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C X.

LETTRE

A fon Alteffe Royale Madame de Guise.

Que la mort de nos amis doit nous inftruire.

I

Left vrai, MADA M E, qu'il n'y a rien qui doive détacher davantage des chofes de la terre, que de voir à nos yeux que Dieu nous fepare les uns des autres pár des accidens fubits & imprevis. Ce font des inftructions qui parlent incomparablement plus que celles des Predicateurs cependant perfonne n'en profite, & chacun vit comme fi ces fortes d'évenemens ne les tou

choient point, c'est une grande marque de la dureté de nos cœurs; mais ce qui eft de plus étrange, c'eft que ceux mefme qui regardent ces fortes de coups, comme il

les faut voir, ne tirent nulle utilité de leurs reflexions, & n'en font rien moins que l'ufage qu'ils en devroient faire, Dieu veüille, MADAME, que Voftre Alteffe Royale ait en cela toute la fenfibilité qu'Elle doit avoir; car il veut eftre écouté de quelque maniere qu'il parle, & il faut que l'on croie qu'on lui rendra compte d'une infinité de chofes qui arrivent dans le cours de la vie, qui font de purs effets de fa Providence, ou plutoft de fa mifericorde.

Le monde eft un grand livre; quiconque le confidere avec attention, & le met dans fon veritable jour, c'est à dire, qui l'examine felon les veritables regles, ne manque point d'y trouver avec abondance tout ce qui eft neceffaire pour l'effacer de fon cœur, & l'empescher de s'y laiffer furprendre.

Il ne fe peut que l'on n'ait bien de la joïe de ce que les quatre

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Chanoines de Beauvais ont esté renvoïez innocens, & de voir que les crimes des Calomniateurs ne demeurent pas fans châtiment. Je m'affure que V. A. R. aura joui du repos de la folitude avec une grande paix, & que Dieu vous aura tenu lieu des commerces, & des communications dont vous aurez efté privée. Ma fanté n'eft point bonne, mon rumatisme augmente & devient plus douloureux au lieu de diminuer. Je n'en parlerois pas Voftre Alteffe Royale, fi Elle ne me le commandoit.

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Sur le bonheur de ceux qui favent pras fiter de la naiffance de Noftre - Seigneur; & fur l'illufion presque generale qui regne dans le monde.

I

L n'y a rien par la grace de Dieu, MADAME, dans toutes les Lettres que j'ai eu l'honneur d'écrire à Voftre Alteffe Royale qui ne puiffe eftre vû de tout le monde; cependant il eft toûjours defagrea ble qu'il y en ait quelqu'une, qui tombe en d'autres mains que les voftres.

Je vois bien que V. A. R. fait ce qu'Elle peut, & ce qu'Elle doit pour profiter de ces faints Jours; comme il y a beaucoup à gagner pour ceux qui entreront pleine ment dans les deffeins de Dieu, &

il

qui fe trouveront dans les difpof tions neceffaires pour profiter de la naiffance de JESUS-CHRIST, & recevoir la grace qu'Elle communiquera fans doute aux perfonnes dont les volontez feront conformes aux fiennes; c'est-à-dire, qui feront leur plaifir & leur joïe de s'humilier & de s'aneantir avec lui; auffi y a tout à perdre pour ceux qui negligeront de fe mettre dans l'état où il les demande, & qui au lieu de penfer uniquement à leur falut, feront affez malheureux pour conferver celui du monde. Cette conduite, quelque deplorable qu'elle foit eft prefque generale, & l'illufion ou plutoft l'yvreffe des hommes eft fi grande dans cette region de tenebres, qu'à peine s'en trouvet'il qui confervent la moindre rectitude, & dont tous les pas & les demarches ne foient pleines d'extravagances.

Voftre Alteffe Royale ne peut

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