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AN. 404.

lifons point dans l'évangile, répondit S. Augustin, que J. C. ait dit, je vous envoye le paraclet pour vous inftruire du cours du foleil & de la lune. Car il vouloit faire des Chrétiens, & non pas des mathematiciens. Il fuffit aux hommes de fçavoir de ces chofes pour l'ufage de vie, ce qu'ils en apprenent dans les écoles. Autremement je vous demande combien il y a d'étoi les, & vous étes obligé de me répondre : vous qui prétendez, que le S. Efprit vous a enfeigné ces fortes de chofes. Mais en attendant, je vous expliquerai ce que 2. Gor. X11. 12. dit S. Paul de l'imperfection de nos connoiffances. Il parle de l'état de cette vie, & pour le montrer, voyez ce qu'il dit: Nous voyons maintenant comme dans un miroir & en énigme, mais alors nous verrons face à face. Dites-moi, vous qui prétendez que l'apôtre prédifoit le temps de Manés, voyez-vous maintenant Dieu face à face?

C. 12.

A

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Felix dit: Je n'ai pas affez de force réfifter à pour vôtre puiffance, le rang épiscopal eft grand: je ne puis réfifter non plus aux loix des empereurs, & je vous ai prié de m'enseigner fommairement, ce que c'eft que la verité. S. Auguftin aprés avoir repris en peu de mots, ce qui avoit été dit jusques-là, & monque Felix n'avoit pu lui répondre; ajoûta: Vous avez dit que vous craignez l'autorité épiscopale; quoique vous voyez avec quelle tranquilité nous difputons; ce peuple ne vous fait aucune violence, & ne yous donne aucun fujet de crainte; il écoute paifiblement, comme il convient à des Chrétiens. Vous avez dit que vous craignez les loix des empereurs; un homme qui feroit rempli du S. Efprit, n'auroit pas cette crainte, en foutenant la vraye foi. Felix dit: Les apôtres mêmes ont craint. Ils ont craint, dit S.

Auguftin,

Auguftin, jufques à fe cacher, non jufques à refufer AN. 404; de déclarer leur foi quand ils étoient pris. Hier vous donnâtes une requête au curateur de la ville, en criant publiquement que vous vouliez être brûlé avec vos livres, fi on y trouvoit quelque chofe de mauvais: vous imploriez fi hardiment les loix, & aujourd'hui vous fuyez lâchement la verité.

6. 17.

c. 18.

Enfuite Felix demanda qu'on lui apportât les écrits 14. de Manés, les cinq auteurs dont il avoit parlé le jour précedent, & en particulier le livre qu'ils nommoient Trefor. S. Auguftin foutint qu'il fuffifoit d'examiner l'épître du fondement, qui étoit un des cinq livres; & continuant de la lire, il y trouva ces paroles: Ses royaumes font fondez fur une terre lumineufe & heureufe: en telle forte qu'ils ne peuvent jamais être remuez ou ébranlez. Sur quoi S. Auguftin lui demanda, fi Dieu avoit fait cette terre, s'il l'avoit engendrée, ou fi elle lui étoit coëternelle. Aprés plufieurs chicanes, Felix dit que cette terre n'étoit hi faite ni engendrée, mais coëternelle à Dieu: & qu'il y avoit trois chofes de même fubftance, le pere non engendre, la terre non engendrée, l'air non engendré. S. Auguftin lut enfuite ces paroles: Mais le pere de la 19. trés-heureuse lumiere, fçachant qu'il s'élevoit des tenebres une grande destruction qui menaçoit ses saints fiecles, s'il ne lui oppofoit une puiffance excellente, pour furmonter la nation des ténebres, & l'ayant détruite, affurer un repos perpetuel aux habitans de la lumiere. Sur quoi S. Auguftin dit: Comment cette nation de tenebres pouvoit-elle nuire à Dieu, dont il a dit auparavant que les royaumes étoient fi folidement fondez, qu'ils ne pouvoient être ni remuez ni ébranlez? Felix dit: Si rien n'eft oppofé à Dieu, Tome V.

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pourquoi J. C. a-t-il été envoyé nous délivrer des liens de la mort ? pourquoi fommes-nous baptifez? à quoi fert l'Euchariftie & le Chriftianifme? S. Augustin répondit: J. C. eft venu nous délivrer de nos pechez, parce nous ne fommes pas engendrez de la fubftance de Dieu, mais faits par fa parole. Or il y a grande difference entre ce qui eft né de la fubftance de Dieu, & ce qu'il a fait. Tout ce qu'il a fait eft fujet au changement: mais Dieu n'y eft point fujet, parce que l'ouvrage ne peut être égalé à l'ouvrier. Mais vous qui venez de dire que le pere qui a engendré des enfans de lumiere, & l'air & la terre & les enfans, ne font qu'une fubftance, & que tout eft égal: il faut que vous me difiez, comment la nation des ténèbres pouvoit nuire à cette substance incorruptible..

Felix dit: Je demande un délai, pour pouvoirré pondre. S. Auguftin dit: Quand demain fuffit-il?: Felix dit: Donnez-moi trois jours, c'est-à-dire aujourd'hui, demain & aprés demain, ou jusques au lendemain du Dimanche, qui fera la veille des ides de Decembre. S. Auguftin lui accorda ce délai. Mais, ajoûta-t-il, fi vous ne pouvez répondre au jour marqué, qu'arrivera-t-il? Je ferai vaincu, dit Felix. Et fi vous vous enfuïez? dit S. Auguftin. Felix dit: Je ferai. coupable envers cette ville & toute autre, & envers ma loy. S. Auguftin dit: Dites plutôt : Si je fuis, que je fois tenu pour avoir anathematisé Manés. Je ne le puis dire, dit Felix. S. Auguftin dit: Dites-nous donc nettement que vous penfez à fuir, perfonne ne vous retient. Felix promit de ne point fuir, & se mit à la garde d'un des affiftans nommé Boniface. Ainfi finit La premiere journée de la conference..

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LVI.

On revint dans l'églife au jour marqué douzième de Decembre 404. S. Auguftin ayant remis l'état de Seconde journée, la queftion, Felix dit qu'il n'avoit pû se préparer, parce qu'on ne lui avoit point rendu fes écritures. S. Auguftin dit: Vous faloit-il tant de temps pour trouver cette chicane? Vous avez demandé un délai: mais vous n'avez point demandé vos livres. Felix dit: Je les demande maintenant qu'on me les rende, & je viens au combat dans deux jours: & fi je fuis vaincu, je me foumets à ce qu'il vous plaira. S. Auguftin dit: Tout le monde voit que vous n'avez rien à répondre. Mais puifque vous me demandez vos livres qui font gardez fous le fceau public: prenez-les, dites ce que vous voulez qu'on en tire pour le voir maintenant, & répondre. Felix s'en tint à l'épître du fondement: & S. Auguftin répeta fon objection, & dit: Si vous adorez un Dieu incorruptible, en quoi lui pouvoit nuire cette nation contraire que vous imaginez? Si rien ne lui pouvoit nuire, il n'a point eu de raifon, pour mêler une partie de lui-même à la nature des démons. Felix pour justifier Manés, voulut prouver par l'évangile & par S. Paul, qu'il y a deux natures, l'une bonne & l'autre mauvaife. A quoi S. Auguftin répondit, que tout ce qui fubfifte naturellement, vifible ou invisible, eft l'ouvrage. de Dieu, & que l'origine du mal eft le libre arbitre; ce qu'il prouva non feulement par criture fainte, mais encore par les livres des Manichéens: par le tréfor & par les faux actes des apôtres de Leutius ; & conclut, en difant: Le dieu que vous feignez, & qui ne fubfifte que dans votre imagination, mêle malheureusement une partie de lui-même, la purific honteufement, & la condamne cruel

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lement. Il montra comme il avoit fait dans la confe rence avec Fortunat, que felon les Manichéens ib n'y auroit point de peché ni de juftice dans la punition; & qu'il faut bien diftinguer ce qui eft de Dieu, comme procedant de fa fubftance, c'est-à-dire fon Fils; & ce qu'il a tiré du néant, comme fon ouvrage.

Enfin aprés avoir fouvent rebatu les mêmes chofes, Felix dit: Dites-moi ce que vous voulez que je faffe. S. Auguftin dit: Que vous anathematifiez Manés auteur de ces grands blasfèmes. Mais ne le faites que dé bon cœur: car perfonne ne vous y contraint. Felix dit: Condamnez-le le premier, afin que je le condamne ensuite. Saint Augustin dit: Je l'écris même de ma main; car je veux que vous l'écriviez auffi de la vôtre. Felix dit: condamnez auffi l'esprit qui a ainfi parlé de Manés. Saint Auguftin ayant pris un papier écrivit ces mots : Moi Auguftin évêque de l'église Catholique, j'ai déja anathematifé Manés & fa doctrine, & l'efprit qui a dit par lui de fi exécrables blasfemes, parce que c'étoit un efprit féducteur, non de verité, mais d'une erreur abominable; & maintenant j'anathematife encore de même Manés & fon ef prit d'erreur. Il donna le papier à Felix, qui y écrivit auffi ces mots: Moi Felix qui ai cru à Manés, je l'ana thematise maintenant lui & fa doctrine, & l'efprit féducteur qui a été en lui: qui a dit que Dieu avoit mêlé une partie de lui-même à la nation de tenebres; & qu'il la délivroit honteusement en transfigurant fes vertus en femelles contre les démons mâles, & encore en mâles contre les femelles, & qu'enfuite attachoit les reftes de cette partie de lui-même à un globe éternel de ténebres. J'anathematise tout ce

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