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Lui faifant voir fes vers, & fans force & fans graces,

Montés fur deux grands mots, comme fur deux échasses;
Ces termes fans raifon l'un de l'autre écartés,

100 Et ces froids ornemens à la ligne plantés?
Qu'il maudiroit le jour, où fon ame insensée
Perdit l'heureuse erreur qui charmoit sa pensée !
Jadis certain Bigot, d'ailleurs homme fenfé,
D'un mal affez bizarre eut le cerveau bleffé:
105 S'imaginant fans ceffe, en fa douce manie,
Des Efprits bien-heureux entendre l'harmonie.
Enfin un Médecin, fort expert en fon Art,

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Le guérit par adreffe, ou plutôt par hazard. Mais voulant de fes foins exiger le falaire, 110 Moi? vous payer? lui dit le Bigot en colere, Vous, dont l'Art infernal, par des fecrets maudits, En me tirant d'erreur, m'ôte du Paradis?

J'approuve fon courroux. Car, puifqu'il faut le dire, Souvent de tous nos maux la Raison eft le pire. 115 C'est elle qui farouche, au milieu des plaifirs, D'un remords importun vient brider nos defirs. La Fâcheufe a pour nous des rigueurs fans pareilles; C'eft un Pédant qu'on a fans ceffe à fes oreilles,

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E iv

part, & fe réjouiffoit de leur retour, comme fi effectivement ces vaiffeaux euffent été à lui. Elian. 1.4. ch. 15.

Galien dit, qu'un Médecin, nommé THEOPHILE, étant malade, s'imaginoit voir dans un coin de fa Joueurs d'inftrumens, dont il enChambre, des Muficiens, & des

tendoit la voix & l'harmonie. Galien. lib. de Symptomatum differentiis, c. 3.

IMIT. Vers 117. La Fâcheufe a pour nous des rigueurs fans pareilles.) Notre Auteur applique à la Raifon ce que Malherbe a dit de la Mort. La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;

On a beau la prier:

La Cruelle qu'elle eft fe bouche les oreilles,

Et vous laiffe crier.

S. VERS 118. C'eft un Pédant qu'on a fans ceffe à fes oreilles.] Des Marêts a remarqué cette cacopho

Qui toûjours nous gourmande, & loin de nous toucher, 120 Souvent, comme Joli, perd fon temps à prêcher.

En vain certains Rêveurs nous l'habillent en Reine,
Veulent fur tous nos fens la rendre Souveraine,
Et s'en formant en terre une Divinité,

Pensent aller par Elle à la Félicité.

125 C'eft elle, difent-ils, qui nous montre à bien vivre. Ces difcours, il est vrai, font fort beaux dans un livre. Je les eftime fort: mais je trouve en effet,

Que le plus fou fouvent eft le plus fatisfait.

nie: fans ceffe à fes &c. Mais peut-
être que Mr. Despreaux l'a laiffée
exprès, afin que le fon du Vers ré-
pondit mieux à la chofe qui y eft
exprimée. DU MONTEIL.

VERS 120. Souvent, comme Joli.)
Prédicateur fameux, qui étoit ex-
trêmement touchant & pathétique.
Les Libertins, qui avoient intérêt
de le décrier, comparoient les talens
de Mr. JOLI avec ceux de Moliere;
mais ils difoient que Moliere étoit

meilleur Prédicateur, & que Mr. Joli étoit plus grand Comédien. Il étoit alors Curé de S. Nicolas des Champs. Il fut enfuite nommé à l'Évêche de S. Pol de Léon en Bre tagne, & peu de temps après il obtint l'Évêché d'Agen. On a imprimé plufieurs fois fes Prônes, qui font eftimés. Il étoit né en 1610. à Buri fur l'Orne, dans le Diocèse de Verdun en Lorraine, & il mourut en 1678.

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SATIRE V.

A M. LE MARQUIS

DE DANGE A U.

L.

73

a Nobleffe, DANGEAU, n'eft pas une chimere, Quand fous l'étroite loi d'une vertu sévere,

Un homme iffu d'un fang fécond en Demi-Dieux, Suit, comme toi, la trace où marchoient fes Ayeux.

Mais je ne puis fouffrir qu'un Fat, dont la molleffe N'a rien pour s'appuyer qu'une vaine Nobleffe,

Se pare infolemment du mérite d'autrui,

Et me vante un honneur qui ne vient pas de lui. Je veux que la valeur de fes Ayeux antiques 10 Ait fourni de matiere aux plus vieilles Chroniques, Et que l'un des Capets, pour honorer leur nom,

Cette Satire a été faite en l'année

1665. L'Auteur y fait voir que la véritable Nobleffe confifte dans la Vertu, indépendamment de la Naiffance. Juvénal a traité la même matiere dans fa Satire VIII. & Sénèque dans la quarante - quatrieme de fes Épitres.

IMIT. Vers 8. Et me vante un honneur qui ne vient pas de lui.)

Qui genus jactat fuum,
Aliena laudat. Senec. Hercul. Fur.
A&t. II. Sc. II. v. 340.

E v

VERS II. Et que l'un des Capets Ait de trois fleurs de lis &c.) L'Illuftre Maifon d'Estaing

porte les armes de France, par con

ceffion du Roi Philippe Augufte, qui étoit un des Défcendans de Hugues Capet, Chef de la troifieme Race de nos Rois. Philippe Augufte ayant été renverfé de deffus fon cheval à la Bataille de Bovines, Adeodat, ou Dieu donné d'Estaing, l'un des vingtquatre Chevaliers commis à la garde de la Perfonne Royale, aida à tirer ce Prince du péril où il étoit, & fauva auffi l'Écu du Roi, fur lequel étoient peintes fes Armes. En récompenfe d'un fervice fi important, le Roi lui permit de porter les Armes de France, avec un Chef d'or pour brifure.

Dans le temps que l'Auteur compofa cette Satire, JOACHIM, Comte

1

Ait de trois fleurs de lis doté leur écuffon.
Que fert ce vain amas d'une inutile gloire?
Si de tant de Héros célèbres dans l'Hiftoire,
15 Il ne peut rien offrir aux yeux de l'Univers,
Que de vieux parchemins qu'ont épargnés les vers;
Si, tout forti qu'il eft d'une fource divine,
Son cœur dément en lui fa fuperbe origine;
Et n'ayant rien de grand qu'une fotte fierté,
20 S'endort dans une lâche & molle oifiveté ?

Cependant, à le voir avec tant d'arrogance
Vanter le faux éclat de fa haute naiffance;
On diroit que le Ciel eft foûmis à sa loi,

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