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Et que Dieu l'a paîtri d'autre limon que moi.
25 Enivré de lui-même, il croit dans fa folie,
Qu'il faut que devant lui d'abord tout s'humilie.
Aujourd'hui toutefois, fans trop le ménager,
Sur ce ton un peu haut je vais l'interroger.

Dites-moi, grand Héros, Esprit rare & fublime, 30 Entre tant d'Animaux, qui font ceux qu'on eftime? On fait cas d'un Courfier, qui fier & plein de cœur Fait paroître en courant fa bouillante vigueur: Qui jamais ne fe laffe, & qui dans la carriere S'eft couvert mille fois d'une noble pouffiere: 35 Mais la postérité d'Alfane & de Bayard,

Nil ibi Majorum refpectus, gratia Sur quoi l'on a obfervé, qu'Alfana

nulla

Umbrarum, dominos pretiis mutare
jubentur

Exiguis, tritoque trahunt epirhedia

collo

Segnipedes, dignique molam verfa-
re Nepotis.

eft un nom générique de Cavale, & non pas le nom propre d'une Cavale: ainfi l'on prétend que notre Auteur s'eft trompé, & qu'on ne peut non plus dire, la postérité d'Alfane que la poftérité de Barbe, ou de Genêt.

Bayard eft le nom du Cheval de Renaud de Montauban, qui étoit l'aîné, & le plus vaillant des quatre Fils-Aymon. Le Roman dit, que ce Cheval n'eut oncques fon pareil, car pour avoir couru dix lieues, il n'étoit point las. Il rendit de grands fervices à fon Maître en plufieurs rencontres périlleufes: furtout quand les quatre Fils - Aymon furent affiégés dans Montauban par Charlemagne. Auffi Renaud aima mieux fouffrir une faim extrême pendant ce Siége, avec Dame Claire fa femme, fes enfans, & fes freres, que de permettre qu'on tuât Gradaffo avea una Alfana la più fon tant valereux Cheval, pour

VERS 35. Mais la poftérité d'Alfane & de Bayard.) Alfane & Bayard, fuivant notre Auteur, font les noms de deux Chevaux, très - renommés dans nos vieux Romanciers. Alfane étoit la monture du Géant Gradaffe, qui vint du fond de la Séricane, pour conquérir l'épée de Renaud de Montauban. Voyez le Poëme de Roland amoureux, du Boiardo. L'Ariofte, dans le 2. Chant de fon Orlando furiofo, dit:

bella,

leur fervir de nourriture. Ceux qui font dans le goût des anciens E la miglior che mai portaffe fella. Romans ne feront pas fâchés de fa

Quand ce n'eft qu'une roffe, eft vendue au hazard,
Sans refpect des Ayeux dont elle eft defcendue,
Et va porter la malle, ou tirer la charrue.

Pourquoi donc voulez-vous que par un fot abus 40 Chacun respecte en vous un honneur qui n'est plus? On ne m'éblouït point d'une apparence vaine.

La Vertu, d'un cœur noble eft la marque certaine. Si vous êtes forti de ces Héros fameux,

Montrez-nous cette ardeur qu'on vit briller en eux, 45 Ce zele pour l'honneur, cette horreur pour le vice. Respectez-vous les Loix? Fuyez-vous l'injustice? Savez-vous pour la gloire oublier le repos,

Et dormir en plein champ le harnois fur le dos? Je vous connois pour Noble à ces illuftres marques. 50 Alors foyez iffu des plus fameux Monarques;

voir quelle fut la deftinée de ce fa-,, pouvez toute la riviere boire. Bayard meux Cheval. Charlemagne ayant,, frappà tant des pieds fur la dite fait la paix avec Renaud de Mon-,,pierre, qu'il la froiffa toute, & tauban, Renaud lui envoya fon,,revint deffus. Et quand il fur fur Cheval Bayard, & s'en alla outre- „l'eau, il paffà à nage de l'autre part mer, c'est-à-dire, dans la Terre-,,de la riviere. Et quand il fut fur Sainte.,,Quand le Roi fut fur le ,,la rive, il fe mit à hennir haute,,Pont de Meufe, dit le Roman *, ,,ment, & puis fe mit à courir fi ,,il commanda qu'on lui amenaft,,roidement, qu'il fembloit que la ,,Bayard, le bon Cheval de Re-,,foudre le chaffaft; & entra dedans ,,naud. Quand il le vit, il lui dit:,,Ardenne la grande Foreft. Charle,,Ah! Bayard, tu m'as maintefois,,magne voyant que Bayard s'éftoit ,,courroucé; mais je fuis venu à point,,échappé, il en eut grand deuil, ,,pour m'en vanger. Lors lui fit,,mais tous les Barons en furent lier une grande pierre au Col, &,,bien joyeux. Les gens difent en ,,le fit jetter du pont à bas dedans,,celui pays, que Bayard eft encores ,,la Riviere de Meufe, & Bayard ,,en vie dedans le bois d'Ardenne; ,,alla au fond. Quand le Roi vit,,mais quand il voit homme ou ,,ce, il eut grand' joie, & dit:,,femme, il fuit, fi que nul ne le Ah! Bayard, aurai-je ce que je de-,,peut approcher." "Bayard a été mande. Vous eftes mort fi vous ne ainfi nommé, à cause de la couleur

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* Les quatre Fils-Aymon, chap. 30.

Venez de mille Ayeux; & fi ce n'eft affez,
Feuilletez à loifir tous les fiecles paffés;

Voyez de quel Guerrier il vous plaît de descendre; Choififfez de Céfar, d'Achille, ou d'Alexandre: 55 En vain un faux Cenfeur voudroit vous démentir, Et fi vous n'en fortez, vous en devez fortir. Mais fuffiez-vous iffu d'Hercule en droite ligne, Si vous ne faites voir qu'une baffeffe indigne, Ce long amas d'Ayeux, que vous diffamez tous, 60 Sont autant de témoins, qui parlent contre vous; Et tout ce grand éclat de leur gloire ternie Ne fert plus que de jour à votre ignominie. En vain tout fier d'un fang que vous déshonorez, Vous dormez à l'abri de ces noms révérés.

65 En vain vous vous couvrez des vertus de vos Peres:

Baye, qui eft un rouge-brun, ou couleur de Chataigne.

IMIT. Vers 42. La Vertu d'un cœur noble eft la marque certaine.] Ce vers explique le fujet de cette Satire. Juvenal a dit :

Nobilitas fola eft atque unica Virtus.
Sat. VIII. v. 20.

La vertu feule eft la Noblesse.

CHANG. Vers 47. Savez-vous pour la gloire oublier le repos?) Ce vers étoit ainfi Savez-vous fur un mur repouffer des affauts? Mais l'Auteur le changea dans l'édition de 1701. qui eft la derniere qu'il ait donnée. Il trouvoit que Affauts & Dos ne rimoient pas aux yeux; & le vers qu'il a fübftitué contient un fens plus beau.

IMIT. Vers 50. Alors foyez iffu des plus fameux Monarques, &c.] Juvénal dans la même Satire VIII. v. 131. & fuiv.

Tunc licet a Pico numeres genus, altaque fi te Nomina delectant, omnem Titanida pugnam,

Inter majores, ipfumque Promethea ponas:

De quocumque voles proavum tibi fumito libro.

IMIT. Vers 60. Sont autant de témoins, &c.) Juvénal au même endroit, v. 138. & fuiv.

Ce ne font à mes yeux que de vaines chimeres.
Je ne vois rien en vous qu'un lâche, un impofteur,
Un traître, un fcélérat, un perfide, un menteur,

Un fou, dont les accès vont jusqu'à la furie, 70 Et d'un tronc fort illuftre une branche pourrie.

Je m'emporte peut-être, & ma Mufe en fureur Verfe dans fes difcours trop de fiel & d'aigreur. Il faut avec les Grands un peu de retenue.

Hé bien, je m'adoucis. Votre race eft connue. 75 Depuis quand? Répondez. Depuis mille ans entiers; Et vous pouvez fournir deux fois feize quartiers. C'est beaucoup. Mais enfin les preuves en font claires: Tous les Livres font pleins des titres de vos Peres: Leurs noms font échappés du naufrage des temps. so Mais qui m'affurera, qu'en ce long cercle d'ans, A leurs fameux Époux vos Ayeules fidelles, Aux douceurs des Galans furent toûjours rebelles? Et comment favez-vous, fi quelque Audacieux N'a point interrompu le cours de vos Ayeux; 85 Et fi leur fang tout pur, ainfi que leur nobleffe, Eft paffé jufqu'à vous de Lucrece en Lucrece ?

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Que maudit foit le jour, où cette vanité Vint ici de nos mœurs fouiller la pureté !

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Dans les temps bienheureux du Monde en fon enfance, 90 Chacun mettoit fa gloire en fa feule innocence. Chacun vivoit content, & fous d'égales loix, Le Mérite y faifoit la Nobleffe & les Rois; Et fans chercher l'appui d'une naiffance illuftre, Un Héros de foi-même empruntoit tout fon luftre. 95 Mais enfin, par le temps le Mérite avili

Vit l'Honneur en roture, & le Vice annobli;

Et l'Orgueil, d'un faux titre appuyant fa foibleffe,
Maîtrifa les Humains fous le nom de Nobleffe.

De-là vinrent en foule & Marquis & Barons.
100 Chacun pour fes vertus n'offrit plus que des noms.
Auffi-tôt maint Efprit, fécond en rêveries,
Inventa le blafon avec les armoiries;

De fes termes obfcurs fit un langage à part,
Compofa tous ces mots de Cimier, & d'Ecart,
105 De Pal, de Contrepal, de Lambel, & de Face,
Et tout ce que Segoing dans fon Mercure entaffe.
Une vaine folie enivrant la Raifon,

tiers, &c. La plus haute preuve,
que l'on faffe ordinairement eft de
trente-deux quartiers.

VERS 106. Et tout ce que Segoing dans fon Mercure entaffe.) Dans les premieres éditions "l'Auteur avoit mis Vulfon, au lieu de Segoing; parce qu'il avoit confondu ces deux Auteurs, dont le premier,

VERS 86. De Lucrece en Lusrece.) La Chafteté de LUCRECE, Dame Romaine, eft fi célèbre,qu'elle a paffé en proverbe. L'Auteur qui eft VULSON DE LA Com'a dit qu'un homme, qui pour- LOMBIERE, a compofe la Scientant fe piquoit d'efprit, s'imagi- ce héroïque, traitant de la Noblesse, noit bonnement qu'il parloit du Poë- & de l'origine des armes, de leurs te Lucrèce. Blazons & fymboles, &c. en 1644.

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