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nes l'entrée du Douhar, qui n'a pour toute garde qu'un nombre de chiens, qui aboyent fans ceffe à l'approche d'un étranger. Chaque Douhar a un chef fubordonné à un Officier de plus haut grade, qui a fous fon adminiftration un nombre de campemens; & plufieurs de ces divifions, en fous ordre, font réunies fous le gouvernement d'un Bacha, qui aura fouvent mille Douhars dans fon département.

Les tentes des Maures font d'une figure copi que, elles n'ont guères plus de huit à dix pieds d'élévation dans le centre, fur vingt à vingtcinq pieds de long; elles ont, comme celles de la plus grande antiquité, la figure d'un navire renverfé, qu'on verroit par la quille. Ces tentes font fabriquées d'un cordonnet compofé de poil de chèvre, de laine de chameau & de feuilles de palmier fauvage, ce qui fait qu'elles rejettent l'eau mais, de loin, elles font un très-mauvais effet à cause de leur couleur noire.

Les Maures qui font campés, vivent dans la plus grande fimplicité, c'eft le tableau fidèle des habitans de la terre dans les premiers fiècles du monde; l'éducation, la température du climat, & la rigueur du Gouvernement, y diminuent les befoins des peuples, qui trouvent, dans leurs terres, le lait & la laine de leurs troupeaux, tout

ce qu'il faut pour leur nourriture & leurs vêtetemens. Ces campagnards font en ufage d'avoir plufieurs femmes; ce luxe eft moins fenfible chez les peuples qui ont peu de befoins, il tourne même à l'économie des fociétés, parce que les femmes font chargées de tous les foins domestiques. Sous des tentes, affez mal fermées, elles font occupées à traire leurs vaches pour le betoin journalier, & lorfque le lait abonde elles font du beurre; elles trient leur bled, leur orge ou leurs légumes, & font journellement leur farine avec un moulin compofé de deux pierres rondes de dix-huit pouces de diamettre, celle de deffus, qui a une manivelle, est fixée & tourne autour d'un axe, qui tient à celle qui eft en bas ; elles font chaque jour leur pain, qu'elles font cuire, tant bien que mal, entre deux plats de terre, &, affez fouvent, fur la terre échauffée par le feu. Leur manger ordinaire eft le coufcouffou; c'est une pâte faite avec leur farine en forme de petits grains, dans le goût des pâtes d'Italie; on fait cuire ce coufcouffou à la vapeur du bouilton, dans un plat profond, troué par le fond comme une paffoire, & ce plat s'emboîte dans la marmite, où l'on fait bouillir la viande; le coufcouffou, qui eft dans ce plat profond, fe ramollit & fe cuit lentement à la vapeur du bouillon

avec lequel on a foin de l'humecter & de le nourrir de tems en tems. Ce manger, très-fimple, eft en même-tems nourriffant; on le trouve même agrèable, quand on a furmonté les préventions que chaque nation conferve pour fes ufages, & defquelles on ne fe guérit qu'à force de vivre avec les hommes. Les Maures du commun mangent le cou couffou au lait ou au beutre, fans y mettre beaucoup de choix; mais les perfonnes qui font à leur aife, comme les Gouverneurs de province ou leurs Lieutenans, qui vivent dans le centre de leur campemens, le font nourrir d'un bouillon fucculent, fait avec un mêlange de mouton, de volaille, de pigeons ou de hériffons, & le font arrofer enfuite avec du beurre frais. Ces Officiers reçoivent les étrangers dans leurs campemens avec cette cordialité que Jacob & Laban marquoient à leurs hôtes; à leur arrivée ils font tuer un mouton, qu'on met tout de fuite à la broche; fi on n'en a pas une à portée, on en fait une de bois, & ce rôti, cuit à un feu très-vif, fervi dans un plat de bois, a une belle couleur & très-bon goût. Je me fuis fouvent trouvé a de pareils repas, dont je refpectais la fimplicité; je me croyois tranfporté en fonge fous la tente des Patriarches.

Les femmes, fous leurs tentes, préparent encore leurs laines, les filent, & en font des étoffes

fur des métiers, fufpendus dans la longueur tentes (1); ils font formés d'un liteau d'une au & demie de long, auquel les fils de la chaîn d'une part, font attachés; elle tourne de l'au fur un rouleau de même longueur, qui eft en bas par des poids qui la tiennent tendue; ce chaîne eft paffée dans des liffes qui la font cro à volonté; au lieu de navettes, ces femmes f paffer la trame avec leur doigts à travers la ch ne, &, avec un peigne de fer à manche, e preffent cette trame pour donner à leur éto quelque confiftance. Chaque pièce, qu'on app haïque, a environ cinq aunes de long fur une a & demie de large, on ne lui donne ni foulage teinture, ni aprêt; cet haïque, qui fait tout 1 bit des Maures campagnards, n'a point de c ture, il n'eft fufceptible ni de façon, ni de mo on le lave quand il eft fale, le Maure en eft veloppé nuit & jour; c'eft le modèle vivant draperies des anciens.

Les Maures de la campagne ne s'habillent

(1) Ces atteliers font ceux dont on fe fert à la cam gne mais les Tifferans des villes ont des métiers con les nôtres. Chaque particulier achète au marché de la 1 filée, & fait taire à fa fantaifie les étoffes propres

habits.

de leurs lainages, & ne portent ni chemises, ni caleçons; la toile, parmi ces peuples, eft un ufage de luxe, qu'on ne connoît qu'à la Cour & à la Ville. Toute la garde-robe d'un Maure de la campagne, qui eft à fon aife, confifte en un haïque pour l'hiver, un autre pour l'été, une cape, une calote rouge, & une paire de pantoufles ; les gens à la campagne comme à la ville portent une espèce de tunique de laine blanche, grife ou rayée, qui va jufqu'à mi-jambe, avec des grandes manches & un capuçon; elle reffemble à l'habit des Chartreux.

du commun,

L'habit des femmes de la campagne se borne également à un haïque, affujetti par une ceinture; les plis de l'haïque, qui couvrent la gorge & les épaules, font attachés avec des agraffes d'argent. Le feul luxe dont les femmes de la campagne font très- jaloufes, ce font de boucles pour les oreilles, qui font des grands croiffans, ou anneaux d'argent, des bracelets & des anneaux pour le bas des jambes; elles portent ces joyaux dans toutes leurs occupations, moins par vanité que parce qu'elles ne connoiffent point l'ufage des caiffes ni des armoires pour les enfermer. Les femmes portent auffi des colliers en petits grains de verre de couleur, ou bien en clous de girofle, enfilés à un cordon de foie.

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