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qu'ils tomberent prefque dans le defefpoir; tant ils fe
trouvoient éloignez de la perfection de leur état. Ce 4. 5. &c.
fut une occafion à l'abbé Pinufe de les entretenir de

la penitence, & des moyens de réparer les fautes paf-
fées. Il les pria inftamment de demeurer dans fon mo- c. 11. inf.
naftere mais le defir de voir le fameux defert de
Scetis les empêcha de s'y arrêter.

II

y

:

Ils traverferent donc le Nil, & pafferent à Diolcos, petite ville à l'une des fept embouchures de ce fleuve, où il y avoit plufieurs anciens & celebres monafteres avoit auffi des anacoretes dans une île fermée d'un coté par le Nil, & de l'autre par la mer; qui ne contenoit que des fables fteriles; & où ils n'avoient d'eau que celle du fleuve, diftant de leur habitation de plus de trois milles, enforte qu'ils la ménagoient avec plus de foin, qu'on ne conferve ailleurs le vin le plus précieux. Encore ce chemin étoit des montagnes fabloneufes trés-difficiles à paffer.. Un de fes anacoreres nommé Archebius, voyant le defir de Caffien & de Germain de demeurer en ce lieu là, leur laissa sa cellule toute meublée, feignant d'avoir déja résolu de loger ailleurs, & aprés en avoir bâti une autre avec bien de la peine, il la laiffa encore par le même artifice à d'autres freres furvenans, & en bâtit pour lui une troifiéme. Cet Archebius étoit d'une bonne famille de Diolcos: il fe retira dés l'enfance dans un monaftere qui n'en étoit qu'à quatre milles; & pendant cinquante ans qu'il y vêcut, il ne revint pas à la ville, & ne vit aucune femme pas même sa mere. Toutefois fçachant qu'aprés la mort de fon pere, elle étoit inquietée pour une dette de cent fols d'or qu'il avoit laiffée: il fit fi. bien qu'en travaillant jour & auit pendant une année fans fortir de fon monaftere,

a

V.

Fiammon. Jean.
Coll. XXI 11.6.

Inftit. x. c. 36.

c. 373

c. 38.

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Coll. XVIII. c. I.

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C. 4

il gagna cette fomme, acquitta la dette, & mit fa

mere en repos.

Dans cette folitude de Diolcos, Caffien & Germain virent l'abbé Piammon, le plus ancien de tous les anacoretes & leur prêtre. Il avoit le don des miracles, & en fit plufieurs en leur prefence. Il les reçut avec beaucoup d'humanité; & leur ayant demandé le fujet de leur voyage, il leur parla des trois genres de moines qui fe trouvoient en Egypte: les Cenobites vivant en communauté : les anacoretes, qui aprés s'ê tre formez dans la communauté, paffoient à une folitude plus parfaite: les Sarabaïtes, qui étoient des vagabonds & des faux moines. Il rapporte aux temps des apôtres l'institution des Cenobites, comme un refte de la vie commune des fideles de Jerufalem; & dit qu'ils ont produit les anacoretes, dont il compte pour les premiers S. Paul & S. Antoine. Quant aux Sarabaïtes, le libertinage & l'avarice les faifoient vivre fans regle; & ils s'étoient fort multipliez. Les Cenobites & les anacoretes étoient à peu prés en nombre égal dans l'Egypte; dans les autres païs il y avoit beaucoup plus de Sarabaïtes. Ce que j'ai reconnu, disoit Piammon, du temps de la perfecution que Lucius Sup. liv. xv1.n.36. évêque des Ariens excita fous l'empire de Valens; lorfque je portois des aumônes à nos freres releguez dans les mines de Pont d'Armenie. Il y avoit une quatriéme espece de moines: fçavoir des Ermites libertins, qui fe retiroient de l'obéïffance pour vivre feuls fous le nom d'Anacoretes.

c. 6.

6.7.

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Quelques jours aprés, Caffien & Germain allerent Coll. XIX... au monaftere de l'abbé Paul, habité de plus de deux cens moines : mais alors il s'y en étoit assemblé une multitude infinie des autres monafteres, pour cele

G. 2.

brer l'anniversaire du precedent abbé. Comme ils étoient dans une grande cour rangez douze à douze pour prendre leur repas, un jeune frere tarda un peu trop à apporter un plat. L'abbé Paul lui donna un fouflet qui s'entendit de fort loin: mais le jeune homme ne murmura point, ne changea pas de couleur, ne perdit rien de fa modeftie, & tous les affiftans en furent extrêmement édifiez. Le plus ancien de ce monaftere, étoit le venerable Jean, diftingué par son humilité, qui lui avoit fait quitter la vie d'anacorete, pour rentrer dans la communauté. Il entretint les 3.4.c. deux amis de la difference de ces deux états, des avantages & des périls de l'un & de l'autre, il mettoit la fouveraine perfection à en joindre les vertus: comme j'ai vû, dit-il, en l'abbé Moïse, en Paphnuce & les deux Macaires. Ils étoient infatiables du repos de la folitude, & de leur part ne defiroient aucune focieté humaine: toutefois quand on les alloit vifiter, ils fouffroient la multitude & les foibleffes de leurs freres avec une patience inébranlable: comme s'ils n'euffent fait que les fervir toute leur vie.

VI.

Thomas. Abraparens han.

Caffien & Germain virent enfuite l'abbé Theonas, & apprirent l'occafion de fa converfion. Ses l'avoient marié trés jeune, pour éviter la débauche. Aprés qu'il eut vêcu cinq ans avec fa femme: un jour il alla, felon la coûtume, avec les autres habitans, porter au monaftere vofin les dixmes ou les prémices de fes fruits. Ils furent reçûs par un vieillard nommé Jean, que l'on avoit choisi pour cette fonction, à caufe de fon merite; & qui pour récompenfe de leur charité, leur fit une inftruction fur le devoir de donner à Dieu les dixmes & les prémices, afin qu'el les fuflent employées aux befoins des pauvres ; &

6.5.6.7.

4,10

C. II.

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fur l'excellence de la perfection évangelique au deffus de l'obligation de la loy. Theonas touché de cette exhortation, résolut de quitter fa femme, pour embraffer la vie monaftique; & n'ayant pû lui perfuader d'en faire autant, il ne laiffa pas d'executer fon deffein, & la quitta malgré elle. Ce que Caffien ne propofe pas, comme un exemple à imiter; mais comme une conduite extraordinaire, que Dieu avoit autorisée, en donnant enfuite à Theonas le don des miracles. Il avança tellement dans la vertu, qu'aprés la mort d'Elie, fucceffeur de Jean, il fut élû d'un commun confentement pour la même charge de recevoir & diftribuer les aumônes, que l'on nommoit en grec la diaconie, & qu'ils eftimoient trés-importante.

f

L'abbé Theonas étant venu voir Caffien & Germain dans leur cellule, & s'étant affis à terre avec eux comme c'étoit le temps pafcal, ils lui demanderent: Pourquoy chez vous obferve-t-on fi exactement de ne point fléchir du tout les genoux dans l'oraison pendant ces cinquante jours, & de ne point jeûner jufques à none? Car nous ne voyons point qu'on le pratique fi régulierement dans les monafteres 6. 12. 13. de Syrie. Theonas répondit: Le jeûne eft de foi une chofe indifferente, qui par confequent peut être observée ou non, felon les occafions. Il eft de tradition apoftolique de celebrer en joye, non feulement les quarante jours où JESUS-CHRIST parut aprés fa refurrection, mais encore les dix jours que fes difciples pafferent en retraite jufques à la defcente du S. Efprit; & afin que ce relâchement ne nous faffe pas perdre le fruit de l'abftinence du carême, nous ne le faifons consister qu'à avancer un peu l'heure de nôtre repas;

C. 20

6.231

c'eft

e-fix .25.

c: 27.

c. 28.

c'est-à-dire de le prendre à fexte au lieu de none, fans rien changer en la qualité ni en la quantité de la nourriture; ainfi ils ne mangeoient toûjours que douze onces de pain par jour. Germain demanda c.240 pourquoi le carême n'étoit que de fix femaines, ou de fept en quelques païs: puifque ni l'un ni l'autre nombre ne font que quarante jours, en ôtant le famedi & le dimanche où l'on ne jeûnoit point; mais feulement trente-fix jours? Theonas répondit: Ces trentejours font la dixme de toute l'année, qui eft de trois cens foixante-cinq jours; & ce qui fait la diverfité c'eft que ceux qui ne jeûnent que fix semaines, jeûnent le famedi. On n'a pas laiffé de nommer tout ce temps carême ou quarantaine, peut-être à cause des quarante jours du jeûne de Moïle, d'Elie & de J. C. même. Les parfaits ne s'aftreignent pas à cette loi, & ne renferment pas leur jeûne à des bornes fi étroites: les anciens jeûnoient toute l'année; & cette loi du carême n'a été introduite qu'en faveur des foibles: afin qu'ils donnassent à Dieu au moins la dixme de l'année. On voit ici combien Caffien, & ceux dont il rapporte les difcours, étoient perfuadez de l'antiquité & de l'utilité du carême. L'abbé Theonas les coll. xx11. XXIII. entretint enfuite des illufions nocturnes & de cette parole de faint Paul: Je ne fais

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.29.

30.

pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas; leur Rom. v11.19.6.57. montrant que les faints même ne font pas exempts de peché, ni parfaits en cette vie.

18. &c. .

Caffien & Germain aprés avoir demeuré quelque Coll. xxxv.c, 54 temps en Egypte, furent violemment tentez de retourner en leurs païs, auprés de leurs parens, qui étant riches & pieux, ne les détourneroient point de leur bon deffein, & leur fourniroient abondamment Tome V

C

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