, qu'en biens de Mais il dissipa tout „Et qui se mêle de donner des le- Patrimoine. fon patrimoine, & fut réduit au re»çons à tous. venu de ses Bénéfices, qui étoit en„PHILÈNE. core très - considérable. Il avoit „Tu n'avois jamais cru, Damon, voit toutes sortes de gens, & on une table somptueuse, où il rece2o, que cet Auteur fic de fi méchans „vers, & eût tant de peine à cher- C'est ce que signifie ce vers : y faisoit une dissipation outrée. ,,cher des rimes, & fut réduit a coudre tant de paroles ensemble, pour Qui jette, furieux, fon bien à tous ,,dire si peu de chose. Continuons „à lire. Horace dit tout cela en „deux vers & demi : Il avoit l'esprit inquiet, chagrin, „Tantalus a labris sitiens fugiencia souffrir lui-même : jusques-là qu'on inégal, ne pouvant quelquefois se captat l'a vu souvent souhaiter, en se cou chant, d'être trouvé mort le lende„Flumina. Quid rides? mutato no- main dans son lit. Et dont l'ame mine, de te inquiette à soi-même importine. „Fabula narratur. Il étoit aussi embarrassé de ses richeises, disant qu'il étoit malheu„Quelle grace dans cette brieveté! reux d'avoir tant de bien : & qu'il Quelqu'un eût pu réduire en deux auroit vécu beaucoup plus content, ,,vers François ce beau sens d'Ho- fi la fortune avoit été bornée à un „race: revenu médiocre: Se fait un embar„Tantale dans un fleuve à soif & ras de sa bonne fortune. Non moins privé de sens, &c.] Dans les premie„Tu ris? Change le nom. La fable tes éditions, il y avoit: eft ton histoire. Qui prodigue du fien DU MONTEIL. A trois fois en dix ans devoré tout VERS 67. Dira cet autre Fou.] Jon bien. L'Abbé de B.... H.... Conseiller-Clerc au Parlement: Il avoit VERS 73. Répondra chez Fredoc.) çu quarante mille livres de rente, FRED OC tenoit une Académie de ne peut boite. + 1 Vous le verrez bientôt, les cheveux hérissés, Ainsi qu'un Possédé que le Prêtre exorcise, Que ce nouveau Titan n'escalade les Cieux. Sa folie, aussi - bien, lui tient lieu de fupplice. jeu tres - fréquenté en ce temps Droits & roides rochers, dont peu là. Il logeoit dans la place du Pa tendre est la cime, lais Royal. Il en est fait mention dans la Fille Capitaine de MONT- De mon flamboyant Cour l'aspre FLEURI, Acte I. état vous savez. Ibid. Ce Marquis sage & Savez aussi, durs bois, par les hivers prude.] Il y avoit ce Greffier sage & lavés, prude ; & c'étoit Jerôme Boileau Greffier au Parlement, frere aîné Qu'holocaufte est mon Cæur pour un de notre Auteur. Il étoit fort front magnanime. emporté dans le jeu, mais partout ailleurs c'étoit un homme Ils font extraits de divers endroits très -affable. du Poëme de la Pucelle, VERS 90. Chapelain veut rimer.] Notre Auteur, pour faire mieux JEAN CHAPELAIN de l'Aca- fencir la dureté de ces vers , les démie Françoise. Cet Auteur, avant chantoit sur l'air d'une chanson fort que son Poëme de la Pucelle fut rendre, du Ballet de la naissance de imprimé, passoit pour le premier Venus: Poëte du Siecle. L'impreffion gái tout. Il mourut en 1674. Il y avoit Rochers, vous êtes fourds, vous n'avez Arifte, au lieu de Chapelain; dans rien de tendre &c. les éditions faites pendant sa vie. Mr. DE PUIMORIN, frere de VERS 91. Mais bien que ses durs Mr. Despreaux, se moquoit auffi du vers.] Notre Auteur donne Pexem. Poëme de la Pucelle." Chapelain ple avec le précepte : car il a ne pouvant souffrir les railleries affecté d'exprimer dans cet hé- qu'il en faisoit : C'est bien à vous à en mittiche qui est fort rude, la du- juger, lui dit-il en colere, vous, qui reté qu'on trouve dans les vers de n'êtes qu’un ignorant & qui ne savez Chapelain. Ceste dureté de vers pas même lire. Mr. de Puimorin écoit pour Mr. Despreaux un fond répondit: qu'il n'avoir que trop sû inépuisable de plaisanteries. Il fit lire, depuis que Chapelain s'étoit les vers suivans à l'imitation de avisé de faire imprimer. Sa reparChapelain : tie ayant été trouvée plaisance & D'un charme bien plus doux enivre la Raison: L'esprit dans ce nectar heureusement s'oublie. 90 Chapelain veut rimer, & c'est-là fa folie. Mais bien que ses durs vers, d'épithetes enflés, Soient des moindres Grimauds chez Ménage fifflés, Lui-même il s'applaudit, & d'un esprit tranquille, Prend le pas au Parnasse au-dessus de Virgile. 95 Que feroit-il, hélas! fi quelque Audacieux Alloit pour son malheur lui desfiller les yeux : E iij vive, il eut envie de la tourner en des regles, quand elles nous resserEpigramme, & fit ainsi les deux roient trop; La Raison & l’Art même, derniers vers : ajouta-t-il, demandent & autorisent ces fortes de libertés. C'est un préHélas! pour mes péchés, je n'ai fü cepre que Mr. Despreaux a inséré que trop lire, dans son Art Poëtique, Chanc IV. Depuis que tu fais imprimer. Ibid. D'épithetes enflés. ) Mais comme Mr.de Puimorin n'étoit celle il n'y a presque aucun vers Dans tout le long Poëme de la Pro pas Poëte, il ne puc jamais en faire dans lequel on ne trouve deux ou d'avantage. Quelque temps après trois épithetes, qui, le plus souil se trouva avec Mr. Despreaux, vent, ne sont employées que pour Mr. Racine & Moliere, qui tous en- remplir la mesure du vers. semble firent les deux suivans ; VERS 92. Soient des moindres Froid, sec, dur, rude Auteur, digne Grimauds chez Ménage fifflés.] Tous objet de Satire, les Mercredis, l'Abbé Ménage te noit chez lui une Allemblée, où al. De ne savoir pas lire oses - tu me loient beaucoup de perits esprits. Il blâmer ? appelloit ces Afsemblées, Mercuria les; mais il ne trouva pas bon que Hélas! pour mes péchés, &c. notre Auteur les eût ainsi décriées: „Il est très-faux (dit-il dans son Mr. Racine vouloit que l'on mît au „Diâionnaire Etymologique, au moc second vers; De mon peu de lecture, „Grimaud) que les Assemblées, qui se & non pas: De ne savoir pas lire; »font chez moi, soient remplies de parce que ce dernier mot fait une „Grimauds. Elles sont remplies de rime vicieuse dans l'hémistiche, „gens de grand mérite dans les Letavec la fin du vers précédent; mais ,,tres, de personnes de naissance, & Moliere voulut qu'on laissât: De ne de personnes constituées en digniSavoir pas lire; préférant la justesse ,,té ; & ces vers n'ont pas dû de l'expression, à la régularité scru- être écrits par Mr. Despreaux. puleuse du vers. Il dit alors fort judicieusement, qu'il falloit quel- VERS 94. Prend le pas au Parquefois s'affranchir de la contrainte nasse au-dessus de Virgile.) Ceux qui |