Imágenes de páginas
PDF
EPUB

s'en alla, & revint peu de tems après avec un mouton à fa gueule, qu'elle offrit à l'étranger; le Brebe, affilié dans cette famille, faifit l'occafion de faire un bon repas, il écorcha le mouton, fit du feu, en fit rôtir une partie, & donna les entrailles à manger aux petits; le lion vint à fon

&, refpectant les droits de l'afyle, il ne marqua aucune férocité; le lendemain l'hôte, ayant achevé fes provifions, s'en alla, & renonça à la réfolution de tuer ces animaux, dont il avoit éprouvé l'hospitalité; il careffa les petits pour prendre conge d'eux, & le père & la mère l'accompagnèrent généreufement jufqu'à la fortie de la forêt.

que,

Cet animal, noble & fier, dont les anciens ont fait le Roi des animaux, n'attaque point les hommes qui l'attendent, & le regardent fans crainte, à moins qu'il ne foit affamé; il peut fe faire par la température du climat, ou parce qu'ils font libres, ces animaux foient moins féroces en Afrique qu'ils ne le font en Europe, dans les ménageries où ils font renfermés; il eft même des quartiers où, felon le rapport des Maures, les femmes & les enfans les éloignent des habitations en criant après eux.

L'empereur de Maroc conferve dans fes ména geries, qui ne font que des foffes ouvertes, vaites

& profondes, des tigres & des lions, autant par magnificence que pour envoyer aux Souverains de l'Europe; les Juifs, qui font chargés de leur porter journellement la nourriture, entrent & fortent avec familiarité, & gouvernent ces fiers animaux avec un rofeau. J'ai eu quelque tems un jeune tigre chez moi, qu'un Gouverneur de province m'avoit donné, il étoit dans une grande cage, & les gens de la maison jouoient avec lui fans qu'il fit aucun mal..

De tous les animaux féroces, le fanglier eft celui qui abonde le plus dans les forêts de cet Empire; cet animal fait plufieurs portées dans l'année & fait nombre de petits, qui fervent de. pature aux lions; quand le lion apperçoit dans la forêt une laie avec plufieurs marcaffins, il fe traîne fur fon ventre & décrit un grand cercle, où il ne laiffe qu'un petit paffage, & il fe tapit tout auprès; la laie, avec fes petits, voulant, fe retirer, fait le tour du cercle que le lion a décrit, & repouffée par l'odeur qu'il a répandue, elle fort enfin, avec précipitation, par le feul intervalle qui n'en eft point infecté, & le lion, qui est tout près, s'empare de la proie. Il y a des exemples que de vieux fangliers ont éventré des lions, mais on doit regarder ces cas particuliers comme des exceptions, & non pas comme une règle, qui

puiffe donner au fanglier aucune fupériorité.

Les habitans de la campagne, & ceux des montagnes, ne font aucune difficulté de manger du fanglier, quoiqu'il foit défendu par la loi, ainfi que du lion; la chair de ce dernier, qui m'a paru nerveuse, doit être très-coriace; l'odeur en eft û forte, qu'un chien, à qui j'en ai une fois préfenté, recula de peur au moment qu'il la flairoit.

CHAPITRE DEUXIEME.

Religion, Gouvernement, Loix, Sciences, Langage, Maurs & Ufages des Maures.

Religion de l'Empire de Maroc.

La religion des Maures est le mahométisme,

obfervé avec plus de rigidité peut-être, ou altéré par des ufages fuperftitieux, que ces peuples auront confervés de leurs anciens cultes, ou qu'ils peuvent avoir reçus des autres nations.

Les Maures fuivent la tradition de l'Imam 'Abdallah Melki ou Melec, qui a été un des quatre commentateurs de l'Alcoran; ils ont le même reípec pour les ouvrages d'Abu-Abdallah Manomet

Ben-Ifmaël el-Boccari, qui a receuilli & réduit e fyftême les traditions orales de Mahomet.

L'Afrique a produit plus de réformateurs d'enthoufiaftes que les autres Etats Mahometan il en eft réfulté, parmi les Maures, une infin de fuperftitions, que l'ignorance & la crédul des peuples ont confondues avec la religion. Qu que les Mahometans occidentaux, & les Tur obfervent le même culte, quant au fonds, différent un peu quant à la pratique. Outre mofquée où les Maures font leurs prières, ils des chapelles ou confréries confacrées à des votions particulières, où ils fe rendent régu ment tous les foirs, & pfalmodient des paffa de l'Alcoran ou des prières qu'ils ont compof ils chantent en enterrant les morts, & ont à 1 faints la dévotion la plus fuperftitieuse: con les Turcs n'ont pas ces cultes particuliers, femblent étrangers au mahométisme, il est à fumer que les Maures auront adopté ces u des Morabéthoun, qui, fans être Dervi étoient liés, par plus d'austérité, à l'obferva de leur culte; peut-être auffi qu'ils ont app ces ufages d'Espagne.

On voit dans tous les Etats Mahométans Religieux ou Dervichs, confacrés par qu you, qui, fous un voile de perfection & fo

décorations bizarres, fe répandent par-tout, & abusent de la crédulité publique ; comme les Turcs d'Europe n'inclinent pas en genéral pour ces inftitutions monaftiques, les grands, parmi eux, par politique & par refpect pour l'opinion des peuples, reçoivent ces hipocrites, mais il en eft pen qui leur marquent de la confiance. A mefure qu'on pénêtre dans le centre de l'Afie, & qu'on approche de l'Arabie & de l'Egypte, où l'enthousiasme & l'efprit de fuperstition sem-` blent fermenter avec la chaleur, les hofpices de ce qu'on appèle fanctons, font plus multipliés & plus accrédités; il en eft qui fe mortfient par des macérations, mais la plupart font des vagabonds, dont le peuple refpecte les momeries. On a enfin pour eux la même vénération que parmi les Maures.

La fainteté, dans cette partie de l'Afrique, eft une profeffion des plus diftinguées, & peut-être des plus lucratives; c'eft un héritage de famille qui passe du père au fils, & quelquefois du maître au valet; un Saint dir avec confiance qu'il eft Saint, comme un Tailleur dit qu'il eft Tailleur : le nombre en eft d'autant plus grand, que les idiots, les imbécilles & les fous, font reconnus pour Saints; il eft cependant vrai qu'à l'égard de leurs prétendus miracles, ce ne font jamais les

« AnteriorContinuar »